[Terminé] Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ? | Maya

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

Ce soir, c’est soirée film ! Entre Moon, et Moon. La trentenaire adore ces moments, ces sortes de rendez-vous rien que pour elle. Personne ne peut râler sur le choix du film, personne ne parle ou ne ronfle pendant, et elle peut faire pause quand elle veut pour aller aux toilettes. Depuis deux semaines, elle n’avait pas osé allumer son vidéo projecteur. La machine est puissante, mais chauffe, et en début du mois, son climatiseur était cassé. Impossible d'ajouter une nouvelle source de chaleur ! Mais depuis le milieu de la semaine, un réparateur est passé, et Moon profite de nouveau de son intérieur.

C’est toute contente qu’elle est sortie de chez elle pour visiter son magasin de DVD préféré. Il n’y en a presque plus. C’est certainement la faute à Netflix et ces autres plateformes de VoD qui fleurissent ces dernières années. Moon ne voit pas ce service à la demande d’un bon œil. Elle préfère choisir son film dans un catalogue infini que dans une sélection rachitique.

Son marchand de DVD aussi s’en plaint. Il trouve de moins en moins de clients et les loyers dans Kobe ne sont pas donnés. Alors, il a bien peur de devoir mettre la clé sous la porte. Cette situation angoisse complètement Moon. Comment va-t- elle faire, sans marchand de DVD pour l’aiguiller ? Elle n’a pas envie de commencer sur Amazon. Elle préfère la chaleur du partage. Pour ce soir, elle a choisi un film américain : All That Jazz de Bob Fosse. Elle a adoré Cabaret, alors cette comédie musicale sera parfaite. Payé, merci, au revoir, Moon sort de la boutique.

Guillerette, elle flâne dans les rues de Kobe, son sac en plastique à la main. Elle lèche les vitrines, s’imagine dans quelques vêtements qui y sont exposés, rêvasse.

Eh toi ! Pas mal la robe.

Une voix lointaine la réveille instantanément. Un timbre d’homme. Un air désagréable. Ce qu’elle entend, ce n’est clairement pas un compliment. Moon regarde tout autour d’elle, pour trouver l’auteur de ces plaisanteries, et surtout la victime. Une jeune blonde, pas bien grande, aux vêtements lolitas. Moon la reconnaît immédiatement. Maya Wayne, elle est membre du club d’arts !

L’étudiante est encerclée par deux gaillards, l’air pas bien forts, mais certainement lourdingues. La professeur n’entend pas tout ce qu’ils lui disent mais elle se doute qu’il s’agit davantage d’avances que de compliments. Ils n’ont pas la tête à se demander où elle achète ses magnifiques vêtements.

Moon détale, sur ses hauts talons bruyants. Elle ne réfléchit pas au danger. Elle sait bien que ces gars-là, c’est plus effrayant que dangereux. Qu’il leur suffit d’un peu hausser la voix, de pestiféré quelques menaces pour qu’ils disparaissent. La professeur apparaît dans leur champ de vision, se tourne vers Maya :

Excusez-moi, connais-tu ces hommes ?

La trentenaire fait attention à tutoyer Maya, pour bien faire comprendre aux agresseurs qu’elles ne sont pas étrangères.

Samedi 19 août 2017

C’est l’été, c’est les vacances, donc tu sors encore plus que d’habitude. Après tout, tu as fini tes devoirs, et tu comptes bien en profiter à fond ! Les révisions c’était stressant, et tu as du temps à "rattraper" avec tes amies. Courir, se balader dans le parc, aller au cinéma... tout ça quoi. Et il faut penser positif : les mauvais regards à cause de ton style, tu n’y fais plus vraiment attention. Mais c’est différent pour les remarques. Surtout quand elles viennent de mecs, peu importe leur âge. Avec ça, tu t’enflammes vite. Très vite. Disons que tu n’aimes pas te laisser marcher sur les pieds, et que tu as des tendances... violentes.

"Merci, passe une bonne journée."

Ta remarque est salée, pleine de dédains. Tu ne veux qu’une seule chose : que les deux mecs se barrent d’ici. Bien évidemment, ça ne fonctionne pas, car ce sont des abrutis (enfin, encore plus que le reste des mâles). Mais ils s’en sortent bien, le moment où tu te prépares à donner un coup de pied bien placé à un des gars (surtout qu’avec tes semelles compensées, ça fait mal), une femme... non, une prof débarque.

Chose étonnante, elle semble vouloir t’aider. Bonne nouvelle.

"Aucunement, ce sont encore des redoux qui pensent qu’ils m’attirent alors qu’ils sont plus moches que le reste."

Tu ne maches pas tes mots... ce qui n’est pas une bonne idée. Ça risque d’énerver "un peu" les deux mecs, tu ne penses pas ?

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

C’est bien ce qu’elle pensait. Ces deux hommes n’ont rien à faire là. Elle les dévisage, avec l’expression la plus dédaigneuse qu’elle puisse faire. Les mots sont durs, mais Maya n’a pas tort. Ces deux hommes sont ignobles. Tordus, véreux, le sourire abimé par des dents mal entretenues. Leur odeur et les tâches d’huile sur leurs vêtements attestent d’une hygiène de vie déplorable.

Des déchets.

Messieurs, je vous prie de vous en aller.

Mais comme si c’était aussi simple. Moon préfère passer par la politesse avant d’en venir aux mains. Ou aux cris. Les deux hommes, certains d’avoir le dessus sur les deux jeunes femmes, ne reculent pas. Bien au contraire, ils se penchent davantage.

Qu’est-ce que tu te mêles toi ? On n’faisait rien nous.

C’est elle qui nous aguiche !

Le sang bout dans les tempes de Moon. Aguicher. Et puis quoi encore. Elle ne connaît pas l’étudiante, mais les rumeurs circulent dans les couloirs, et ce jusqu’aux salles des professeurs. Maya serait misandre. Moon en a fait les frais lors de la sortie à la plage et a dû la séparer de Nolan. Non. Clairement la blonde n’est pas une aguicheuse. Et quand bien même, ce n’est pas une raison.

Ne m’obligez pas à me répéter. Partez maintenant.

Moon fait bouclier entre les hommes et Maya. Comme pour lui dire : ne t’inquiète pas, ils vont partir, je gère la situation. Étudiante, elle aurait détesté être à sa place, sans défense, devant deux mecs décidément allumés et mal intentionnés.

Les hommes restent.

Tu préfères prendre sa place ?

Un rictus pervers s’étend sur son visage. Prendre sa place ? C’est à vomir. L’homme approche sa main vers Moon, mais n’a pas le temps de la toucher qu’elle le claque. Sonné, la joue rouge, il titube. Une gifle, il n’y a rien de plus humiliant.

Partez tout de suite. Ou je hurle.

