[TERMINE]Kyoto 2, electrik bungaloo [Nissa & Maya]

Un petit sourire innocent se dessine sur mes lèvres, alors que mes pensées en sont à l'exact opposé. Enfin, non. Ça reste gentil, et chaste. Ou jugé déviant par les gens. Deux filles qui s'embrassent, c'est indécent ! Vraiment indécent...

Je soupire.

À quoi bon lui souffler ça ?

« Toute à l'heure, j'te dirais »

Même ici, il y a du monde.

Je me retiens de m'affaler sur la table.

Je sirote mon Bubble Tea, bien droite sur mon siège, tandis que Maya me propose de partir, ou de devenir mon garde du corps. Je hausse un peu les sourcils, en l'imaginant flex autour de moi. Elle n'a pas sa canne ou son ombrelle pour tenir les gens à distance.

Alors... c'est perdu d'avance.

« On peu rester encore un peu, le temps d'acheter ce dont on a besoin »

Même si j'en doute pas une seule seconde que l'on peut trouver ce que l'on cherche ailleurs... on ne fait juste pas plus typique que le marché Nishiki. Puis, même si je n'ai pas pris de crêpe... j'ai encore un peu faim, là, je dois avouer.

« Comment tu t'y prendrais pour être ma garde du corps ? »

J'ai besoin d'aide pour l'imaginer vraiment.

Maya bougonne un peu sur les bords. J'ai bien envie de l'embrasser, là, comme ça, mais... je ne sais pas trop comment serait la réaction des gens. Est-ce qu'ils iraient jusqu'à nous faire sortir de la salle ? À nous insulter ? Ou juste nous ignorer... vui, sûrement le dernier.

Alors qu'est-ce qui m'empêche ?

Je soupire encore.

C'est comme je veux.

« C'est tentant de te laisser faire »

Je bois une autre gorgée avant de lui sourire :

« Puis... t'es pas trop petite... t'es juste parfaite dans ton désavantage vertical. »

Mon sourire s'agrandit. Je ne moque pas, mais c'est un peu faiblard comme phrase de lover. C'est même carrément pas terrible du tout. J'espère qu'elle va le prendre à la rigolade et ne pas se fermer. Oh mon dieu, qu'ai-je entraîné ? La fin du monde ?

Je me concentre sur le BBT, un peu  gênée.

Voilà, dans ma bêtise, j'ai blessé Maya. Je le vois bien à son regard que ma réflexion – en toute sincérité, ne lui a pas plu. Je le sais pourtant, qu'elle complexe sur sa taille... Malgré tout, j'ai sauté dessus à pieds joints, en pensant bêtement que le compliment serait plus fort face à sa triste vision de la vérité.

Alors je tire , tire, tire sur ma paille jusqu'à la disparition de la dernière goutte et boule du breuvage. Je me relève, attrape doucement la main de ma promise dans la mienne, et crapahute hors de la salle du fond bien trop bondé pour être respirable.

On déboule à nouveau dans la galerie marchande, avant de se retrouver quelques instants à l'air libre dans la continuité de l'allée. On pourrait simplement s'en aller, et vaquer à d'autres occupations, mais j'ai une toute autre idée derrière la tête.

Je la mène hors du chemin, dans un petit renfoncement des bâtiments, là où les regards indiscrets ne peuvent s'aventurer, et nous juger de leur haine viscérale. Je la pousse doucement contre le mur, et cueille ses lèvres d'un baiser encore sucré.

« Désolée, ça me démangeait depuis un moment »

Ça m'arrache une moue un peu amusée.

Nos lèvres se détachent doucement. Ça pourrait tranquillement s'arrêter là, mais Maya me pose une question – laquelle mériterait une réponse vindicative dont je me retiens de formuler – avant de m'embrasser à son tour. Je ferme les yeux le temps du contact, puis sourit en pressant sa main entre mes doigts en la voyant si presser.

« Pas tout de suite... Il est même pas seize heures ! »

On a tout le temps de comater l'une avec l'autre plus tard dans la soirée.

« C'est bien toi qui voulait prendre une boisson, non ? »

Un bisou, et ça y est, les plans tombent à l'eau !

