[TERMINE]Kyoto 2, electrik bungaloo [Nissa & Maya]

On déambule dans la longue galerie marchande du Nishiki Market. C'est la première fois que j'y mets les pieds, mais sa réputation ne m'a pas échappée. Il y a plus d'une centaine de stands, magasins et restaurants tout le long du chemin, largement de quoi assouvir notre faim, et curiosité.

La main de Maya est froide dans la mienne alors j’entrelace nos doigts pour lui apporter un peu de chaleur. On profite d'être en terre inconnue pour se rapprocher l'une de l'autre, sans peur d'être dévoilées au monde. Et ce, même si certains regards glissent sur nos mains liées.

« Tu as vu quelque chose qui te donne envie ? »

Après tout, il est déjà quatorze heures, et on a rien avalé à part notre petit déjeuner. C'est donc le bon moment pour s'arrêter à ce stand de croquettes, ou encore celui de brochettes un peu plus loin. Je ne sais pas où mener de la tête, tant il y a de choix.

Ce dernier repose dans la décision de Maya.

Va pour les croquettes ! On déboule tranquillement devant le stand, et un peu curieuse, je regarde les différentes saveurs proposées. Du poulet grillé au matcha ? Ça m'intrigue un tantinet - beaucoup trop, pour passer à coté. Je fais part de mon envie à Maya, et la laisse commander.

On récupère la commande après quelques petites minutes d'attente. Comme il est déconseillé de marcher en mangeant dans la galerie, je me cale contre le mur juxtaposé au stand, et laisse un peu de place à Maya, pour ne pas gêner le flot de passants.

« Merci ! Bon appétit ! » je m'exclame juste avant de croquer dedans.

C'est drôle, l'intérieur est tout vert, mais le goût de Matcha est très peu prononcé. L'extérieur est super croustillant, et tendre sous la panure. Avant de l'éclater en quelques bouchées, je demande :

« Tu veux goûter ? C'est tout léger ! »

Je louche sur la sienne, un peu curieuse.

On échange nos croquettes, et j'ai l'occasion de goûter le sien. Un peu épicé celui-là, qui me taquine la langue. Ce n'est pas mauvais non plus... je prends un deuxième croc pour saisir à nouveau la petite touche relevée. C'est même plutôt bon.

Petit hochement de tête à l'appréciation de Maya, sur la croquette. J'allais planter à nouveau les dents dedans, avant de réaliser finalement que... bah, ce n'est pas la mienne, et que bah... j'ai déjà abusé sur la quantité absorbée.

« Hmpf ! Désolée. Tu peux prendre une autre bouchée, comme ça, on sera quittes ! »

Je suis à moitié sérieuse, mais on appelle ça l'échange équivalent. On récupère nos en-cas respectifs, je le termine et feins une moue boudeuse à sa remarque :

« Tu vas aussi me dire que j'ai besoin d'un bavoir, c'est ça ? »

Faussement courroucée, je m'essuie les commissures – le petit doigt levé, avec la fine serviette en papier servie avec la croquette, avant de la rouler en boule dans le sachet, et mettre le tout dans mon sac. Franchement, ce n'est juste avec ça que ma faim va être assouvie.

« T'as des trucs à acheter ou à essayer ? J'ai vu sur le net qu'il y avait plein d'échantillons à tester ! »

Ce serait bien d'acheter des souvenirs aussi.

Pas une grosse mangeuse... je l'avais déjà remarqué, mais... ce n'est pas une raison valable pour devenir toute rachitique. Hors de question de devenir la ramasse-miettes de Maya alors je la laisse terminer sa croquette, et l'attrape par la main pour continuer la visite.

« Tu vas regretter ses paroles le jour où je vais me comporter comme un bébé, tu verras »

Et pour donner plus de crédibilité à ma remarque, je lui pousse la langue. Croiser les bras aussi aurait pu renforcer ma conviction, mais c'est dur à faire lorsqu'on tient sa petite amie par la main.

