[Terminé] Un club à soi | Maya

Un club à soi

Quelle journée ! Moon écrase son front sur la table à laquelle elle s’est assise. Aujourd’hui, plus que les autres, ses étudiants en rattrapage ont été infernaux. Peut-être parce que la fin des vacances approche, et qu’ils n’auront pas eu la chance de profiter complètement de la plage, ils bavardent. Un petit couple s’est formé dans la classe à taille réduite. Eux aussi, ont arrêté d’écouter les cours supplémentaires. Ils préfèrent se regarder. Si hier, elle avait décidé de laisser passer, pour les récompenser d’avoir bien travaillé tout le reste du mois, aujourd’hui elle a haussé la voix. Il reste encore environ une semaine, et elle n’espère pas la passer dans le brouhaha.

Il est un peu plus de seize heures, et elle a terriblement mal à la tête. Dans sa trousse de secours, elle n’a pas trouvé de médicament. Alors, elle s’est réfugiée dans la salle du club d’arts plastiques.

Quasiment personne ne vient au club, la plupart des étudiants sont en vacances et profitent de leurs derniers jours. De temps en temps, elle en voit passer. Eux aussi, ils recherchent le calme et la fraîcheur de la classe. Mais ils ne sont pas souvent bavards, et ne restent guère bien longtemps.

Hier, Moon a eu un peu plus de chance. La jeune étudiante en études littéraires, Maya, s’est pointée peu avant la fermeture du club. Après tout, elle aussi doit reprendre les bonnes habitudes. Et Moon en a profité pour reprendre la discussion qu’elles avaient commencé le samedi précédent : les livres féministes. Elle a accepté la proposition de Maya qui souhaite lui prêter quelques bouquins de son choix. Moon aurait bien pu les emprunter dans la bibliothèque universitaire, mais elle avait apprécié le geste de l’étudiante.

Maya doit venir les déposer à Moon cet après-midi. Vivement qu’elle arrive : la jeune professeur n’en peut plus et espère pouvoir retrouver son lit le plus tôt possible. Mais tant qu’elle n’a pas récupéré les livres, elle ne peut pas se coucher.

Jeudi 24 août 2017

La fin des vacances continue d’approcher à grands pas. Mais tu ne te laisses pas battre, et tu continues d’en profiter à fond. Et après avoir été au cinéma avec Mohon, une prof (kya ? Oui et non, disons...), vous avez un peu discuter de ton point de vue sur les femmes, et surtout l’orientation sexuelle, chose qui a menée à une proposition de ta part de lui prêter des livres sur le féminisme. Tu as préparé une poignée de documents, mais tu n’as jamais eu l’occasion de la revoir. Et bien sûr, quand tu étais allé au club hier pour voir, tu ne les avais pas sous la main. Damnation. Mais ça n’était que parti remis pour mieux la revoir aujourd’hui.

"Bonjour madame !"

C’est sympa de la revoir. C’est une prof que tu respectes maintenant !

"J’espère que vous allez bien. J’ai les livres, comme promis !"

Tu tiens toujours tes promesses, c’est bien connu.

Un club à soi

L’étudiante ne se fait pas attendre. Moon a toujours la tête écrasée sur la table lorsque Maya entre dans la salle du club. Lorsque s’ouvre la porte, la professeur sursaute et se tient tout de suite droite. Elle ne veut pas se montrer avachie face à ses étudiants. Un peu de tenue. Elle se doit d’être un exemple. Mais c’est sans compter sur la trace de sa manche, qui avec le temps s’est imprimé sur sa peau.

Oh bonjour Maya ! C’est un plaisir de vous voir..

La professeur se lève de sa chaise, se rapproche de l’étudiante, et se courbe poliment pour la saluer.

Je vous remercie pour avoir accepté de me les prêter, j’ai très hâte de pouvoir les parcourir..

Elle invite Maya à s’asseoir, avant de reprendre sa place initiale.

Que m’avez-vous apporté ?

Même si Moon n’excelle pas en littérature féministe, elle a lu les classiques, et se demande ce que peut lui apprendre Maya. Elle ne doute pas de ses choix : elle en sait certainement un rayon sur le sujet ! Mais elle espère dans le lot, connaître au moins le nom d’une ou de deux autrices.

C’est juste une histoire de fierté.

Jeudi 24 août 2017

Tu as l'impression que la prof était prête à dormir quand tu es entrée dans la salle. Ou ça n'est qu'une impression ? Et puis bon, c'est les vacances, tout le monde a le droit de dormir. Qui es-tu pour juger ? Personne, c'est sur.

"C'est normal ! Vous feriez pareil, pas vrai ?"

Tu images que la prof ferait pareil. Pas sur à 100 %, mais quelque chose te dis que ça serait le cas. Peut être que tu devrais lui demander ce qu'elle lit en ce moment, ça pourrait être une discussion intéressante.

"Alors, d'abord il y a Le Livre des Mots. Ça n'est pas forcément une œuvre féministe en soi, mais ça parle de la position de la femme et de certains points de vue, c'est intéressant. Par contre, c'est violent et c'est cru."

Mais c'est réaliste quand ça parle de l'époque médiévale en Europe. Pas un bon temps pour les femmes. Ou pour personne, en vérité.

"Et sinon, une œuvre plus récente : King Kong Théorie. Là par contre on peut dire qu'elle est engagée. Et elle est franche, ça, c'est sur."

