Don't drink and talk [Shin & Maya]

Chacun a sa notion du fun j'imagine, mais clairement, cogner dans des trucs qui font mal aux doigts, ça ne rentre pas dans ma définition. Évidemment, la miss ne peut pas s'empêcher d'exagérer une fois de plus, argumentant comme elle peut en faveur de son choix, rejetant à nouveau la faute contre moi (je commence à être habitué), m'accusant de ne pas être assez résistant et.... En fait je m'en fiche royalement, parce que j'ai gagné. Ouais, c'est sûrement un peu puéril comme réaction, mais j'aime bien gagner, c'est comme ça.

- "Bien sûr que je connais. Je ne choisis pas les activités au hasard moi."

J'ai suffisamment tabassé mon frère sur ce jeu pour être sûr de mes compétences. Après tout, mon honneur de grand frère était en jeu, alors j'en ai passé des heures à parfaire mes combos.

- "Ne te retiens pas, j'ai pas envie d'entendre tes excuses quand je t'aurais éclatée."

Je reprends mon petit air supérieur, mais c'est plus fort que moi. Elle est trop agaçante. Je mets une nouvelle pièce dans la machine, les lumières se réveillent subitement tout comme le volume sonore et on arrive rapidement sur l'écran de choix du personnage. Comme souvent, je choisis Sagat et c'est parti. Mes doigts appuient machinalement sur les différentes touches selon les placements et agissements de mon adversaire. Comme elle le disait, Maya ne se débrouille pas si mal, mais finalement, je viens à bout de sa jauge de vie lors du premier round.

- "Heureusement que tu ne t'es pas retenue."

Mon petit ton suffisant pour lui rappeler ses paroles, il faut bien que j'en profite un minimum.

Elle a beau dire ne pas y aller à fond, ce n'est pas comme si je ne l'avais pas prévenue. Maintenant, si elle est suffisamment stupide pour se retenir alors qu'elle a toutes les infos en main, ce n'est pas mon problème. Et forcément, l'issue du round était prévoir. La réaction de Maya aussi.

- "Tu ferais mieux de réveiller les 90% restant si tu ne veux pas continuer à devoir trouver des excuses bidons."

Comme si j'allais la croire. Mais j'attends de voir. Après tout, un peu plus de challenge sur le deuxième round ne serait pas pour me déplaire. Et c'est vrai que finalement, elle arrive à relever le niveau. Un point partout, le dernier signifiera la victoire, pas question que je me rate. Je hausse légèrement les sourcils à sa question.

- "Ça risque pas. C'est vrai que tu sais jouer mais tu n'es pas effrayante non plus."

Je ne crois pas avoir déjà eu peur de perdre à un jeu. Ne pas être certain de la victoire oui, mais c'est tout. Quoi qu'il en soit, je suis au max dès le lancement. Bien sur que je ne compte pas perdre. Le duel qui commence est plutôt intéressant et je dois au moins admettre prendre du plaisir à ce qui se passe en ce moment. C'est toujours beaucoup mieux de faire face à quelqu'un qui ne se laisse pas faire. .

Est-ce que c'est parce qu'on a eu deux matchs pour voir comment jouait l'autre, je ne sais pas, mais j'ai l'impression que cette manche est ultra serrée. On a du mal à se toucher mutuellement et nos barres de vie restent relativement identiques. Plus le temps défile et plus ça s'annonce chaud. Pas question de me déconcentrer. En fait, je suis à présent tellement dans le jeu que je n'entends rien d'autre que la musique qui s'échappe de la borne d'arcade.

Est-ce que je dois encore relever l'absurdité de ses répliques ? Non, je préfère encore faire comme si je n'avais rien entendu. Mon énervement se mérite un minimum quand même et là, on n'y est pas.

- "Mouais."

Oui, voilà, c'est tout ce que je lui accorderai comme réponse. Parce que bien sûr que j'ai doute quant à son côté effrayant... Relou, horripilante, je veux bien, mais pas plus.

- "Je ne veux rien du tout. Contente toi de jouer !"

