[TERMINE]Reine de la glisse [Nissa & Maya]

L'appréhension. C'est tout ce que je ressens ce matin. Tsu' a prévu de skier avec d'autres personnes, donc je me retrouve seule avec Maya. J'ai prévu le coup : je me suis dit, ce serait bien de faire du snowboard avec elle. Je trouve ça vraiment classe !

Alors même si j'ai un peu des connaissances dans cette pratique, j'ai révisé les bases sur youtube. Le « one foot », le « backside », le « fronside » et la « feuille morte ». Autant de techniques, qui paraissent simples, mais me font un peu peur.

Le tire-fesses... Je l'ai vu venir celui-là. J'étais toute prête à l'affronter, en « one foot » comme dans l'explication. J'ai tout fait comme il fallait, pourtant, j'étais loin d'être rassurée, et j'ai poussé un soupir de soulagement en le quittant.

« Je... Je ne suis pas si sûre d'être prête ? »

Habituellement, je ne suis pas vraiment une flipette. C'est juste que... Je suis fatiguée de toutes ces matinées à skier, et j'ai les méthodes du ski en tête, qui sont bien différentes du snow. J'ai peur de me mélanger les pinceaux, et de me ramasser.

Enfin... Tomber, ce n'est pas si grave. Sauf si tu te pètes la jambe évidemment. Si ça arrive, ça serait en fin de séjour, donc tout ne serait pas perdue. Mais tout de même, j'aimerai rentrer en un seul morceau à la maison, et fêter nouvel an avec mon frère, comme prévu.

J'attache mon pied, et fait un signe de tête.

D'après Maya, je suis prête. Prête à me vautrer, sûrement. Non, allez... un peu de confiance en soi ! Je peux le faire ! Ce n'est pas la première où je me retrouve sur un snow ! Je connais les bases, les mouvements, tout devrait bien se passer.

Quand la blonde me dit de bien m'attacher, je vérifie si tout est bien en place, avant de la suivre. Elle veut qu'on se cale sur les bords de la piste, pour éviter de gêner le plus de monde possible. Je me laisse porter par la simple glisse de ma planche sur la neige.

« Oui ! C'est comme si ça avançait tout seul ! »

Je ne suis ps sûre de comprendre le début de sa phrase, mais la suite est limpide : se tenir les mains. Avec un poil d'hésitation, je les saisis du bout de mes gants. Avec ces derniers, je ne ressens pas la chaleur des ses doigts, ce qui m'évite de rougir.

Je ne suis plus totalement parallèle à ma planche, avec les mains tendues. Pourtant, dans la vidéo, il disait que c'était un des points les plus importants ! Alors je commence un peu à paniquer intérieurement ! Je n'ai pas envie d'entraîner Maya dans ma chute.

Je me replace maladroitement, stressée.

Pas de panique, je ne vais pas tomber avec Maya. Pas panique, je ne vais pas tomber. Panique, je vais tomber.

Mon cerveau cesse de tourner normalement, emprunt d'affolement. Ma respiration s'accélère alors que le monde semble ralentir.

Mes mains s’agrippent aux siennes. Je ne peux même pas croiser son regard pour y trouver une certitude ; seule sa tête de mort m'accueille dans mon stress. Donc, quand elle me dit, je peux m'arrêter en mettant tout le poids vers l'arrière, inconsciemment, je le fais de suite.

Mes fesses se retrouvent donc dans la neige.

Maintenant, les fesses dans la neige, je me sens plus sereine. Peut-être est-ce simplement le fait de ne plus tenir Maya, d'avoir peur de l'entraîner avec moi sur le sol, et aussi, de ne pas être dans la bonne position.

« Vui, ça va... »

Tomber en snow, c'est normal d'après la blonde. La dernière fois où j'en ai fait, je peux témoigner des nombreuses gamelles et galipettes dans la neige. Pourtant, je n'avais pas peur. Alors qu'est-ce qui coince là ? Je me tapote les joues.

« Je peux me relever, oui »

Chose dite, chose faite. De nouveau debout, je prends une grosse bouffée d'air frais. Mon rythme cardiaque a beaucoup diminué, pour retrouver son rythme de croisière. C'est sûrement ce que je pensais, tenir Maya m'a fait paniquer plus que de raison.