Plus franche et plus directe que toi, une chose rare, mais ça existe !

Un club à soi

Moon détaille les livres des yeux. Dans un premier temps, elle n’ose pas les toucher. C’est la première fois qu’une étudiante lui prête des affaires. Dans une certaine mesure, elle a peur des les abîmer. Et pourtant, Dieu sait combien elle prend soin de ses livres. Elle ne plie jamais la couverture, les tient toujours bien droits et elle ne corne jamais les pages. Elle a toujours dans son cartable, au cas où, un marque-page de secours.

Le Livre des Mots ? Je n’en ai jamais entendu parler.

Finalement, elle attrape le livre et le rapproche d’elle. Elle regarde la couverture sans ouvrir les pages. Est-ce une sorte d’abécédaire ? Pourquoi pas. D’habitude, Moon n’est pas friande de ce genre de formats. Elle lui trouve une forme de facilité. Mais pourquoi pas. Elle pourrait être surprise.

King Kong Théorie. C’est français, non ?

Elle attrape le deuxième livre. Il lui donne immédiatement envie. C’est peut-être grâce à sa couverture, résolument pop. Virginie Despentes, elle connaît. De nom, du moins. Elle n’a jamais rien lu de l’autrice, mais elle revient souvent dans les listes des féministes francophones. Moon adore ce pays.

Merci beaucoup, j’ai très hâte de les lire.

Moon se lève et attrape son cartable. Elle pousse son ordinateur et ses copies pour ranger les deux livres. Elle fait attention à ce qu’ils soient bien calés, afin de ne pas les abîmer. Elle espère avoir le temps de les lire rapidement : avec les copies à corriger, ses soirées sont souvent prises.

Ce n’est pas trop dur de vous en séparer ?

Les livres peuvent être des objets de collection précieux.

Jeudi 24 août 2017

Quand elle te dit qu’elle ne connait pas le livre des mots, tu la préviens sur le contenu du livre, sans trop en dire non plus. Le lire sans être prête, c’est s’assurer un choc. Le livre peut vraiment être horrible, mais... C’est un mal nécessaire en quelque sorte.

"C’est français oui ! Et même si on dit que le français est la langue de l’amour, ça n’est pas vraiment le cas dans ce livre."

C’est violent, là aussi. Les thèmes abordés sont forts et durs pour une femme. Ou pour la société en quelque sorte, qui préfère se voiler la face. C’est bien plus simple d’accuser les gens "différents".

"Vous me les rendrez plus tard, non ? Bah, au pire c’n’est pas très grave, tant qu’ils vous plaisent."

Ça n’est pas comme si tu vas t’en séparer à vie. Ce n’est pas comme si t’es radine, et même si tu les prêtes, tu risques d’oublier de les récupérer, ce qui n’est pas très grave.

"En parlant de ceci, avec notre précédente discussion j’ai finis par chercher un peu, et... il s’avère que les couples homosexuels n’ont même pas le droit de ce marier. Et encore moins d’adopter."

Tu lances un tel soupir qu’il pourrait provoquer un tremblement de terre. Quelle société de merde.

Un club à soi

D’un geste de main précis, Moon referme son sac et le repose à ses pieds. Elle adore ce cartable. Elle ne le quitte presque jamais. Solide, sobre, de bonne qualité. D’une grande contenance, il peut porter beaucoup de documents. C’est un achat récent, pour fêter son contrat à la Kobe High School. Avant, elle se contentait de sacs à mains dans lesquels elle fourrait de grosses pochettes. Elle ne regrette pas sa dépense.

J’imagine. Malheureusement, je ne comprends pas bien le français. Un jour, peut-être ! A force de travail, quand elle en aura le temps. De fait, je me contenterais des traductions japonaises.

C’est dommage, elle aurait aimé apprendre un peu du langage fleuri de Virginie Despentes. On perd beaucoup, avec la traduction. L’impact des mots, leur précision.

Ne vous inquiétez pas pour ça, je vous les rendrai. Si vous venez à la visite du musée de Kobe en fin de semaine, je devrai pouvoir vous les retourner.

Moon est une bonne lectrice. Tous les livres qu’elle commence, elle les termine. Dans la semaine, toujours, dans la journée, souvent. Elle n’aime pas s’arrêter au milieu d’un chapitre. Le fil de ses pensées se perd et elle en oublie ce qu’elle apprend.

Alors que la professeur s’apprêtait à se lever et à partir, l’étudiante relance la conversation. Moon se rassoit alors poliment. Tant pis, même si elle est fatiguée, elle peut faire la discussion. Surtout que le sujet s’annonce compliqué. Moon a récemment appris l’homosexualité de Maya. Si elle ne connaît pas grand chose du sujet, elle est convaincue de l’importance de lutter contre toute forme d’homophobie.

Malheureusement, je m’en doutais. Si c’est difficile pour une femme seule, alors… Moon prend quelques secondes avant de finir sa phrase. Elle ne fait qu'appuyer là où ça fait mal. Ce n’est pas constructif pour la pauvre étudiante. ...c’est difficile pour deux.

Le Japon est un peu en retard. Ce n’est malheureusement pas le seul pays dans cette situation hétérocentrée. Le poids des traditions peut parfois être douloureux. C’est certainement le cas pour l’étudiante.

