La première secousse a surpris Lou seule, dans le grand centre commercial de Kobe. Et si elle a cru y perdre le souffre, et sentir son cœur s’arrêter, il lui a bien fallu apprendre à se reprendre, rentrer jusqu’à l’université, y retrouver son frère quasi pas blessé, et sa petite-amie en bonne santé. Encore aujourd’hui, elle regrette de ne pas avoir sauté tête la première dans des bras réconfortants. Mais la pudeur, la fierté, ou encore la honte, ont fait vœux de réserve.
Et la peur n’a plus quitté Lou.
Elle a bien essayé de fermer l’oeil, mais l’anticipation ne lui a pas permis de passer la nuit. Et elle a imaginé, si ce n’était pas le livre mais le meuble qui était tombé sur son frère. Si l’huile était encore chaude dans le restaurant de ses parents. Si Maka était sous un arbre un peu trop fragile. Et des si, et des si... Une angoisse qui monte, et monte, et qu’elle n’arrive pas à taire.
Lou, d’habitude si simple, apprend ce qu’est la peur, pour la première fois.
Ou peut-être qu’il s’agit également là de regrets. C’est qu’elle s’est rendue compte de combien elle s’était sentie seule, au cœur de ce grand centre commercial, lorsque le sol a tremblé. Combien elle ne connaissait rien de sa famille, le nombre de “je t’aime” enfermés dans son coeur, qui n’ont pas passé le seuil de ses lèvres, combien de caresses, de baisers, de câlins, elle n’a pas pu donner.
Et elle s’est sentie désolée, de ne pas avoir réussi à exprimer.
Et lors de la deuxième secousse. Et lors de la troisième... Les si, et les si, n’ont pas cessé de grandir dans sa tête. Les voix sont devenues si fortes, et les peurs si prenantes, qu’il lui était impossible de refermer les yeux. Quoi qu’elle ne soit pas sûre d’avoir pu les fermer en se couchant la veille au soir.
Mais à qui demander à l’aide ?
Personne ne connaît Lou flipette. C’est elle qui rassure, qui fait rire, qui change les idées, d’habitude. Alors, à qui demander un peu de présence, de temps ? D’amour ? Elle n’ose pas, les yeux rivés sur son téléphone, à passer encore et encore la liste de ses contacts.
C’est con. Elle sait que beaucoup lui diraient oui. Des copines. Des anciens colocataires. Alya. Surtout Alya. Tous accepteraient certainement d’offrir un peu de leur temps pour rassurer le temps d’un instant le cœur meurtri de la lycéenne. Mais elle n’ose pas.
Un message.
Rien qu’un message.
Lou s’y rattache. C’est son ancre.
Et elle file, elle part, aussi vite que possible jusqu’au petit banc dans le parc où elle a rendez-vous. Il fait froid, mais elle ne sent rien d’autre que l’envie de se rattacher à un peu de cette présence. Et quand son grand-frère la retrouve, elle se refuse de lâcher un sanglot de réconfort.
Mathéo.
Le seul auquel elle n’avait pas pensé envoyer un message.
Quand il lui demande si elle va bien, elle n’arrive pas à lui répondre. Comme si les mots pouvaient la trahir, et déverser pour elle les larmes qu’elle retient au fond de sa gorge. Alors, elle secoue simplement la tête de gauche à droite. Pas question de mentir, non, elle ne va pas bien.
Elle reste encore pudique. Elle ne sait pas pourquoi ils sont comme ça, aujourd’hui, tous les deux. Toute petite, elle lui aurait sauté dans les bras, pour se rassurer. Se rattacher à l’une des seules personnes qu’elle a toujours connu. Qui a toujours été pas loin, pour elle. Mais elle n’ose pas. Si ces derniers mois, elle trouve son frère plus ouvert, plus doux, et surtout qu’elle commence doucement à voir dans ses remarques un peu de tendresse, elle n’est pas encore certaine d’avoir le droit de prendre toute la place qu’elle aimerait avoir dans sa vie.