« Si ça peut te rassurer... » Je fais un signe de tête vers un petit magasin de couteaux « Il n'y a pas que de la nourriture alors hésite pas s'il y a quelque chose qui te tape dans l’œil »

Mh. Qu'est-ce qui pourrait leur faire plaisir ?

Chou les bébés ? Ça braille, ça pue, ça vomit... et ça coûte cher ! À choisir, je préfère largement avoir un démon poilu à la maison au lieu d'un enfant. Mais si on reste en couple jusqu'à en être sur la discussion des enfants... je sais pas, faut voir.

« Tu voudrais adopter un enfant de quel âge ? »

Une information vitale, bien vite occultée sur le fait de m'aimer encore... plus ? Je tire sur mon écharpe pour la remonter jusqu'à mon nez, et cacher un peu ma gêne. Elle dit ça avec tellement d'aisance, je fais bien pitié à côté d'être si peu démonstrative.

On change vite de sujet et tombe sur celui du miam. Franchement, je pense qu'elle n'a pas réellement conscience de l'amplitude de mon adoration pour la nourriture. Et comment je peux devenir une affreuse teigne quand j'ai vraiment faim.

Quant aux couteaux... elle rebondit juste sur mon exemple, ou elle est vraiment intéressée ? Je hoche tout de même vaguement la tête pour répondre à son propos. Il y a vraiment un peu de tout dans le Nishiki Market. On doit sûrement pouvoir trouver un salon de thé, ou quelque chose s'y rapprochant.

« S'il y en a, je pense que la dégustation se fera debout... Ou bien... tu veux sortir de la galerie et regarder aux alentours ? »

Ce serait dommage d'en sortir aussi vite.

Une petite ? C'est vague comme terme, puis très féminin. Est-ce si étonnant de la part de Maya ? Elle est incapable de supporter la gente masculine, alors un enfant garçon... je ne sais pas trop si ce serait différent. Puis, petite, ça peut aller de 0 à 12 ans, non ?

« Petite ? C'est de quel âge à quel âge pour toi? »

Je suis peut-être une peu trop insistante avec mes questions, mais ça m'intéresse vraiment. Savoir ce genre d'informations, ça me permet d'en apprendre encore un peu plus de Maya. Ne pas s'arrêter à ce qui se dit sur elle, et creuser toujours un peu plus.

Comme aucune de nous deux n'a l'air dérangé de boire debout, je sonde un peu du regard les stands environnants. Oh ! J'ai trouvé quelque chose, mais pas un salon de thé. Toujours la main dans la main, je l'amène devant un magasin de mochi :

« Y en a à la tangerine, t'as déjà goûté ? »

Ils ont l'air énorme ceux-là, ça donne envie !

Deux trois ans, c'est un bon chiffre. Ce n'est pas trop jeune, ni trop vieux pour tisser des liens forts. Ou du moins, j'imagine. Mais je me rembrunis à la suite de sa phrase, et serre sa main un peu plus fort dans la mienne.

« Ouais... »

On connaît la réalité. Il n'y a rien à ajouter.

« Ce que j'en pense ? … hm. Difficile à dire, je suis encore un peu trop jeune pour réellement y penser. Mais vu comment la population est en déclin, c'est presque un devoir d'avoir un enfant... non ? Même si ce n'est pas un bon argument pour en avoir... »

Je hausse les épaules, incertaine. Je ne sais pas où j'en serais dans plusieurs années... ni si j'aurais la fibre maternelle. Déjà, je compte sur mon frère et Sumire-chan pour faire de moi une tata gâteuse. La suite, on verra bien où la vie nous mène.

Quant au mochi à la tangerine :

« Ouais, ça a l'air bon mais surtout, conséquent ! Vu la taille, j'en prends qu'un seul et on goûte à tour de rôle ? »

Cette fois-ci, c'est à moi de payer ! Je commande rapidement ce que je désire, laissant un peu de côté les autres saveurs. Une fois acheté, je soupèse le truc dans ma main... ça a l'air vraiment super compact ! Je tends le mochi à Maya, avec un sourire :

« À toi l'honneur ! »

J'espère que ça va vraiment lui plaire !