Si j'espérais qu'elle soit plus silencieuse devant une borne d'arcade, je me suis carrément planté. Elle est toujours aussi usante. Mais ce n'est pas ce qui me fera renoncer à la victoire. Non, je reste dans ma partie. Jusqu'à ce qu'une attaque des plus lâches m'oblige à quitter l'écran des yeux. Je dois même effectuer un pas d'écart, ma main quittant la manette pour assurer un minimum mon intégrité. Le temps que je comprenne le but de la manœuvre, il est trop tard. Maya a déjà eu le temps de passer une attaque puissante qui me met ko.

- "Ok... En fait c'est toi qui flippe. Obligée d'en venir aux coups bas pour ne pas perdre la face, c'est moche..."

Ouais, là je suis énervé. Parce que je déteste perdre. Mais je ne montre aucune effusion de colère. Non, je me contente de garder un ton et un regard glacial qui ne laisse aucun doute sur ce que je peux penser de cette façon de faire. Parce que non seulement je suis dégouté d'avoir perdu, mais en plus je sens encore ses doigts qui viennent directement sur mes côtes et ça, c'est particulièrement dérangeant.

- "Bah j'aurais préféré."

Ok, peut-être que je ne fais pas assez gaffe aux shoes qu'elle porte pour dire ça, n'empêche que je n'aime vraiment pas ce genre de contact. Même quand j'ai bu. Ou alors c'est juste que je n'ai pas assez bu. Pas assez pour pouvoir la supporter correctement en tout cas, ça, c'est sûr.

- "Tu fais c'que tu veux avec tes amis, mais ça fait à peine quelques heures qu'on se connait, alors ne t'avise pas de me mettre dans le lot si facilement."

Oui, je grogne à moitié, mais depuis quand les gens veulent avoir le statut d'amis avec moi ? Autrement que par le biais d'un quelconque réseau je veux dire. Même quand je joue avec mon frère on respecte suffisamment le jeu pour ne pas en venir à de tels stratagèmes. Mais visiblement, elle n'est pas prête d'arrêter de me surprendre. Ce qui pourrait presque être un compliment en y réfléchissant... Mais non. Elle est trop insupportable pour ça.

- "Je continue à être sûr d'être bien meilleur que toi, vu que tu as déclaré forfait en passant par cette méthode de fourbe."

Il n'est sûrement pas question que je reconnaisse une quelconque défaite dans de telles conditions. Mais en même temps, ça ne servirait pas à grand chose qu'on recommence une partie. Elle ferait probablement exactement la même chose. Et je serais un peu trop sur la défensive pour être capable de jouer correctement. Et même si je suis toujours persuadé d'être meilleur, je dois bien admettre qu'elle se défend suffisamment bien pour que je ne puisse pas me contenter de faire les choses à moitié.

- "Tu veux vraiment parler de ma façon d'être avec les femmes ? C'est pourtant pas le lieu le plus adapté. Et je te l'ai déjà dit, on ne finira pas ensemble dans un lit ce soir, alors pas la peine de te montrer si curieuse."

Je suis peut-être un peu sec dans ma réponse, mais c'est de sa faute aussi ! Qu'est-ce que c'est que ces questions ? Non, je n'aime pas parler de choses trop personnelles. Pas avec n'importe qui en tout cas.

- "Bon, tu veux qu'on fasse une partie d'autre chose ? A condition que tu arrêtes de tricher, sinon autant se barrer maintenant."

Ténébreux ? Ça y est, elle est repartie dans ses divagations stupides. Je ne vois pas ce que je peux avoir de ténébreux. En revanche pour ce qui est de ne pas avoir d'amis eh bien... A moins de compter tous les virtuels, non, on ne peut pas dire que ce soit la bousculade pour faire parti de cette liste encore vierge. Mais une fois de plus, je préfère ne pas rentrer dans un débat stérile.

- "Je ne suis pas mauvais joueur. C'est toi qui fait des trucs chelous. Je n'indique pas les évidences, c'est tout."