Mais quand il lui propose un bout de plaid, elle se lâche finalement. Elle glisse immédiatement sous le tissu, et se rapproche un peu plus de lui. Et cette chaleur, et cette douceur, ça lui fait du bien au cœur. Elle se sent un peu protégée.
Et alors qu’elle lui répond finalement : « Je veux bien du lait fraise », les larmes coulent enfin le long de ses joues. Tout ce qu’elle a retenu. Et elle s’excuse entre les sanglots : « Pa-P.. Pardon. C’est.. J’avais. Je voulais pas.. » Elle efface les coulures. « J’ai peur. »
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- Mathéo TakahashiA l'université ; 2è année■ Age : 31■ Messages : 550■ Inscrit le : 09/12/2022■ Mes clubs :
Mon personnage
❖ Âge : 20 ans
❖ Chambre/Zone n° : U-5
❖ Arrivé(e) en : Avril 2017
[Intrigue] Il nous fallait bien au moins trois tremblements de Terre...
24 juin, après le dernier tremblement de 6h15
Comme un cauchemar duquel on ne sort jamais, retombant inlassablement dedans à chaque endormissement, les évènements matinaux avaient un air de déjà-vu inquiétant. Les secousses provoquées par le tremblement répété de la terre faisaient frémir Kobe et plongeaient étudiants et lycéens dans une boucle spatio-temporelle des plus lassantes. Il était 6h15 du Matin et à nouveau Mathéo se trouvait réveillé par les vibrations de son lit et le bruit infernal du bois tapotant contre le mur. Cette journée s’annonçait difficile. A peine commençait-elle qu’il était déjà épuisé. Vaseux, il se redressa dans son lit et se pencha pour jeter un coup d’oeil en direction du lit de Keitô. Celui-ci partageait le même air déphasé et blasé que lui. Oui, encore. Oui, ça fait chier. Pas besoin d’échanger de mots entre eux pour se comprendre. C'était une heure de levée habituelle pour eux deux mais cette fois-ci ils étaient privé de la nuit complète qui allait normalement avec. Cela se sentait, Mathéo se laissa retomber dans son lit.
La veille, le séisme de magnitude 5 leur avait déjà causé bien des frayeurs. Il en était ressorti le front et l’avant bras contusionnés et la pauvre bibliothécaire devait avoir encore bien du travail pour remettre la Reine du campus en état. Aux dernières nouvelles, la bibliothèque était sans dessus dessous. Il n’était pas certain qu’elle puisse ouvrir dès aujourd’hui d'ailleurs. Aussi, pensait-t-il à proposer son aide pour le rangement après ses heures de cours. A 04h02, la terre avait de nouveau éternué, moins fortement cette fois-ci, une magnitude 3. Suffisamment pour réveiller tout le monde néanmoins. Ils avaient été sortis du lit par le personnel pour se diriger au terrain de sport. A 4h du matin, cela piquait tout de même un peu. Là bas, il avait pu constater que ses sœurs allaient bien et revoir Seito avant de repartir, c’était déjà ça. Mais cette troisième fois manquait de lui faire s’arracher les cheveux. Ne pourrait-on plus jamais dormir en paix dans ce pays ? Étonnement, si. Même le personnel semblait s'être lassé. Ils n’étaient visiblement pas obligés de rejoindre le terrain sportif cette fois-ci, foi de bruit de couloirs. Malheureusement pour Mathéo, son horloge biologique était plus terrifiante que trois séismes réunis : il lui était impossible de se rendormir. Il observa mollement Keitô se préparer pour son footing, subissant son éveil. Comme il avait remarqué que Lou avait été particulièrement anxieuse au dernier rassemblement, il lui renvoya un message pour savoir si tout allait bien. Il s’avéra qu’elle aussi ne pouvait plus dormir. Haaah… Il n’était pas doué pour réconforter et plus particulièrement pour réconforter Lou mais à ses messages, il sentait bien qu’elle n’était pas rassurée du tout. Il finit par prendre son courage à deux mains et lui proposa de le retrouver dans le parc. A défaut de savoir quoi lui dire pour la rassurer, il pouvait… « être là ». La tête encore enfarinée, il ouvrit son placard pour récupérer un jogging et un sweat à capuche qu’il enfila dans un silence de moine. Il en sortit également un plaid et un sac de snack avant de quitter les lieux, une fois ses chaussures remises.