Quand Maya commence à me contredire sur mes paroles, je réalise seulement ce que j'ai pu dire ; comment répéter bêtement les dires de Momo, tellement matrixée par elle. Je baisse les yeux sur nos mains nouées, et m'excuse :

« Désolée, ce n'est pas ce que je voulais dire pour les enfants »

Je me sens stupide.

Vraiment.

Au moins, la blonde a l'air d'apprécier le mochi. Je croque à mon tour dedans, et c'est... ridiculement bon. Une sensation similaire à manger un mochi avec du jus d'orange, tellement c'est juteux ! On se le partage, et je prends le dernier croc, faisant attention à ne pas en mettre partout.

Ensuite, on reprend la visite du marché. À notre gauche, il y a :

« Un magasin de chaussettes ? … en face d'un stand de poissons... »

Une moue dubitative sur le visage, on continue d'avancer. Il y a tellement de choses qui attirent mon regard ! Je reste attentive aux traits de Maya, au cas où elle serait inspirée par un stand en particulier.

Entre ceux de nourritures – à éviter pour le moment pour ne pas fatiguer ou gaver la blonde, un de Snoopy qui a l'air gigantesque pour les lieux, un autre de miel, et surtout, un de baguettes :

« Tu en as déjà eu des gravées à ton prénom ? »

Ça pourrait faire un joli souvenir à partager.

L'espace d'un instant, j'écarquille les yeux. Je sens qu'on risque de ne pas tomber d'accord si la conversation continue dans ce sens-là. C'est toujours la société, et les mentalités qui sont en cause. Je me contente alors de juste hocher la tête.

« Du poisson ? »

Heureusement, l'odeur n’imprègne pas les lieux, et en avançant un peu, on oublie déjà le stand de poissons. En face de nous, une myriade de baguettes entreposées. Il en a pour tous les goûts. Maya de son côté, m'ôte les mots de la bouche :

« On a pensé à la même chose ! »

Je lui lâche doucement la main, en rentrant dans le magasin. Je papillonne de présentoir en présentoir. Lesquelles feraient l'affaire ? Avec des fleurs, sûrement. Comme celles-là ? Je me retourne vers Maya :

« T'en as vu à ton goût ? »

Je regarde par-dessus son épaule, curieuse.

Par dessus l'épaule de Maya, j'aperçois les baguettes en question. Elles sont plutôt jolies, d'un motif floral comme celles qui ont attiré mon regard. Suivant son commentaire, elle me sort une phrase vraiment clichée, et je pouffe par le nez.

« N'importe quoi ! »

C'est nul à un tel point que même mes joues l'ignorent. Puis, la blonde me demande mon avis concernant les baguettes. Je lui souris :

« Ce sont un peu tes couleurs, c'est un bon choix ! »

Après s'être décidées sur lesquelles acheter, je suis Maya jusqu'à la caisse. Celle-ci demande pour graver nos prénoms sur les baguettes choisies, et je rajoute la date à inscrire. Comme il n'y avait personne devant nous, après quelques minutes, on récupère chacune nos baguettes respectives.

Les gravures sont discrètes.

Tant mieux.

Avant de finaliser nos achats, je rajoute un petit étui pour les ranger. Même si plusieurs repose-baguette me font de l’œil, je m'arrête là. J'en ai déjà pour 7000¥... et on est loin d'avoir fini la visite du marché.

On remercie le vendeur, qui nous lance un regard bizarre au moment où nos mains se nouent à nouveau. Peu importe, on est déjà loin, nos achats dans notre sac.

« C'est à toi de choisir le prochain stand ! »

N'importe quoi, tant que ça l'intéresse.

Pendant la suite de notre visite du marché, Maya laisse entendre son envie de prendre de l'alcool. Je gonfle doucement les joues, un peu ennuyée. La dernière fois, ça a vrillé en partie à cause de l'alcool, et je n'ai pas envie d'assister au même spectacle.