Mais avec le temps, ça viendra. Le mariage et l’adoption pour tous, ça fait partie des évolutions positives de la société. Les pays dits de l'hémisphère nord commencent les uns après les autres à le légaliser. Un jour ça viendra aussi pour le Japon. Voyez, en France, le “pays des libertés”, ça ne fait que quatre ans qu’ils acceptent le mariage pour tous.

Un petit sourire taquin.

Ou alors, je vous invite à vous trouver une amante étrangère, et à profiter de la législature de son pays.

Jeudi 24 août 2017

Le français, c’est une langue complexe. Tu sais dire bonjour et puis c’est tout. Tu as le niveau d’une native en anglais et en japonais, ce qui est bien plus que la plupart des gens. C’est ta petite fierté.

"Je ne peux pas juger la traduction non plus, mais ça n’est pas comme si j’ai le choix."

Oh, c’est vrai, la sortie au musée. C’est bientôt, la fin de la semaine, comme le mentionne Mohon.

"Bien sûr, je serai présente, j’ai déjà réservé ma journée."

Quand tu veux, tu es organisée. Quand tu le veux, hélas...

"Ça ne risque pas d’être trop court pour lire les livres ? Ils sont relativement épais après tout."

Tu lis beaucoup, mais pas aussi vite, c’est sur. S’ensuit ensuite la discussion oh combien fun sur tes nouvelles trouvailles sur les lois japonaises.

"Ils ont dû penser ça, cette bande d’abrutis. Je peux à la rigueur comprendre pour une femme seule, mais à deux ?"

Y’a rien qui change, rien ! C’est profondément stupide comme raisonnement. Du coup tu te montes le bourrichon toute seule.

"Oui c’est ce que j’ai vu, avec leur manif."

C’est un cliché les manifs françaises, mais ça te semble tellement vrai...

"Mais je pense qu’on tente la même chose ici, ça n’est même pas la peine. Ils vont dire que nous sommes des jeunes incapables et glisser le problème sous le tapis."

Et quand elle mentionne une amante, tu rougis un peu.

"Hum, ça n’est pas vraiment comme si j’ai quelqu’un en tête. Ça aiderait, c’est sur, mais je ne vais pas épouser quelqu’un seulement pour la nationalité."

Et puis, en soi, tu es également américaine. Bon, c’est sur que le Japon qui force une unique nationalité à ta majorité n’aide pas, mais techniquement parlant... en fait tu ne sais pas trop. Et les lois doivent être les mêmes.

Un club à soi

Un petit sourire. Si c’est trop court ? Oh non. Lire, c’est devenu le travail de Moon. Être universitaire, ce n’est pas seulement donner quelque cours. Et dans la recherche, il faut pouvoir manger des mots. Chacun ses techniques. Avec le temps, Moon a appris à lire rapidement. Sans pouvoir envisager de concourir à des championnats de lecture rapide, elle a son petit niveau.

Ne vous inquiétez pas pour ça. A minima, je vous en rendrai un. Mais j’espère pouvoir vous rendre les deux.

Et puis, après tout, c’est presque les vacances. Et même si la rentrée est pour bientôt, Moon a déjà prévu tous ses cours. Elle est du genre organisée.

Evidemment, les cultures sont très différentes. Mais ça va venir aussi. La jeunesse est beaucoup moins fermée aux couples de même sexe que les anciens. Et les jeune d’aujourd’hui seront bien les anciens d’un jour.

Le cycle de la vie. C’est un peu triste, comme idée. Après tout, les personnes âgées pourraient aussi faire un effort et écouter les demandes des plus jeunes. Des gays, il y en a de toutes les époques. Et si aujourd’hui ils ont une fenêtre plus large pour s’exprimer, ça ne veut pas dire que c’est une nouveauté.

Et je plaisantais. Elle ne fait pas assez souvent de traits d’humour avec ses étudiants, alors il est peut-être difficile de discerner le second degré dans ses mots. Bien sûr que tu as le droit d’aimer une japonaise..

Un petit sourire sur les lèvres de Moon. Maya pense amour. A son âge, on a toujours quelqu’un en tête. C’est le moment des possibles, de toutes les exaltations.

Vous n’avez jamais eu un crush sur une fille ? Même pas un petit ?

Après tout, elle n’a pas deviné son lesbiannisme par hasard.

Jeudi 24 août 2017

Si elle t’arrive à rendre les deux livres... wow, c’est qu’elle est efficace. Peut-être trop efficace ? Impossible de le dire. Chacun sa manière de profiter des livres.

"De monère générale, oui. Mais forcément, les enfants des familles plus... traditionalistes, disons, pensent souvent pareil. Et il en est de même quand la famille est religieuse, quand ça n’est pas pire."

Tu penses aux USA et à ses "fanatiques"... ça te terrifie. Pour certains, être gay, ce n’est plus être humain et c’est presque s’il faut te faire disparaitre. D’ailleurs tu as entendu parler des "thérapies" pour "soigner" ceci, et... oui, heureusement que tes parents ne savent PAS.

"Je ne l’ai pas pris comme si c’est obligatoire que ce doive être une légendaire."

Sa question suivante te fait rougir encore plus et... tu as plusieurs visages qui te viennent en tête, dont un certain doyen... tu es presque une lampe rouge à ce niveau-là.

