[U-11] ♫ But I'm breathing fine ♫ [Nissa & Maya]

C’est surprenant.
Stressant.
Terrifiant.
D’un côté, tu espères que tu te fais des films.
De l’autre, tu espères que non. Car un film qui n’a pas de fin ne peut pas avoir de mauvaise fin, pas vraie ? Mais ça serait également ennuyant et fatigant pour toi si tu (vous ?) restes dans cette situation étrange.
Mais si ça ce trouve, elle veut parler d’entièrement autre chose.
Mais franchement, quand la phrase est de l’ordre du "Faut que je te parle d’un truc", c’est difficile de ce dire que ça ne va pas parler de ça.
Imagine, tu n’es pas la concernée ? Que c’est plus, disons... un roux. Bon, le roux risquerait de manger de la soupe, mais là n’est pas la question.
Au moins quand on toque contre la porte ça te tire de tes pensées. C’est un point positif, oui.

"Salut Nissa, tu vas bien ? Entre et installe-toi !"  

Monsieur Lapin est bien évidemment sur le lit, mais il fait de la place pour ton ami. C’est que c’est un mec de principes et galant.

"Heum, du coup tu veux parler de quelque chose ?"  

Plus vite c’est fait, mieux c’est.

"Ca va, je me suis remise de l’effort d’hier."

De la piscine, donc. C’était taxant, surtout mentalement. Mais tout va mieux maintenant, c’est le plus important, pas vrai ? La tu es stressée, mais pas pour la même raison. Et Nissa l’est aussi, ça se voit. Plus t’y penses, plus tu te dis que tu as raison. C’est pour ceci que tu veux attaquer rapidement le sujet, histoire de ne pas trop vous torturer.

"Okay."

C’est un peu surprenant qu’elle l’admette ainsi, mais ça n’est pas plus mal.

"Enfin, c’est bien. Depuis le... enfin.. C’est un peu bizarre entre nous, pas vrai ?"

Tu ris nerveusement alors que tu t’assois à côté d’elle.

"Dans tous les cas, quoique tu dises ou que tu fasses, je ne t’en voudrai pas, promis."

Sauf si elle t’insulte bien évidemment. Mais ça serait déjà fait. Et c’est aussi ta manière lâche de lui faire faire le premier mouvement.

Au moins elle admet que c’est étrange entre vous. C’est une "bonne nouvelle" de savoir que bon, tu n’étais pas la seule à ressentir ça. Ça calme un poil le stress, mais la salle va exploser à force.

Du coup...

Vous jouez à la patate chaude avec vos questions. Personne ne veut faire le premier pas. Super.

"Je... Bon, autant expliquer, pas vrai ? Je préfère être claire."  

Tu inspires un bon coup. Ce n’est pas simple de rester calme.

"J’ai pas mal réfléchi à notre discussion en fait."  

Celle avant le baiser.

"Les histoires de couples, tout ça. Et que Yuna... bah c'était pas vraiment ca."  

C'était... well, vous n'avez "que" coucher ensemble. Ironiquement, c'est elle qui t'as fait réalisé tes sentiments pour Nissa. Comme quoi...

"Mais pour faire court, j’aimerai bien être en couple avec toi."  

Tu lui prends doucement les mains en rougissant. L’embrasser à nouveau serait mal vu.

"Tu es une superbe fille, tu es super gentille, tu es juste... géniale de manière générale."  

Tu l’aimes. Vraiment. C’est indéniable. Et ça te fait du bien de le dire, en fait.

"Et tu peux surement trouver mieux que moi. En fait, j’en suis certaine, mais j’aimerais vraiment que tu me laisses ma chance."  

Tu peux t’améliorer. Grandir. Pas physiquement, hélas.

"Et toi ?"  

Car maintenant que tu as tout déballé... a elle !

L’attente est interminable. Après tout, tu viens de lui déclarer ta flamme. Pour de vrai, cette fois. Et d’une manière bien plus "propre" que ce que tu avais pu faire avec une certaine prof, pas vrai ? Mais elle ne veut pas fuir, c’est même le contraire.

En fait c’est une explosion de joie pour toi. Intérieurement. Savoir que c’est vrai, que tu es acceptée... ça fait couler quelques larmes que tu essuies rapidement. La regarder dans les yeux après son aveu, ça te donne envie de ne plus jamais la lâcher. Et de l’embrasser. Beaucoup. De la câliner. Bref...

"Désolé, c’est juste... la tension, tu sais."

Tu souris.

"Je pense que je ne peux même pas expliquer à quel point ça me fait plaisir. D’être acceptée par celle que j’aime."

Tu continues de rougir. Tu es tout embarrassée de prononcer ceci.

Mais forcément des mauvaises nouvelles doivent finir par pointer le bout de leur nez.

"Écoute, je suis prête à tout pour toi."