Des sirènes de police résonnent au loin. Moon ne rigole pas et les hommes peuvent le lire dans ses yeux. Elle est résolument énervée.

Samedi 19 août 2017

Voilà, être claire et leur demander de partir d’ici est une bien meilleure idée, la prof à tout comprit. Mais depuis quand les mecs écoutent les femmes, pas vraies ? Ce qui. T’énerves. Encore. Plus. Et tu n’es pas réputée pour avoir beaucoup de patience. Même Mohon doit le savoir, tu as surement ta petite réputation dans tout le campus.

"Vous aguicher ? C’est vous qui pensez n’importe comment !!!"

Oui, ça continue de t’énerver. Toi, vouloir séduire des hommes ? Jamais ! Plutôt crever ! Séduire une fille peut être, mais tu es tout sauf aguicheuse. Mais c’est bien les mecs ça, de réfléchir avec le cerveau d’en bas... si on peut appeler ça réfléchir...

Au moins tu es assez maligne pour laisser la plus âgée et la plus sage faire la discussion. Enfin, les demandes pour qu’ils se barrent. Et leur dernière réponse t’enrage. Sauf que tu es aussi surprise qu’eux de voir que celui qui a fait la "proposition" - qui prouve qu’ils ne voulaient pas seulement se balader avec toi - se fait promptement baffer par la prof.

Alors... tu profites de l’occasion. Ils sont distraient, après tout. Et un bon coup de pied entre les deux jambes va calmer l’autre. Surement. Dans tous les cas, ça te détend.

"Maintenant partez d’ici ! Ou on ne va pas être aussi douce le temps que la police arrive !"

Car tu entends les sirènes. Et puis vous commencez à attirer l’attention. Ça n’est pas forcément votre droit d’être aussi violente, mais vous n’êtes pas forcément dans le faux.

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

Alors que les sirènes s’approchent, et que les passants s’arrêtent pour regarder la scène, Moon a l’impression d’avoir gagné. Qu’est-ce qu’ils vont faire maintenant ? Mais c’est sans compter sur la rage de Maya, qui profite de l’instant pour glisser son pied dans l’anatomie sensible de l’homme.

“Aussi douce”.

Moon n’en revient pas. Peut-être qu’elle aurait dû éviter cette gifle. Elle ne va pas plaindre l’homme, il est davantage coupable que victime, mais elle aurait préféré ne pas faire plus d’effluves. Les témoins oculaires sont nombreux, et avec cette action, Maya les met en danger. Les hommes leur ont fait des avances, mais pas touché, ils pourraient avoir gain de cause face aux flics.

La professeur espère que la peur sera plus forte chez les deux gars que la fierté. La main sur l’entrejambe, le premier d’entre fait signe au second de la tête. Ils partent, presque sans dire un mot.

T’as pas intérêt à nous croiser seule la nuit !

A qui s’adresse la menace ? Peu importe. Elle est suffisamment ridicule. Ce n’est pas la première fois que Moon se retrouve face à ce genre de personnage, grossier et stupide. Ils vocifèrent des insultes en s’éloignant, comme pour garder la face. Mais ils ne font plus peur du tout.

Moon se retourne vers Maya :

Tu vas bien ? Ils ne t’ont rien fait ?

Même si à priori, la jeune étudiante semble coriace, on ne sait jamais. Ce genre de moments, ça peut secouer, et la professeur préfère rester quelques instants avec Maya pour s’assurer que tout aille bien.

Samedi 19 août 2017

Comme quoi, les mots, c’est bien, mais l’action, c’est mieux. Et puis zut ça te détend vraiment. C’est efficace le coup de pied. Casse-noisette, comme on dit. Ton bal préféré. Et heureusement que tu ne fais plus de sport de combat, pas vrai ? Ça pourrait être pire pour les deux mecs qui ne s’en sortent pas trop mal.

"Oui bien sûr, barrez-vous !"

Tu ajoutes des injures sur les blessures. C’est que tu es une jeune femme fière et courageuse, et tu ne comptes pas te laisser faire par les hommes, loin de là. Tu les trouves ridicules alors qu’ils partent sans demander leur reste. Pas très courageux, comme prévu.

"Non ça va, merci. Ils n’ont pas eu le temps ni le courage, héhé."

Elle est intervenue au bon moment. Quant à toi, tu redeviens la gentille Maya que tout le monde connait.

"Encore merci de l’aide, ces blaireaux commencez à être vraiment insistant."

Oui, si tu peux les critiquer au passage...

"Ca me déprime, il faut croire qu’une simple robe, ça excite les mecs comme pas possibles."

Tu marmonnes un petit "quelles bandes de con" avant de sourire à nouveau.

"Que faites-vous ici madame ?"

Tu n’as pas vraiment envie de l’appeler professeur. Elle n’est pas vraiment en fonction, pas vraie ?

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

Décidément cette gamine est étonnante. Elle ne semble pas choquée, bien au contraire. Et puis, d’une certaine manière, Moon le comprend : avec ce genre de vêtements, il faut pouvoir avoir les reins solides. Même si elle vit au Japon, souvent plébiscité à l’étranger pour sa sécurité, Maya doit régulièrement entendre des remarques désobligeantes.

Oh tu sais, c’est pas la robe.

Un léger sourire, un haussement d’épaules. Bien sûr que la robe n’aide pas. Parce qu’elle attire l'œil. Mais ce genre de mecs, ça n’a besoin de rien pour être excité. Que ce soit une jupe, une robe, un pantalon, et même un jogging trop grand : il suffit d’être une femme, et c’est déjà bien assez.

Je suis ravie que tu ailles bien.

Moon fouille dans son sac et sort un petit agenda. Elle arrache une feuille d’un mois passé, et note à l’aide d’un petit crayon son numéro de téléphone portable. Elle le tend à Maya.

N’hésite surtout pas, si ça arrive de nouveau. Un coup de fil, un sms, avec ta position. Et j’appelle les flics.

Son air est des plus sérieux. Moon ne donne pas son numéro à tous ses étudiants, mais la situation est particulière. Elle compte sur la discrétion de Maya pour ne pas s’en servir à d’autres occasions.

Je reviens du magasin de DVDs, je profite un peu de mon semblant de vacances !

Du week-end plutôt, après tout elle s’est portée volontaire en semaine pour les rattrapages et ne voit pas vraiment la couleur de ces congés.

Samedi 19 août 2017

"Oh, je, hum..."

Tu rougis un peu, tu ne sais pas vraiment quoi répondre à ce compliment. Est-ce que c’est un compliment ? Surement. Du moins tu l’interprètes ainsi. Comme quoi tu peux être un peu timide quand tu veux.

"Oh non merci à vous de vous inquiéter et d’être intervenue."

