[TERMINE]How can I say this without breaking ?

Bien protégée dans ce simulacre de cocon, je sens sous souffle sur ma peau. Ça me fait doucement frissonner cette intimité, plus si habituée à autant de contact. J’entrouvre un œil à sa question, un peu déstabilisée d'autant de précision :

« Oui... je veux être avec toi de manière romantique... »

Et si cette phrase n'est pas suffisante ? Peut-être va-t-elle me demander autre chose... alors piochant dans ce courage, donnée par son étreinte, je lui prends tendrement le menton – tremblotante, et m'approche pour l'embrasser. Doucement, avec encore beaucoup d'hésitation... nos lèvres se frôlent...

Un stop, et si elle n'était pas consentante ?

Ce baiser passionné a un véritable goût de délivrance ; l’attente, l’avidité, l’angoisse, la myriade de sentiments par lesquelles je suis passée avant cette étreinte, le rend indescriptible et vital.

Ses yeux, sa peau, les mèches rebelles qui chatouille mon visage quand j’effleure sa bouche de la mienne et son souffle chaud... Nos lèvres se délient, au bout d'un certain, et je me recule pour la regarder : son visage empourpré est tellement adorable que je me sens fondre en retour.

Les mots me manquent, pourtant il y a beaucoup à dire et à discuter de toutes ses concessions à faire. Mais ça peut bien attendre encore quelques temps, alors je profite et m’empreigne de cette étreinte, si réconfortante, la tête sur son épaule.

Peut-être le départ d'une nouvelle relation.

Avec regret, je quitte les bras de Maya pour nous asseoir sur son lit douillet. Loin d'avoir des pensées frivoles, je regarde un peu autour de moi : la dernière fois que je suis venue ici, ça a finit en larmes. J'espère que cette fois, ce sera différent.

Un léger silence, suivi par une question hésitante. Mon cœur saute dans ma poitrine, comment y répondre sans paraître ridicule et obstinée ? Après tout, je suis la seule fautive de tout ce temps perdu. Je suis tellement chanceuse d'être si bien entourée.

« Disons que... j'ai jamais vraiment arrêté de penser à... toi, même pendant les deux mois de silence radio. Mais j'ai supposé que tu avais tourné la page... alors même si Tsu' et Nana' m'ont poussée dans la bonne direction... j'y croyais plus... puis Yuna... et voilà »

Je baisse les yeux sur mes mains, agitée.

Je me sens un peu moins bête lorsqu'elle me dit être plus ou moins dans le même cas. Même si elle n'avait pas eu vraiment le choix, de son côté. Par contre, fixette, ça sonne un peu comme de l'obsession... mais je ne suis pas là pour la juger.

Maya aborde un instant le sujet de rejet, avant de se rétracter. Je ne sais pas si c'est une si bonne chose de faire l'autruche... une chose est sûre, ça m'arrange un peu. On était en tort tous les deux ce jour-là. Insister d'un côté, repousser de l'autre... un triste tableau.

Hochant la tête à sa dernière remarque, je joue avec les manches de ma veste, un peu dans le flou. Ensemble là maintenant, ou là en couple ? J'ai peur de trop m'avancer et me faire remettre à ma place ... mais prête à discuter des sujets fâcheux, je rétorque :

« Oui ! Pas officiellement, mais officieusement »

Que la tempête ne gâche pas cette accalmie.

Forcément, la question attendue tombe comme un couperet. Maya ne me laisse pas le temps de répondre, et enchaîne une pelletée de remarques avec une certaine dose de mauvaise foi. Je n'ai pas envie de vriller, alors j'attrape sa main :

« Disons que... on devrait... plutôt euh... »

Non, je ne dois pas me laisser démonter. Je serre un peu mes doigts autour des siens. Une grande inspiration plus tard, je prends doucement la parole :

« Je sais que ça ne va pas te plaire, mais tu as compris ce que j'entendais par-là »

Maintenant, je dois poser les bases de ma vision des choses. Je ne veux pas non plus jouer à faire semblant en publique, mais soyons réalistes deux secondes :

« On peut en parler à nos amies de confiance, mais ça doit s'arrêter là. Ici, les rumeurs vont vite, et en ville, on peut tomber sur mes parents. Plus de personnes seront au courant, et plus grands vont être les risques »

Si elle n'est pas capable de le comprendre...

« On pourra le vivre, même dans le privé »

J'ai toujours un plan b si ça ne passe pas.

Ça m'étonne un peu de l'entendre dire qu'elle ne comptait pas en parler à ses amies. Mettre Yuna au courant est la moindre des choses à faire. Alors je hoche un peu les épaules, elle fait ce qu'elle a envie après tout, dans une certaine limite.

« On peut sortir en ville mais sans se tenir la main... »

Comme on le fait déjà. De toute manière, je ne suis pas très tactile ni fan des baisers en publique. C'est trop gênant les marques d'affection avec d'autres personnes présentes à portée. Tout comme le faire dans le campus, sous les centaines de regards.

« Sur le campus ? Ma mère lit les rumeurs du journal, on va être grillées direct si on est cité... t'es sûr qu'on peut s'y risquer... ? »

Je lui fais une moue une peu dubitative.

Maya a l'air singulièrement coopérative. Elle comprend même ce que je veux lui dire. Aucune dispute, ou haussement de la voix. Juste un air boudeur au visage, j'ai envie de lui tirer les joues, mais elle trouverait ça probablement infantilisant.