C’est ferme, c’est vrai. Si tu dois faire quelques sacrifices pour la femme que tu aimes, qu’il en soit ainsi.

"Ca n’est pas comme si j’ai prévu de crier sur tous les toits que je suis avec toi."

Mais tu pourrais le faire.

"Mais tu n’es pas seule. Vraiment. On est ensemble pour ceci, d’accord ? Je veux que tu te reposes sur moi. Je peux aider."

Tu sais très bien que le problème principal, c’est ses parents.

"Mais pour ça, il faut que tu me dises ce qui peut déranger. Et on va trouver des solutions ensemble."

Le problème c’est que tu ne pourras pas assommer les problèmes. Dommage.

Tu t'emportes, tu t'emportes, parce que tu es du genre dire ce que tu as sur le cœur. Tu es toujours dans les extrêmes. Et là, c'est la douche froide. Ça fait mal. Extrêmement mal.

"Ho..."

Il faut encore que tu internalises son... refus.

"Mais tu disais que..."

Du calme. Ne hurle pas, ne pleure pas. Pas maintenant. Pas déjà.

"Tu me fais une déclaration et tu..."

Du moins, tu pensais que ça en était une. À tes yeux, ça sonnait comme le genre de chose que tu aurais dit. Tu es en colère, mais contre toi même, cette fois-ci.

"Et que tout ça, c'est juste... rien ? Enfin..."

Tu ne veux pas y croire. Le souvenir de votre baiser revient et... c'est terriblement embarrassant.

"Tu sais, je... je pensais vraiment que j'avais une chance."

Monsieur Lapin vient à la rescousse pour t'empêcher de commencer à te noyer dans tes larmes.

"Même après ma... bêtise, tu sais. Ça semblait si réel et tu semblais... partante ?"

Tu ne sais pas. Tu ne sais plus. Tu n'en peux déjà plus.

"Et je présume que tu ne veux pas... tenter ? Que tu ne m'aimes pas assez pour ça ?"

Visiblement, non, mais tu gardes un minuscule espoir.

D’un côté, tu as envie de lui dire "pas besoin de vivre caché", de l’autre... tu la comprends. Comme promis. C’est difficile, ça te serre le cœur, mais... voilà.

"Je sais."

C’est un abandon sur ce sujet... pour l’instant. Tu n’es pas en état d’argumenter pour ça, et il faut travailler d’autres sujets avant.

Et la suite empire ta confusion.

"Attend, attend."

D’un côté tu bondis de joie, de l’autre tu es détruite. Annihilée. Tu auras presque préféré qu’elle ne te dise pas que tes sentiments sont réciproques. Car tu vas t’accrocher de toutes tes forces à cet espoir, pour le meilleur comme pour le pire.

Et non, ne lui dit pas que tu penses qu’en fait, si, elle ne t’aime pas assez pour ça. Mauvaise idée.

"Alors pourquoi nous censurer nous-même ? Pourquoi te censurer ? Ça n’est pas comme si la société te surveille tout le temps."

Tu commences à être tremblante. De frustration. De colère.

"Et je sais ce que c’est. S’assumer, c’est dur. C’est horriblement dur, surtout au début. Il y a des tonnes de personnes qui ne le révèlent qu’à leurs proches."

Dans ton cas, c’est presque l’inverse, ta famille n’en sait rien.

"Alors si tu ne le fais pas pour moi, fait le pour toi. On s’aime, tout simplement."

Quand elle te lâche la main, tu l’attires vers toi pour la serrer dans tes bras.

"Je ne veux pas d’un autre pays, et je ne veux pas d’une autre personne que toi."

Tu as envie de l’embrasser, de la câliner bien plus que ça, mais tu ne peux pas.

"Je refuse que notre amour soit impossible."

Surtout pour ce genre de raison.

"Tu dis toujours que je t’impressionne avec ce que je fais, et quelque chose me dit que tu veux faire un peu pareil. Et je suis certaine que tu peux le faire."

En vrai, tu n’en sais rien, mais tu ne veux pas qu’elle parte.

"Je me disais pareil au début."

Mais tu es une forte tête. L’adversité, ça te pousse à te dépasser, pour ce genre de chose.

"Mais qu’est-ce qui te taillerait en pièce ?"

Ses parents, mais quoi d’autre ?

"Et s’assumer, ça ne veut pas dire le dire à tout le monde. Ça veut surtout dire s’accepter. C’est ça le plus important."

Couple ou pas couple, au final si elle a du mal avec ça, ça sera compliqué pour elle.

"Je sais. Et j’aimerais être dans ta tête pour mieux comprendre. Mais je veux aider, c’est pour ça que je veux que tu m’expliques autant que possible."

Tu as presque mal pour elle, la pauvre.

"Tu ne vas pas les perdre. Promis. On trouvera quelque chose, ensemble."

