Echo d'un passé pas si lointain [Pv Irumi]

Tokyo, septembre 2018, dans la maison du père d’Irumi.

Chérie ! T’as pris les habitudes américaines ? Retire ces gros pieds de ma table basse.

La jeune femme râle, et s’asseoit poliement. Ce n’est pas une habitude américaine, simplement une habitude. Avoir les jambes tendues, c’est bien plus confortable. Son père la rejoint, sur le canapé. Comme presque tous les dimanches, Irumi est venue le visiter, et profiter de sa cuisine.

Tu es sûre de ne pas vouloir te ré-installer avec moi ? Tu sais que ça ne me dérangerait pas.
Oui, papa. Tu voudrais pas rencontrer mes petits-amis.
Mes ?! Eh beh, chérie.

Irumi rigole de bon cœur. Son père feint le désintérêt, mais en réalité il a bien du mal à voir sa petite fille grandir. Il n’est pas de ceux à espérer le mariage et les gosses, si sa petite princesse peut rester sa petite princesse, ça l’arrange.

Tu as un amoureux, en ce moment ?
Raaaah… Papa.
Mais, dis-moi !
Oui, d’une certaine façon.
Bizarre ta réponse. J’me souviens de comment tu regardais Monsieur Yasuhisa… C’est un vieux aussi ?
Mais papa ! T’es chelou. Je ne l’ai jamais regardé bizarrement !
Et du petit Junichi, t’as des nouvelles ?
Nope. Il a disparu avec son père.


Kobe, fin octobre 2018, sur le campus de l’Université

Irumi a commencé son nouveau boulot il y a quelques jours, et le moins qu’on puisse dire, c’est que la rentrée ne fut pas de tout repos. Quelle idée de remplacer un absent en plein milieu de l’année ? Les élèves ont déjà des attentes, et un petit niveau avec cela ! Si elle doit prendre ses marques, eux, sont au taquet.

Mais pas question de baisser les bras. Elle a vu plus teigneux que des petits étudiants en sport. Elle a géré des stars ! C’est ce qu’elle se répète pour tenir la face, garder le sourire, les rembarrer poliment et suivre ses cours. Mais il n’y a pas à dire, ce n’est pas évident. Elle recycle les chorégraphies de ses stages de danse, mais elle sait qu’elles vont bientôt s’épuiser, et que toutes ne sont pas assez pointues pour ses élèves les plus avancés.

Coucou, grande sœur Irumi.

Encore un malin, qui essaie de jouer avec ses limites ? Les mômes ne savent plus se tenir. Même ceux à l’Université ! Tout se perd. Irumi se tourne, prête à rouspéter. “Le petit Junichi” ? Il lui met une sacré tête maintenant. Elle le reconnaît tout de suite. Sans même l’ombre d’un doute. C’est peut-être ses yeux ?

P’tain, Juni, c’est toi !

Irumi en perd son vocabulaire. Ce (plus tellement) môme, elle ne l’a plus vu depuis plusieurs années. Et en réalité, elle pensait ne jamais plus le voir. Quand il est parti avec son père, professeur de musique, elle pensait avoir failli à sa mission. Quand Irumi espérait encore pouvoir chanter pour gagner sa croûte, monsieur Yasuhisa était son coach. Un prêté, pour un rendu, elle s’occupait parfois de son fils. Irumi n’a pas pris ce rôle de babysitter à la légère, bien au contraire. Elle le voyait comme une véritable mission. Ce gamin, au centre d’un divorce, ça lui rappelait bien trop de choses. Elle a essayé, du mieux qu’elle le pouvait, de lui changer les idées.

Euh… Bah… Euh ! Non, mais tu me prends de court. Dans l’ordre ?

Heureusement qu’il la coupe, elle était prête à se lancer dans un long monologue. Sa voix se calme finalement, et son vocabulaire aussi, quand elle lui répond :

Honnêtement ? Je suis contente de te revoir. Vous êtes partis si vite… J’espérais secrètement avoir une carte postale de vos nouvelles aventures, moi. Tu connaissais l’adresse, dis !

Un brin de tristesse dans la voix, un brin de culpabilisation, aussi. Même si Irumi sait que le petit Juni de l’époque avait beaucoup à gérer. Mais au fond, elle n’a cessé de s’inquiéter et de se demander ce qu’il était devenu.

