[TERMINE]Kyoto 2, electrik bungaloo [Nissa & Maya]

Bien évidemment, les bières, c'est amer ! Surtout au thé matcha, qui l'est tout autant. Mais je ne m'attendais pas à boire un breuvage aussi émétisant. J'aime le chocolat noir, même à quatre-vingt dix pourcent. Là, c'est juste une purge.

« Santé... »

Je fouille mon sac plastique, et en sort un soda. Je le décapsule et cogne la bière de Maya avec laquelle j'ai failli trépasser. Le sucre bien chimique m'enlève le mauvais goût de la bouche. Je ne reviens pas du choix de Maya en question de bière.

« Il doit bien exister des bières aromatisés plus sucrés qu'amers, non ? »

Sa question manque de me faire avaler de travers. Comment j'en ai eu l'idée ? Ce n'est pas si simple et plutôt gênant à décrire :

« Je voulais juste te faire plaisir pour la Saint Valentin - plutôt raté... j'ai visité plusieurs magasins, dans lesquels j'ai trouvé plein d'objets pour la SV... »

Des peluches, des mugs personnalisés, des bijoux, des chocolats, des fleurs... j'en ai visité tellement au point d'en devenir malade à la simple vue du moindre cœur.

« Je cherchais quelque chose de spécial. Je tournais, j'ai failli me cogner contre quelqu'un, et en l'évitant, mes cheveux se sont pris dans le cintre de la nuisette »

Je tire sur mes manches, alors que j'ajoute :

« C'était comme une évidence. Je me suis dit que c'était parfait comme cadeau, joli, dans le thème, personnel et surtout... potentiellement capable de nous rapprocher »

J'aurais préférer lui conter une autre chose.

Fronçant les narines sur son adoration de l'amer, une grimace rebutée s'inscrit sur mon visage. Chacun ses goûts, oui, mais l'amer, c'est vraiment trop un goût pour les adultes, qui ont perdu l'espoir et se repaître dans l’abîme de leur âmes.

« J'oublie parfois que tu es une adulte... »

Je souffle par le nez à cette déclaration.

Le logique de Maya est toujours un mystère pour moi. C'est comme dire, non, ce zéro pointé n'est pas mauvais, c'est juste une différente approche du sujet ! D'accord... trouver une tenue en s'accrochant les cheveux, c'est loin d'être banale.

Mais au point de parler de robe de mariée ?

« Si elle est accrochée à un cintre, pourquoi pas ? »

Je plaisante aussi, mais je ne peux cacher le rose qui s'empare des mes joues. Elle a tellement de facilités à parler de ça, comme si c'était un simple sujet banal... Heureusement, c'est probablement juste une boutade, et n'y pense pas sérieusement.

Probablement.

Elle appuie sur le personnel, et continue sur le charnel. Je sais. Elle me l'a dit des dizaines de fois, ça.  Elle radote, encore et encore. Comme si je n'avais pas déjà réalisé cette information, sur laquelle je bute à chaque fois. Je tombe muette, quelques instants.

« Enfin... bref ! »

Je me laisse choir vers l'arrière sur le lit.

Pfffrt ! À son affirmation, une image d'une autre blonde m'apparaît dans la tête, un certain Geoffrey qui criait à tout le monde son statut de roi. Là, pour moi, c'est du pareil au même. Peut-être un poil abusé, mais franchement... une Maya au pouvoir, qu'est-ce que ce serait ?

Sans rien ajouter, je me laisse engloutir par l'appel du lit. Il est confortable, et le stress de tantôt m'a laissée sur le bas-côté. Je soupire d'aise, et Maya décide de me rejoindre. Je ne la repousse pas, et pose ma main sur ses cheveux.

Un silence s'installe entre nous.

Mes pensées vagabondent un peu, déliés de toute tension. Je me sens apaisée en cet instant pantouflard, aux côtés de « ma chère et tendre » Un souffle par le nez plus tard, mes paupières se ferment peu à peu et je me laisse emporter par ce moment de toute quiétude.

J'oublierai presque notre amour clandestin.

Mais à cette pensée, tout me revient dans la figure. Lundi prochain, les caresses, et les baisers deviendront d'amers éclats de souvenirs. Combien de temps notre relation encaissera cette sobriété ? Combien de temps avant d'entendre l'air se fendre de cette épée de Damoclès ?