Depuis quand on sort du virtuel pour instaurer un contact physique ? Je veux bien qu'elle raconte de la merde, mais jusqu'à un certain point. Non, je ne risque pas d’adhérer à son point de vue. Et quand ça concerne le jeu ou ma façon de jouer, forcément que je réplique un peu plus.

- "Je vais me passer de tes conseils. Vu comment tu t'y prends pour gagner, je ne veux même pas savoir quelles méthodes du utilises pour pécho."

Ok, ça c'est peut-être bas, mais c'est de sa faute à être agaçante comme ça !

- "Et j'me débine rien du tout. Je t'ai proposé de choisir le prochain jeu et pour l'instant tout ce que tu trouves à faire c'est de balancer encore des inepties. Trouve donc le jeu qui nous départagera et on en reparlera."

Ouais, elle a beau tricher, ça ne m'empêchera pas de gagner au global. Maintenant que je sais à quoi m'attendre, je ne me laisserai pas avoir une seconde fois !

J'ai encore rien compris. Tant pis. Quoi qu'il en soit, elle ne me fera pas changer d'avis. Bien sûr qu'on ne touche pas les gens qu'on connait à peine ! Cela dit, j'admets que son état d'ébriété manifeste pourrait justifier beaucoup de ses paroles et de ses gestes. Sauf que même là, elle est fatigante à un stade supérieur.

- "Je viens justement de dire que ça ne m'intéresse pas.... Tu comprends vraiment que dalle ou c'est juste que t'écoute pas quand je te parle ?"

Si j'arrive étrangement à garder un calme olympien tout en prononçant cette évidence (sûrement parce que je suis particulièrement blasé en fait) ça n'empêche que ça m'arrangerait qu'elle arrête de retourner tout ce que je peux dire dans un sens improbable. D'autant plus que je n'ai pas envie de m'embêter avec une copine pour le moment. C'est déjà assez chronophage d'avoir repris les études, je compte bien me garder du temps pour moi. Qu'elle soit et jolie et sympa ne changera pas grand chose. Mais autant éviter d'embrayer sur le sujet.

- "Je ne râlerai pas si tu ne trichais pas. Mais comme je gagnerai, la question ne se pose pas."

Comme si j'allais me laisser faire. Mais autant diversifier les jeux. Et si je pensais qu'on irait voir une nouvelle borne c'est tout autre chose devant quoi s'arrête Maya. Ok... Ca c'est le genre de truc auquel je n'ai pas souvent touché. De temps en temps avec le plus jeune de mes frères parce que ça l'amusait tout gamin, mais je n'y trouve pas franchement grand intérêt. Comme le punching ball. Je lâche un léger soupire. Pourquoi est-ce que ses choix doivent être aussi relous qu'elle ?

- "Ok, si c'est vraiment ce à quoi tu veux jouer, c'est parti. Mais cette fois, pas d'excuses, le gagnant sera vraiment déclaré le meilleur."

L'avantage, c'est qu'à cette distance, elle ne pourra pas réutiliser ses coups en douce.

Cette meuf a le don de me perdre complètement, et ça m'énerve sérieux. Je ne sais même plus de quoi on parle avec tout ça ! Mais vu qu'elle ne sait probablement pas elle-même ce dont il est question, ce n'est pas bien grave. De toute façon je sens la fin de la soirée se profiler et il me tarde déjà le moment où nos chemins vont se séparer. Histoire que j'ai la paix. Mais il n'est pas non plus question que j'y laisse mon égo. Donc, avant de partir, c'est important que je gagne ce troisième jeu !

- "Je sais reconnaitre quand quelqu'un gagne de façon honnête. Mais là, ce n'était pas le cas."

Même si je ne l'admets pas forcément de bon cœur, les jeux vidéos font partie de ces quelques sujets qui m'intéressent suffisamment pour que je puisse admettre la valeur d'un adversaire. J'aurais peut-être pu le faire avec Maya, même si elle avait perdu. Mais avec cette façon de procéder, c'est mort. Tout comme cette façon de mettre son premier point au hockey. Je l'avais pourtant vue venir de loin celle-là. Mais faut croire qu'entre anticiper et être assez rapide pour terminer de faire le tour du plateau, me positionner correctement, attraper mon arme et arrêter le palet qui entre déjà dans la fente, ce n'est pas possible.

