[TERMINE]Kyoto 2, electrik bungaloo [Nissa & Maya]

Vraiment ? Cette répartie sort de nulle part, un peu comme si c'était innée chez elle de manier l'art de la drague. À nouveau, je ne pense avoir rougi... ou du moins, je l'espère. Dans le cas contraire, Maya pourrait utiliser son pouvoir contre moi !

« Pffffrr ! N'importe quoi »

Alors je ne dis rien de plus, et embraye sur le sujet des garçons. J'ai bien entendu un « presque », ce qui n'est pas rien. Si quelques exceptions se glissent dans son cercle d'amis, ou plutôt de connaissances, c'est loin d'être perdu !

Mais je ne l'embête pas plus longtemps sur ce sujet. La suite ne me fait pas trop plaisir même si je ne prends pas la mouche... si tout le monde était gentil avec les autres, le monde s'en porterait bien mieux ! Je ne suis pas naïve au point d'y croire un jour.

« Non, je ne suis pas trop gentille... je le suis comme j'en ai envie ! »

C'est un peu bancal comme argument, mais je le ressens de cette manière.

« Et même si on n'était point en couple, je ne me laisserai pas faire par le premier venu ! »

C'est vrai quoi, pas besoin d'avoir quelqu'un dans sa vie pour rejeter des avances ! Je me relève, et croise les bras sur ma poitrine, faussement austère. Maya pense souvent de traviole, au point de donner l'impression d'être méfiante avec tout le monde.

« Tu devrais avoir un peu plus confiance dans la race humaine »

Pas facile, je sais. Avec tout ce qu'on entend, tout ce qu'on voit, ça peut être compliqué de laisser sa chance à l'humanité. Pourtant, je suis persuadée en grattant un peu, ou en creusant plus profondément, on peut trouver en n'importe qui de la bonté.

C'est sûrement un peu naïf... mais tant pis !

Mon visage s'illumine à sa proposition :

« Manger ? Où, quand, quoi ? Une idée ? »

Maya prétend s'être battue pour finir en couple avec moi. Même si c'est la vérité, ce n'est qu'une partie : je me suis aussi démenée de mon côté pour surmonter toutes les difficultés d'être avec elle. J'ai du étouffer les protestations au fond de ma poitrine.

« Ensuite ? Tout peut arriver ! »

Évidemment, je la taquine avec une dose de mystère. Au fond, aucune personne pourrait me détourner de Maya, le temps d'être avec elle. Mais si, ensuite... on venait à ne plus être ensemble... ce serait la seule fille de ma vie je suppose.

« Reste dans ton aigreur, va ! Et laisse-moi dans le monde des licornes »

Oui, je le sais très bien : pas la peine de faire la liste des bévues humaines. Il y aurait tant à dire, et si peu à opposer. Ça me désole vraiment, mais ne me fait pas perdre espoir pour autant. De toute façon, j'ai autre chose à penser : le repas de ce soir !

J'attrape mon téléphone et scroll la liste de restaurants. La dernière fois, on avait mangé un repas typique de Kyoto... alors aujourd'hui, je vise plutôt ceux les mieux notés. Deux restaurants traditionnels, suivi de près par une pizzeria, et un de...

« Burger, ça t'irait ? »

Les photos me mettent l'eau à la bouche.

Là, comme ça, à l'entendre parler de me capturer, mes sourcils se froncent ; un écho à cet Otome auquel j'avais joué il y a bien plusieurs années. Un personnage, également blond, avait enfermé l'héroïne dans une cage pour la préserver du monde extérieur... Brrr.

« Comme le monde des licornes est protégé, seuls les personnes pures, chastes et innocentes connaissent ses secrets »

Maya a l'air partante pour un burger ; il est déjà presque dix-neuf heures passées, alors le restaurant risque d'être surchargé de clients. Et c'est problématique comme ambiance, je n'ai pas envie d’étouffer  à cause du monde.

« Il ne livre pas, mais on peut prendre à emporter... c'est seulement à cinq minutes d'ici »

J'attends sa réponse avant de me préparer.

Alors ! Qu'est-ce qui le protège des personnes viles et jalouses comme Maya ?

« Il est protégé par les cornes acérés des licornes ! C'est un sport l'empalement »

Je le regarde totalement sérieuse pendant quelques secondes, avant de pouffer par le nez.

« Je n'ai pas assez d'imaginations pour inventer une histoire qui tienne la route, désolée »

Je hoche les épaules, à ce qu'elle dit sur la pureté, la chasteté et l'innocence. Quant à moi, je ne sais même pas sur quel pied danser... je n'ai probablement aucun des traits cités, ou peut-être juste l'innocence ?

J'en doute.

Être innocente en scrollant sur 4chan ?

Impossible.

La suite m'interpelle. Quel cheminement de pensées a-t-elle eu pour sortir ça ? Je baisse les yeux sur mes doigts, persuadée de ne pas du tout mériter ce titre-là...

« Une sentence à vie ? Laquelle ? »

Je m'apprête à sauter dans mes chaussures quand la blonde accepte de prendre à emporter, mais je m'arrête, un rictus tordu s'étale sur mes lèvres.