Tu sèches ses larmes avec une de tes mains gantées. Elle est proche, si proche et pourtant si loin.

"Mais si, tu peux. Il faut commencer petit à petit, tout simplement."

Mais c’est une tache longue, complexe et épuisante.

"Regarde, le campus, c’est un monde à part. Personne ne va juger ici. Et ça ne sortira pas d’ici également."

C’est une sale zone, comme disent les Anglais.

"Quant à tes parents, j’aimerai bien les rencontrer. Pas pour leur parler directement de ceci, mais pour voir ce que l’on peut faire, d’accord ?"

Tu lui souris. Tu veux (et dois) te montrer rassurante et forte, avoir de la contenance, être un pilier pour elle.

"Tu peux me faire confiance. Ensemble on est bien plus forte que tu le penses, et tu es bien plus forte que tu le penses."

Tu arrives à rire un peu.

"Tu pense que je tombe amoureuse de n’importe qui ?"

Joker.

"Tu as de la hargne, tu sais. Sans toi je ne serai pas allé dans l’eau, je ne verrai pas un psy, je continuerai d’insulter tous les garçons à vu..."

Bon, c’est toujours le cas.

"Et pourtant tu as réussi à me forcer à faire tout ça. J’ai des amies qui ne me croyaient pas. Et ça n’est pas qu’une question d’amour. C’est parce que tu es forte, et que je t’ai fait confiance."

Ah ça, c’est sur.

"Et c’est compliqué pour moi. Peut être pas autant que toi, mais... j’en ai besoin, je crois."

Et elle a aussi besoin de sortir de sa zone de confort, d’après toi.

"Alors on va essayer. Je suis certaine que la psy peut aider pour ça. Des profs aussi. Tu verras, ça se passera bien. Parce que je refuse qu’on te fasse du mal, et je refuse que tu te fasses du mal."

Tu souffres pour elle, vraiment. Quant à ceux qui osent la blesser... disons que tu es trop protectrice.

Tu parles, tu parles, et elle t’écoute. Maintenant, c’est à toi de l’écouter, et de tenter de la comprendre. Une conversation, ça va dans les deux sens, souviens-toi de ça.

"C’est une super nouvelle. Vraiment."

Bien plus important que cette histoire de couple, mais c’est un très bon début.

"D’accord. Mais tu comprends pourquoi je dis ceci ?"

Tu espères. Oui, tu ne peux pas tout résoudre d’un claquement de doigts (tu aimerais !), mais tu dois te montrer rassurante. Aimante. Présente. Même si commence ne pas savoir quoi faire ou dire.

"Je ne dis pas qu’il n’y en a pas. Je dis qu’il y en a moins. Tu te concentres trop sur le négatif, Nissa."

Et ça te désespère, car tu ne peux pas vraiment faire grand-chose contre ça.

"Mais on va apprendre à les ignorer, d’accord ?"

Car c’est plus ou moins la seule solution. Quant à ses parents...

"Tu sais, si je dois paraitre "normale" devant tes parents, ça ne me gêne pas."

Ça n’est pas prononcé à la légère. Dans un certain sens, ton physique, ce que tu portes, c’est ton identité.

"Même si ça arrive, on trouvera un moyen."

Il y a toujours une solution. Point final.

"Vraiment ? Tu me déclares ton amour et tu préfères faire semblant, comme s’il n’y a rien ? Te faire du mal comme ça ?"

Et te faire du mal, mais tu n’es pas vraiment à mettre dans cette équation.

"Nissa, regarde moi. Ce que tu veux, c’est être avec moi. Les autres ne doivent pas décider pour toi. Pas autant."

Mais ça n’est pas aussi simple.

"Et puis je suis lâche moi aussi. Mes parents n’en savent rien. Et ils ne l’apprendront certainement jamais. Parce que ça n’est pas vraiment leur problème, pour être franche."

Trop risqué. Trop de problèmes potentiels.

"Et je sais que tu ne veux pas leur mentir. Mais ça viendra quand ça viendra, d’accord ?"

Le temps qu’elle soit "prête".

"Je veux être avec toi. Tu veux être avec moi. Ça n’est pas forcément nous deux contre le monde. C’est nous deux, et d’autres, contre le monde. Et on va y arriver."

Même si tu es triste, tu es toujours aussi déterminée.

"C’est pour te rassurer. Te faire comprendre que c’est possible. Comme toi qui me dis qu’un jour je saurai nager mieux que toi."

Ça n’est pas forcément le meilleur exemple, mais c’est relativement similaire.

"Je ne dis pas que l’amour vainc toujours. J’aimerai. Au moins on se balance sur ça aussi..."

Tu souris tristement.

"C’est ce que je dis. Et je comprends."

Ça n’est pas tout le monde qui décide d’ignorer sa famille après tout.