"Heum... si... mais..."

Et puis elle est assez jolie, pas vraie ? Est-ce que c’est une crush ? Tu commences à paniquer.

"Et puis c’est quoi un crush, d’abord ?"

Tu fuis la question. BOUHHHHH, LÂCHE !

Un club à soi

Est-ce que Maya serait issue d’une de ces familles traditionalistes ? Dans lesquelles il est assez difficile d’être soi ? Soudainement, Moon pense à ses parents. Malgré toute la tendresse qu’ils portent pour leur fille, pas sûr qu’ils auraient été heureux si elle leur avait annoncé être lesbienne. Et pourtant, elle les considère comme des personnes simples. Ils ne sont pas particulièrement attachés aux traditions, ne parlent presque jamais politique. Mais ils auraient certainement pris la nouvelle comme une honte pour la famille.

Heureusement pour eux, Moon cherche un homme.

C’est souvent un sujet de discussion entre elle et ses parents. Ils ne comprennent pas pourquoi, après toutes ces années, Moon n’est toujours pas mariée. Ses cousines, pourtant moins âgées qu’elles, ont déjà un mari ! Et l’une d’entre elle attend même un enfant. Cool pour elles.

Vous semblez à l’aise avec votre sexualité. Vos parents sont au courant ?

Peut-être une question difficile. Après tout, certaines personnes ne sont plus vraiment en contact avec leurs parents, une fois le lycée terminé.

Moon remarque tout de suite les joues rouges de Maya. Même si c’est son étudiante, elle a une irrépressible envie d’en savoir plus. Et puis, pas besoin de jouer l’innocente : Moon se doute qu’avec une réaction pareille, Maya a bien compris de quoi elle parlait.

Vous avez un crush. Je lis sur votre visage.

Jeudi 24 août 2017

Tu éclates de rire quand elle pose la question sur tes parents. C’est un rire nerveux. Très nerveux.

"Je suis à l’aise avec ma sexualité. Mais non."

Tu reprends un peu de sérieux.

"C’est tout sauf une bonne idée de les mettre au courant. Je pense qu’ils diraient que je suis une erreur génétique, ou quelque chose dans le genre. Le genre de parent bienveillant et ouvert d’esprit."

C’est bien évidemment du sarcasme. Ça n’est pas un sujet simple, et tu ne veux pas parler de ta famille non plus. Elle est inexistante, point final.

"Ca ne répond pas à la question !"

Tu deviens plus agressive quand tu es en position de faiblesse. Et dans la présente situation, tu l’es réellement. Tu stresses, tu paniques un peu... La situation n’est pas très confortable et c’est surtout de ta faute.

"Ca n’est pas comme si je pense à quelqu’un !"

Ça, c’est du déni.

"Vous êtes très jolie, mais ça ne veux rien dire, ça n’est pas comme si j’ai un crush sur vous."

Tu vois. Elle n’a toujours pas expliqué ce mot (même si tu sais ce qu’il veut dire). Maintenant tu n’es plus une lampe, mais un lampadaire. C’est de pire en pire !

Un club à soi

Moon mord sa joue lorsqu’elle entend le rire de Maya. Ce n’est pas un rire sincère. La professeur se sent triste pour son étudiante. Et pourtant, celle-ci n’a pas perdu de son piquant et de sa colère. Moon se rend compte que finalement, cette impulsivité, c’est certainement une manière pour Maya de se protéger. Pas si simple de se sentir en sécurité lorsqu’on a une relation si conflictuelle avec ses parents.

Je suis désolée de l’entendre. Vous n’êtes pas une erreur génétique. J’espère que vous aurez l’occasion un jour d’en parler avec vos parents et qu’ils puissent vous écouter.

La trentenaire aurait aimé un peu mieux comprendre sa situation familiale. Mais elle ne peut pas forcer l’étudiante. Après tout, Moon n’a pas de formation en psychologie, et n’est pas à même d’aider Maya.

Et à la taquinerie de Moon, l’étudiante réagit au quart de tour. Un peu trop, même. Décidément, elle ne prend pas les choses à la légère. Ce n’était qu’une petite blague, rien d’autre. Et alors que la professeur s’apprêtait à la rassurer, lui dire de ne pas s’inquiéter, que personne n’a besoin d’un crush, Maya se livre.

Et Moon ne peut pas réprimer un épais rire. Elle pose une main devant ses lèvres, avant de se calmer. Sa réaction était si naturelle que finalement, Moon espère que Maya n’est pas sincère. Ce serait violent comme rateau.

C’est gentil de votre part. Vraiment gentil. J’arrête de vous charier.

Les taquineries, ce n’est pas pour Maya.

Ce n’est pas obligatoire, un crush. Je n’en ai pas eu depuis bien des années, par exemple.

Jeudi 24 août 2017

"C’est à eux qu’il faut le dire, pas à moi. Mais bon, je ne compte plus parler à mes parents tout courts... bientôt, donc la question de leur en parler sera réglée."

Pourquoi forcer la chose quand tu peux simplement éviter le problème ? C’est mieux pour tout le monde. Il vaut mieux être seule que mal accompagnée, comme on dit.

