Pool party in the bathroom (ft. Eikichi)

Junro détestait ce genre de matins. La veille, il était resté éveillé jusqu'à tard pour jouer avec ses amis, se permettant enfin de souffler pour décompresser un peu après cette rentrée qui avait été stressante. Les gens n'étaient pas méchants, bien au contraire, mais la routine de Junro avait eu du mal à se remettre en place, lui causant moults angoisses. Alors passer une soirée (ou plutôt un début de nuit) en compagnie de ses amis lui avait fait le plus grand bien et pour rien au monde il n'aurait annulé. Mais le résultat de tout ça était qu'il s'était rendormi ce matin après avoir éteint son réveil et que maintenant il était en retard. Junro détestait être en retard, encore plus le matin. D'une part il se faisait l'effet du lapin blanc dans Alice au Pays des Merveilles dans ce genre de moment, mais en plus ça détruisait tout son programme matinal bien rodé qui lui permettait de se mettre correctement en selle pour passer une bonne journée.

Les cours allaient commencer dans cinq minutes et l'adolescent venait seulement d'entrer dans la salle de bain. Il balança son sac de cours dans un coin et se précipita vers un des lavabo dans l'idée de se laver les dents en quatrième vitesse. S'il se dépêchait assez, il avait encore une chance d'arriver devant la porte de sa classe avant qu'elle ne se referme. Mais il semblait que tout, vraiment tout, était contre lui ce matin. Il attrapa sa brosse à dents et lorsqu'il voulut ouvrir l’eau, ce ne fut pas un simple filet de liquide qui s’écoula paisiblement, mais bien le robinet qui lui resta dans la main et un jet d’eau puissant et glacé qui lui arriva directement dans la face. « -Hellig dritt ! », jura le métisse dans un réflexe qui aurait fait froncer les sourcils de son père. En moins de cinq secondes, Junro se retrouva complètement trempé alors qu’il tentait, en vain, de contenir le jet d’eau. En désespoir de cause, déjà honteux de ce qu’il s’apprêtait à faire, Junro se mit à appeler à l’aide « -S’il vous plaît allez chercher quelqu’un ! J’ai besoin d’aide dans la salle de bain ! Y a quelqu’un ? ». Au vu de l’heure, le jeune homme n’était même pas sûr qu’il y ai encore quelqu’un dans les couloirs de l’internat, mais que pouvait-il fait d’autre ? Il n’allait tout de même pas se barrer en laissant la salle de bain se transformer en piscine !

Il ne fallut pas deux minutes avant que la salle de bain ne ressemble plus à rien… Et que Junro ne soit guère mieux. Essoufflé, trempé de la tête aux pieds et frissonnant à cause de l’eau glacée, le jeune homme n’avait plus aucun espoir d’être à l’heure en cours. Alors qu’il allait se résigner à laisser la fuite continuer sa vie tranquillement quelques minutes le temps de filer chercher de l’aide, il lui sembla entendre du bruit dans le couloir. Il se remit alors à appeler en désespoir de cause « -Il y a quelqu’un ? J’ai besoin d’aide dans la salle de bain par pitié ! ».

Finalement, son vœu fut exaucé. Quelqu’un, enfin ! Néanmoins au vu du genre de la personne il aurait peut-être mieux valu qu’il reste seul. Pourquoi il restait planté là à lui faire des reproches ? Il ne pouvait pas aller chercher quelqu’un non ? Sa timidité s’effaçant devant le sentiment d’injustice, il répondit « -Parce que j’essaie de retenir la fuite et fermer l'eau alors est-ce que, s’il te plaît, tu peux aller chercher quelqu’un au lieu de rester planté comme un piquet ? ». Dans sa voix, son accent norvégien commençait à ressortir, signe de l’agacement qui se transformait peu à peu en colère. Il avait retenu de justesse le abruti qui avait failli franchir ses lèvres et retourner à ses tentatives de fermer l’arrivée d’eau, espérant que l’autre se déciderait à l’aider. Ce n’était franchement pas le moment pour venir lui reprocher quoi que ce soit, il avait simplement voulu se brosser les dents lui, en plus ils étaient déjà en retard alors ils n’avaient pas vraiment le temps pour les phrases désagréables et les moqueries !

Le garçon semblait vraiment avoir l’apanage de la bienveillance et de la politesse. Tandis qu’il s’éloignait enfin pour aller chercher quelqu’un, du moins Junro l’espérait, un juron norvégien passa la barrière de ses lèvres. Pourquoi il n’avait pas pu tomber sur quelqu’un d’agréable et de sympathique qui lui serait venu en aide sans se sentir obligé de le rabaisser au passage ? Il fallait croire que quand une journée commençait de façon pourrie, elle continuait de même… Une nouvelle fois il força pour tenter de fermer l’eau sans plus de résultat que toutes les fois précédentes où il avait tenté. Alors qu’il commençait à se demander ce que l’autre foutait, il revint avec une bonne nouvelle. Le concierge arrivait, ce n’était donc plus vraiment son problème. Il s’éloigna du jet d’eau qui se remit à fuir à pleine puissance.