"Oui, je n’en sais rien. Si ça se trouve, demain peut être le pire jour de ma vie. Mais le meilleur aussi."

Et il n’y a qu’une seule façon de voir ceci.

"Nissa, je ne tente pas de te forcer. Je tente simplement de faire comprendre que ça n’est pas impossible. Difficile ? Oui. Je ne vais pas mentir et tu dois le savoir bien mieux que moi. Mais pas impossible."

C’est un peu la base du "j’y suis arrivé, tout le monde peut y arriver". Ça ne veut pas dire qu’elle doit y arriver seule. Alors quand elle commence à partir, tu la retiens, l’enlaçant dans son dos. Et la, tu ne peux plus revenir tes larmes. C’est trop dur.

"Je ne peux pas t’oublier. Pas après tout ça."

Tu la serres un peu contre toi.

"Je sais, c’est égoïste de vouloir être avec toi. Mais tu le veux également. Et j’ai l’impression que... tu refuses parce que tu as trop peur de ce qui peut arriver."

C’est le cas en fait.

"Que tu sois lesbienne, bi ou je ne sais quoi, ça ne change pas qui tu es. À l’intérieur, tu restes la même personne. C’est qu’il faut faire comprendre aux autres."

Tu ne veux vraiment pas la lâcher. Mais tu commences à désespérer et à abandonner. La dernière insulte fait vraiment mal.

"Tu dois me détester pour ça, mais j’ai l’impression que tu appelles à l’aide, tu vois ? Parce qu’on est tous passé par là. On a tous besoin d’aide pour être acceptés."

Tu la tournes doucement vers toi.

"Alors je ne vais pas mentir. C’est dur. Et certains ne voudront jamais comprendre. Et même moi, ça me fait mal quand ça arrive. Mais je sais qu’il y a des tonnes de personnes qui m’acceptent. Qui nous accepte."

Finalement, tu la lâches.

ça va être difficile. Surement horrible. Je crois que j’ai vraiment du mal à imaginer comment c’est avec ta famille."

Tu croises les bras, tu commences à être vraiment inconfortable.

"Mais, encore une fois, je pense qu’on peut y arriver. Et pas par le pouvoir de l’amour ou je ne sais quoi. Vraiment. De manière objective."

Tu prends une grande inspiration. C’est vraiment compliqué pour toi.

"Si jamais tu veux sortir... vas-y. Ca me fera mal, si jamais tu ne veux plus me parler et plus me voir..."

Ça va être dévastateur. Il n’y a pas d’autres mots.

"Je présume que je ferai avec ?"

Tu ne sonnes pas très convaincu. Parce que ça te brisera. En fait l’imaginer te brise déjà.

"Je ne veux pas te perdre. Pas comme ça. Pas pour ça. Pas parce que d’autres décident pour nous."

Tu n’en peux plus, tu n’es plus très loin de la crise de larmes.

Tu ne peux pas t’arrêter. Ça n’est pas dans ton caractère. Il y a toujours de l’espoir. Toujours. Normalement. Sinon autant ne rien faire.

"Je..."  

Tu ne sais pas. Elle est dure. Extrêmement dure. Et tu commences à te dire qu’elle a raison. Que tu n’es qu’une blonde stupide qui ne comprend rien à rien.

"Mais alors quand ?"  

La question est prononcée dans un souffle, mais tu connais la réponse : certainement jamais. Car s’il faut attendre son indépendance... vous serez déjà des inconnues quand ça arrivera.

"Ne part pas. Pitié."  

Ta voix s’étrangle. Elle ne t’écoute pas. Elle ne t’écoute plus. Rester ami ? Est-ce que c’est encore possible ? Impossible d’y réfléchir alors que ton petit monde s’effondre et s’effrite.

Et une fois que la porte claque... tu t’effondres, tes jambes ne tiennent plus. Tu halètes, submergée par des émotions bien trop intenses que tu n’as jamais su gérer. Les larmes ne vont pas s’arrêter avant longtemps... La tristesse ne va pas partir de suite. Et puis il y a cette colère, ce dégout qui refait surface. Si tu étais normale, que tu ne seras pas attirée par les femmes, rien de tout cela ne sera arrivé. Que vous serez encore ami et que tout irait bien. Que tu es une anomalie, que tu te trompes depuis le début et que tu n’as pas ta place, que tu fais uniquement du mal autour de toi.

Alors tu hurles, tu hurles ta frustration dans ton coussin, histoire de ne pas faire trop de bruit et de le balancer de rage dans un coin de la pièce. Même monsieur Lapin a peur pour sa vie quand tu l’attrapes et le serre contre toi au point de l’étrangler. Tu veux crier, tu veux tout casser, tu veux pleurer. Et surtout, tu veux oublier ce cauchemar vivant.

#terminé