« S'il y a un mec qui me drague, je le remettrai gentiment à sa place, pas la peine d'être violente »

Profiter de moi ? À peine la question se pose dans mon esprit, qu'un câlin sauvage arrive, et je l'entoure instinctivement de mes bras, la tête posée sur son épaule. Un simple « Oui ! » en guise de réponse.

L'invitation au resto me plaît – un lieu déjà en tête, mais autre part ? Je ne suis pas sûre de comprendre l'intérêt de dormir en dehors, si ce n'est pour euh... dormir dans les bras, l'une de l'autre ? Ce serait vachement intime comme situation.

« Je connais un restaurant français où on pourrait aller ! Et pourquoi dormir autre part ? »

Je ne tourne pas autour de pot, pas la peine.

Elle espère, elle espère. Ce n'est pas comme si j'étais populaire ou attirais le regard des garçons. Maya n'a pas à s'en faire, il ne se passera rien du tout. Enfin... seulement si je peux ranger le kabedon, dans la catégorie des trucs chelous...

« Le message passe ? Celui de t'exclure encore une fois ? »

Je fais la moue, un peu perplexe. À taper tout ce qui bouge – et ne bouge pas, viendra le jour de son expulsion. Je n'ai pas du tout l'envie qu'une telle chose arrive. Déjà pour son bien, et aussi pour le futur de notre "couple".

« Celui de Takahashi-san »

Trop obnubilé par celui-là - par la description faite par ma cadette, j'ai complètement zappé celui de Meyuki-senpai. À croire que le campus est petit, vu qu'on connaît toutes les deux, ces filles.

Dormir ensemble ? L'idée me perturbe un peu... même si j'ai déjà partagé le même lit avec Tsu' et Nana sans aucune gêne, l'idée de le faire avec Maya me fait rougir. Alors quand elle rajoute, innocemment, c'est à moi de voir, je me dégonfle.

« Juste le restaurant, on verra une prochaine fois pour dormir ensemble, d'accord ? »

Autant lui dire ce que j'ai sur le cœur.

Petit soupir blasé. Évidemment, j'avais compris quel était le message. Je voulais juste la confronter à cette épée de Damoclès qui lorgne sa nuque. J'espère qu'elle dit ça juste pour affirmer son propos, et non pas, parce qu'elle me croit trop bête pour comprendre.

Un message qui va bien nous griller toutes les deux. Mais je ne vais pas batailler pour la faire entendre raison. Si ça arrive, je me débrouillerais seule ! Quant à la mettre au courant, ce sera seulement sur la promesse de ne pas aller le tabasser.

« Ah euh... peut-être ? J'ai surtout retenu la réduction si on dit venir de sa part »

Je rigole un peu nerveusement.

« Si je me souviens bien, elle m'a dit que c'était tout aussi bien pour la famille, les amies, que le petit ami »

Je me tords les doigts.

« Mais si ça nous grille direct, autant aller à autre restaurant ? Je ne sais pas trop... »

Quant à la raison de ne pas dormir avec elle, ce soir, c'est surtout :

« Je n'ai pas envie de sauter des étapes et d'aller trop vite... »

J'aurais plus plaisanter en disant que je ne voulais pas qu'elle me récupère au réveil, la bave au menton et les cheveux enchevêtrés. Elle aurait balayé ces raisons tout aussi vite, surtout que, je dors dans une chambre avec trois personnes...

Toujours est-il que je ne me sens pas prête.

Okay... elle a l'air sûre d'elle en s'avançant sur le fait de ne pas être grillées. Je suppose un peu : Takahashi-san sait pour l'homosexualité de Maya ? Et si elle nous voit toutes les deux là-bas, ferait-elle le raccourci ? J'en ai bien peur...

Un peu décontenancée, les mains tirant sur mes manches, elle ne trouve pas le fait de dormir ensemble trop rapide. Il s'agit de mon ressenti, et non celui de la blonde. Je peux comprendre son vœu de me rassurer sur la chose, mais ça piétine un peu ce que je ressens.

Sa dernière remarque me laisse un peu interdite. Un « Comment ça ? » s'échappe sans le vouloir de mes lèvres. Pris par surprise, je ne suis pas bien sûre de ce qu'elle veut dire par-là. Enfin si, peut-être, de la dévotion ? Mais c'est trop...

Je quitte sa douce étreinte pour enfiler mes chaussures :

« Je vais me changer pour ce soir... On se rejoint à quelle heure ? »

Faut-il encore que je sache quoi mettre.

Juste faire quelque chose ensemble ? La façon dont elle le disait, ça sonnait plus... sérieux ? Peut-être je me fais des idées, à stresser pour un rien. Je veux juste que tout se passe bien, que ce soit de son côté ou du mien.

Maya ne semble pas plus avancée que moi sur l'heure à laquelle on doit se retrouver. Je glisse un « On verra bien quand on sera prêtes » en enfilant mes converses. Je tape le bout de ma chaussure, et me redresse.

Quand la blonde me parle de son placard, j'hésite un instant, avant de hocher négativement la tête :

« Je préfère découvrir le reste de tes tenues au fur et à mesure. À plus tard ! »

Un peu comme un joli papier cadeau, non ?