« Mais si c'est typique et local, et pas très fort... pourquoi pas »

Un peu étonnée, je sens les effluves avant de déterminer où Maya me mène : un stand à épices. On s'approche, et de suite, une vendeuse nous propose un échantillon à déguster. J'en accepte un, et je me retrouve à goûter du riz avec un peu de « Kyo-shichimi ».

C'est légèrement épicée, mais ça a bon goût ! Ça peut être un petit plus à ajouter au repas, parfois un peu fade de la cantine. Ouais, c'est une bonne trouvaille! J'hésite à acheter un sachet pour mon plaisir personnel, mais... c'est Maya qui était intéressée :

« T'en penses quoi ? »

Mon regard se retourne vers la jolie blonde.

Être bourrées.. Faire des trucs... Horrible... je déglutis un peu difficilement. En quelques mots, elle a mis le doigt sur ce qui me fait peur. Oh, bien sûr, il y a bien d'autres raisons, mais celles-là sont les plus tenaces dans mon esprit.

« Okay ! Je te fais confiance. »

Je crois ? Sûrement oui. Je ne serai pas de retour à Kyoto, juste avec elle, si ce n'était pas le cas. Je soupire discrètement jusqu'au stand d'épices, et encore une fois, on pense à la même chose, alors je ne peux m'empêcher de plaisanter :

« Sors de ma tête ! Arrête de squatter mes pensées ! » je lui reproche avec un sourire étalé sur les lèvres.

Je regarde le sachet d'épices, le coupable.

« Oui, sûrement... ce serait un outrage à leur cuisine »

M'enfin, comme si ça allait l'en empêcher.

Si ça me dérange, elle arrête... mais, arrêter quoi ? De boire ? Je ne suis pas sûre réellement vouloir déchiffrer. Des fois, on se comprend sans rien dire, et des fois comme-là, je me retrouve perdue - ou plutôt je ne veux pas savoir .

« D'accord... »

Bref.

Maya joue le jeu à fond de télépathie. J'érige un mur mental dans mon esprit pour contrer ses perfides attaques et protéger mes pures et innocentes pensées, avant de lui demander :

« Et là, je pense à quoi? »

Aha ! D'un coup, c'est beaucoup moins facile ! C'est primordial, elle ne doit pas savoir ce que je lui prépare...

On parle de la cuisine du bahut, et, personnellement, j'en suis relativement satisfaite ; on voyage ou retrouve nos classiques, on mange à sa faim. Si je venais à prendre les épices, ce serait seulement pour en saupoudrer mon bol de riz.

« Nan, pas la peine ! »

Déjà trop d'affaires dans mon sac de cours.

Contre toutes attentes – non pas du tout, Maya ne devine plus à quoi je pense. Je pourrais la faire miroiter un peu, le doigt sur la bouche comme pour y réfléchir, mais je ne l'embête pas plus longtemps :

« T'es si loin de la vérité ! »

Et du secret.

Maya finit ses achats, et je lui rattrape la main. On continue d'avancer dans le marché, loin d'être à la fin de la visite. J'étouffe un peu à cause du monde qu'il y a ici, mais on se faufile comme on peut et j'aperçois peut-être le Saint Graal :

« Là ! Ils vendent des crêpes et des Bubble Tea. Ça t'irait ou tu préfères trouver un vrai salon de thé ? »

Il y a l'air d'avoir une salle où s’asseoir.

Roh ! Maya boude, ses jolies joues rondes gonflées comme un enfant contrarié. D'un doigt, je pocke sa pommette de ma main libre, pour évacuer l'air retenu, amusé. J'ai bien envie de l'embrasser, mais pas ici... pas au milieu de tous ses visages inconnus, non malveillant pour le moment.

« Dis-toi que t'as de la chance »

Sinon, je lui volais un bisou !

La blonde a l'air ok pour s'arrêter à ce stand-là. Je n'ai pas plus envie de ça d'une crêpe, alors je me contente de commander un Bubble Tea à la carte. On part s'installer dans le fond, où il y a de quoi s’asseoir et poser nos boissons.

« C'est tellement bondé que ça en devient stressant »

Cette petite pause est grandement méritée.