[TERMINE][Flashback] Call me friend, but keep me closer ♫

Pourquoi nos échanges ont un arrière goût d'altercations ? À croire qu'on est incapable de converser sans se manger le museau. Le cœur lourd, je regarde un peu le ciel avant de me mettre en position assise. Un peu sonnée, je lève les yeux vers Maya et son triste état.

Son faible ça va ne me rassure pas vraiment. Toute échevelée, le nez égratignée, elle fait peine à voir. On dirait presque que l'on s'est battue. Indirectement, peut-être. Je l'ai provoqué et laissé me surprendre dans la course. Je pensais qu'elle courait à côté de moi.

« Je disais... »

Son nez se met à saigner ; heureusement, il n'a pas l'air cassé. Je fouille dans les poches de mon jogging, et en sort un paquet de mouchoirs en papier. Je crapahute jusqu'à Maya – j'ai les genoux égratignés, et lui en donne un pour arrêter le saignement.

« Je veux continuer de te fréquenter malgré ce qu'on peut en dire »

Peut-être cela sonnera plus clair pour elle.

Que... Bonne nouvelle ? C'est tout ce qu'elle trouve à me dire après m'avoir poursuivi comme une dégénérée en hurlant ? Bon d'accord, je l'ai cherché. Mais mon corps en veut à Maya pour la douleur qu'elle lui a fait subir, quoique involontairement.

Pas laisser influencer par les homophobes... je crois l'être un peu. Un grain qui enraille mon cerveau ; une pointe dans le cœur léguée par mes parents. Je pense savoir l'empêcher de germer, d'arracher les racines avant qu'elles deviennent trop profondes.

« Vui, c'est nul... »

La blonde s'excuse de m'avoir arc-bouter. Je hoche la tête négativement, pour lui faire comprendre que ce n'est pas de sa faute, mais la mienne. Si les choses étaient différentes entre nous, j'aurais pu plaisanter de la situation. J'aurais pu...

« T'excuse pas, va. J'ai une trousse de secours dans ma chambre, tu veux y faire un tour ou tu préfères aller à l'infirmerie ? »

Pour une fois que je ne l'ai pas avec moi.

Rire ou ne pas rire ? Ce n'est pas toujours facile de savoir la vérité dans les propos de Maya. Je ne doute pas une seule seconde qu'elle pourrait le penser réellement. Extrémiste ? Si peu... Alors j'esquisse un bizarre mélange de sourire et rictus.

« Okay, ne traînons pas trop alors »

Je me remet un peu difficilement sur pieds – mes genoux me brûlent, avant de tendre la main à Maya pour qu'elle se relève aussi. On avance un peu trop doucement, encore fracassées par le choc. Le saignement du nez n'a pas l'air de tarir.

« Tkt pas, si un surveillant nous attrape, j'expliquerai qu'on s'est tamponnées par accident »

Je tire sur le pli du genou de mon pantalon, afin de camoufler mes genoux égratignés. Déjà qu'il y a Maya à côté de moi, qui se presse le nez fermement, je ne vais pas en rajouter de mon côté. On arrive tout doucement aux dortoirs des lycéens, quand elle me pose une question bizarre :

« Bah oui, ça va... ? Pourquoi ça n'irait pas ? » je penche la tête sur le côté, dubitative « Et toi, ça va... ? »

Arrivées devant la porte de ma chambre, je l'invite à rentrer. Mes colocataires sont absents, sûrement déjà partis à la douche... endroit où je devrais me trouver actuellement s'il n'y avait pas eu les différents accrochage. Je vais jusqu'à mon spot, le coin de chambre tout au fond à droite.

De-là, je sors ma trousse de secours un gel à l'arnica, des compresses et une poche de froid instantané.

« Le saignement s'est arrêté ? »

Je la fais s’asseoir sur mon lit, en attendant.

Savoir ou croire... c'est difficile parfois de décrypter Maya. Pas mieux, pas pire. Mais où est le juste milieu ? J'espère qu'elle n'est pas déprimée et fait comme si de rien n'était. Une question roule sur mes lèvres, tandis que j'y repense :

« Tu as été voir le psychologue ? »

Ma question est directe mais c'est assez important pour que je lui demande de cette façon. Elle n'a pas l'air d'avoir d'autres amies lycéennes, vu ce qu'elle dit sur les dortoirs. Pas que ça m'aurait rendu jalouse, ou quoi, juste de la pure curiosité.