Oui, tu la vouvoies alors que tu la tutoies. Elle a gagné ton respect ! Dire que quelques semaines avant tu la détestais, car elle n’apaise suffisamment punit Nolan à ton gout... Et tu as pris pour ton grade également alors que tu n’avais "rien fait" !

"Oh c’est..."

Son numéro ? Mais qu’est-ce qui se passe ? Avec son compliment d’avant ? Est-ce que c’est vraiment un hasard ? Tu commences à t’agiter et à paniquer un peu, tu ne pensais pas que la prof pense comme ça, surtout qu’elle est assez jolie et...

Ho.

Descends de tes grands chevaux, ce n’est pas du tout pour ce que vous pensez, toi et ton imagination débordante. Tu reprends ta teinte normale (c’est-à-dire pas rouge tomate).

"Oh d’accord, pas de soucis."

Dommage qu’elle ne sait pas ou ne comprend pas que tu as tendance à vouloir régler les problèmes seule... ce qui s’est parfois retourné contre toi. Heureusement que ça n’a jamais fini en drame pour toi, et a chaque fois que tu fais violenter ça ne fait que t’enfoncer dans ton dégout des hommes.

"Oh, vous empruntez encore des DVD ? Pourtant on commence à être à l’ère du streaming."

Pour les animes c’est bien plus pratique, pas vrai ? Tu n’en consommes pas beaucoup, mais c’est fun pour se détendre.

"Vous ont regardé quoi ? D’ailleurs, ça n’est pas trop compliqué pour vous de regarder un film pour se détendre ?"

Après tout,c’est une prof de cinéma. Elle pourrait penser à ses cours en voulant regarder un film, l’horreur !

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

Moon fronce légèrement les sourcils à la réaction de Maya. Les joues rouges. L’air timide. Soit ce sont les retombées de l’agression, soit la jeune demoiselle se fait des films et se monte la tête en voyant le numéro. La professeur ne réfléchit pas trop longtemps et s’arrête sur la première option. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu’on se fait secouer par une bande de petits mecs.

Moon range dans son petit sac son calepin et son stylo. Elle se doute bien que Maya n’utilisera pas son numéro. Mais par principe, si jamais, elle l’aura noté quelque part. Moon espère que l’étudiante l’enregistrera dans son téléphone. Ce n’est pas parce qu’elle pense être assez forte pour gérer les situations compliquées toute seule que c’est le cas. Quoique. Il y a peut être plus de chance que Maya appelle Moon depuis la gendarmerie pour expliquer un geste violent que pour demander de l’aide.

Dans ce genre de situation, Moon viendrait quand même au secours de son étudiante. Elle a beaucoup trop d’affection pour ces élèves, et ne les laissera jamais dans la mouise.

Je ne vais pas te mentir. Il m’arrive de regarder une ou deux séries sur plateformes, histoire de me mettre à la page.

Surtout que depuis quelques années, la qualité des séries télévisées a considérablement augmenté. On est loin des années Ma Famille d’abord ou Malcolm. Il y a de sacrés budgets et de sacrés acteurs dans les séries Netflix, HBO et compagnie. Néanmoins, aux yeux de Moon, ça n’a pas encore suivi en terme de production cinématographique.

Mais sur les plateformes, il n’y a pas tout. Et comme j’ai les moyens, je préfère acheter que pirater, histoire de faire vivre le système

Il lui arrive de pirater quelques films étrangers. Mais elle s’est fixée une limite : jamais ceux distribués en DVDs au Japon.

Là, j’ai pris une comédie musicale des années soixante-dix. All That Jazz par Bob Fosse.

Elle sort le DVD de son sac et le tend à la jeune femme. Maya ne connait certainement pas le film, ni le réalisateur. Il s’agit d’un super metteur en scène de comédies musicales à Broadway. On lui doit de superbes œuvres comme Cabaret ou encore Chicago. All That Jazz, d’après les livres que Moon a lu, est son œuvre la plus personnelle. Une sorte d’autobiographie.

Et il faut bien que je cultive ma cinéphilie pour pouvoir nourrir mes cours. Vous vous intéressez au cinéma ?

Une petite lueur éclaire les pupilles de Moon. Elle est toujours prête à partager sa passion du septième art.

Samedi 19 août 2017

Est-ce qu’elle a remarqué ta gêne ? Tu ne sais pas. Tu espères que ça n’est pas le cas, sinon ça serait tellement bizarre ! Et depuis quand une prof sortirait avec une élève ? Ca n’est pas illégal, interdit, ou les deux ? Même si tu as tendance à ne pas respecter les règles, tu ne veux pas que ça finisse aussi mal ! Heureusement que ça n’était que ton imagination, ouf ! Dans tous les cas, son numéro finira enregistré... et sans sentiments bizarres !

"Ca n’est pas vraiment une question de ce mettre à la page, sur les plateformes il y a également d’anciennes séries."

Et puis après, il y a l’illégalité... mais c’est encore autre chose. Il ne faut pas en parler. Ah, sauf si elle mentionne le sujet. Mais tu es une file exemplaire, pas vraie ? Et blague à part, comme tu aimes l’art, tu comprends.

"Mais c’est vrai que le catalogue peut laisser à désirer. Après ce n’est pas vraiment mon genre de chose, donc je ne peux pas vraiment parler."

Ça ne sert pas à grand-chose de faire semblant, surtout face à une spécialiste !

"Le nom ne me dit rien du tout."

Mais en même temps, les années soixante-dix. Tu n’étais pas né, et tu sens que c’est le genre de film ou c’est "les femmes dans la cuisine", alors non merci. Et non, tu n’imagines pas DU TOUT des choses. ÇA n’est pas ton genre.

"Hum, un peu ?"

Tu sens que tu ne peux pas y échapper. Pour le meilleur comme pour le pire.

"Je vais parfois au cinéma pour regarder les nouveaux films, mais c’est tout."

Si jamais elle commence à enchainer... tu feras semblant d’écouter. Au moins au début.

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

L’espoir de Moon s’éteint quasi-immédiatement. Décidément, elle peine à rencontrer des étudiants cinéphiles. Malgré la grande popularité de cet art, la plupart des jeunes que Moon rencontre sont des consommateurs occasionnels. Elle rêve d’un jour se lier d’amitié avec une personne passionnée, avec qui elle pourra échanger ses heures et ses heures de DVDs, avec qui elle pourra créer une ligue pro-audiovisuel pour créer un fonds correct à la bibliothèque de l’Université, à qui elle pourra transmettre l'autobiographie de Renoir qu’elle a trouvé lors d’un de ses voyages en France (le livre étant lui même en français, elle n’a jamais réussi à le lire).

C’est déjà bien d’aller au cinéma, rien que quelques fois par an.

Les encouragements c’est important. Râler sur l’inculture de ses élèves ne sert à rien, il faut plutôt les rendre curieux. La jeune professeur range pourtant son DVD dans son sac. Elle a une autre petite idée en tête.