Je commence ici comme professeur de danse. T’y crois, toi ? Moi qui pensait finir mes jours à Sony… Et toi, à part devenir plus grand que moi, qu’est-ce qui t’es arrivé ?

Irumi avait eu peur que Junichi perde son sourire, et sa bonne humeur. Il aurait eu toutes les bonnes raisons de devenir aigri. La professeur de danse est bien placée pour le savoir. Lors du départ de sa mère pour Hokkaido, elle eut l’impression de perdre tous ses repères. Pourtant, c’est Setsuko qu’est partie, pas elle. Elle a bien du mal à s’envisager une adolescence sur les routes, d’établissement à établissement, de copains à copains… Irumi se demande si le sourire de Junichi cache un poil plus de tristesse qu’il oserait se l’avouer. Mais elle ne lui posera pas la question, elle ne peut pas se le permettre. Malgré cette retrouvaille agréablement, elle n’est plus grand chose pour lui. Rien qu’une ancienne connaissance.

Wow, Junichi… Et ton père ? Il est du même avis que toi ? Un bon voyage ?

Elle comprend bien la raison de leur silence, mais Irumi ne peut pas cacher une certaine nostalgie. Elle appréciait vraiment le temps passé avec son professeur de chant. Un élève ne voit qu’une trentaine de professeurs dans sa vie, un professeur plusieurs centaines d’élèves. Encore une fois, Irumi était une parmi les autres. Petit supplément “voisine”, mais rien de plus important.

La jeune femme aime s’imaginer plus importante qu’elle ne l’est, c’est une mauvaise habitude. Confiante en elle, et en ses capacités, elle a essayé de garder contact avec beaucoup de ses anciennes connaissances. Dont ses anciens professeurs. Une bonne chose, parce que c’est grâce à ça qu’elle a pu se réorienter. Sans le soutien de son premier professeur de danse, elle n’aurait pas eu la même trajectoire. Mais ça, mieux vaut ne pas trop y penser. Les vies parallèles vivent bien par elles-mêmes. Irumi préfère se concentrer sur la sienne. Avec des si, on referait le monde.

Trop vieille, je pense.

Y’a pas à dire, l’échec, c’est dur. Et sa non-carrière d’idole, c’est quasi un tabou pour ses proches. Elle a tellement donné d’elle-même… Et a coûté tellement cher à sa maman. Tout ça pour ça. Alors, oui, sans l’audition et les années d'entraînement, elle n’aurait pas été manager pour Sony, et elle est heureuse de là où elle en est aujourd’hui, mais s’il y a bien une vie parallèle à laquelle elle souhaiterait goûter, ce serait celle-ci.

Enfin, non j’suis sûre. Ils ont trouvé des meilleures synergie de groupe, et je n’ai jamais été assez douée en chant pour qu’on me permette une carrière solo. Le temps est passé, des jeunes meufs sont arrivées et moi… J’ai tenté autre chose.

Malgré tout, Irumi essaie de ne pas avoir l’air trop triste, et hausse les épaules en souriant. Sa vie n’est pas si terrible, et elle aurait pu avoir une bien pire trajectoire en tant qu’idole. Même si elle avait débuté, est-ce qu’elle aurait connu le succès ? Impossible d’en être certain. En tant que manager, le succès, elle y a goûté pendant 7 merveilleuses années.

Dis, j’t’invite à la cafèt, ça te dit ? Pour prendre un café, un coca, ‘fin ce que tu veux. Ce sera plus agréable qu’un couloir pour récupérer le temps qu’est passé.
Alors, oui. Peut-être que l’étudiant a des cours, des révisions, ou quoi que ce soit d’autre à faire. Peu importe. En réalité, Irumi ne veut pas laisser passer cette chance. Elle aimerait en savoir plus sur le gamin qu’elle a lâché à Tokyo. Comme ça, la prochaine fois, elle aura quelque chose à raconter pour le déjeuner dominical.