Pour le reste... dans ta panique, les mots s’emmêlent et sortent tout seuls, sans vraiment que tu le veuilles. Sauf que quand elle rigole è surement pas méchamment en plus - c’est un peu trop pour toi et tu commences à pleurer, sans le remarquer une nouvelle fois. Ça n’est pas tant pour ce "refus" (enfin, c’est ce que tu penses) que pour... un tout. Tu n’es pas à l’aise dans tes sentiments, surtout ce genre de sentiments, alors s’en "moquer"... voilà.

"De rien ?"

Tu es toute perdue, il faut que tu te calmes, que tu reprennes ton souffle... ce qui est plus difficile à faire qu’à écrire.

"Je... désolée."

Tu as envie de fuir. Physiquement. De quitter la pièce et de te planquer quelque part pour tout évacuer comme il faut.

Un club à soi

Moon hausse les épaules. Elle n’a pas grand chose à redire au choix de Maya. Après tout, la famille, on ne la choisit pas, mais on a le droit d’arrêter de lui parler. Moon n’est pas de ses personnes qui pensent nécessaire de s’entendre avec ses parents. S’ils sont désagréables, méchants, ou pire abusifs, il faut savoir prendre du recul. Se forcer à aimer des personnes qui ne nous aiment que sous le prétexte qu’on partage un même sang, ce n’est pas sain.

Alors, si Maya préfère couper les ponts avec sa famille, elle a raison.

Elle passe une main gênée dans ses cheveux. Alors que le visage de l’étudiante se ferme, Moon se sent un peu bête. Elle n’avait pas imaginé une seule seconde que la confession de Maya pouvait être sincère. Elle imaginait une vulgaire blague, lancée comme pour intimider la professeur. Mais ne s’attendait pas à faire pleurer son étudiante.

Je. Maya. Je suis vraiment désolée. “Je ne pensais pas que vous étiez sérieuse”. Moon se retient de dire ces quelques mots, sentant que ça aurait le don d’achever l’étudiante.

En fait, elle ne sait pas bien si c’est à cause du râteau, ou si Maya se sent plus globalement surchargée d’émotions. La pauvre, c’est qu’en peu de temps, elles ont discuté de bien des sujets sensibles. Maya semble plus émotive que la plupart des femmes de son âge. Moon se penche vers son cartable pour un sortir un petit paquet de mouchoirs, qu’elle tend immédiatement à son étudiante.

Vos larmes. C’est à cause de ma réaction ?

Ou d’autre chose ? Dans ce cas, Moon espère que Maya est suffisamment à l’aise pour en discuter.

Jeudi 24 août 2017

Les larmes coulent à flots, un torrent inarrêtable, qui balaye toute logique et toute réflexion. Tu ne sais même pas pourquoi tu pleures, c’est ça le pire. Les vannes ont lâché, et il est impossible de réfléchir.

"Je... hic, je ne sais pas."

Tu n’en sais rien, tu es complètement perdue et également fatiguée. Tu pleures comme une gamine de 12 ans, ça épuise, pas vrai ? Quant au mouchoir, ils ne font pas être suffisant pour étancher les pleurs.

"Votre réaction ?"

Quelle était sa réaction déjà ? Oh... oh bah tes pleurs empire. Super, bravo. Oui, et ça n’a aucun rapport avec elle, bien sûr. Mais ça n’est pas comme si tu es en état de réfléchir. Mais il y a bien une chose qui peut calmer, ton arme secrète, celle qui ne quitte jamais ton sac : monsieur Lapin, ta fidèle peluche. Alors oui quand tu la sors et que tu la serres, on a plus l’impression que tu as 6 ans que 22 ans, mais bon... ça te demande encore quelques minutes, une fois assises sur une chaise, pour être relativement "opérationnelle".

"Je... désolée."

Tu ne penses pas avoir été dans une situation aussi embarrassante de ta vie. Maintenant la prof sait tout, ou presque.

Un club à soi

La situation est maintenant bien curieuse. Si Moon aime à se croire ouverte à toutes les personnalités, elle ne s’attendait pas à ce que Maya sorte de son sac une peluche. Décidément, la jeune femme a besoin de conseils psychologiques que Moon ne peut pas lui offrir. Elle semble avoir de sacrés problèmes à gérer ses émotions.

La colère, d’abord. La tristesse, ensuite.

Moon se sent bête, dans la petite salle du club d’arts plastiques. Elle n’est pas formée pour réagir à ce genre de scène. D’habitude, les crises de ses étudiants sont bien plus faciles à cerner : la plupart craquent sous la pression des études, ou de leurs parents, mais pas après avoir confessé une sorte d’attirance pour leur professeur.

Pourtant, Moon sait qu'elle plaît. Elle a déjà intercepté les œillades de ses étudiants les plus ambitieux. Le fantasme de la prof, certainement. Lors d’un colloque en France, elle a discuté avec un collègue enseignant : là-bas, les relations professeur / étudiants, c’est relativement fréquent. Mais Moon ne mange pas de ce pain là. Elle n’a pas envie de vivre une relation unilatérale dans laquelle elle possède une certaine pression du statut social.

Ne vous inquiétez pas, vous avez le droit de pleurer.

Moon ne sait pas vraiment quoi dire de plus. Elle pose une main tendre sur l’épaule de la jeune fille, un petit geste de consolation. Elle n’ira pourtant guère plus loin : après la confession de l’étudiante, pas question qu’elle l’enlace.

Vous allez un peu mieux ?