« Non, on peut continuer ! »

Je tourne le visage vers elle, ma planche toujours perpendiculaire à la piste, pour ne pas avancer sans le vouloir. Je rejoue les vidéos révisées cette nuit, et ce matin, ce qui me redonne courage, et envie de le faire. Doucement, mais sûrement, je tourne ma planche dans la bonne direction :

« On peut y aller... »

Je me penche, bien parallèle à ma planche.

L'inquiètude de Maya est palpable. Je me sens un peu coupable d'avoir paniqué aussi facilement... mais est-ce que je peux vraiment lui dire la raison, celle d'avoir peur de la faire tomber dans mon sillage ? Elle va trouver sûrement ça stupide, alors je marmonne :

« J'ai eu p-peur de te faire mal... »

Mais là, mon appréhension s'estompe petit à petit, et je me sens un peu mieux.

Le technique de la feuille morte ! Je l'ai vu dans mes révisions : cette technique permet de descendre en toute sécurité sur tous types de pistes, et également de contrôler notre vitesse ! Alors j'écoute ses conseils, et les applique :

« C'est plus simple que je le pensais ! »

J'écarte les bras, parallèle à la planche, et je me laisse guider par les mouvements de la planche. Ce qui me fait descendre tout doucement, de biais, et de face, la pente... Je suis Maya du regard, qui l’exécute bien plus fluidement que moi :

« Ouais, je vois un peu la technique ! »

Maintenant, la pression est redescendue...

Se concentrer sur soi, et non sur Maya. Difficile à faire quand nos doigts sont unis pour le meilleur et pour le pire. Elle a l'air sereine, certaine de ne pas chavirer de mon fait. Au moins, on se tient plus, et le stress est passé par la même occasion.

« Vui... »

Plier les genoux, ça, je sais faire ! Alors je me laisse vaquer sur le neige, me déplaçant en biais, comme une feuille morte emportée par le vent. C'est plutôt facile, et ça ne demande aucun véritable effort. Ma confiance remonte en flèche, désormais.

« C'est ce que j'ai cru comprendre, oui ! »

Le mec de la vidéo le disait aussi : adaptable à tout type de pistes ! Même si j'avoue franchement, je ne prendrai pas le risque de tenter une piste noire, juste pour voir si c'est vrai. Là, je suis bien sur cette piste verte, où tout le monde va à son rythme.

« Jusqu'en bas ? Le front-side et le back-side ? Ou quelque chose de plus poussé ? »

On descend un peu plus vite la piste.

Jusqu'en bas donc ! Maya m'incite à accélérer un peu. Je la suis telle une photocopie ; je ne tremble pas, mais je suis toute floue dans la neige. J'ai cette impression de m'effacer et un coup de vent, me ferait s'envoler.

On arrive en bas de la piste sans réel accident.

Le front-side, et le back-side semblent différents dans la bouche de Maya... pourtant, dans la vidéo, il expliquait les deux, de manière nette : un virage front-side sur les orteils, et un virage backside sur les talons.

« Faire un 180° ? Tu m'as pris pour une pro-player ! »

Je détache mon pied arrière, pour prendre le tir-fesses. Arrivée au bout, je manque de m'étaler dans la neige, mais reprend l'équilibre un peu maladroitement. La blonde se met dans la tête de dessiner les explications dans la neige.

Et franchement... j'ai rien capté.

« Vas-y, passe devant »

Je fais une petite courbette avec le bras s'ouvrant devant elle, comme pour dire « après vous ma dame » C'est ma manière pour ne pas paniquer vu la situation, et mon incompréhension. Alors je la suis, essaye de faire comme elle, me penche un peu trop en avant... et me retrouve le nez dans la neige.

J'en aurais mangé sans ma cagoule, sûre.

Son explication sur l'exécution d'un 180° me fait un peu écarquiller les yeux ; c'est que ça m'a l'air dangereux. D'ailleurs, Maya me déconseille d’essayer... alors pourquoi en parler ? Maintenant, j'ai envie de le tenter juste pour avoir la sensation de réussite durement gagnée.

Mais pour le moment, je fais de mon mieux pour suivre la blonde. Je n'y manque pas, je m'étale dans la neige par fait de m'être trop penchée sur ma planche. Elle vient vérifier si tout va bien, et même si j'ai une peu honte, je hoche positivement la tête.

« Vu comme je suis mauvaise, ça m'étonnerait pas de franchir la limite encore »

On repart, et je prends le virage en commençant en trace direct face à la pente, et pour tourner, je m'incline légèrement en arrière en levant les orteils, comme c'était si bien expliqué dans la vidéo.