Il retrouva sa sœur assise sur un banc du parc. « Tu vas bien ? » demanda-t-il, la voix encore rouillée, s’enroulant dans son plaid avant de se jeter à côté d’elle. Il hésita quelques secondes… puis tendit l’un de ses bras pour rouvrir sa protection. « Tu veux venir avec moi dessous ? Il fait encore un peu frais à cette heure-ci... » et comme si cela pouvait être davantage convainquant, il ajouta : « J’ai du lait à la fraise et des gâteaux...».
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Re: [Intrigue] Il nous fallait bien au moins trois tremblements de Terre...
Le 24 juin 2018
- Mathéo TakahashiA l'université ; 2è année■ Age : 31■ Messages : 550■ Inscrit le : 09/12/2022■ Mes clubs :
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Re: [Intrigue] Il nous fallait bien au moins trois tremblements de Terre...
24 juin, après le dernier tremblement de 6h15
Mathéo recouvrit Lou correctement avec son plaid, s’assurant que ses deux épaules soient bien couvertes pour qu’elle n’attrape pas froid. C’était étrange, de l’avoir si près… Depuis combien de temps ne s’étaient-ils pas retrouvés ainsi ? Simplement assis, l’un à côté de l’autre. L’inquiétante étrangeté qui se faufilait entre eux, l’incommodant, lui pinça quelque peu le cœur. Elle n’apparaissait jamais avec Anna dont la proximité lui était toujours naturelle, peu importe le temps qu’ils passaient sans se voir. Lou tout près de lui, il pouvait contempler l’immensité du mur qu’ils avaient érigé entre eux. Massif, triste et froid, il n’avait rien pour lui. Pas même la beauté de la pierre. C’était un mur bétonné à la va vite et que personne n’avait pris le temps de peindre. Mathéo réalisa : il faisait plus peur que trois tremblements de terre successifs.
Prendre soin de sa petite sœur… depuis quand cela lui était-il devenu si difficile ? Enfant, il avait toujours adoré s’occuper d’elle. Même au collège, lorsqu’il commençait à avoir tout de même un peu honte d’avoir ses sœurs entre les pattes et qu’il faisait mine de râler – début d’adolescence oblige – il était heureux de les avoir. En l’absence de ses parents, il n'avait qu'elles. Comme il avait été heureux lorsqu'on lui avait annoncé qu’il aurait une seconde petite sœur... l’attente lui avait paru insoutenable pour la rencontrer. Il avait été si joyeux lorsque sa mère était rentré chez eux avec elle. Lou avait toujours été un petit rayon de soleil... Quand est-ce qu'il était devenu si allergique au soleil ? Lui qui s’était toujours considéré chanceux d'être son grand frère. Pourtant, assise à ses côtés, Lou lui semblait presque étrangère désormais.
Mathéo se pencha sur son sac pour y plonger la main, farfouillant jusqu’à trouver une brique de lait fraise, à la demande de sa soeur. Celle-ci détourna son attention du sac bien rapidement néanmoins. Les yeux de l’étudiant se redressèrent en catastrophe sur elle, lorsqu’il l’entendit sangloter. Paralysé, il ne su quoi dire. Réconforter Anna, c’était facile. Réconforter Lou, c’était étrange, effrayant... et gênant. L’ aveux de sa sœur lui serra le cœur. Comment faire pour la rassurer ? Il ne pouvait pas la laisser dans cet état mais que pouvait-il faire ? Il se sentait complètement impuissant. Le ventre noué, il sortit sa brique de lait, la regardant tristement depuis sa main. Qu’aurait-il fait, s’il avait s’agit d’Anna ?