Je me permets d’être indiscrète, mademoiselle, mais êtes vous occupée ?

Maya n’a pas encore demandé sa liberté, ni s’est plaint d’être en retard à un quelconque rendez-vous. Elle n’a pas non plus de sacs à ses bras, pouvant trahir une virée shopping. Moon en déduit que l’étudiante a profité de la journée pour se balader, et pourrait donc être prompt à répondre positivement à sa proposition.

Si ça vous intéresse, je vous invite au cinéma. Je ne sais pas ce que vous aimez comme films, mais il y a l’embarras du choix. Disney ont sorti le remake de La Belle et la bête, et Toho Je veux manger ton pancréas.

Deux films tout public. Moon n’a vu aucun des deux. A vrai dire, elle ne comptait pas vraiment voir le remake du film Disney, la bande-annonce dévoilant un chara-design trop similaire au film d’animation pour la jeune professeur. Elle est davantage curieuse du second film. Un film d’animation japonais des studios Toho. Depuis sa sortie en juillet, le film fait un tabac.

Samedi 19 août 2017

"Oui avec des amis c’est sympa. Parfois on regarde quelques nanars également."

Et des films d’horreur, en bons jeunes qui aiment se lancer des défis stupides. Ces films font rarement vraiment peur de toute façon. Et puis, c’est quoi la terreur, pour toi ? L’eau. Brrrrr. Non merci.

"Hum, non, pas vraiment, je n’ai pas vraiment de plan pour aujourd’hui, pourquoi ?"

Ça y est, tu paniques à nouveau. Elle te fait à nouveau des avances ? Tu as mal interprété, mais en fait tu avais raison depuis le début ? Mais non, mais non, arrête de te faire des films (haha) et reste terre à terre, pour une fois. On sait tous que c’est compliqué pour toi de ne pas surinterpréter les choses, mais tu peux le faire !

"Pourquoi pas, mais je peux payer moi-même, rassurez-vous."

Question d’honneur.

"A choisir, autant le pancréas, mais ce set comme vous voulez."

Une des phrases les plus bizarres que tu as prononcées de ta vie. Mais alors, pourquoi le film de cannibale et pas celui de princesse ? Car tu détestes cette vision ultra simple des filles, qui ne savent pas faire grand-chose et qui ne veulent pas vraiment prendre leur vie en main. Ça n’est pas du tout le cas et ça t’énerve !

"Dans tous les cas je vous suis madame !"

Ça n’est pas comme si tu as le choix, pas vrai ?

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

Moon espère ne pas prendre l’étudiante en otage. Elle sait combien il peut être difficile de dire non à une adulte. Mais maintenant que Maya a accepté son invitation, la professeur de cinéma ne reviendra pas en arrière. Il y a bien longtemps qu’elle n’a pas partagé une séance dans une salle de cinéma. Toutes ses amies sont maintenant mariées, occupées par leurs gamins, et installées dans la banlieue de Tokyo. Elle a bien fait quelques rencontres à Kobe, mais elle n’a encore jamais osé proposer une séance de cinéma.

Surtout aux hommes. Moon n’a aucun souci avec la gente masculine. Elle enchaîne les rendez-vous romantiques avec une certaine aise. Depuis plusieurs mois, elle essaie de se poser, de faire comme ses amies d’Université. Mais elle ne tombe tout simplement jamais sur le bon. Mais même quand les rendez-vous se passent bien, Moon ne propose jamais un cinéma. C’est peut-être parce qu’il y fait noir, mais les hommes ont tendance à y prendre leurs aises.

Et pendant un film, Moon aime être concentrée.

Le point positif avec une élève, surtout féminine, c’est qu’il n’y a à priori aucune ambiguïté.

Parfait. Optons pour Je veux manger ton pancréas, alors !

Moon ne relève pas la condition posée par Maya. Si elle veut payer sa place, il n’y a aucun souci. Professeur et adulte, Moon l’aurait naturellement invité, mais elle ne veut pas forcer la main de son étudiante.

La professeur ouvre la marche et se dirige dans la direction du cinéma du centre-ville.

Le film fait un carton depuis sa sortie, alors tu en as peut-être déjà entendu parler. Le titre peut sembler effrayant, mais il s’agit d’un drame romantique animé.

Moon n’a aucune idée de la sensibilité de Maya. Et préfère la prévenir avant : à priori, pas d’effluves de sang, ni de fantômes à la Sadako. Mais certainement une bonne dose de larmes.

Samedi 19 août 2017

Décidément, pourquoi appeler ce film ainsi ? Peut-être que c’est un désir profond du réalisateur ? Aujourd’hui je mange ma femme, quelle superbe idée ! Tu ne sais pas si tu dois juger ou pas, ou vraiment t’arrêter sur le titre. Oui voilà, arrête d’y réfléchir, visiblement quelque chose te passe bien au-dessus de ta tête. Voilà pourquoi tu n’es pas partie en art en matière principale.

"Hum, seulement de nom."

Tu suis le cinéma de loin. De trèssssssss loin.

"Je dois bien dire que le titre ne fait pas penser à ça, mais bon."

Comme tu pensais tout à l’heure, tu as décidé de ne pas tenter de comprendre.

"Ou alors c’est ça l’amour, vouloir manger les autres ? C’est une façon de voir les choses, je dirai."

Mais as tu véritablement été amoureuse dans ta vie ? Une chose est certaine : jamais tu n’as eu envie de manger le pancréas de quelqu’un.

"C’est votre genre de film favori ? La romance, ne pas manger les gêne."

Heureusement que tu ne parles pas trop fort, imagines les regards si ca n'était pas le cas... ça serait pire que d’habitude.

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

La trentenaire hausse les épaules. Elle aimerait pouvoir expliquer le titre de l'œuvre, mais elle est bien embêtée. Sans avoir vu le film, il ne s'agirait que de suppositions, et en tant que professeur, elle se doit d’être sur de la véracité de ses propos.

Pourtant, l’hypothèse de son étudiante semble plausible. Aimer jusqu’à en vouloir dévorer son amant. Drôle de pitch, un peu excessif. Moon aimerait dire qu’elle a aimé jusqu’à ce point, mais ce n’est pas vrai. Elle a toujours aimé de manière raisonnable. C’est certainement la raison pour laquelle elle est toujours célibataire.

De l’amour... ou du cannibalisme. Je vous prie de ne pas accepter trop de choses par amour !

Moon ne connaît pas la situation romantique de Maya. Mais elle sait que bien des jeunes filles en mal d’amour se laissent bercer d’illusion par des hommes dangereux qui jouent de leur influence pour faire pression et s’octroyer quelques minutes de violent plaisir. Le cannibalisme, ce n’est pas nécessairement sexy.