Son grand âge ? Irumi pourrait prendre la mouche, mais c’est tout le contraire. Comme pour montrer toute sa sagesse, elle gonfle le torse pour paraître plus imposante. Elle est toute petite, mais elle commence à avoir de l’expérience. En réalité, elle connaît bien son poids professionnel. Elle a la chance d’avoir eu ces chances professionnelles, mais elle sait aussi qu’elles sont dues à son travail acharné. Son carnet d’adresses est plein de noms importants. Qui sait, peut-être que ça pourrait être utile dans le futur ? Inviter la chorégraphe des Twice au japon, c’est la classe !

Naomi Sato ?

Irumi cherche dans sa mémoire, mais ne retrouve pas le visage du fameux jeune homme. C’est que c’est encore frais pour elle. Si avant, elle était professeur dans des écoles privées, le temps de stage, elle a maintenant de nombreuses classes et de nombreux noms à apprendre.

C’est terrible… T’imagine même pas ce que c’est de se souvenir de tous les noms. Je vais finir par leur donner tous des surnoms… “Toi, le rouquin, serre les abdos ! Ta pirouette sera plus précise”.

Exemple authentique. Irumi devrait réviser le soir les trombinoscopes… Mais quand elle termine ses chorégraphies, elle préfère se prélasser devant un bon livre, ou une série à l’eau de rose. Le travail était tellement intense pendant les sept dernières années qu’elle veut profiter au maximum de ses soirées libres.

Oh merde ! Elle met une main sur ses lèvres. Je veux dire, zut…

C’est encore difficile pour Irumi de bien s’inscrire dans les règles de l’université. En tant que manager, elle devait se lier d’amitié avec des gamines bien plus jeunes qu’elle. Pourtant, ici, l’âge a de l’importance - comme dans le reste de la société japonaise. Si elle le fait sans souci avec ses étudiants, elle doit commencer à considérer Junichi comme tel. Ce n’est plus le petit garçon qu’elle considérait comme un frère. Fini les “Juni”, et les “mon p’tit”, surtout les “p’tain”. Tout ça doit être caché.

T’as raison… L’habitude n’est pas encore rentrée. Heureusement que tu es là. Un peu plus, et c’était le recadrement au bout d’à peine un mois. Tu m’sauves. Va pour le restau !

Après tout, Kobe, elle connaît moins que New York. Elle s’apprête à suivre Junichi jusqu’à un restaurant. Elle lui fait confiance pour trouver quelque chose de bien. Elle n’est pas vraiment difficile.

Aaaah, le petit Juni sait vivre ! Confortablement assise, Irumi lorgne sur le menu du restaurant. A vrai dire, elle n’est pas difficile, surtout en plats salés, et il y a l’embarras du choix. Quand le serveur vient prendre la commande, elle rougit et bafouille. Elle n’a pas encore choisi ! Alors, elle laisse Junichi commander le premier et rebondit. Des aubergines marinées, un poisson grillé, du riz blanc, et une soupe. Le classique déjeuner japonais. Goûtu, diversifié, équilibré ! Comme ça, elle tiendra toute la journée et pourra reprendre ses cours avec toute l’énergie dont son corps a besoin.

Même si, faut l’admettre… La viande lui a également fait de l'œil.

Donc te voilà prof… Sérieusement, j’ai encore du mal à m’y faire. Mais d’ailleurs, il faut qu’on lui dise tout de suite ?
Que, quoi ? À qui ?

Junichi ne répond pas à la question et ne semble pas chercher longtemps le contact dans son téléphone. La pièce tombe : Irumi a compris ! C’est son père !

Euh, euh, euh, ton père ?

Elle rougit légèrement. Elle n’a pas croisé monsieur Yasuhisa depuis super longtemps. Et cet homme l'impressionne beaucoup quand elle était adolescente. Il avait le savoir, et la gentillesse. Il y avait un peu de vérité dans la taquinerie de son père. Evidemment qu’Irumi trouvait de l’intérêt dans le père de Junichi. Un intérêt innocent qu'elle n’a jamais envisagé. Le fantasme du professeur, du savant. Alors, après toutes ses années, elle a peur de le voir, et de ne pas savoir quoi dire.

Elle ne s’est même pas préparée ! Mais pas le temps d’arrêter l’étudiant (et pas question de lui dévoiler ses failles), elle boit un coup d’eau pour dissimuler sa gêne et faire disparaître les traces roses de ses joues.

Quoi ?