Je tente l'inverse, en partant dans la ligne de pente, et je m'incline vers l'avant à nouveau, en dosant cette fois-ci, tout en levant les talons pour transférer mon poids sur les orteils, et mon pied avant.

Ma vitesse s'accélère, et je tente de la diminuer en m'inclinant – un peu trop net, vers l'arrière. Cette fois-ci, je me retrouve sur les fesses. Je rouspète un peu, fâchée d'avoir si bien commencer pour mon étaler ainsi.

« Manque plus que je tombe sur la tête ou sur le côté, et j'aurais mon quota de gamelles »

Ce n'est pas si douloureux de se ramasser.

Débuter quelque chose à toujours eu un côté effrayant ; le peur de se rater, de ne pas être fait pour ça, ou d'être tout simplement mauvais au point d'en être ridicule. Avec cette appréhension au cœur, malgré ma pratique précédente, je réponds à Maya :

« Sauf que je ne débute pas, même si je me déplace avec la grâce d'un éléphant, j'en ai déjà fait ! »

Je me gamelle encore, les fesses dans la neige. Avec un poil de courage, je me remets debout sur ma planche.

« Ouais, c'est horrible les chaussures de ski, j'en ai vu galérer juste à les enfiler, t'as l'impression d'avoir les pieds dans le béton, prête à être jetée à la mer »

Je rigole légèrement, sans me moquer, en y repensant, et la réflexion de Maya sur sa tête vide, me fait rire franchement. Bien sûr, c'est une plaisanterie, mais c'est plaisant les gens ne se prenant pas au sérieux... malheureusement, ce n'est pas tout le temps.

« Ça va ? Tu t'ennuies pas trop avec la noob et toutes ses gamelles ? »

À mon tour de plaisanter en m'inquiétant.

Selon Maya, je me débrouille bien. Bien est peut-être un mot trop fort pour décrire ce semblant de glisse. Mais elle a tendance à être franche, alors je peux bien la croire. Ça n'aide pas non plus d'avoir fait du ski pendant trois jours pour ensuite passer au snow.

« T'en pratiques depuis combien de temps ? »

La curiosité me pique les pensées, avide de savoir ô combien de pratique du snow pour atteindre son niveau. Quoi qu'il arrive, je serai toujours à la traîne vu son expérience, et si elle continue d'en faire à l'avenir. Mais ça m'intrigue quand même !

« C'est pour ça que tu préfères le snow ? »

Il ne faut pas rigoler des chaussures de ski, ce sont les fruits du démon. Je suis bien contente de ne pas en porter aujourd'hui ; mes pieds peuvent enfin respirer ! Je me sens bien plus libre dans mes mouvements, et moins écrasée, surtout.

« Ça me rassure ! J'aime bien passer du temps avec toi »

Mon aveu me fait rougir sous ma cagoule.

À l'arrêt, sur les bords de la piste, j'écoute Maya me parler de son expérience aux États-Unis, en famille... C'est difficile à dire sans voir son visage si elle éprouve de la nostalgie à cette pensée. Parce que, si j'étais à sa place, ma famille me manquerait vraiment.

« Ça t'arrive de penser à tes parents ? Et les moments passés avec ? »

Je fourre peut-être mon nez où il ne faut pas, mais c'est plus fort que moi. Je peux comprendre le fait de trouver le snow cool. C'est aussi une des raisons pour laquelle j'en pratique aujourd'hui, sans oublier la simple présence de Maya.

« Ouais, c'est cool le snow. D'ailleurs, tu sais faire des tricks ? »

Si c'est le cas, je veux la voir faire ! Les jours précédents en ski, je n'ai pas plus eu l'occasion de réaliser si elle en exécutait. Par contre, sa question sur Tsu' me fait lever les sourcils, un peu étonnée de cette apparition dans notre conversation.

« Tsu' ? Comme elle est mon symbiote, sans elle, je suis incomplète. C'est d'ailleurs à cause de cette raison que je me gamelle tout le temps »

Une plaisanterie mais toute légère.

C'est vrai, on est très collées depuis son arrivée à KHS. On récupère le temps perdu de vivre à distance ! Et même si j'ai aimé skié avec elle ces jours précédents, elle a bien le droit d'en pratiquer avec lesquels elle compte passer la journée.