Je peux aimer la romance, comme l’horreur, ou la comédie. Mais je suis surtout touchée par les films “tranche-de-vie”, dramatiques. D’Ozu à Kore Eda en passant à Kurosawa. Le jeune, pas le réalisateur de films de samouraïs.

La trentenaire ne s’octroie jamais le droit de pleurer. Les difficultés de la vie, elle les affronte à bras le corps, le visage neutre. Mais dans l’intimité de la salle de cinéma, elle craque parfois. Quelques larmes glissent le long de ses joues. Ca lui fait un bien fou. Mais elle ne s’autorise à pleurer que pour des histoires, jamais pour la vraie vie.

Samedi 19 août 2017

"Ça n’est pas prévu. Mais je suppose que je découvrirai à ce moment la."

Pour accepter les choses par amour, pas pour être mangée. Jalouse, tu le seras surement. Pour le reste, comme tu es forte tête... D’un autre côté, comme tu es très gentille et accommodante avec tes amies, il est bien possible que tu sois plus douce que tu le montres d’habitude, et que ce soit amplifié avec l’amour. Seul l’avenir nous le dira.

"Les tranche de vie, c’est sympa. Tout le monde peut comprendre, et même si c’est souvent exagéré ça reste un peu... réaliste en soi."

Il faut bien sûr des expressions à la Jojo, mais le reste du temps c’est parfois assez "calme" avec des situations "normales". Pour ce que la normalité vaut, bien sûr.

"J’espère qu’il n’y aura pas trop de monde."

Spoiler : non, ça va. Et vous pouvez vite choisir vos places dans la salle. Pour le reste... il n’y a plus qu’à profiter du film, pas vrai ?

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

Maya a bien raison. Chaque chose en son temps. Avec les années, les relations se succèdent mais ne se ressemblent pas. Moon a toujours été assez sage. C’est son côté traditionnel. Elle aime les histoires d’amours faciles, sans accrocs, dans lesquelles on se sent bien. C’est certainement la raison pour laquelle elle fuit aux premières disputes. Crier et se faire crier dessus, très peu pour elle. Alors, depuis quelques années, elle a davantage eu des coups d’un soir que des relations longues.

Parfois, elle se dit qu’elle est trop exigeante. Qu’il faut baisser ses exigences. Alors, elle saute dans les bras du premier venu dans le bar du coin. Rentre chez lui. Mais désalcoolisée se rend compte qu'elle a le droit de vouloir le meilleur. Et part de l’appartement sans jamais recontacter son locataire.

Tu as raison. C’est réconfortant, le réalisme.

Moon pensait pourtant Maya davantage cliente des films de genre : horreur, fantaisie, science-fiction. C’est certainement à cause des vêtements. La professeur a encore beaucoup à déconstruire, elle est marquée par le poids de certaines traditions.

Sur la façade du cinéma est suspendue la grande affiche du film qu’elles vont voir. Décidément, c’est le film de l’été ! Les deux femmes entrent dans le complexe et se dirigent vers les caisses. Elles obtiennent leurs billets et sont dirigées vers leur salle. La salle 1 : la plus grande du lieu !

Moon pousse la porte. Après vous.

La professeur laisse l’étudiante entrer avant elle. Comme ça, elle peut choisir la place. La trentenaire a ses préférences : elle aime être placée en milieu de salle, ni trop loin, ni trop proche. Mais elle a poussé Maya à la suivre, et lui donne donc le privilège de la décision. Quelques spectateurs sont déjà installés : quelques jeunes bruyants en fond de salle, des personnes âgées tout devant.

Samedi 19 août 2017

"Réconfortant... je ne sais pas. Mais bon, c’est bien de ne pas savoir qu’on est seul, en quelque sorte."

Certains films parlent de sujet relativement dur, ou de communauté. Ils sont intéressants et détendent, en quelque sorte. Bien sûr, quand tu veux vraiment débrancher le cerveau, tu regardes quelque chose de pas trop sérieux. Ou sinon, direction la salle d’arcade. Un peu de jeu vidéo, ça défoule. Il ne faut simplement pas en abuser, mais tu es fille responsable !

"Après c’est seulement pour regarder. Quand il s’agit de lire, ça devient autre chose. Et la SF ou le médiéval fantastiques c’est mon truc."

Et tu aimes bien lire. Non, tu adores lire. Rectification : tu ADORES lire. Tu dois lire au moins un peu chaque jour. C’est comme ça, c’est tout.

"Oh, merci."

De la galanterie entre femmes. Ou la politesse de base d’après certaines personnes qui ne se font pas des films comme toi. Pour le reste... bah tu regardes le film une fois installé - avec la prof - bien au milieu de la salle. Tu n’es pas vraiment dans les sentiments, alors les gens qui parlent un peu, qui pleurent, tout ça... meh. C’est un bon film, tu es juste une vilaine insensible.

Les lumières se rallument. Rideau, dirait-on dans l’ancien temps.

"Je comprends pourquoi ce film est réputé."

Il est vraiment sympa. Peut être pas entièrement pour toi, mais tu as bien aimé le regarder.

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

Comme quoi, Moon a assez bien cerné son étudiante. La littérature SF et fantastique. Ce n’est pas du cinéma, mais ça reste du récit ! Donc pas si loin. La trentenaire n’a jamais lu de roman médiéval. Elle se demande bien à quoi ça peut ressembler. De toute manière, elle n’a pas lu de roman depuis des mois. Déformation professionnelle. Depuis le début de ses études universitaires, elle se surprend à s’en vouloir à chaque fois qu’elle lit autre chose que de l’écrit théorique. Comme si lire était uniquement une tâche lié à sa profession, et qu’elle n’avait pas le droit de se divertir.

Heureusement, il y a le cinéma pour ça.

Après quelques minutes de pub, que Moon connaît par coeur (ce sont toujours les mêmes de toute manière !), les lumières s’éteignent. Dans la salle, Moon ne ressent pas du tout cette même culpabilité. Même devant les films populaires et divertissants, elle a l’impression de faire ses devoirs. Après tout, elle a maintenant l'œil analytique, et ne peut s’empêcher un peu de description.

Quand le générique sonne, la professeur s’affale dans son fauteuil. Qu’est-ce qu’il est confortable. Au fond de la salle, on entend comme des gloussements. Des jeunes qui fricotent, à l’ombre de la comédie romantique. Un bon lieu de rendez-vous. Moon n’invite plus ses rencards au cinéma : elle aime être concentrée, et c’est rarement le cas de ses +1.

Un peu plus loin, à leur droite, une quarantenaire mâche bruyamment ses popcorns. Elle semble avoir ramené tout son goûter. Sur ses genoux tient un plateau sur lequel fume un hot-dog. Pourquoi le cinéma vend ça ? Moon le sait : l’argent. Mais l’odeur est perturbante. La professeur en perdrait presque le fil de l’histoire.