Elle recrache un peu de son haut en rigolant. Dites-donc, le petit Juni est devenu grand ? Si elle a voulu rendre secret son petit crush de jeunesse, elle ne va pas se priver pour le taquiner sur le sien. Il ne faut jamais, oh grand jamais, montrer ses faiblesses !

Quand le père finit par tilter, Irumi prend son courage à deux mains et se rapproche de Junichi pour entrer dans le cadre de la caméra et saluer son ancien professeur de chant. Sourire grand au lèvres, elle n’a malheureusement pas le temps d’en placer une et la conversation s’arrête.

Toujours le même ! Je voulais un peu me la péter et lui dire que moi aussi j’étais devenue professeur ! C’est pas juste.

Elle feint une moue, avant de rigoler un bon coup. En fait, ce n’était pas une si grosse épreuve de l’entendre et de le voir. Maintenant qu’elle est adulte, elle ne l’imagine plus comme l’homme impressionnant qu’elle pensait. C’est juste un homme ! Le serveur arrive, dépose les plats sur les tables et Irumi commence tout de suite son aubergine. La bouche encore pleine elle dit :

D’ailleeeeeurs Juni.

Un sourire malfaisant.

On a une petite copine, maintenant ?

Elle profite de sa vilaine question pour piquer à Junichi un petit bout de viande.

Même si Junichi se défend de ne pas avoir de relation avec cette demoiselle, Irumi ne va certainement pas le lâcher maintenant, oh non ! Elle le regarde avec un air de défi, un petit sourire au lèvres. Elle se demande bien comment il est avec les filles, s’il est toujours aussi mâlin et ouvert, ou s’il est plutôt du genre timide. C’est comme ça avec les petits frères, ils grandissent à vue d'œil et deviennent des petits hommes. Irumi, fille (presque) unique, ne l’a jamais vécu avec un frère biologique. Pourtant, elle n’a cessé de créer des liens fraternels. Elle chérie beaucoup ces relations-là.

Cooomment ça ? Comment ça, pas demain la veille ?

Oh non ! Irumi n’y croit pas. Junichi a pile l’âge où on a envie de commencer la vie d’adulte. Celle où l’on côtoie tous les garçons et les filles de son âge.

Tu peux mentir à ton père, mais pas à moi ! Tu as pas une fille que tu aimes ? Ou bien un garçon !

Parce qu’Irumi peut très bien “deviner la suite”. Un restaurant pendant les vacances, puis les yeux dans les yeux, la main dans la main, ils s’en vont amoureux sans peur du lendemain. Elle aussi a eu la petite vingtaine, et les petits rêves qui vont avec.

Mais maintenant, à presque trente ans, elle n’a plus vraiment honte de ses relations amoureuses. Elle a eu le temps d’en commencer, d’en arrêter, d’aimer, de détester… Encore, et encore.

Yep ! Il est resté à Tokyo. Ken, qu’il s’appelle, compositeur à Sony Music Entertainment, c’est classe, non ?

Elle hausse un peu les épaules. Elle le dit sans vraiment y croire, en réalité. Elle n’a jamais vraiment vécu le grand amour, Ken n’en est pas une exception. C’est juste un (presque) gentil garçon, plutôt bon à la guitare et pas si moche nu. C’est suffisant pour Irumi, c’est déjà moins pire que rien.

M’enfin… J’ai bien peur que ça ne dure pas. Il n’était pas très content que je vienne à Kobe.

Il l’aurait voulu femme au foyer. Qui imagine Irumi enfermée dans un mariage ? C’est mal la connaître.

Eh beh. Il a déjà l’âme d’un vieil homme, ce Junichi. Irumi est assez surprise de la sagesse du gamin. Il n’y a rien de mieux que les amourettes impossibles, celles que l’on rencontre lors de vacances dans un camping, celles qui semblent ne jamais pouvoir finir heureuses. Lorsqu’elle était adolescente, Irumi n’en avait que faire de ce qui est sérieux ou non. Malgré les interdictions dans son contrat, elle flirtait en douce avec les garçons de son école de danse, et les bécotait dans les toilettes. Ah ! C’était le bon temps.

Rah ! C’est naze ! Pas besoin que ça dure longtemps.