Un lourd soupir passa la barrière de ses lèvres tandis que ses épaules retombaient. Désormais, il n’avait plus qu’une envie : retourner se coucher et ne se réveiller que demain matin pour une nouvelle journée, un nouveau départ qu’il espérait être un peu meilleur. Il attrapa par réflexe la serviette sèche que l’autre garçon venait de lui balancer, surpris d’un tel geste de sa part. Il n’avait pas semblé être le type de personnage à faire ça jusqu’ici. Junro se sécha sommairement en se disant clairement qu’il allait devoir repasser par sa chambre pour se changer avant d’aller en cours. Il attrapa son sac et le suspendit à un des crochets pour éviter qu’il ne soit en contact avec l’eau qui envahissait peu à peu toute la salle de bain. Junro eut juste le temps de se brosser les dents avant que le concierge n’arrive. L’adolescent lui expliqua succinctement ce qui était arrivé, un peu rougissant, priant pour que l’homme ne le prenne pas comme responsable.

Quelques minutes plus tard, il repassait devant la salle de bain, changé et prêt à finalement aller en cours après ce début de matinée catastrophique. Il aperçut alors le garçon qui lui était venu en aide un peu plus loin dans le couloir. Junro se sentait un peu mal de lui avoir parlé avec agressivité et malgré le fait qu’il n’avait pas été très agréable, il ressentait le besoin de lui demander pardon. Surtout que finalement, bon gré mal gré, il l’avait aidé et s’était lui aussi mit en retard. Il le rattrapa donc au pas de course « -Hum… Je suis désolé de t’avoir mit en retard. Et de t’avoir mal parlé. Merci de m’avoir aidé, c’était gentil. ». Maintenant que l’adrénaline était redescendue, Junro sentait ses joues le brûler alors qu’il s’adressait à l’autre garçon en continuant à marcher vers le bâtiment de cours.

Junro est surpris d’entendre des excuses. Après tout, il pensait plutôt se faire totalement ignoré par l’adolescent. Cependant, il ne va certainement pas s’en plaindre. Un petit sourire se peint même sur ses lèvres en entendant le jeune homme. Il semble lucide sur lui-même ce que Junro trouve plutôt bien même si il ne se permettrait pas de le juger à voix haute dans tous les cas. Et puis il ne le connaît pas assez pour déterminer si ses paroles sont chargées de vérité ou bien trop accusatoires envers lui-même.

La fin du trajet jusqu’à la salle de biologie se fait dans le silence, un silence qui gêne un peu le métisse mais qu’il ne sait comment briser. Peut-être que l’autre préfère que les choses soient ainsi. Puis, Junro n’a pas vraiment l’impression qu’il aurait quoi que ce soit d’intéressant à dire donc autant garder la bouche fermée. Ils finissent par arriver devant la porte qui s’ouvre quelques instants après, laissant apparaître le professeur de biologie. Junro le sait intransigeant et il se doute que leur retard ne va pas passer du tout. Et comme il le craignait, le professeur ne leur laisse pas le temps de s’expliquer, leur interdisant l’accès à la classe et leur donnant un travail à faire dans le même temps. Le jeune homme est déjà heureux de ne pas avoir écopé d’une heure de colle… Sans doute qu’il aurait protesté avec un peu plus de véhémence si ça avait été le cas. Ou alors il se serait débrouillé pour la faire annuler. Après tout ce n’était vraiment pas leur faute et ils avaient des témoins.

Une fois les papiers récupérés et la porte fermée ils se mettent en route vers la bibliothèque. Junro redoute quelque peu ce travail en équipe. Il n’aime pas vraiment faire équipe pour son travail scolaire. Ses exigences de réussite le poussent à toujours donner le meilleur de lui-même et il n’aime pas déléguer une partie du travail à une tierce personne. Il est parfois arrivé que ses camarades en profitent en lui refilant tout le travail, mais l’adolescent n’en a jamais été mécontent. Après tout, ça l’arrangeait également. « -Je m’en sors. Je peux voir le sujet s’il te plaît ? ». Ses notes reflétaient bien plus qu’un simple je m’en sors, mais c’était bien plus à cause de son travail qu’à cause d’un don miraculeux en biologie. Il récupère le sujet et le parcourt rapidement en poussant la porte de la bibliothèque. Ce sont des exercices dans la continuité de ce qu’ils font en ce moment en cours et Junro commence à se demander si leur professeur ne leur a pas simplement refilé les exercices du jour avec la leçon en moins. Ils s’installent à une table et Junro sort rapidement de son sac le livre de cours « -Comment veux-tu qu’on se répartisse le travail ? ».