Et quand elle arrive à se reconcentrer, voilà que leur voisin du devant allume son téléphone. La lumière fait comme un flash et éblouit la trentenaire. C’est pourtant bien écrit avant les films : il faut éteindre son téléphone ! Décidément, sacrée séance. Moon sait pourtant qu’il faut éviter les salles le samedi, et les vacances. Les deux d’un coup, bingo !

Moon essaie de rentrer dans le film, de faire table rase. C’est qu’elle a loupé quelques scènes à force de déconcentration. Les trente dernières minutes sont heureusement plus calmes. Forcément, ce sont les plus touchantes. Moon est certaine d’avoir entendu quelques reniflements.

Mais quand les lumières se rallument, ses joues sont sèches. Celles de Maya aussi, apparemment. Le film était beau, très bien animé, touchant. Mais peut-être pas suffisamment.

Le chara design est simple, mais efficace. L’animation est néanmoins réussie. Je comprends aussi sa réussite, même si je trouve qu’il manque d’un peu d’originalité. Le récit est bien tenu, malgré sa longueur : une heure cinquante, c’est beaucoup pour un film d’animation japonaise. Vous voyez là bas ?

Moon fait un discret signe de tête vers un vieux monsieur assis plus loin. Malgré son air sévère, l’homme semble sécher quelques larmes timidement.

Il semble avoir fait son effet chez quelques spectateurs. Certainement la musique, elle était indéniablement réussie.

La prof parle beaucoup. Elle assomme certainement Maya. Dès qu’elle s’en rend compte, elle cesse. Tout le monde n’apprécie pas de parler en fin de séance. Elle, c’est tout le contraire. Elle adore argumenter, défendre ou casser un film.

Et vous, vous n’avez pas versé votre petite larme ?

Samedi 19 août 2017

"Il parait que la beauté et la perfection est dans la simplicité."

Un adage que tu ne suis pas forcément, mais que tu aimes bien tout de même. Après tout, tu te trouves belle et mignonne, mais ton style penche un peu vers le "too much". Quant à ton caractère... oui, bon. On va ne rien dire.

"la longueur, ça va, je n’ai pas vu le temps passé."

Ce qui est bien évidemment une bonne nouvelle pour un film. Non vraiment, il est réussit.

"En même temps, je les comprends. C’était touchant et émouvant. Peut être pas assez pour pleurer, mais il parait que je suis sans cœur."

Une réputation plus ou moins vraie. Tu es sans pitié avec les garçons après tout.

"Donc non, pas vraiment de larme. Peut-être parce que je ne suis pas vraiment... concernée par ce genre de film ?"

L’amour est un sujet complexe avec toi. Tu le recherches autant que tu y es aveugle. Tu n’es le genre de personne qui réalise ses sentiments des semaines après. Une sorte de déni inconscient. En attendant ou en cherchant une mystérieuse et hypothétique princesse, tu oublies celles qui sont sous tes yeux...

"Et vous ? Vous feriez pareil que dans le film ?"

Ça n’est pas une question simple, c’est sur. Et ça n’est pas toi qui as la réponse.

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

La beauté se trouve dans bien des choses. La simplicité. La précision. L’accumulation. Moon n’est pas fermée sur la définition de ce concept. Elle voit le beau dans bien des œuvres : qu’elles soient plastiques, bien composées, ou complètement chaotiques. Lors d’un de ses voyages à Paris, elle a fait le tour du musée du Louvre. Elle a trouvé très beaux les marbres blancs, mais aussi les impressionnants - et tout sauf simples - lustres Napoléoniens.

Néanmoins, elle est d’accord sur le principe qu’il ne faut pas nécessairement en faire beaucoup pour être efficace. Beaucoup de films peinent à raconter leurs histoires, et s’empêtrent dans trop de sentimentalisme, et trop de détails. Le plus fort, le plus émouvant, reste parfois le plus trivial.

Sans coeur ? Qui vous a mis ça en tête ?

Moon est étonnée par tant d’autodépréciation. C’est dur, de se définir comme “sans coeur”. Tout le monde ne communique pas ses émotions de la même manière. La trentenaire non plus, n’à pas pleuré. Alors, lorsqu’elle chambrait son étudiante, c’était uniquement pour la taquinerie.

Vous n’êtes pas concernée par l’amour ?

La professeur a lu quelques textes universitaires sur le concept d’asexualité et d’aromantisme. Néanmoins, elle n’a jamais rencontré de personne témoignant de cette orientation. Pourtant, Moon sait que l’amour n’est pas toujours romantique. La famille, les amis : eux aussi sont source d’amour.

Vous voulez dire, répondre aux vœux d’une personne malade ?

C’est compliqué. Moon est dans une situation bien différente du protagoniste. Ce qui semble le pousser à passer du temps avec la malade, c’est aussi sa grande apathie, son habitude au monde. Moon n’est pas aussi inexpressive, et a un certain goût pour sa propre vie. Et puis, maintenant qu’elle est adulte, elle a des tas de responsabilités. Celle de venir le matin en classe pour ses étudiants, par exemple.

Tout dépend de quoi. Mais mettre en pause ma vie pour rendre plus belle celle d’un inconnu me semble assez inconcevable pour le moment. C’est peut-être aussi une histoire de rencontre. Chaque relation est différente, et il suffit de tomber sur la personne qui te donne envie de passer du temps avec ?

Samedi 19 août 2017

"Non mais c’est exagéré, ça n’est pas non plus comme si j’y crois réellement."

Est-ce que tu devrais mentionner ta réputation ? Le fait qu’es misandre ? Pas une bonne idée, ça ne jouerait pas en ta faveur. Tu n’as pas tendance à mentir, mais... bon, OK, on n’a rien dit.

"Oui. Ca n’est pas vraiment comme si j’ai déjà été en couple ou quelque chose du genre."

C’est ça que tu veux dire. Ça n’est pas comme si tu te sens concernée par l’amour tout court... même si c’est un peu le cas avec ta famille. Tu as quasiment entièrement coupé les ponts avec tes géniteurs après tout. Et tu n’as pas de frère ou de sœur. Mais tu comptes bien tomber amoureuse un jour.

"Exactement. Bon, pas uniquement si c’est un presque parfait inconnu."

Surtout si c’est un parfait inconnu. Ou un, en fait. Une par contre... ça devient beaucoup plus jouable pour toi. Mais en vérité, si tu es ami avec une personne, même un mec (si, ça arrive), jamais tu ne les abandonnes. Jamais.

"Ça doit être une question de feelings oui. Si ça n’accroche pas, ça n’accroche pas."

Ho. En parlant de ce sujet... vilaine curieuse.

"Et vous avez trouvé cette fameuse personne ? Ou vous ne la cherchez pas du tout peut-être ?"