« Mais si tu en as marre de la galerie, on peut s'arrêter à un supermarché... au pire un konbini... ou rentrer si c'est ce que tu veux »

Et c'est ce moment-là que mon ventre décide de se manifester en grognant son appétit. Je ne fais pas de commentaire à ce sujet, même si la faim me tord déjà un peu l'estomac... je ne suis pas sûre de tenir jusqu'au repas de ce soir avec le peu que j'ai avalé.

Terrible de se câliner avec un ventre crieur.

Maiiiiiiis... je n'ai pas eu l'occasion de goûter le tako tamago, les doughnuts au soja ou le warabi mochi... une petite moue déçue s'empare de mes lèvres, que je refrène aussitôt en l'étirant sur un sourire. Je ne veux pas non plus voir Maya culpabiliser, ou se sentir obligée de rester dans le Nishiki Market.    

Choisir entre une boisson ou des bisous ? Pourquoi pas les deux ? Oh et pis, on s'en fout de l'alcool. Même si je ne suis pas de nature tactile, je n'ai pas besoin de me rincer pour profiter de ma copine.

« On peut attendre ? Vraiment ? »

Un petit sourire en coin, je la taquine. Quelques dizaines de secondes plus tôt, elle parlait de rentrer à l'hôtel, et ce, avec hâte. Alors même si elle plaisante sur mon quatre heures, on ne devrait pas trop tarder sur le chemin. Un konbini, c'est tout.

« Je ne sais pas si ça suffira à t'éviter de finir dans mon estomac... mais on peut essayer »

Je la tire doucement par la main, avec laquelle je la tiens depuis toute à l'heure. On sort de notre cachette, au grand jour, et personne fait attention à nous... évidemment. Nos doigts liés, on profite de cet anonymat dans cette ville indifférente.

À Kobe, je n'oserai même pas l'effleurer.

« On se laisse porter ou on regarde la direction ? »

J'ai la flemme de sortir mon téléphone, là.

Au moins, malgré son empressement ultérieur, on tombe d'accord sur l'intérêt de visiter la ville. Même si pour moi, le marché de Nishiki était un endroit incontournable dans cette activité... mais tant pis.

Mes yeux se lèvent sur son visage à sa réflexion.

« Avec amour, je ne sais pas. Mais avec les épices que t'as acheté, ça, c'est sûr »

Maya veut bien se promener. Alors on flâne un peu, toujours main dans la main, à travers la ville. D'instinct, j'avance en direction de l'hôtel pour ne pas non plus se retrouver à l'autre bout du pays. Après quelques minutes, on déboule devant un konbini.

« On se retrouve à la caisse ? Je te laisse acheter ce que tu veux »

Quand on rentre, je ne suis pas sûre de ce que je vais prendre. Je passe devant quelques rayons sans que, quoi que ce soit ne m'interpelle, avant de repérer, ce qui me semble être, des spécialités du coin à la caisse. J'achète donc deux yatsuhashi, un à la pâte de haricots rouges, l'autre au matcha, et des mitarashi dango.

J'attends que mes achats soient réchauffés.

Une fois dehors, je montre mes achats à Maya, qui a l'air assez surprise du peu de produits achetés. À son expression, la pâte de haricots rouges ne doit pas avoir de place dans son petit cœur. Alors là, désormais, j'hésite à rentrer à nouveau dans le magasin, et acheter plus de victuailles.

Après tout, même Maya était étonnée.

« Non, t'as raison... je reviens ! »

À nouveau, je pénètre dans le konbini, et en ressort une minute plus tard avec des cochonneries à grignoter. Au moins, là, j'aurai de quoi manger même après le repas du soir, et si j'ai un creux dans la soirée. Voilà, tout est rentré dans l'ordre... je respecte mon statut de ventre sur pattes.

« On trouve un endroit où se poser le temps que je mange ? »

Parce qu'après tout, c'est toujours aussi mal vu de manger en marchant. Déjà qu'on n'est pas discrètes à se tenir la main, alors je n'ai pas envie d'en rajouter. Cette fois-ci, je sors mon téléphone pour regarder où trouver un parc à proximité.

« Par là ! D'ailleurs, qu'est-ce que t'as acheté, toi ? »

Finalement arrivées, on se cale sur un banc.

Des... des bières ? Je me retiens de froncer le nez à la nouvelle, et à cette idée un peu grotesque pour laquelle mon cerveau proteste. C'est super amer la vraie bière, non ? Un peu comme le café...