La jeune professeur ne se permet pas de demander pourquoi Maya en a gros sur le coeur. Elle a trop peur de voir plus de larmes coûler.

Jeudi 24 août 2017

Oui, tu as le droit de pleurer, mais ça ne veut pas dire que tu le fais souvent. Tu n’aimes pas te montrer "faible", surtout devant une "inconnue" (tu ne connais pas tellement Moon en soi). Au moins elle ne se moque pas alors que tu es avec monsieur Lapin, mâchonnant une oreille sous le stress (pauvre lapinou).

Par contre tu repousses sa main avec plus de "violence" que prévu. Peut-être parce que tu es plus blessée que tu le penses. Tu te sens... mal. Comme si tu as fait une chose interdite sans le vouloir (alors que d’habitude ça ne te dérange pas trop). Tu es complètement paumée.

"Je... je crois ?"

Tu ne peux pas la regarder. Tu as peur de... refaire une bêtise ? Encore une fois, tu ne sais pas.

"Je ne sais pas ce qui m’arrange, je..."

Du calme, doucement, respire.

"Je devrai vous laisser, hein ?"

Tu serres les bras, tu te recroquevilles un peu, tu ris nerveusement. Tu es tout sauf à l’aise dans cette situation qui est toute nouvelle pour toi et que tu continues de ne pas comprendre.

Un club à soi

Moon glisse une main gênée dans ses cheveux. Décidément elle ne sait plus quoi faire. Elle note mentalement pour plus tard : prendre des formations de psychologie pour les étudiants les plus difficiles. C’est important, la psychologie, pour enseigner, et elle s’en rend compte aujourd’hui plus que jamais. Dommage qu’elle n’ait pas approfondi le sujet plus tôt.

En tous cas, Maya semble confuse, et ce n’est certainement pas une bonne idée de la laisser partir dans cet état. Et même si Moon aurait bien envie de se donner de l’espace, de prendre l’air, et de réfléchir à cet épisode en laissant son étudiante partir, elle ne s’en donne pas le droit. Alors, elle se lève, fait un petit signe de tête à Maya.

Restez assise, respirez doucement, je vais vous chercher un verre d’eau, ça va vous faire du bien.

Elle ne répond pas à la question de Maya. Si l’étudiante veut partir, bien sûr que Moon ne peut pas la retenir de force, mais elle espère qu’en esquivant, elle pourra la garder pas loin encore quelques minutes. Moon se dirige vers le robinet : heureusement que la salle d’arts plastiques en possède un ! Et remplit un petit thermos d’eau fraîche. C’est le thermos à thé de Moon, qu’elle utilise la journée pour se donner des coups de boost. Des effluves de thé vert à la menthe vont certainement se mélanger à l’eau.

Elle se rapproche de Maya et tend le verre.

Tenez, buvez. Prenez votre temps, nous ne sommes pas pressés.

A son tour, Moon se rassoit, pour donner un peu d’espace à son étudiante.

Jeudi 24 août 2017

Tu n’es pas réputée pour être sensible ou émotive, du moins tu ne le penses pas, et pourtant tu es dans cet état. C’est compliqué les émotions quand ça explose d’un coup, tu n’es pas sablée pour. Et la prof non plus, visiblement. Et elle ne t’aide pas vraiment avec son silence et ses non-réponses à tes questions.

Mais tu écoutes ses conseils, ce qui - à défaut d’aider pour les émotions - te permet au moins d’arrêter de manchonner le pauvre monsieur Lapin et de reprendre ton souffle. Même avec tes lentilles tu as tes yeux rougis par les larmes.

"Merci..."

Tu as une toute petite voix. Et réaliser que c’est visiblement son thermos et que tu viens de participer à un baiser indirect te fait pleurer un peu, une nouvelle fois. Tu es irrécupérable. Et tu lui rends ton récipient, avant de te recroqueviller sur la chaise une nouvelle fois.

Tu ne sais pas vraiment quoi dire ou quoi faire. Chaque fois que tu ouvres la bouche pour prononcer un mot, le silence reste présent. Tu sais bien que tu dois... t’excuser ? T’expliquer ? Quelque chose comme ça, mais c’est trop dur pour l’instant.

Un club à soi

Mais décidément, qu’est-ce qu’elle doit faire pour la calmer, cette petite ? Lui proposer de discuter, ça ne fonctionne pas. Lui laisser un peu d’espace pour qu’elle puisse prendre son temps de se calmer, non plus. Lui proposer de l’eau, et voilà qu’elle pleure de plus belle ! Moon n'est pas loin de craquer. De lui dire d’aller se calmer dans sa chambre et qu’elles en reparleront plus tard.

Mais Moon se doute que ça ne ferait qu’envenimer l’état de la pauvre fille.

Décidément, elle n’a pas signé le contrat de professeur d’Université pour dealer avec ce genre de soucis. Elle a beau apprécier les étudiants, c’est quand même le chapeau. Alors, Moon se lève, fait quelques pas pour se dégourdir les jambes.

Et finalement, comme un dernier espoir, elle demande :

Qu’est-ce qui pourrait t’aider à aller mieux ?

Une bouteille à la mer. Faites que Maya l'intercepte !

Jeudi 24 août 2017

Bon, ça commence à aller mieux. Ca ne ce voit pas vraiment, c'est vraiment un tout tout tout petit peu mieux, mais c'est mieux quand même.