- "Quel est l'intérêt de poser une question si tu n'attends même pas la réponse ?"

Oui, c'est ce qui se rapproche une fois de plus d'une manip de triche. Mais je ne dirai rien. Ce n'est qu'un point. Je récupère le palet, le remet en jeu, en vise directement en ligne droite en face. Bon, apparemment ce n'était pas si compliqué pour Maya à arrêter. Mais les choses s'accélèrent très rapidement après quelques échanges, les trajectoires deviennent difficiles à anticiper (ok, j'ai pas l'habitude de ce jeu j'ai dit), et je me reprends un 2ème point dans la tronche. Je ne fais aucun commentaire. Ça va, j'ai encore le temps de me rattraper. Alors c'est reparti !

- "S'il n'y avait que les mauvais joueurs que tu n'écoutais pas..."

Non mais parce qu'elle n'a pas attendu cette partie de la soirée pour n'entendre que ce qu'elle a envie. Enfin, ce n'est pas comme si ça m'étonnait encore.

- "Et trouver des excuses pour justifier tes coups en douce, ça ça ne te gêne pas visiblement."

Mon ton n'est as particulièrement agressif, seulement blasé comme il l'est depuis un moment déjà. Je veux bien ne pas être parfait mais quand on se permet de critiquer il faut s'attendre à en entendre en retour. Du moins, c'est comme ça que je fonctionne. Même si généralement j'ai plutôt tendance à être celui qui lance les hostilités. Bah, au final ça ne change pas grand chose par rapport à ma façon de faire habituelle. J'ai juste l'impression que pour une fois, c'est un peu plus justifié.

- "Je galère pas. Je prends juste mes marques. Parce que tu ne choisis que les jeux les plus chelous."

Je remets en jeu le palet une fois de plus rapidement. Je choisis de changer de tactique. Me concentrer en défense et attendre que ce soit Maya qui fasse l'erreur. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler un joli match. Je ne contrôle pas franchement les trajectoires que je crée mais je m'en fiche. Je me débrouille pas trop mal pour ce qui est d'éviter de donner des points à Maya et ça me suffit amplement. En tout cas ça suffit à ce qu'après de trop nombreuses minutes, je marque l'ultime but qui m'assure la victoire. Mais pas franchement une victoire qui me hype particulièrement. Non, je suis juste content de ne pas avoir perdu, mais ça s'arrête là. D'ailleurs ça se voit assez facilement. Aucun excès d'enthousiasme.

- "Allez, c'est bon ça suffit pour ce soir. En plus ça te fera sûrement du bien de commencer à décuver au calme, et moi, de ne plus entendre tes critiques à longueur de temps."

Forcément, vu que je n'étais pas en place, je ne risquais pas d'avoir les réflexes nécessaires... Mais tous ces blablablas me gonflent alors autant jouer. Même si elle est toujours aussi relou en jeu, au moins ça me permet de me concentrer sur autre chose. Le palet qui file à toute vitesse d'un bout à l'autre de la table de jeu a au moins de quoi focaliser mon attention facilement. Je ne suis cependant pas mécontent que la partie se termine. Et la soirée avec. Du moins, c'est ce que j'avais prévu. Ce qui n'a pas l'air au goût de Maya. Est-ce que ce ne serait pas juste parce qu'elle vient de perdre cette partie ?

- "Nan c'est bon, j'ai ma dose. J'ai très envie de profiter du calme maintenant et avec toi dans les parages ce n'est pas possible."

C'était peut-être un peu sec ? Tant pis. De toute façon j'ai l'impression qu'avec cette fille je n'ai au moins pas besoin de m'embêter à faire gaffe à quoi que ce soit. Ce qui pourrait être agréable si elle-même n'était pas si insupportable.