« Mmmmh, c'est vrai qu'on est pas doués. Tiens »

Je rigole d'un rire léger en lui tendant des compresses non tissées propres. Le mouchoir a totalement changé de couleur, autant le remplacer. Je fais signe à Maya de le jeter dans la poubelle qui traîne près de mon bureau. C'est problématique d'encore saigner du nez.

« Je vais te mettre du gel sur le nez, je te laisse gérer la pénétration de la peau ? J'ai peur de te toucher, et te faire mal »

Pendant qu'elle s'occupe de ça, je pose Doge sur ses genoux :

« Assistant Doge, surveillez la patiente »

Pas qu'on traîne trop, ou je serais en retard.

Tout de suite, à sa réponse sur le psychologue, une moue ennuyée apparaît sur mon visage. Une grille mentale se dessine dans ma tête, où j'inscris « Pousser Maya chez le psy » avec un petite encoche sur le côté pour quand ce sera validé.

« Si tu ne veux pas recevoir une mise en demeure par courrier dans peu de temps... tu ferais mieux d'y aller »

Je lui pousse la langue, même si je plaisante qu'à moitié. Je fronce un peu les sourcils à sa réflexion sur le toucher. Je sais très bien que Mademoiselle Maya n'est pas en sucre... mais là, elle est blessée, et je ne sais pas jusqu'où je peux la toucher au nez sans lui faire de mal.

« Doge verra Mr Lapin une prochaine... Et si tu veux, on pourra sortir en ville ! »

Maintenant qu'elle a fini d'appliquer la pommade, je presse la poche de froid entre mes doigts, et la secoue pendant une trentaine de secondes. Je la mets dans sa housse de protection , regarde vite fait un truc sur internet et la tend à Maya :

« Maintenant, presse avec ça, ton nez, juste en dessous de l'os. Lève-toi si tu peux, et penche la tête vers le bas pendant cinq minutes. Respire par la bouche »

Si ça ne s'arrête pas de saigner au bout du temps indiqué, va falloir attendre encore cinq minutes... et ce temps-là, je ne l'ai pas, les heures de cours approchant à grand-pas. Mais pour le moment, je m'occupe de Maya, je me changerai après.

Je sors une barre de céréales aux amandes de ma table tenue, défait le papier, et croque dedans. Je n'ai rien mangé ce matin, donc je commence à avoir mon ventre qui se réveille et hurle à la mort. Pas que j'ai honte, mais c'est pas fnu pour autant.

Je mets un minuteur sur mon téléphone.

Une nouvelle fois, je ne suis pas sûre si Maya est sérieuse ou si elle plaisante. Un peu des deux, je suppose. Toujours est-il que je ne me laisse pas démonter, et une main sur les hanches, je lui réponds le plus sérieusement du monde :

« Par moi, pour rupture de contrat. Bien sûr que je pourrais le faire »

Un petit sourire joueur éclot sur mes lèvres, qui pourrait très bien dire « Teste-moi, tu verras » mais celui-ci s'efface quand je réalise qu'elle pourrait profiter de ma provocation pour faire ce qu'elle en veut. Enfin bref, la sortie !

« Alors... Je n'ai aucune foutue idée de quoi faire »

Je rigole doucement. Ce n'est pas mon fort de prévoir des sorties, même si j'avais pensé à un planning pour Kyoto. Alors faut pas compter sur moi... Enfin si, j'ai bien une idée d'un truc qui pourrait nous plaire à toutes les deux : La patinoire ! Mais à deux, ça fait sortie de couple...

« Estime-toi heureuse, c'est écrit dix minutes sur internet »

Je continue de mâcher ma barre chocolaté tout en lui répondant :

« Merchi, ch'en ai une pour toi chit'as faim apouai »

J'ai vraiment trop faim pour être polie, là.

Vraiment... comme si elle n'avait pas compris de quoi je parlais. La promesse d'aller voir le psychologue, évidemment ! Même si je n'étais pas là pour l'accompagner, elle m'avait promis d'y aller, et de faire des efforts sur sa misandrie et sa colère.

« Non ! Le contrat d'aller voir le psychologue pour ton bien »

Maya me dit vouloir voir ça, surtout mon côté méchant. Je ne suis pas sûre de la suivre, je peux devenir autoritaire sans pourtant tomber dans le vice de la méchanceté. Et puis, je l'ai déjà été avec elle... Alors je n'ai pas très envie de recommencer.

« T'as aperçu mon côté méchant »

La blonde propose de faire du bowling. J'en ai rarement fait dans ma courte vie, mais ça me tente bien. Ça n'a pas du tout la même connotation dont la patinoire faisait preuve.