Je lâche une question dans l'étendu de notre incertitude :

« T'y crois vraiment à notre relation ? »

Je mets une mèche de ses cheveux en place.

Aucun commentaire sur son ironie de mauvais goût. Y a juste des situations où ce n'est pas toléré, comme justement celle-là, en particulier. Je soupire, et avant de réaliser ce qu'il se passe vraiment, je me retrouve en dessous de Maya.

Je frissonne malgré moi au contact de ses lèvres dans mon cou. Ses propos ont le même effet, et j'appréhende.

« Non, ce ne sont pas tes sentiments que je remets en cause »

Ni les miens. Même si, avouons-le, je ne suis pas autant éprise. Je suis plus modérée, d'un simple « je t'aime » sans fioriture ou promesse d'amour éternel. On est au tout début de notre relation, bercée aux grès des vents de nos chicanes.

Je réalise : elle est assez intimidante vu d'en dessous.

« Et quand on ne sera plus ici, et qu'il faudra faire à nouveau semblant ? »

C'est ça qui me fait peur ; de goûter au fruit défendu avant d'être jeter hors du jardin – comme des malpropres. Et si on se trahissait en ayant les réflexes ressentis et vécus à Kyoto ? Si on s'attrapait naturellement la main en plein campus ?

« Et notre combat, qui l'emporte ? »

À mon tour de me trouver au-dessus d'elle.

Frustrant, frustrant... ça l'est. Tellement. J'ai envie de taper dans un coussin pour laisser s'exprimer toute ma frustration, et ce qui en découle. C'était mon choix avant d'être le sien... j'ai scellé notre avenir proche sous serment.

Maya nous taquine, mes joues cramoisies et moi – simple humaine écrasée par l'immensité des possibilités. Je joue le jeu, la déclarant esclave, et lui donnant l’honneur de m'aider à me sustenter.

Un plan parfait, si la blonde n'était pas si fourbe.

À sa demande de la défaire de mon emprise, je coopère. Je perds un instant mes appuis, et elle.. profite de l'occasion pour avoir de nouveau l'ascendant sur moi. Je sens la présence réconfortante de la muraille dans mon dos, je ne suis pas seule face à cette révoltée !

Elle peut bien me croquer, j'ai pas peur ! Ou du moins, je le croyais.

Une myriade de baiser, et de chatouilles à m'en faire perdre la tête. Tel un lac sous la pluie, où chaque contact de gouttes d'eau, créé une ondulation à la surface, autrefois paisible. Je vibre, frissonne, tressaille à n'en plus pouvoir.

À l'aveuglette, dans un dernier espoir, j'attrape quelque chose qui traîne sur le lit, pour l'utiliser comme bouclier ! La douceur au toucher personnifie l'objet sous les traits de Mr Lapin. Mon ultime rempart, entre cette succube et moi :

« Mr Lapin est jaloux ! »

Que cette torture cesse, je vous en prie.

Être sauvée par Monsieur Lapin tenait de la chimère. Maya s'en défait après un simple bisou sur la tête de la peluche, avec laquelle mes espérances se voient repoussées un peu plus loin sur le lit.

Je ne suis pas du tout tactile.

Maya le sait, elle en joue beaucoup.

C'est bien trop de frissons à supporter !

Alors quand il est question d'implorer sa pitié, mes sourcils se froncent, et mes bras se croisent sur ma poitrine en signe d'opposition. Je pourrais me concentrer  pour oublier les caresses de ses lèvres, sur cette peau envoûté à vif. Mais ce serait fuir :

« Tu peux toujours te brosser ! »

Si ça continue, je lui fais une prise de catch.

Un poil exaspérée par la situation – trop de bisous tuent les bisous, du bout du pied sur son ventre, je la retourne vers l'arrière, et suit le mouvement dans une roulade un peu de travers. Les rôles encore inversés, je la surplombe en silence.

Elle me provoque, et pas qu'un peu.

Ses longs cheveux sont tous emmêlés les uns aux autres, suite à ce petit... jeu ? Une main tenant ses deux poignets au-dessus de sa tête, je remets de l'autre machinalement une mèche en place derrière son oreille. Calmement, je me penche vers son oreille, et lui souffle :

« Je ne sais pas ce que tu attends de moi, et ça ne me plaît pas. Je ne suis pas une peluche que tu peux chahuter à ta guise »

Je relâche mon emprise, et me laisse tomber les pieds sous les fesses. Pour quelqu'un qui est censé comprendre mon état d'esprit, et mon blocage sur l'épanchement amoureux, elle abuse. Un câlin, ça va, quelques bisous aussi. Mais des chatouilles, et des bisous à tout va, ça m'épuise mentalement.