- "Il est largement temps pour les enfants de rentrer dormir."

Non, c'est mort, je ne me lancerai pas dans une nouvelle partie. Bien sûr, cette phrase est purement à but de provocation. Je ne sais pas vraiment quel âge elle a en vrai... C'est vrai qu'elle parait jeune. Mais vu qu'elle était au bar à picoler un peu plus tôt, c'est qu'elle est au moins majeure. Quoi qu'il en soit, je commence à prendre la direction de la sortie. Et puis j'ai besoin de m'allumer une clope. Après tout ce que je viens d'endurer, il va falloir que je fasse redescendre la pression. Et je n'ai malheureusement pas de meilleure solution.

- "Bah si c'est si simple j'aimerais bien que tu arrêtes de brailler à tout va."

S'il n'y a qu'à demander. On ne sait jamais. Je ne me fais pas davantage prier pour sortir de la salle. Si elle veut vraiment poursuivre cette conversation, elle n'a qu'à me suivre. Ce qui me permet au moins d'attraper une clope et un briquet. Je n'avais pas du tout anticipé cette colère que je dois avoir provoqué. Et dont je me fous totalement. J'allume ma cigarette que je porte à mes lèvres quand elle me demande de m'excuser.

- "Hmm, c'est donc ça ton point faible ? Ton égo qui se fait si facilement toucher par un simple remarque sur ton apparence ? Je serai presque déçu."

Pour de vrai. Quoi qu'il en soit, il n'est évidemment pas question que je lui demande pardon pour un truc aussi stupide.

- "En plus ce sont les gamins qui s'accrochent aux basks de la sorte."

Peut-être que je n'étais pas obligé d'en rajouter une couche cela dit.

- "Eh."

Pourquoi est-ce qu'elle m'écrase le pied ? Ça fait mal avec ses grosses shoes ! Je la regarde un peu de travers alors que je m'éloigne d'un pas. Non mais si elle a pu se rapprocher suffisamment pour faire ça, c'est clairement que de base, on était beaucoup trop proches. Et elle est de toute façon beaucoup trop imprévisible pour que je prenne le risque de rester à moins de deux mètres d'elle.

- "Tss, c'est celui qui dit qui y est c'est ça ? Si c'est pas ultra gamin comme mode de raisonnement ça..."

Ouais, je me moque et je ne m'en cache pas. C'est beaucoup trop tentant il faut dire. Je termine ma clope pour jeter mon megot à l'endroit prévu à cet effet et commence à m'éloigner de la zone fumeurs.

- "Allez ramène toi. Où est-ce que tu crèches quand tu ne rentres pas à l'école ?"

Parce que vu l'heure, c'est plus que mort pour rentrer. Il n'est pas question que je me prenne une heure de colle stupidement. Et j'ai encore suffisamment de principes pour ne pas laisser une fille rentrer seule une fois la nuit tombée. Même si elle est insupportable.

- "Je ne me moque pas. Je fais seulement remarquer que tu n'as pas l'air bien vieille. Et ce n'est pas qu'une question de taille."

Est-ce que ce n'est pas pire ?

- "Et je n'ai pas pour habitude de m'excuser quand je ne me considère pas en tort. A toi de faire en sorte d'avoir l'air un peu plus vieille si ça t'embête tant."

Comme si j'allais m'excuser. Qu'est-ce que j'y peux si elle ressemble à une gamine ? Elle peut bien faire la gueule, ce n'est pas ce qui va me gêner. En revanche, c'est vrai que je surveille peut-être un peu plus ses mouvements. Non pas que je la pense dotée d'une grande force, mais elle m'a déjà prouvé à plusieurs reprises avoir tendance à se défouler sur moi sans trop se poser de questions. Et je n'aime pas particulièrement me faire frapper. Même par de petits bras. Surtout quand je n'ai pas très envie d'avoir à répliquer de la même façon.

Mais si j'avais commencé à bouger, je m'arrête en entendant sa réponse, me tournant vers elle les sourcils légèrement froncés.