"Est ce que vous pouvez rester ?"

Tu ne veux pas être seule. Non pas que ça finirait "mal", mais ça n'aiderait pas ta situation, c'est sur.

Eh oui, tu as rougi, détourner le regard, tu as demandé d'une toute petite voix... bref, c'est vraiment la situation "tu as peur de tout", ce qui est extrêmement rare.

Pour le reste... combien de temps il te faut pour que tu t'en remettes de manière convenable ? Cinq minutes ? Dix ? Tu n’en as aucune idée, la perception du temps quand on est autant en vrac est extrêmement floue.

"Je... on va oublier tout ça, hein ?"

Tu souris tristement. Tu te dis qu'il ne vaut mieux pas que tu la recroises pendant un petit moment, histoire de calmer tout ça. Tant pis pour le musée. C'est surement mieux pour vous, du moins c'est ce que tu penses.

Un club à soi

Moon hoche vigoureusement la tête. Bien sûr qu’elle va rester. Finalement, elle est rassurée de ne pas lui avoir proposé de prendre la porte, en tout bien tout honneur. C’est bien ce qu’elle pensait : l’étudiante a besoin d’une présence, d’être écoutée, d’être rassurée.

Est-ce à cause de l’homosexualité ? Est-ce à cause des parents ? Moon n’est pas certaine que Maya elle-même sache ce qui est à l’origine de ses pleurs. A vrai dire, c’est peut-être un peu de tout ça à la fois. Et puis, il y a aussi les examens, qui sont tombés il y a peu de temps, on néglige souvent la pression qu’il y a sur les épaules des jeunes à cette période.

Ne vous inquiétez pas, je ne bouge pas.

Moon regarde quelques instants à travers la fenêtre, il est encore assez tôt, et la lumière est belle. Elle se retourne vers Maya. Pourquoi oublier ? Elle ne sait pas si c’est une bonne idée, au contraire.

Je ne peux pas oublier, Maya. Mais ce n’est pas une mauvaise chose. Sentez-vous à l’aise de pleurer si je suis là, quand vous en avez besoin. Ca soulage, de pleurer, même quand on ne comprend pas pourquoi.

Elle ne souhaite pas quitter l’étudiante sur un oubli. Elle sait que ça ficherait en l’air toute la confiance que Maya pourrait avoir en Moon. Ce genre de moment, ça mène à des évitements dans les couloirs, des excuses pour ne plus venir aux activités du club… Et Maya doit pouvoir se sentir à l’aise dans son école sans se demander ce que pense une professeur - qu’elle n’a même pas en classe.

Jeudi 24 août 2017

Tu hoches la tête quand elle affirme qu’elle ne bouge pas, avant que tu te calmes, comme promis. Heureusement qu’elle est sympa, pas vraie ? C’est pour ça que tu as une cruche sur elle après tout : sympa et jolie. Ah oui, pardon, tu n’as pas eu de cruche, tout ça...

Et voilà que tu surinterprètes quand elle dit qu’elle ne veut pas oublier. Peut être que tu l’as réellement touché avec ta "déclaration", mais c’est toi qui imagines des choses.

"Comment ça ne peut pas être une mauvaise chose entre vous et moi ?"

Tu te mords la lèvre de stress, tu veux et dois faire attention à la manière dont tu prononces les choses.

"Je ne pensais pas... je ne voulais pas..."

Tu n’arrives pas à finir ta phrase. Tu ne pensais pas quoi ? Tu n’es même pas certaine de ce que tu penses là tout de suite, alors dix minutes avant, ça n’est même pas la peine.

"Vous ne m’en voulez pas ?"

C’est ça la vraie question. Elle te demande beaucoup de courage à être prononcée. Et elle te STRESSE à un niveau inimaginable. Tu as déjà ruiné des amitiés sans le vouloir à cause de tes... préférences, de ta manière d’être qui pouvait laisser le doute. Tu ne veux pas que ça arrive à nouveau.

Un club à soi

Lui en vouloir ? Mais pourquoi ? Moon ne s’est pas sentie agressée du tout par l’étudiante. Elle s’est simplement retrouvée dans une drôle de situation à devoir gérer ses pleurs, mais rien de grave. Après tout, ça arrive de pleurer, et Moon elle-même s’est déjà retrouvée dans des situations similaires, au lycée, surtout.

Non, bien sûr que non, je ne vous en veux pas le moins du monde.

Moon fait un petit sourire tendre à Maya. Elle voudrait lui faire comprendre par ce biais qu’elle ne cherche que le bien pour son étudiante. Que peut importe si elle a parlé un peu trop vite sur son histoire de crush ou je ne sais quoi, Moon se doute bien, qu’au fond, Maya n’est pas folle amoureuse de sa professeur. Qu’elle a juste perdu ses moyens.

C’est moi qui suis désolée. On a parlé de choses difficiles, et j’ai été un peu trop curieuse.

Après tout, ce ne doit pas être simple tous les jours d’être Maya.

Jeudi 24 août 2017

Ouf, elle ne t’en veut pas. Tu décompresses, d’un coup, ça va mieux. La panique que tu as part un peu. Mais encore et toujours, ça prend du temps de se calmer d’une aussi grosse vague émotionnelle. Tu hoches la tête, tu dis un tout petit "merci", tu restes rouge tomate. Mouais, à force tu risques de recréer cette situation, bravo...