« De la bière... bière ? Ou aromatisée ? »

Comme celle dont je vois parfois Momo en boire.. aux prunes salées, je crois ? Ou au gingembre ? Je ne sais plus trop... faut le dire, en temps normal, je ne m'y intéresse pas trop alors ce n'est rien de plus qu'une hypothèse. Maya n'a pas l'air non plus sûre du fait d'en boire.

Elle a sûrement dû lire dans mes pensées...

« Pourquoi on en boirait pas ? »

Après tout, même si le goût se relèvera peut-être totalement dégueu, j'ai pas peur, sauf du gâchis ! Je porte à les lèvres mon dessert, et croque dedans. C'est plutôt bon ! Le goût de la cannelle me perturbe un peu, mais sinon, ça va !

« Merci ! »

Je termine celui aux haricots, avant de tourner le visage vers Maya :

« Tu veux goûter celui au matcha ? Ou peut-être les dangos ? »

Je me sens un coupable de manger seule.

Des fois, j'ai vraiment du mal à suivre la logique de Maya, et celle de sa réflexion. Je lui avais dit, pourtant, il me semble, de prendre quelque chose de typique de Kyoto... peut-être est-ce des bières locales ?

« L'aromatisée est à quel goût ? »

Même si je ne suis pas fan de l'alcool, ou l'idée de trop m'alcooliser me répugne, j'ai bien aimé le goût de sake de la dernière fois. Alors je ne suis pas contre de tester un peu par  curiosité, et goûter du bout des lèvres cette fichue boisson.

« Je n'ai pas dit que je n'aimais pas ça... »

Maya refuse de tester, et je hausse les épaules : tant pis, ça en fera plus pour moi ! Même si je trouve ça assez dommage qu'elle ne profite pas plus des spécialités de Kyoto. Elle doit préférer la découverte des temples, plutôt que de celui de son palais.

« Tu sais pas ce que tu rates ! »

J'ajoute en croquant finalement dans mon dango.

Chaud ! Chaud ! Chaud ! Outch.

Surprise, et trahie, j'avale difficilement le morceau brûlant. Ma bouche crie à l'aide de s'être ainsi fait victimiser. Mais je ne vacillerai pas ! Je souffle comme un petit train sur ce qui reste de mon encas, et maudit la vendeuse d'avoir abusé sur son temps de réchauffement.

« Tu sais vraiment pas ce que tu rates »

Une petite moue embêtée sur les lèvres, de ne pas être satisfaite dans ma curiosité. Sans trop le montrer, j'essaye d'identifier les bières à travers le sac plastique. Mais la réflexion de Maya me fait relever la tête.

« Ah euh... Je ne sais pas »

J'attrape d'une main mon téléphone, et fait une recherche sur les alcools typique de Kyoto. Il y a pas mal d’occurrences en résultat, allant de la simple bière au Gin... Des liqueurs au Yuzu ou au matcha, des myriades de sake – après tout la ville est connue pour ça, et du Gin...

« T'as déjà goûté du Gin ? »

J'ai envie d'ajouter un « c'est bon? » mais Maya n'est probablement pas une grande connaisseuse des alcools. Alors je continue de regarder le site qui m'a interpellée, tout en mangeant mon encas au matcha. J'écarquille les yeux en voyant le degré d'alcool...

« Ouais non. On peut oublier le Gin, je pense. 45°, ça doit être imbuvable »

Je range mon téléphone, un peu blasée et pas plus avancée. C'est sûrement mieux de ne rien acheter de plus. Même si la liqueur à la prune, ou au Yuzu m'ont fait de l’œil – ces petites débauchées, avant de remettre mon téléphone en veille.  

Et là, je me brûle.

Le palais, la langue.

Je plaisante, mais Maya riposte.

Et là, je vrille.

« Amusant ? Je... je... comment ça ? Je fais du bruit,... nan pire, des grimaces ? Ou je me bave dessus ? »

Interpellée, j'époussette vite mes vêtements.

Pour le coup, je ne suis pas la seule à être étonnée du degré d'alcool du gin. Maya confirme mes pensées, ce n'est pas un saké fleuri, ou une liqueur sucré... ce serait comme boire de l'alcool à désinfecter. J'en frissonne rien qu'à l'idée.