- "T'es sérieuse ? Ça va pas de dormir n'importe où comme ça ?! Même si c'est en intérieur, c'est dangereux ! Tu ne sais pas si tu ne vas pas te retrouver le lendemain en t'étant fait piquer tes affaires !"

Ouais, ok, ça m'énerve un peu de l'entendre dire ça. Je sais que le Japon est réputé pour être un pays tranquille, mais je suis assez bien placé pour savoir qu'on n'est pas non plus entourés d'âmes sincères et charitables. J'ai un peu envie de la secouer pour lui faire prendre conscience que ce n'est sûrement pas quelque chose à faire. Alors évidemment que je ne vais pas juste la laisser là. J'ai un minimum de conscience tout de même. Surtout en sachant qu'elle est au moins à moitié bourrée.

- "Tu n'as pas de quoi te payer au moins une chambre d’hôtel ?"

Je ne connais pas ses moyens, mais la plupart des gens à KHS pioncent à l’hôtel quand ils dépassent le couvre feu. Et j'avoue que je n'ai pas spécialement envie de la ramener avec moi chez Genzo, qui est à la fois mon boss et mon hébergeur dans ce genre de situation. Ce serait assez gênant.

Est-ce que c'est facile de faire vieux ? J'en sais rien, ce n'est pas comme si c'était une question que je me posais. Je fais juste remarquer que j'y peux rien si elle ne fait pas son âge. Pas la peine de s'insurger à exiger des excuses de la sorte. En revanche s'il y a bien quelque chose pour laquelle elle peut faire quelque chose, c'est sur l'endroit où passer la nuit. Parce qu'un lieu public n'est clairement pas adapté.

- "Tss qu'est-ce que ça peut te faire de dépenser un peu d'argent pour passer la nuit dans un endroit sûr et de façon probablement plus confort que... J'sais même pas quoi, des bancs, ou des banquettes."

Non, vraiment je ne comprends pas. Je suis à peu près sûr qu'elle ne fait pas partie de la très faible part d'étudiants peu aisés que compte cette école. Sinon, autant s'assurer de pouvoir rentrer avant le couvre feu...

- "Je vais rentrer chez un pote. Enfin, c'est surtout mon boss en fait... Mais c'est la seule personne que je connais suffisamment sur Kobe pour me permettre de squatter dans ce genre de cas."

Je soupire légèrement. Qu'est-ce que je suis censé faire dans ce genre de situation ? Non, il n'est pas question que je me barre maintenant en sachant qu'elle va pioncer je ne sais où. Aussi insupportable soit-elle, ma conscience m'interdit strictement de faire ce genre de chose.

- "Tu veux que je regarde où est-ce qu'il y a un endroit pas trop cher où tu peux crécher ?"

Je sors mon téléphone pour commencer à pianoter. Si je lui trouve un endroit, avec un peu de chance elle ne fera pas trop d'histoires et acceptera que je la laisse là bas.

Eh bien... Je crois que c'est la première fois qu'elle dit quelque chose de censé depuis le début de cette soirée. Et ça commence à faire pas mal de temps. Alors même si j'aurais pu répliquer, je crois que pour cette fois, je vais laisser passer. Même si ça ne m'arrange pas des masses. Parce que ça veut dire qu'elle ne va pas vouloir dormir dans un lieu fait pour. Et évidemment, vu l'heure, il n'est pas question de retourner à l'école. A moins d'être prêt à prendre le risque d'une heure de colle, mais si elle avait envisagé de dormir dehors, c'est que ce n'est pas non plus dans les possibilités.

- "J'écoute. J'essaie juste de te trouver une solution moins dangereuse, tu pourrais être un minimum reconnaissante."

Sérieux, je commence à me demander pourquoi est-ce que je m'inquiète pour elle. Pourquoi est-ce que je ne peux pas juste considérer que c'est une grande fille qui sait ce qu'elle fait. Parce qu'elle est bourrée sûrement. Oui, clairement ça ne participe à me rendre plus détendu qu'à mon habitude. En revanche, je ne prends pas plus d'une seconde pour répondre à sa solution toute trouvée.