« Tiens… » souffla-t-il gentiment, en lui tendant la brique. Il la déposa dans sa main avant d’ajouter, le ton se voulant rassurant : « … Il n’y a pas de mal… c’est normal d’avoir peur. ». Sur ce mur béant qui les éloignait, il pouvait apercevoir une brèche. Il hésita à s'en saisir, les mains triturant nerveusement son pantalon. Faire plus lui paraissait inconcevable, impraticable, il ne s’en sentait pas capable. Que ferait-il si sa sœur le trouvait plus flippant que le tremblement de terre ? Si elle repoussait sa tentative de réconfort… ? Sa fierté le prendrait mal, il n’osait la mettre à l’épreuve. Cependant, les larmes sur les joues de sa sœur lui semblaient bien plus douloureuses à gérer.
... Hah...
Prudemment, il passa un bras derrière son dos et l’attira avec douceur contre lui. Sur le moment, il eut l’impression de manipuler une poupée de porcelaine que le moindre faux mouvement pourrait briser en miles morceaux. La tension s’intensifia dans ses veines, son cœur palpitait d’anxiété. Tant pis, sa crainte ne pouvait être plus importante que celles de sa soeur...
Mathéo finit par prendre Lou dans ses bras. « … ça va aller, ne t’en fais pas. Tout le monde va bien et tu es en sécurité maintenant. Je vais rester avec toi jusqu’à ce que tes cours commencent alors ne t'inquiète pas... »
Espérant détendre l’atmosphère, il tenta la plaisanterie, un peu mal à l'aise : « mais il faudra au moins que tu ailles te brosser les dents avant d’aller en classe. Tes camarades vont te craindre plus que le tremblement de terre sinon. ».
- InvitéInvité
Re: [Intrigue] Il nous fallait bien au moins trois tremblements de Terre...
Le 24 juin 2018
Les mains encore tremblantes, Lou attrape la briquette. Elle décolle la paille, retire le plastique, et essaie de la planter dans le petit trou d’aluminium. Mais son regard est embué de larmes, et elle s’y reprend trois fois.
Elle a le ventre noué.
C’est con, elle a le ventre noué. C’est comme si elle était un dragon et que son estomac brûlait. Il lui faudrait boire le liquide alcalin, pour calmer la tempête, mais elle ne tire même pas sur la paille. Elle se contente de regarder un peu vainement la briquette, comme si elle allait se boire toute seule.
Lou n’est pas du genre à être remuée par les sentiments, alors ça la trouble. Parce qu’elle est casse-cou, la peur l’arrache encore plus au sol.
Elle vole. Oui, elle vole. Mais pas comme attachée à un nuage. Elle est tout juste décollée du sol. Lourde, mais sur aucun appui. Elle se retire de l’espace et du temps.
Jusqu’à ce que les bras de Mathéo la rattrape.
Et elle se rattache, à cette ancre. A ce corps. A son frère. Elle ferme doucement les yeux, pour se laisser atterrir. Et dans le réconfort des bras qu’elle n’avait plus retrouvé depuis longtemps, elle se voit de nouveau sur terre. Elle l’écoute à moitié, mais peu importe les mots. Ce qui lui suffit c’est de l’entendre, qu’il prenne soin d’elle.
Alors elle sourit doucement, et même peut-être qu’elle rit, alors qu’il s’essaie à l’humour. C’est un peu vaseux, un peu gratuit, elle sentira le lait à la fraise dans quelques minutes, mais elle s’en fiche. Elle le sent bien, qu’il fait de son mieux. Et peut-être que c’est comme ça qu’il est. Maladroit, mais comme il le peut.
Alors, elle se redresse doucement, et se retire de l’étreinte. Cette fois, elle voit bien mieux la briquette, et bien mieux le sol aussi. Elle prend une grande gorgée, vide presque le carton, et prend une grande respiration.
« J’me lave jamais les dents t’façon. » Le sourire de Lou devient un peu plus mâlin. « C’est ce que j’appelle…» Elle essaie de sublimer son accent. « Ma petite touche à moi. Joli nom de parfum, non ? » Elle sait que Mathéo aime le français, et qu’il comprendra, mais ils le parlent pas vraiment ensemble.
En fait, ils ne parlent pas tout court. Et soudainement, elle se demande qui est ce garçon, à côté d’elle, qui lui a donné un lait à la fraise. Est-ce qu’il étudie le français parce qu’il aime ça ? Est-ce qu’il veut partir pour le pays, pour la langue, pour faire chier les parents ? Ou est-ce qu’il ne veut plus rien du tout de tout ça.
