Émotions à nues. Incontrôlables. Cascades déferlant sur ses joues, sans un bruit ou peut-être un sanglot étouffé par le bras qui venait de l’enlacer. Son corps se raidit au contact étranger, non désiré, mais qu’il ne pouvait raisonnablement pas fuir. Il n’était pas en état de se mouvoir ni de le repousser. Qui le tenait ? Ses yeux s’agitèrent sans parvenir à discerner autre chose que des formes floues. Tch. Il se donnait en spectacle. N’était-il bon qu’à ça ? Décevoir ? Pourtant il essayait de toutes ses forces. Il l’avait toujours fait, depuis qu’il était assez grand pour comprendre que sans efforts, jamais il ne mériterait son amour, son attention. Elle n’en était pas dépourvu, non. Elle avait cela en elle, mais c’était réservé à ceux qui le méritait vraiment. Chiemi l’avait toujours eu. Chiemi était parfaite. Gentille. Souriante. Énergique. Amusante. Tout ce que lui n’était pas. Tout ce qu’il ne serait jamais. Tout ce qu’elle ne serait plus.

Les larmes redoublèrent. Comparaison amère qui ressuscita un semblant de force dans ses muscles. Et alors qu’il se sentit prêt à repousser son assaillant, il entendit sa voix. Toute proche. Dans son oreille. Comme une berceuse. La moitié des sons ne faisaient pas sens mais… Il exprimait toujours cette gentillesse compréhensive qui l’avait fait chanceler et réduit à néant ses barrières. Il ne méritait pas tant alors… Pourquoi ?

Question sans réponse. Il resta là, dans les bras protecteurs, déversant sa peine contre celui qu’il enviait un peu, beaucoup, mais en silence.

Goutte d’eau sur son front.

Kotai retient un sanglot et son esprit s’accroche à cette sensation, essayant de se calmer en en cherchant la source. Deuxième goutte. Et c’est à ce moment là qu’il comprend.

« No.. Fu.. »

Les mots coincent dans sa gorge. Il n’ose pas se redresser mais une main vint se poser sur le bras du blond, serrant légèrement. Des excuses ? Sûrement. Pour son comportement. Pour son moment de faiblesse. Pour le t-shirt qu'il venait d'imbiber de ses larmes. Pour son incapacité à parler. A exprimer ce qu'il ressentait. Prison forgée par les attentes autant que par son désir de reconnaissance. Il garde le silence mais s'accroche davantage.

L’étreinte se poursuit. Les traits de son visage tressautent à chaque petite caresse venant essuyer les larmes qui, peu à peu, se tarissent. Petit reniflement. Il attrape machinalement un mouchoir où il abandonne un peu plus sa tristesse, avant que sa bouille peinée et rougie par les larmes n’émerge finalement des bras de son camarade. Il n’ose pas le regarder. Assurément, la gentillesse avait des limites. Noboru allait s’énerver. Il allait l’engueuler. Lui dire de ne plus être une mauviette. Pas vrai Kinzoku ? Si t’étais pas aussi faible, tu lécherais pas le sol comme une merde. Il tiqua. Écho lointain d’une voix bien trop familière.

L’attente lui sembla interminable. D’autres personnes avaient quitté la salle commune. Peut-être. Il ne voyait plus trop et après une journée aussi longue et riche en émotion, ses lentilles lui piquaient affreusement les yeux. Il fallait qu’il les enlève. Qu’il rentre à sa chambre. Un vague soupir, ressemblant davantage à un sanglot, lui échappe alors que sa chambre lui semble se trouver à des années lumière. Jamais il n’y arrivera seul et-

Étonnement lisible sous le voile triste qui emplit toujours ses yeux. La colère attendue ne daigne pas se montrer, bien au contraire. Il semblait même avoir lu dans ses pensées, proposant son soutien pour la tâche qui lui semblait encore impossible un instant auparavant. Alors, il va pour hocher la tête et accepter sans trop y penser, quand son corps se fige. Regard arrêté sur des messes basses dans un coin de la pièce. Il ne savait pas ce qu’ils se disaient mais son esprit s’emballait déjà. Noboru n’avait pas caché ce qu’il était. Il n’avait pas cette crainte. Et maintenant qu’il l’enlaçait. En public.

Haut le coeur.

Kotai se leva brusquement, s’extirpant de l’étreinte protectrice, tout en jetant des coups d’oeil stressés aux alentours. Peut-être qu’il se faisait seulement un film. Peut-être que tout ça, c’était juste dans sa tête. Mais quoi qu’ils racontent, quoi qu’ils disent, il ne devait pas… Il ne devait pas se retrouver mêler à tout ça. Parce qu’elle le saurait. Un jour. Tôt ou tard. Et il ne fallait pas. Jamais.

Bouche ouverte. Aucun son. Gorge nouée. Il se la tient, tire dessus, sans que cela n’y change quoi que ce soit. Panique dans ses mains. Il les serre et les desserre frénétiquement, réfléchissant à une alternative et opte finalement pour son téléphone. Mots qui s’enchaînent. Il envoie son message, pointe du doigt la poche du blond et, attrapant sa sacoche ainsi que le reste de ses affaires, il s’en va. Démarche titubante. Pressée. L’angoisse fait rebondir son coeur dans tous les coins et recoins de sa poitrine. Et les quelques minutes passées à rejoindre sa chambre lui paraissent une éternité.

Salut bref de la tête à son colocataire, il se détourne rapidement pour éviter les questions et, laissant ses affaires encore emballées sur son bureau, il se glisse prestement dans son lit. Lentilles jetées. Il en prendrait d’autres le lendemain, ou devrait se résigner à porter ses lunettes une journée vu à quel point ses yeux le brûlaient. Vestiges de larmes. Il enroula ses bras autour de son oreiller et, dans la pénombre, un frôlement contre sa peau le fit sursauter. A tâtons, sa main finit par se poser sur une forme moelleuse et douce. La peluche de husky. Longue hésitation. Ses dents lacèrent ses lèvres.

Quand le sommeil vient enfin le cueillir, c’est pour le trouver le nez enfoui contre la peluche et le portable allumé, encore ouvert sur le fil de leur discussion.

Sommeil. Désolé. Prends soin de toi.


Et merci.