« Va pour un bowling alors ! »

Elle râle, et râle du temps à mourir de froid.

« La prochaine fois, utilise pas ta tête comme un bélier, t'auras plus de raison pour te plaindre »

Je croque dans ma barre, me demandant si je me change pour les cours maintenant, ou si j'attends le départ de Maya. Ça pourrait être awkward si par malheur, elle me voit en sous-vêtements. Mais je peux toujours le faire aller derrière la protection.

« Tu peux attendre derrière le paravent le temps que je me change ? »

J'enlève mon hoodie et le jette sur le lit.

Woah. Elle avoue ! Je marque un point même ! Maintenant, il faut gentiment la pousser vers le psychologue. Je ne sais pas si elle tient toujours à ce que je l'accompagne mais si c'est le cas, je suis prête à le faire !

« Tu penses y aller, alors ? »

Mon côté mauvais, ça va ? Je lui ai quand même dit de ne pas vouloir la fréquenter du fait qu'elle était lesbienne. Si ce n'est pas de la méchanceté pure, qu'est-ce que c'est ? Certes, il y a probablement pire mais... ça ne va pas.

« Je ne suis pas d'accord, mon côté méchant craint »

Maya fait une plaisanterie et ça m'arrache un rire léger. Ça fait du bien de pouvoir plaisanter entre nous, sans se prendre la tête. Au fond, j'espère juste voir le malaise disparaître de nos conversations et relation. C'est beaucoup demandé, je sais.

« T'es bête ! »

Je lui pousse la langue, puis lui demande de passer derrière le paravent, et elle s'exécute gentiment. Je me change donc le cœur léger, lui faisant suffisamment confiance pour ne pas vérifier si elle m'épie ou pas. J'enfile ma tenue pour les cours.

« C'est bon ! Tu saignes encore du nez ? »

Ne pas perdre de vue ce qui est important.

Xercioius donne moi de la force de tenir bon dans l'adversité ! Une moue ennuyée aux lèvres, je me retiens de pousser Maya : il faut que voir le psychologue vienne d'elle-même. Si elle y va à contre cœur, il y a peu de chance qu'elle s'ouvre sur ses problèmes.

« Prends le temps dont tu as besoin pour y aller. Même si ça peut paraître chiant, ça a aussi des bons côtés »

Bien sûr qu'il y a pire ! Maya, par exemple. Même si bien sûr, ça ne me concerne pas... elle a presque ça dans le sang avec les garçons, comme si c'était un besoin viscéral. Ce qui pourrait lui faire faire n'importe quoi, comme à la bibliothèque.

« Ouais mais toi, t'as jamais été vraiment méchante avec moi »

Alors que moi, j'ai été une véritable connasse avec elle...

Enfin bref. Elle n'a pas l'air de réaliser du ton léger que j'utilise pour la traiter de bête. Mais tant pis, je disparais derrière le paravent pour enfiler ma tenue. En l'espace d'à peine une trentaine de secondes, je suis prête et habillée. Un petit coup d’œil sur le minuteur juste avant qu'il se mette à sonner – je le désactive, et nous péter les oreilles.

« Et c'est bon ! Tu peux arrêter de compresser ! »

Je lui tends ma pommade à l'arnica :

« Faut l'appliquer trois fois par jour jusqu'à ce que le bleu disparaisse »

Maintenant, je peux m'occuper de mon sac !

Yeah, génial... Maya m'a l'air très motivée à l'idée d'aller voir un psychologue ! Je ne peux pas trop lui en vouloir, surtout avec ce qu'elle dit sur les gens, qui la prendraient soi-disant pour une folle. Je soupire, avant de m’asseoir sur mon lit.

« C'était avant ça... Ce n'est plus aussi tabou désormais, surtout avec toutes les stars qui avouent avoir une thérapie. T'auras toujours des gens qui vont faire le raccourci 'voir un psy = fou' »

Je ne réponds qu'un petit « Moui » à sa question sur la méchanceté. Je n'ai pas ressenti tant d'animosité de sa part à mon égard.

Quand la blonde me pose des questions sur son état, je me mords la lèvre et lui tend mon téléphone afin qu'elle se voit dans la caméra inversée. Le bleu est à peine visible, mais le nez a tout de même gonflé malgré le froid apposé dessus.