« Je sais faire preuve de retenu, tu sais... et non, je n'ai pas encore choisi. J'y réfléchirai sur le chemin. Tu sais ce que tu prends toi ? »

Un peu blasé, j'enfile mes fidèles converses.

Petit hochement de tête négatif à sa remarque sur les licornes. Elle fait erreur, ça peut être sanglant sans tomber dans le cliché !

« Non, surtout pas de piques ! Juste des couronnes de fleurs – qui se gorgent du sang de leurs ennemis, dans leur longue crinière belle et soyeuse... »

Déception/20

Jamais de la vie je m'imagine réellement dans un monde de licornes... j'aurais trop l'impression d'être un de ces déviants de brony ! Il y en a déjà trop qui peuplent la terre, et souillent l'image de ce show à la base fait pour des enfants. Mais... bref !

« Si c'est rester avec toi ma sentence, qu'on m'emprisonne à perpétuité ! »

Je n'ai pas plus mielleux comme phrase sous la main. De toute façon, vu ce qu'elle me dit ensuite, ma petite bulle de bonne humeur éclate direct. Je ne dis pas non plus faire la tronche, mais ça me vexe un peu d'être vu comme un ventre sur pattes... même si c'est vrai.

« J'ai vu dans le menu qu'il y a des hamburgers classiques, un ou deux, même.  On a le choix de la viande aussi ! »

En tout cas, les burgers ont l'air monstrueux.

Merci Captain Obvious. Sans toi, on aurait jamais compris cette histoire de fleurs ! Je me retiens de lever les yeux au ciel, ou d'avoir l'air blasé, optant pour une poker face digne des plus grands... ou du moins, je l'imagine ainsi !

« Tant qu'il y a un PC avec un accès à internet et le strict minimum pour survivre, ça devrait aller ! »

Évidemment, ce n'est pas juste dans l'idée de commander à manger, mais aussi, pour tuer le temps ! Parce que, ouais, hors de question de me transformer en koala, accrochée à mon arbre Maya tout la journée. L'île de Bastøy ferait pâle figure à côté !

« Désolée, y a pas de poulet. C'est entre deux viandes de bœufs ou un végé »

Je lui montre l'écran de mon téléphone, où on y voit le choix entre la viande Kuroge, ou celle de Matsusaka. Je n'ai aucune idée des différences entre les deux, si ce n'est le prix, alors je compte me renseigner un peu avant de me décider.

Les prix, eux, oscillent entre ¥1380 et ¥3540.

Évidemment, évidemment... la formulation – juste m'enfermer, est tellement lunaire, au point de me faire pouffer par le nez de dépit. Et pas de torture, pas de torture... mais pour en parler, il faut déjà y avoir pensé !

« J'aurais le droit de visite ? »

Enfin bref, oublions quelques instants ces pensées déviantes florissantes, pour nous concentrer sur l'important ! Prendre un hamburger végé – quand on ne l'est pas, sur une carte spécialisée dans la viande de bœuf, c'est tout un concept.  

« T'es sûre ? Tu me feras goûter ? Comme ça, tu goûtes le mien au passage... ! Et là, ça te fera regretter de ne pas en avoir pris un à la viande ! »

Je la taquine un peu, un sourire idiot sur les lèvres.

« Oh ça va douze hamburgers... ils font bien pire dans les fast-foods »

Je trépigne un peu sur place, un tantinet indécise. Franchement, mon cœur a déjà fait son choix - la signature, mais je ne sais pas trop comment va se dérouler la suite...

« Tu appelles, ou on fait la commande sur place ? »

J'ai un peur du monde qu'il pourrait y avoir.

Forcément, ça allait être cette réponse. Même si tout ça est une plaisanterie, je sens bien qu'au fond, elle est à moitié sérieuse. Il n'y a qu'à voir comment mon entourage de garçons s'est étiolé depuis notre mise en couple.

Sa proposition d'en prendre un troisième me rend réticente : déjà, c'est cher, et surtout, je vais sûrement devoir manger les deux en solo... même si je ne doute pas en être capable, et être assez curieuse sur la différence du goût des deux viandes, je préfère m'abstenir :

« Juste le burger avec des frittes, ça ira... sauf si tu veux à tout prix déterminer pourquoi le bœuf Matsusaka mérite d'être plus cher que le Kuroge, si ce n'est pour sa renommée... »

Oui, bon, d'accord, je l'avoue : ça m'intrigue beaucoup trop cette histoire ! J'avais complètement zappé – je ne l'ai peut-être même jamais su, la réputation du Bœuf de Matsusaka... à l'égal de celui de Kobe... alors j'ai mes papilles qui s'agitent.

Je laisse le soin à Maya de prendre cette ultime décision, et passer commande. À  proximité pour lui souffler les détails si elle en a oublié, c'est avec impatience que je lui demande, une fois le téléphone raccroché :

« Iel t'a dit dans combien de temps les burgers seront prêts ? »

Sur sa réponse, je lui attrape doucement la main, suite à son idée, de se balader quelques peu avant de récupérer et attaquer le repas. On papillonne, et flâne à s'en perdre dans Kyoto, jusqu'à l'heure fatidique de se rendre au restaurant, avant de retourner bien au chaud à l'hôtel.

On aura quelques souvenirs dans le calme.