Après tout, elle est plus vieille, donc elle doit être un peu plus expérimentée que toi. Tout conseil est bon à prendre, pas vrai ?

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

Moon est rassurée. Si ce n’est qu’une manière de parler, alors, et que Maya ne s’imagine pas vraiment “sans coeur”, c’est tant mieux. La jeune professeur a tendance à prendre les choses très au sérieux avec les étudiants, et à ne pas toujours saisir le second degré. Après tout, mieux vaut être prudente. Certaines personnes ont besoin d’accompagnement et n’osent pas se confier. Moon aimerait pouvoir être une prof à laquelle on se sent assez à l’aise pour parler des sujets importants.

Vous le savez certainement déjà, mais ce n'est pas une course. Je sais qu’on peut être gêné à votre âge de ne jamais avoir eu de relation amoureuse, parce que c’est facile de se comparer avec ses camarades, mais chaque chose arrive à son temps.

Elle ajoute, toujours l’asexualité en tête :

Et si elles n’arrivent pas, ce n’est pas plus grave non plus.

Mais Moon n’est pas un bon exemple. Déjà au collège, elle enchaînait les amoureux. Rien de bien grave. Il s’agissait surtout de garçons avec lesquels elle partageait le goûter et auxquels elle tenait la main. Au lycée, elle s’est concentrée sur ses études, et se trouvait trop hideuse pour s’autoriser d’être en couple. Mais à l’Université, elle ne s’est pas privée. Toutes les relations étaient bonnes à prendre : que ce soit pour une nuit ou pour un mois. Rarement plus d’un an, néanmoins. Moon a tendance à fuir les situations inconfortables, les disputes. L’imperfection. C’est peut-être pour ça qu’elle est encore seule. C’est tellement plus simple de rencontrer des amants en étant étudiante qu’en travaillant. Elle n’a maintenant plus tant de choix : elle doit rencontrer les hommes à travers les réseaux sociaux, les blind-dates, et les événements matrimoniaux.

Non, je ne l’ai pas trouvé.

Et c’est bien le souci.

Et pourtant, je cherche.

Un petit sourire triste. Elle cherche sans s’arrêter. A force, Moon a la sensation d’avoir écumé les hommes célibataires de sa ville. Docteurs, avocats, professeurs, et ça n’a fonctionné avec aucun.

Samedi 19 août 2017

« De toute manière si c'est une course je l'ai perdu depuis bien longtemps. »

Toutes tes amies ont déja eu un... copain. Et elles n'ont pas que le regarde, pour le présenter gentiment. Et tu peux comprendre. Tu râles un peu à cette idée, mais tu n'as pas quitté tes amies « seulement » parce qu'elles sortent avec des mecs, et que tu détestes les mecs. Tes amitiés passent en priorité !

« Oui ça n'est pas très grave si ça n'arrive pas. »

C'est la vie. C'est comme ça. Tu n'en feras pas tout un fromage. Ce n’est pas très grave d'être seule.

« Vraiment ? Pourtant vous êtes jolie et gentille, e suis certaine que beaucoup de mecs doivent tomber pour vous. »

Visiblement elle ne semble pas très intéressée par les filles. Tristesse et damnation.

« Mais du coup... pourquoi vous cherchez ? On vous oblige où... »

Tu ne comprends pas pourquoi il faut absolument chercher. Oui, tu as failli avoir une obligation familiale à ce niveau-là, mais tu l'as promptement fui. Être avec un mec... brrrrrrr, jamais !

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

Vous avez raison, ce n’est pas la course.

Moon essaie de se rassurer. Si ce n’est pas la course pour Maya, ce n’est pas la course pour elle non plus ? Il y a pourtant l’âge. Entre vingt et trente ans, tout change. Le regard sur soi, mais aussi le regard des autres. Celui des amis, de la famille, même celui des médecins. Lors de sa visite annuelle, en début d’année, son docteur lui a rappelé le besoin de ne pas attendre pour faire des enfants. L’horloge biologique et tout ça. Encore quelques années, et Moon sera toute pourrie, bonne pour la casse.

En tous cas, incapable de faire un enfant.

C’est gentil. Mais il y a une différence entre trouver une personne jolie, et avoir envie de vivre avec.

Une énorme différence. Pour avoir des hommes dans son lit, Moon n’a pas de problème. Mais pour les tenir dans le temps, c’est toute une autre paire de manches. Elle est peut-être un peu autoritaire, un peu intimidante. Une chose est sûre : elle n’est pas la femme typique, comme on l’attend, aux fourneaux à cuisiner pour son bon mari.

Je cherche parce que j’ai l’âge auquel on commence à en avoir assez d’être seule et… J’espère un jour pouvoir être mère.

Et à priori, la PMA pour femmes seule n’est pas très bien vue dans la société japonaise.

Samedi 19 août 2017

Le problème, c’est que si ce n’est pas une course, l’endurance n’est pas trop ton truc non plus. Est-ce une quête vouée à l’échec ? Oui et non. Déjà parce que ce n’est pas une quête pour toi. Du coup... pas d’échec ! Facile ! C’est ça la vraie technique.

"Oui c’est sur qu’il y a une différence, mais c’est déjà un avantage, non ?"

Après tout les mecs s’excitent pour un peu n’importe quoi qui est joli... mais c’est sur que ça n’est pas ça qui mène à une relation durable. C’est plus pour un soir seulement et... tu. Déteste. Cette. Idée. Avec un mec ou une fille d’ailleurs.

"C’est si pesant que ça d’être seule ?"

Ce concept t’échappe, mais la pression de la société japonaise est inévitable.

"Pour être mère, je comprends. Mais personnellement j’ai prévu d’adopter."

Oui tu comptes avoir des enfants. Et non, tu ne comptes pas passer par l’étape "lit avec un homme". Du coup... adoption. Il y a plein d’enfants qui méritent d’avoir une famille ! Et si ça n’est pas au Japon, ça sera dans un autre pays !

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

Des avantages, à ne pas être trop laide, oui, il y en a. Tout d’abord, ça fait du bien à l’ego, lorsque les hommes se retournent sur toi. Mais pour avoir cet aspect convenable, Moon fait beaucoup d’efforts. Elle se fatigue en se levant tôt pour se tartiner de maquillage. Personne n’a le droit de la voir le visage nu. Pas même ses amants. Elle ne sait pas si elle aura le courage de se montrer au naturel à quelqu’un un jour. Mais heureusement pour elle, les hommes ont tendance à préférer les visages maquillés que neutres. Pas trop. Juste un peu. “Au naturel”.

Honnêtement, je ne suis pas sûre.