J'aurais bien pousser la langue avant de déguerpir en glissant sur la neige, mais mon masque me cache le bas du visage. Alors je me contente de prendre un peu mes distances en me lançant sur ma planche, prête à en découdre avec la neige !

Le pire,  elle pourrait vraiment y croire.

Ma question était de bout en bout stupide. Quelle idée sans le vouloir de sous-entendre un cœur de pierre chez Maya. Après tout, elle n'a pas encore complètement coupé les ponts avec sa famille... même si c'est juste par confort financier, peut-être espère-t-elle l'acceptation de ses parents ?

« Désolée, j'aurais pas dû te demander ça »

Ma curiosité me joue des tours. Et je projette mes propres insécurités sur elle. C'est du propre. Heureusement, on change de sujets, et parle des tricks dont est capable la blonde. J'ai bien envie de la voir en action, mais je n'ose pas lui en faire part.

« Il y a une piste spéciale par ici ? »

Si ça se trouve, elle en sait rien, comme moi. Quoi qu'il en soit, on parle de Tsu' et notre affinité. Prendre de l'indépendance ? Pour quoi faire ? On le vit très bien. On a chacun nos amies, et nos passe-temps, même si on se rejoint sur pas mal de choses.

« C'est rien encore là. Y a pas Hina, sinon, ce serait pire »

J'ai tellement hâte de la voir à notre bahut !

Oui, pourquoi je suis désolée en réalité ? Peut-être le fait d'avoir mis mon nez sans état d'âme, et d'avoir insinuée involontairement son statut de dame de fer. C'est bête à dire, mais je ne comprends pas pourquoi c'est comme ça avec ses parents.

J'aimerais bien lui demander pourquoi elle a autant de ressentiments envers eux. Après tout elle a elle-même dit ne pas avoir fait son coming out, alors où est-ce que ça coince ? Je reste plongée dans ma réflexion quelques secondes avant de tout simplement laisser tomber.

« Non... euh... j'aurais bien aimé te voir en faire »

Voilà, c'est dit. Inconsciemment, je joue avec mes doigts, les tordant dans tous les sens, un peu gênée. Heureusement, la cagoule me cache les joues et mon embarras. Enfin... j'en fais tout des caisses, mais au final, c'est une demande plutôt anodine.

« Ses parents ne veulent pas la faire changer de lycée en pleine année »

Ce qui est compréhensible, après tout.

Une piste rouge en snowboard... je ne m'étais pas préparée à ça, ce matin, en prenant ma planche. Je m'étais bêtement dit « Même pas peur » en croyant tout bonnement rester sur les pistes vertes, voire sur une bleue.

Je hoche la tête à sa remarque sur les études. C'est difficile d'imaginer que dans seulement trois mois, je vais enfin quitter le lycée pour l’université. Mais bref ! On continue de glisser, et de se ramasser – pour ma part, pendant un certain temps et...

J'ai l'impression d'avoir crapahuter dans la neige pendant des heures, mais si ça se trouve seulement quelques dizaines de minutes sont passées. Mon téléphone est sorti pour vérification, et ce n'était pas juste une idée... ça fait déjà un petit moment qu'on est là.

« Il reste trois-quarts d'heure, on peut y aller ! »

Je suis très pressée de la voir en action !

On déboule en haut de la piste rouge alors que mon cœur explose sous la peur, et l'appréhension de se gameler très fort. Maya tente de me rassurer, en me conseillant, surtout, de ne pas paniquer si je tombe. Déjà que je panique debout, qu'est-ce que ce serait dans la neige ?

La feuille morte, ouais, c'est réconfortant. Je la mets en œuvre le temps de la descente, les yeux rivés sur Maya qui glisse comme une folle furieuse la piste ! Elle est stylée dans ces mouvements fluides et rapides, et ça me donne un peu courage.

Je n'essaye pas de l'imiter pour autant, mais je me lance en appliquant les conseils entendus pendant le visionnage de la vidéo... et je m'en tire pas si mal. Je traîne un peu à l'arrière alors que la blonde prend une bosse, et s'envole presque !

Elle s'arrête à ma hauteur, et avoue la difficulté de faire des tricks ici. Mais je me laisse pas démonter par cette tentative de tuer dans l’œuf les figures ! Je lève les bras, comme le ferait une pom-pom girl, et scande bien fort dans sa direction :

« Des figures, des figures ! Ouh ouh ! »

Allez là, on y croit fort, du nerf ! Go go go !