Je ne sais tout simplement pas comment gérer ce surplus de sensations. Ça me fait tourner la tête, et perdre mes repères. Et je n'aime pas être enivrée à l'idée d'aller plus loin. Pas pour l'instant, du moins. Là, je veux juste être tranquille.

Je lui tends la main pour qu'elle se redresse.

Ce que je veux ? Les yeux perdus dans le vide, j'essaye de rassembler mes pensés, sur lesquelles je bute, ou renonce. C'est pourtant simple, non ?

« De la quiétude et de la tendresse »

On peut chahuter un peu, sans que ça écrabouille le consentement. C'est peut-être un mot un peu dur, mais Maya jouait vraiment trop avec mes limites. C'est probablement de ma faute, de ne pas avoir formuler à haute-voix à quel point ça me dérangeait.

« Mais je suis contente d'être avec toi ! »

Sinon, je n'aurais jamais accepté de passer ce week-end en sa compagnie. Elle me donne un argument qui tient la route, et qui est compréhensible. À cela, je réponds :

« On peut en profiter plus sans précipitation, à notre rythme »

Même si le sien et le mien sont probablement très différents.

« Ça va, y a pas mort d'homme »

Comme elle n'accepte pas cette main tendue, je me laisse finalement tomber comme une masse à côté d'elle. Un peu de calme, ça fait du bien... mais c'est aussi ennuyant une fois reposée. Je gesticule un peu, et tombe des nues en voyant ma muraille brisée.

RIP in peace petit ange parti trop tôt.

Je tourne les yeux vers Maya, et j'ai cette impression de lui avoir coupé les ailes. Peut-être ai-je été trop dure avec elle ? La rendre heureuse – et non soucieuse de ses propres gestes,  devrait être mon objectif principal, et j'ai fauté, encore.

Je roule jusqu'à poser la tête sur son ventre.

Petit hochement de tête, presque insistant, à sa réflexion sur la tendresse. Un peu, ça va. Beaucoup, ça passe. Trop, ça dépasse. On en peut pas faire plus simple comme manière d'appréhender les élans d'affections. Encore faut-il juger ce qui est "trop".

« Heureusement que toi aussi ! »

Le cas contraire, j'aurais probablement fait la gueule. Ou je me serais totalement sentie insecure. Quant à sa remarque sur son empressement, je ne peux que me sentir responsable. Je la prive en agissant un peu trop prudemment, alors... c'est compliqué.

« Tu veux y aller trop vite, et j'y vais à la traîne. Faudrait trouver le juste milieu »

Quel bilan ce week-end aura-t-il ? Vais-je me sentir pousser aux fesses tout le long de séjour, ou au contraire, vais-je avoir l'impression de lui avoir interdit la plus simple des affections ? Je soupire, un peu perturbée par tout ça.

Je pose ma tête sur son ventre avant de  :

« Faudrait un mot un safeword pour savoir quand s'arrêter ? »

C'est peut-être un peu trop extrême d'en mettre un en place alors qu'on ne fait rien de dangereux. En tout cas, là, je suis bien, avec ses doigts qui se baladent dans mes cheveux. Je pourrai profiter de ce moment encore longtemps sans commencer à m'ennuyer.

« Tu voudras rester là toute la soirée ? »

Parce que ouais, j'ai aucune idée du repas.

Oui, il faut l’espérer. Ce ne serait pas une vie de devoir jongler entre trop et pas assez. Avec un peu de chance, à forcer de tests et de calibrages, on trouvera une solution potable ! Une qui nous conviendra à toutes les deux...

« Obligé ! »

Son hésitation, et surtout, sa gêne, sont palpables. Je ne réalise pas de suite, mais un souvenir s'imprime dans ma mémoire : le safeword de Kinzie, dans Saints Rows, c'était teacup, mais surtout... il était utilisé dans une situation bien précise.

« Ah oui, je pensais pas à ça ! Mais pourquoi ça te gêne si ce n'est pas dans cet esprit-là ? »

Des choses à avouer, ou au contraire, à cacher ?