"Non, non, ce set moi."

Il t’arrive, quand tu es triste, de prendre le blâme pour tout ce qui existe sur Terre. C’est un de ces moments-là.

"Je n’aurai pas du dire ça, je n’aurai pas du penser ça non plus."

Oui voilà, donc on disait que tu t’en veux ?

"J’aurai du me contrôler, je ne pensais pas que moi... enfin... vous voyez ?"

Que tu as des sortes de sentiments pour elle, il faut bien qu’on traduise à ta place. Tout le monde ne parle pas le "Maya en vrac", c’est une langue compliquée. Aussi, tu serais maligne, tu ne relancerais pas vraiment le sujet. Mais tu n’es PAS maligne.

Un club à soi

Moon fait un petit signe de la main. D’une certaine manière, elle ne veut pas en reparler. Sans oublier la crise de son étudiante, elle a bien trop peur de la relancer dans les pleurs. Dans un large sourire, alors, elle se contente de :

Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas grave.

Et elle le pense vraiment. Moon veut rapidement changer la conversation. Après tout, elle n’aimerait pas relancer le sujet de l’amour, de la famille, ou de l’homosexualité. Il faut quelque chose de simple, de léger, quelque chose qui peut changer les idées.

Dites-moi, nous sommes dans la salle du club d’arts. Pouvez-vous me montrer le genre d’oeuvres que vous faites ?

Moon aime passer derrière les étudiants lors des heures de club. Discrète, elle jette de doux coups d'œil. Elle est fascinée par le talent de ses étudiants, elle qui n’est pas excellente en dessin, et serait ravie de voir ce dont Maya est capable.

Jeudi 24 août 2017

Tu vois, Moon, elle, est maligne, vu qu’elle balaye le sujet d’un geste de la main. Mais ce qui est certain, c’est que tu auras besoin d’en parler. Avec qui ? Tu ne sais pas. Des amies peut-être... surement. Mais lesquels... aucune idée. Tu verras, si ça se trouve tu vas juste craquer sous leurs yeux et ça lancera le sujet pour toi.

"Vous ne les avez pas déjà vus ?"

Si, surement, mais là n’est pas la question. C’est de la distraction. Un autre sujet pour que tu arrêtes de pleurer.

"Enfin bon, je pense que vous savez déjà que je préfère le dessin et la peinture."

Inutile de dire que c’est plus simple à dire qu’à faire. Dans une autre vie, tu auras pu être artiste.

"Mon plus gros projet, c’est ce tableau."

Il est bien entamé, mais pas encore finit. Car c’est un tableau qui représente... Monsieur Lapin. Et pour parfaire le tout et que ce soit bien cliché, au milieu d’un lit de fleur, la peluche.

"Je me débrouille, mais ça pourrait être mieux."

Mais tu comptes bien prendre ton temps, même s’il te faut l’année prochaine pour finir cette œuvre !

Un club à soi

Moon a vu les travaux de tous les étudiants au club d’arts. Après tout, même si elle est professeur à Kobe depuis peu de temps, la salle est dédiée à la pratique. Les membres du club ne sont pas là pour observer les mouches. Mais il est quand même plus intéressant de pouvoir discuter des travaux de ses étudiants, pour pouvoir mieux les comprendre. Certains sont très figuratifs, mais d’autres peuvent s’avérer abstraits… et difficiles à déchiffrer.

Vous avez déjà testé les autres techniques ?

C’est malheureusement la faiblesse de la trentenaire. Volontaire et passionnée, elle n’a pas hésité à se porter volontaire pour prendre la référence du club lorsqu’elle a appris que la place se libérait. Pourtant, elle n’y connaît elle-même pas grand-chose en techniques de dessin et de peinture. Il faut absolument qu’elle pallie à ce problème.

Peut-être qu’elle aurait besoin du coup de main d’un des professeurs d’arts ou de design de l’Université, s’ils l’acceptent.

Oh, oui, je l’avais vu sécher !

Le tableau est pour le moins figuratif. Mais Moon s’était posé la question de ce lapin et de ce qu’il représentait. Aujourd’hui, la question est toute répondue : il s’agit du doudou que Maya a sorti de son sac tout à l’heure. Décidément, elle y tient. Une sorte de support anti-anxiété ?

J’ai des lacunes en peinture. Pouvez-vous me décrire les étapes de votre travail ?

Jeudi 24 août 2017

"D’autres techniques ? C’est à dire ?"

A Par le dessin et la peinture ? Non, tu as bien aimé les deux quand tu as testé, et tu t’y es tenue. Parfois tu es une jeune femme qui pense très simplement.

"Oh..."

Tu rougis un peu quand elle te dit qu’elle a déjà vu le tableau. Parce que tu le "caches" un peu. Non pas que tu en as honte, mais tu sais très bien que si certains voient un tableau qui représente une peluche, ils risquent de se moquer. Et si ils se moquer de monsieur Lapin, ça peut très (très très très...) mal finir.

"Mon prof vous expliquerait bien mieux que moi, mais je vais essayer."

Après tout, tu es aussi en cours d’art, même si ça n’est pas ta majeure. Pour le reste... tu lui expliques à ta manière. Tu peux être plus douce et pédagogue que tu le montres, tu l’écoutes et tu réponds à ses questions... Une vraie petite prof !

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