La plupart du temps, Moon est heureuse seule. Elle apprécie le confort de son appartement. Mais le plus dur, c’est en société. Surtout lorsqu’elle passe du temps avec ses amies. Quand elles allaient toutes ensemble au karaoké ou au bar, ça allait. Mais aujourd’hui, c’est nécessairement sortie du restaurant, ou dîner à la maison, avec époux et enfants. Les enfants, encore, ça va. Ils sont mignons. Mais les époux. La plupart sont gentils, mais en leur présence, ses amies ne sont plus les mêmes. Elles sont parfaites. Moon sait que ce n’est qu’une façade. Mais dans ce genre d’événements, elle se sent plus seule que jamais.

Disons que, ça dépend des jours. Et puis l’adoption, j’y ai pensé aussi.

Dans un moment d’égarement. Ou plutôt d’intense tristesse. Moon avait l’impression de toucher le fond. En plus, elle n’en sait rien, elle n’a jamais essayé de tomber enceinte. Peut-être qu’elle n’est même pas féconde ! C’est une peur qui peut sembler infondée, mais avec l’âge, plus elle attend et moins elle aura une chance de le savoir.

Mais malheureusement, les démarches sont très compliquées, les listes d’attente assez longues… Et dans notre pays, on préfère confier des enfants à des couples qu’à des femmes seules.

Samedi 19 août 2017

"Hum... pas faux. Et je suis bien concernée pour le savoir. Je suis peut être biaisée, mais vu le nombre de mecs qui veulent tenter des choses avec moi... c'est épuisant. Alors que ça ce voit que tout ce qui veulent, c'est mon corps."

Tu le sais parce que la plupart des gars qui viennent te voir, tu ne les connais pas. Et comme tu le disais plus tôt, ça, c'est l'horreur. Il faudrait que tu sois vraiment bourrée pour que ça arrive. Et tu regretterais après. Ouaip, autant s'arranger pour que ça n'arrive pas... en repoussant tout les mecs !

"Je vois. Je présume que ça doit être l'âge ou quelque chose comme ça."

Maintenant vieillir te semble bien moins cool.

"A oui, c'est vrai, je suis stupide, nous vivons dans une société qui pense que les femmes sont des abruties incapables."

Ca s'entend que c'est un sujet qui te tiens à cœur et qui t'énerve.

"Je suis certaine que dans les mêmes conditions, on accepterait pour un mec, mais refuserait pour une femme uniquement pour une question de sexe."

Ce qui est, il faut bien le dire, stupide.

"Et bien sûr, quand on pointe le problème du doigt, ils disent que c'est faux."

Alors qu'il y a des preuves !

"Mais bon, je ne compterai pas abandonner quand je tenterai ceci. Ça n'est pas vraiment comme si je peux le faire maintenant."

Tu es encore un peu trop jeune pour ça, tu as à peine la vingtaine !

"Et je préfère largement attendre neuf mois pour l'adoption plus qu'attendre neuf mois en étant enceinte."

Pour les raisons que tu as déjà mentionnées...

Eh mademoiselle, t’es charmante, ça te dirait une glace à la menthe ?

Des hommes, comme ceux que nous avons croisés tout à l’heure ?

La drague de rue, c’est lourd. Moon en convient. Mais elle peine à croire que Maya ne se fait aborder qu’en ce genre de situation. Peut-être que les rumeurs sont véridiques, et que l’étudiante a un petit côté misandre. Dans le lot, elle a certainement croisé quelques garçons à qui elle a vraiment plu. Mais difficile de l’entendre lorsqu’on est borné. Peut-être à raison. Mais Moon ne souhaite pas approfondir cette question tout de suite. Et puis, ce ne sont que des rumeurs.

C’est plus compliqué que ça. Pour l’adoption, je crains que les hommes seuls ne soient pas plus acceptés. C’est l’histoire du duo. Du duo hétérosexuel. Le papa, la maman, comme dans les romans traditionnels.

Elle hausse les épaules en souriant un peu. C’est vrai que c’est lourd, la vie. Heureusement pour elle, Moon est hétérosexuelle. C’est déjà un poids en moins. Elle a la chance de ne pas connaître la difficulté de se faire accepter par ses pairs, que ce soit pour se marier, ou pour fonder une famille. La trentenaire ne connaît pas vraiment de couple gay, mais elle se doute que la vie ne doit pas toujours être simple pour eux.

Pourtant, tu as raison d’être énervée pour toutes ces raisons. Il faut continuer à élever la voix pour les droits des femmes, et pour que leur place dans la société évolue. Comme tu le vois, j’ai encore bien besoin de déconstruire ma propre place dans ce monde.

Mais elle y travaille. A force de lecture, d’abord : Mary Wollstonecraft, Bell Hooks, Simone de Beauvoir. Elle ne lit les penseuses féministes que depuis quelques années, et c’est une révélation. Mais même si elle est outrée et touchée par leurs mots, elle se sent encore toute fragile devant leur courage et leur force. Moon n’est pas prête à se dire féministe. Mais elle y travaille.

Dis, tu lis des livres féministes ?

Peut-être que Maya peut lui conseiller quelques titres.

Samedi 19 août 2017

"Alors eux c'était les pires. Mais même de manière générale. J'ai beau expliqué à certains qui font des "bonnes" déclarations que ça ne m'intéresse pas et que je préfère les filles, ils font la sourde oreille."

Parce que ce n’est pas possible, ce n’est pas normal... Bref, ils préfèrent ne pas comprendre et continuer d'insister, ce qui est particulièrement énervant.

"Ah oui, le fameux couple normal ou tout le monde est heureux. Bien sûr. Et c'est pour ça que le divorce existe."

Macher tes mots ? Jamais. Tu dis ce que tu penses sur le cœur, même si tu es assez investie sur ce sujet. Et pas pour le meilleur.

"Je comprends pourquoi c'est normal, mais ça ne veux pas dire que tout le monde doit faire ça."

De toute manière, tu ne comptes pas le faire. Et tu comptes dans "tout le monde". Parfait ta théorie ce confirme !

"Oui. Le truc c'est qu'on n’a pas vraiment le choix d'être énervée et de gueuler un peu. Et après on nous fait passer pour des hystériques."

Attention, même si ça n'a pas forcément l'air dans tes paroles, tu es pour l'égalité - pas la supériorité - de la femme. À une époque, oui, tu étais de ce bord la, mais quand tu as compris que ça faisait tout sauf aider la cause, tu as changé. Après oui, toi, tu te sens supérieure à tous les mecs. Mais pas pour la cause, ce qui est légèrement différent.

"Ho oui j'en ai lu et j'en lis toujours. C'est parfois difficile de les trouver à la bibliothèque, quel hasard, mais je peux vous les prêter si vous le vouer."

Tu ne vas pas cacher ce qui est évident (ta lecture). Et tu dois admettre que tu aimerais être comme ces femmes, qui avaient tout sauf peur d'agir !

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