La tête toujours posé sur le bidou de Maya, je réfléchis à quoi faire. Il reste toujours Outlast 2 sur le pc portable, mais j'ai l'impression qu'on est trop dissipées pour y jouer. Il y a bien un jeu auquel ça pourrait être sympa de se laisser tenter.

« Et si on se faisait un petit action et vérité ? Mais des trucs mignons pour l'action ? Qu'est-ce que tu en penses ? »

Sinon, on comate jusqu'à l'heure du repas.

Alooooooors... comment dire ? Je ne suis pas réellement surprise par la nouvelle direction prise par la conversation, ni ce que cela implique. Après tout le premier pas fait dans la déviance passé, le deuxième paraît bien simple à côté.

« D'accord... »

En vérité, je ne sais pas quoi dire., ni quoi faire. J'ai les yeux un peu trop écarquillés, fixés au plafond. Heureusement, dans ma position, Maya ne peut pas les voir... ma tête déborde de questions. Si notre relation continue dans la bonne direction, s'attend-elle à subir le même traitement ?

Je veux dire... est-ce que ça lui manquerait ? Elle prendrait sur elle, ou me ferait culpabiliser de ne pas assouvir ses besoins ? Et si elle en ressentait une telle envie au point d'aller voir ailleurs ? Je ne sais pas, c'est un peu brouillon, mais...

« Est-ce que tu attends la même chose de moi... ? »

L'intonation perdue, mais loin de paniquer.

D'après Maya, une telle attention n'est pas obligatoire, mais serait très bien accueilli le cas échéant. Encore une fois, elle me dit « comme tu veux » ; je le mange à toutes les sauces avec elle. Un comme tu veux par-ci, un comme tu veux par-là.

« Les menottes ? Même les couples normaux le font... »

Je bute sur le mot gênant, mais je ne vois pas comment dire les choses sans faire des ronds de jambe. Si pour elle, son délire, c'est d'être attachée, pourquoi pas... Une fois arrivées à cette étape de notre couple, où la gêne s'étiolera, je n'y vois aucun problème.

« Comme tu m'as confié quelque chose de très important, je te laisse poser La question que tu veux, en échange »

Ça s'trouve, elle en a carrément rien à faire.

Forcément ! Forcément, elle allait s'arrêter sur ce mot mal choisi. Je me doute que c'est probablement dans le but de me taquiner, mais ça me fait un  peu bougonner. Je n'ai pas les bons termes pour discuter de tout ça, sans me montrer jugeable.

« Les couples normaux, c'est trop mainstream... »

Je roule un peu pour remonter vers Maya ; je quitte son ventre pour me mettre contre son épaule. Je lui donne l'opportunité de creuser un peu notre relation, et elle... elle saute à deux pieds dedans. Quand elle parle de mon ex, je vois la couleur arriver.

« Je... non ! Pas de menottes... »

Qu'est-ce qu'elle entend par "tout ça" ? C'est tellement vague que je pourrais surfer dessus. Je soupire, avec une probable idée d'où elle veut mener la question. Je ne doute pas une seule seconde de la teinte actuelle de mes joues. Tant pis, elle veut savoir, elle saura.

Et ce, malgré la jalousie.

Je ravale ma gêne, avec difficulté.

« On... on a été un p-peu p-plus loin que toi et moi »

Voilà, laissez les enfers s'abattre sur terre.

Qu'est-ce qu'elle voit ? La sauce avec laquelle elle va me manger ? Je sens l'averse venir, et je suis bien triste de ne pas avoir apporté mon ciré et mes bottes. Tant que ça ne monte pas dans les aigus et les reproches, ça devr... Ah ok.

« Non. »

Il n'y a rien à ajouter à ce simple mot. Le moindre commentaire formulé, serait probablement retourné contre moi. Je déteste cette situation, et je déteste encore plus ces insinuations. C'est loin d'être plaisant d'être accusé à tort de cette façon.

« ... j'appréhende autant... pas plus... »

On a pris le temps de se découvrir, d'aller à notre rythme. Là, Maya, à part me faire sentir coupable, elle n'en obtiendra rien. Ce n'est pas une crise de jalousie, remplie des reproches qui m'aidera à m'ouvrir plus. Ce sera plutôt même le contraire. Je me relève.

« C'est toi qui te compares à lui »

C'est sorti tout seul, brut dans son reproche.