Elle espère quand même que son petit Juni a rencontré quelques filles et testé les choses de l’amour. De toute manière, plus de six mois, c’est trop long. Elle en sait quelque chose. Elle n’a jamais vraiment aimé les relations longues. A quoi bon se poser ? Quand tout finit toujours mal.

Elle ne rebondit pas vraiment sur la remarque au sujet de son couple. En réalité, elle n’est même pas certaine de vouloir trouver des solutions pour recadrer le tir. Irumi n’aime pas trop ce producteur. Il a une belle voix, et fait passer le temps. Mais maintenant il est envahissant, et elle aime bien sa liberté.

Ah, bah j’espère bien. Faut que j’évite de faire trop d’erreurs et de me faire sucrer ma période d’essai ! Mais un boulot de professeur de danse comme celui-ci, c’est une sacré aubaine. Avant de le trouver j’allais de studio à studio, je peux enfin un peu me poser.

“Me poser”. Oh bah voilà qu’elle commence à penser comme une vieille femme aussi. Irumi sait bien pourquoi elle souhaite “se poser”, pour prendre soin d’elle et pouvoir retrouver ses propres passions mais tout de même. Bientôt et elle souhaitera prendre une plante verte, lui donner un prénom, et l’arroser tous les matins.

Et je ne sais plus si je t’en avais parlé à l’époque.. J’étais tellement concentrée sur le fait de bien chanter. Mais mon premier vrai amour, c’était la danse. Je suis entrée à Sony Music Ent. avec un concours de hip-hop. Le chant c’est venu après, quand on m’a donné l’idée de devenir idole…

Si elle n’avait pas gagné ce concours, peut être qu’elle n’aurait jamais ess ayé cette profession, et aurait simplement continué son parcours. Dans la danse, ou ailleurs.

Donc, après toutes ces années, j’y reviens. Comme si c’était finalement la bonne voie, que je décidais de suivre.

Irumi a un large sourire, elle se fait un allié de taille à l’université ! Rien de mieux qu’un étudiant pour lui rappeler le règlement. Après tout, vu son âge, il doit certainement vouloir parfois faire le mur, voir des filles, et pour pouvoir le faire… il faut connaître les limites ! Savoir, pour ne pas se faire prendre.

Ah bah ! Bravo, tu commences la vie d’adulte et tu pars déjà avec des points en moins ! Elle tire la langue, amusée. Je rigole, heureusement que je n’étais pas en pensionnat, à l’Université, j’m’en serais pris plus d’une de remarque…

Et le pire, dans tout ça, c’est qu’Irumi est une japonaise pure souche. Elle ne devrait pas avoir d’excuses et devrait respecter les bonnes coutumes, mais à croire qu’elle est la réincarnation d’un délinquant, et qu’il a conservé dans son autre vie son habitude à mettre ses gros pieds dans le plat !

Elle soupire doucement, en attrapant la carafe d’eau et en se servant un grand verre. Elle aurait préféré prendre une bière, pour accompagner ce plat, mais ça ne ferait pas bon genre. Même s’ils se sont éloignés du quartier de l’université, un étudiant ou un professeur pourrait les croiser ici. Pas question d’imaginer qu’elle corrupte la jeunesse, en plus de tout le reste !

T’es gentil ! Mais tu sais, en réalité, le chant n’a jamais été ma force. J’ai beaucoup appris, avec les cours, et avec ton père, mais j’étais meilleure avec mon corps qu’avec ma voix. Et puis, c’est comme ça que j’avais été repérée par mon agence en premier lieu. Reprendre la danse, c’est un peu comme retrouver son premier amour, finalement…

Irumi joue avec son verre vide. La carafe l’est également. Elle voudrait boire encore, comme pour épancher ses souvenirs. Elle ne veut pas être le genre de personne qui se morfond, non ! Elle est connue pour ses grands sourires, et un optimisme à tout va. Alors, elle répond, avec un sourire qu’elle espère être sincère, mais qui vient plus de ses joues que de son coeur :

Et puis, qui sait ! Un jour qu’un voisin m’entende sous la douche, qu’il est
grand producteur, et tombe amoureux de ma voix ! Elle rigole doucement. Plus sérieusement, je prends note, pour les arrangements musicaux, ça pourrait vraiment m’être utile. J’te paierai si tu le fais.

Tout travail mérite salaire.