Par contre, sa réflexion, là ?!

« Comment ça je... oh... »

Une petite boutade méritée, je peux l'avouer. Mes joues se dégonflent alors que je souffle par le nez. Ce qu'elle dit ensuite me laisse une mauvaise impression, comme si...

« On dirait que je suis un hamster sur lequel on s'extasie de le voir manger une carotte aussi grosse que lui »

Je n'ai pas d'autres mots sur mon ressenti.

Mes joues s’empourprent légèrement à son commentaire sans ambages. Que peut-elle trouver cool chez moi ? Je suis plutôt ennuyante, et surtout, banal comme fille. Alors c'est probablement juste un compliment pour la forme, et me rassurer.

« C'est cool les hamsters... ils ont même un anime à eux »

A-t-on vraiment le droit d'aimer manger alors que... no. Ce n'est pas le moment ni le lieu pour partir dans une réflexion pleine de culpabilité. Je termine ma dernière boule de dango, désormais tiédi, et me nettoie les doigts à l'aide d'une petite serviette jetable.

« Je suis... mignonne quand... je boude ? »

Mes sourcils se froncent, oh, avant de prendre leur envol.

« Mais... je boude... pas ? »

Ou alors, un peu, inconsciemment. C'est difficile à dire vu la facilité avec laquelle Maya me fait changer d'humeur. Je baisse les yeux sur les sachets vides de mes feux collations. Elle a encore dit que j'étais mignonne. À force, je devrais arrêter de rougir, non ?

Non...

Faut que j'endurcisse ma sensibilité.

Devenir insensible tel un caillou.

Parce que c'est nul de rougir tout le temps.

« Merci... toi, t-t-t-tu l'es au naturel »

Je gagne encore un rang dans les rougeurs.

À sa réplique sur les animes, je deviens bêtement muette. J'aurais du le voir venir, tant c'est simple à imbriquer avec ma précédente remarque. Alors je marmonne un :  

« Oui, mais... c'est pas moi ça »

Une petite amie super n'est pas lâche dans sa relation, ne ment pas à sa famille ou à ses proches, ne passe pas ses journées à râler sur le moindre détail, et  ne dit pas non plus des réflexions si offensantes sur la nature de l'être aimé.

Malgré tout ça, je... je presse doucement sa main entre mes doigts, avant de passer mes bras autour d'elle pour l'enlacer. Et dans un souffle :

« J'ai tellement de chance de t'avoir »

Et peu importe on nous regarde de travers.

Pourquoi ça n'est pas moi ? Parce que... parce que... je n'ai pas le temps de lui répondre, elle enchaîne en me complimentant encore plus et pré-shot les pensées de mon cerveau. Depuis quand suis-je devenue aussi sombre ? Depuis... depuis ça.

« On est juste deux grandes chanceuses alors »

Je laisse un petit rire timide s'échapper, tout en prolongeant notre étreinte. Je suis bien là, dans ses bras, étrangère aux alentours et aux passants. Sa dernière phrase me fait fermer les yeux, et inspirer un petit coup. Avec difficulté, beaucoup de temps, et de l'aide extérieur, on s'est trouvé.

« Tu crois au destin, toi ? »

Je me recule doucement pour la détacher.

Finalement bien assise sur le banc, le dos droit, je balance mes pieds dans le vide. La petite plaisanterie sur sa taille me surprend un peu, mais je ne le fais pas remarquer,   et suis même plutôt contente de l'entendre se lâcher ainsi.

J'écoute donc Maya s'exprimer sur sa vision du destin, et un peu du monde mais aussi de son athéisme. Je ne vais pas la juger pour son manque de foi. Ma mère est croyante, je le suis par extension, ça s'arrête simplement là.

« Donc, pour toi... les â-â-â... ...non rien, oublie »

Je me mords l'intérieur de la joue, coupable de ma question morte avant de démarrer. Pour ne pas laisser le temps à Maya de réagir ou de fouiner, je saute sur mes pieds, en bas du banc. Je lui tends la main en voyant le ciel se couvrir :

« Tu veux rentrer à l'hôtel maintenant ? J'ai l'impression qu'il va neiger »

Et je commence à avoir un peu froid dehors.