Et qu’est-ce qu’il en penserait du fait qu’elle y pense, elle, à partir. A découvrir le pays où ils sont nés.
« En France, y'avait pas, ça. »
Les tremblements de terre. Leur séparation.
- Mathéo TakahashiA l'université ; 2è année■ Age : 31■ Messages : 550■ Inscrit le : 09/12/2022■ Mes clubs :
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Re: [Intrigue] Il nous fallait bien au moins trois tremblements de Terre...
24 juin, après le dernier tremblement de 6h15
Le regard malin de Lou surpris Mathéo. Blaguait-elle ou était-ce de la fierté qui se lisait dans ses yeux ? Il ne savait s’il devait en rire ou s’il lui fallait sévir. Par habitude, il eut envie de la sermonner. Toute une leçon imprégnée de moralité sur le pourquoi du comment il était important qu’elle se lave les dents pouvait lui être proposée à la seconde où il ouvrirait les lèvres. Ce pourquoi il s’en abstient, se contentant de l’observer. Ce n’était pas le moment. Pour une fois, il en avait tout à fait conscience. Alors, peut-être en remerciements inconscients, Lou le surprit de plus belle en parlant français. Une pointe de nostalgie piqua douloureusement le cœur de Mathéo. Depuis quand n’avait-il plus entendu sa sœur parler ce qu’il considérer être leur langue maternelle ? Le timbre légèrement différent de sa voix, son léger accent du à une prosodie moins naturelle qu’à un défaut de prononciation, l’effraction du présent dans un passé qu’il chérissait encore désespérément. Sur le moment, ce fut lui qui eut envie de pleurer. Touché en plein cœur, il du détourner les yeux pour cacher leur humidité. Mais Lou appuya davantage sur la pointe et lui transperça le cœur avec.
« Non… En France, il n’y avait pas ça» répéta-t-il en français, la gorge serrée par l’émotion. Son pouce vint nerveusement masser la paume de son autre main. Il n’y pensait presque plus depuis qu’il sortait avec Seito. Si bien qu’il en avait oublié toute la tristesse qui y était liée. Il lui avait semblé que l’amour l’avait remplacée mais il réalisait qu’en réalité, il l’avait plutôt masquée. Il était désormais évident qu’elle était toujours là, tapis dans l’ombre, prête à ressurgir le moment opportun pour lui étouffer le coeur.
« … Et ça me manque » lâcha-t-il dans un soupire. Tout lui semblait plus facile en France. Rien n’était encore impossible. Pourtant, plus le temps passait et plus il finissait par se demander si c’était la France ou bien simplement son enfance envolée qu’il regrettait. A cette époque, son seul véritable problème était d’être un pré-ado qui cherchait à s’affirmer. Ses parents lui en avaient ajouté un supplémentaire en disparaissant davantage sous le travail lorsqu’ils avaient ouvert leur propre restaurant mais même s’il en avait souffert, il avait eu suffisamment d’occupations et de projets pour ne pas s’en laisser submerger. Le déracinement avait été terrible parce qu’il l’avait laissé sans défense face aux effets de l’absence de ses parents et à la déception sévère qu’il éprouvait les concernant. Le japon n’avait pas été la terre d’asile promise, il lui avait effacé tous ses rêves et tous ses projets d’avenir. Il avait balayé tous ses repères et l'avait contraint à revoir tout ce qu'il était. Tout avait été à reconstruire et il n’avait pas réussi. Seule l’amertume et la peur l’avaient guidées ces dernières années, sa colère en était née. Et Lou, elle, s’était épanouie dans tout cela. Comme une fleur qui n’avait besoin que d’eau et de soleil, peu importe où on la déplaçait. Il lui en avait tellement voulu... et sans doute qu’au fond il lui en voulait encore.
« … Est-ce que tu t’en souviens vraiment ? De comment c'était. Tu as encore des souvenirs ? » s’osa-t-il à lui demander. « … Je pensais que tu aurais oublié comment parler français depuis le temps... » souffla-t-il tristement.
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