Ah, les cours ! Il me reste vingt minutes pour y aller. Heureusement, on commence par la biologie, une de mes matières préférées ! Mais il y a toujours une ombre au tableau :

« Je n'aime pas trop la fin de la matinée du mercredi, on a Arts plastique... Et je suis vraiment nulle. Mais sinon, je me débrouille niveau révision ! Je ne vais pas tarder à m'y mettre. Et toi ? »

Je tire sur la fermeture éclair de mon sac.

Zigzaguer entre la mauvaise foi de Maya et ses idées arrêtées, ça demande du sport. Je soupire à son affirmation complètement fausse, et hors du temps. Les stars, ou plus précisément, les influenceurs ont impact important sur le masse et leur vision des choses.

« Bien sûr que si ! Si une femme comme Katy Perry s'étend sur ses visites au psychologue, ça rend les thérapies moins tabou pour la plupart des gens »

Le blonde s'intéresse à mon professeur d'arts plastique, et dans le fond, je suis presque sûre qu'elle pense à Yamashiro-san au ton employé. Je hoche négativement la tête, avant de penser au professeur concerné. Il est très gentil, et pédagogue... mais les arts plastiques... voilà.

« Kobayashi-sensei. Pourquoi ? »

On arrive sur le discussion des révisions. Je suis impressionnée de l'entendre en parler si tôt. Pour ma part, je n'ai pas encore entamé les révisions, et attends plutôt le milieu du mois. Comme cela, ça me laisse le temps de m'amuser le soir sur le PC.

« Comment ça se fait ? T'as eu une illumination ? »

Je pose le sac aux pieds, les fesses sur le lit.

Ah ! Voilà, elle l'admet... avant de partir encore dans les extrêmes des possibles. Ça me fait soupirer de fatigue. Mais après tout, elle est américaine... elle doit avoir vu la bêtise humaine en face, et cela, plus d'une fois.

« Merci Cap'tain Obvious. Ça ne change pas pour autant que ça reste une bonne chose de parler de thérapie, de don du sang ou de dépistage du cancer du sein dans les médias »

Je marque une pause, et prend le même ton qu'elle pour la suite :

« Et ceux parlant de leur homosexualité, s'exposant à la vue de tous, ce n'est pas une bonne raison, tu vois ? »

Maya peut avoir un avis négatif sur la question, ce n'est pas mon problème. Je ne vais pas regarder le monde d'un mauvais œil juste parce qu'il y a des gens problématiques au pouvoir ou en ayant. On est tous plus ou moins influencé par les autres, de petite à plus grande échelle.

« Mais pourquoi tu voulais savoir ça ? »

Pourquoi elle s'intéresse à mes professeurs tout à coup ? Elle ne va quand même pas aller le voir pour râler de mes problèmes en arts plastiques ? Comme elle l'a fait avec Yamashiro-san d'ailleurs. Je ne l'ai peut-être pas confronté, mais je le sais.

« Je n'ai pas dit que tu étais stupide ! »

Sur un rire léger, en me moquant gentiment, je lui poke sa joue gonflée.

« Qu'est-ce qui te motive donc ? »

Je me lève du lit, le sac sur une épaule.

Bien de parler de la même chose sans arriver à s'entendre ? C'est fatiguant, parfois, de discuter avec Maya. On est toutes les deux bornées, et on du mal à en démordre. Quoi qu'il en soit, une chose est sûre : l'influence a ses bons, comme ses mauvais côtés.

« Ce n'est pas LA solution, mais ça reste une solution »

La blonde tape sur le sujet des cancers, et je ne saurais pas trop quoi dire, à part peut-être un dépistage qui se fait de plus en plus jeune. Notamment les cancers du sein, et du col de l'utérus vu que ce sont deux sujets qui nous touche.

« Qu'est-ce que ça peut faire ? Y aura toujours des gens stupides pour prétendre être ce qu'ils ne sont pas juste pour se faire mousser »

Comme elle a l'air sincère, je ne pose plus de questions sur le pourquoi du comment sur le professeur.

« Pas de cliché sur les blondes, mais par contre, les américaines... J'en ai plein »

Je la taquine qu'à moitié, vu tout ce qu'il se dit sur 9gag. Et elle réplique plus fort en... disant... que... je porte une main sur mes joues devenues toutes rouges. J'entends à peine son rassure-toi, qui ne me rassure pas, mais alors, pas du tout.

« C'est pas drôle ! »

Je la dépasse, le sac sur le dos :

« Je... je dois aller en cours, à plus ! »

Je m'enfuis presque, les joues en feu.