- "Sûrement pas."

Non, je n'ai pas la moindre envie de l'amener avec moi. Déjà, c'est pas chez moi. Bon, je sais très bien que Genzo n'en a rien à battre. Et puis il y a une chance sur deux pour qu'il ne soit même pas chez lui cette nuit. Mais... Ce serait quand même ultra gênant.

Nouveau soupire.

- "Ça t'enlèverait l'idée de dormir dehors ?"

Ok, je suis aussi à court de solutions. Et là, j'en suis au stade où je dois soit accepter de la laisser là se débrouiller par elle-même, soit j'accepte de la ramener avec moi. La troisième solution serait de lui payer une chambre d’hôtel. Mais je n'ai pas non plus d'argent à jeter par les fenêtres. Et puis ce n'est pas dans mes habitudes.

Je ne relève pas cette fausse note attribuée. Ce n'est pas comme si j'allais accepter ce genre de notation de toute façon. Non, j'ai tout autre chose en tête. La faire changer d'avis. Et pour ça, il faut visiblement que j'accepte de faire des concessions. Sauf que forcément, il faut toujours qu'elle en rajoute. Est-ce que ça m'étonne tant que ça ? Non, je crois que je commence à m'habituer assez facilement à sa façon de faire.

- "Je prévois juste de pioncer, j'te l'ai dit. Va pas croire que ça me fait plaisir. Mais vu comment t'es bornée, c'est pas comme si tu m'avais laissé beaucoup d'autre choix."

Ce n'est sûrement pas la situation idéale. Vraiment, je n'imaginais pas que cette soirée finirait de cette façon. Mais je vais éviter de trop y réfléchir sinon ça va me prendre la tête alors que, bah, c'est comme ça.

Je guide Maya dans la ville, faisant gaffe au passage à ce qu'elle ne se casse pas à nouveau la figure (mais notre dernier verre remonte maintenant, ça devrait aller mieux ?) jusqu'à ce qu'on arrive finalement dans un des quartiers de la ville ou se trouvent plusieurs immeubles. Pas franchement les quartiers les plus favorisés, mais ça reste plus que correct. Je tape le code, la porte s'ouvre. L'ascenseur. Ouais, peut-être que dans ces conditions je préfèrerais les escaliers mais c'est qu'il est tout de même au cinquième et dernier étage. Donc, va pour l'ascenseur.

C'est vraiment trop bizarre comme sensation. Ce n'est pas la première fois que je rentre accompagné après une soirée, mais ça n'avait rien à voir. Là, c'est juste ultra malaisant. Même en sachant que rien ne va se passer. Alors en arrivant devant la porte, si je prie intérieurement pour que Genzo soit absent ce soir, en poussant la porte après avoir tourné la clé dans la serrure, la lumière déjà allumée dans l'appartement me fait clairement comprendre que ça ne va pas être aussi simple. J'ai à peine refermé la porte derrière nous que la voix du propriétaire des lieux se fait déjà entendre de l'autre côté.

- "Ah Shin, tu dors ici ce soir ?!"

Ouais, je suis le seul à avoir les clés, ce n'est donc pas compliqué à deviner. Mais si je suis déjà en train de réfléchir à comment présenter les choses, la silhouette qui apparait est plus rapide que mes pensées.

- "J'aurais b'soin de... Oh, mais t'es accompagné ?!"

- "Elle n'avait juste nul part où dormir."

Mon ton fort peu engageant est le résultat direct de cette situation bien trop incommodante pour que je puisse faire autrement. Et le regard sans équivoque que me lance Genzo en même temps que cette remarque n'a rien pour me faire me sentir mieux. Alors j'avance seulement pour qu'on quitte l'entrée et qu'on puisse arriver dans le salon bien plus spacieux. Là au moins, j'aurais l'impression de mieux respirer.

- Il y a une chambre que tu pourras prendre."

J'indique à Maya, essayant de mettre les choses autant au clair que possible.