Quatre mots sur un piano [PV John Stoker]

La journée de cours de Futaba s’était terminée un poil plus tôt que prévu et elle avait beaucoup travaillé ces deux dernières semaines, elle avait même rencontré Moon, la copine de son frère, qui était pratiquement l’une de ses profs principales. Alors, elle avait décidé de s’accorder un peu de temps libre, un moment de calme pour décompresser, loin des études, loin des réseaux. Elle se dirigeait donc vers le club de musique d’un pas décidé. Elle jouait un peu de piano, mais elle n’avait pas vraiment pratiqué depuis un moment et elle n’était même plus sûre de savoir lire une partition.

Elle arriva devant la porte et saisit la poignée avec vigueur pour pousser la porte et s’y cogna furieusement. Verrouillée. Futaba se frotta le nez, la douleur allait rapidement s’estomper, mais elle espérait que cela n’avait pas laissé de trace, sinon elle aurait l’air d’une andouille. Elle vérifia rapidement autour d’elle que personne ne l’avait vue et sortit son emploi du temps avec les noms des référents de club. Président… Shintaro Lawson. Un élève, donc peut-être qu’il était encore en cours alors que le référent, le professeur Stoker devait sans doute être disponible à cette heure. Le mieux était d’aller voir en salle des professeurs, alors la jeune femme repartit en sautillant.

Une vingtaine de minutes plus tard (Futaba s’était perdue, elle n’était pas encore parfaitement au fait de la géographie du campus) elle frappa à la porte de la salle des professeurs et, quand on vint lui ouvrir, elle s’inclina avec respect.

Bonjour ! Je suis navrée de vous déranger, je cherche le professeur Stoker. Est-il là ? J’aurais souhaité entrer dans la salle du club de musique.

L’étudiante résista très difficilement à la tentation de jeter un oeil à l’intérieur de la salle, curieuse de comment vivaient leurs professeurs en dehors des heures de cours. C’était un peu comme d’entrer dans le secret des dieux, mais elle attendit sagement de voir si le professeur était disponible pour elle ou non.

Comme elle se l'était imaginé, le professeur fut tout à fait d'accord de lui ouvrir la salle du club de musique et elle suivit avec difficulté. Il fallait avouer qu'un pas du professeur en demandait deux à l'étudiante qui trottinait donc derrière lui sagement. Quand la porte fut ouverte, Futaba passa sa tête par l'encadrement de la porte. Encore peu habituée à la salle, elle avait la sensation de ne pas être à sa place ici, pourtant il allait bien falloir qu'elle entre.

Elle fit un pas timide et regarda autour d'elle, plusieurs instruments étaient installés, dont un piano libre de tout pianiste. La jeune femme se tourna vers son professeur qui n'était pas encore partit. Peu gênée, elle préféra lui demander s'il pouvait l'aider plutôt que de galérer toute seule dans son coin.

J'aurais aimé que quelqu'un soit là... Je voulais pratiquer le piano mais j'ai peur de ne plus savoir lire les partitions correctement, ça fait longtemps. Vous... Vous ne vous connaitriez pas en musique Sir ?

Elle posa son sac sur une chaise et en sortit un livre de partition pour piano. Il contenait principalement des musique de films et des OST de jeux vidéos, mais son professeur parviendrait peut-être à l'aider à l'exécuter correctement. De toute façon, si elle ne demandait pas, elle ne saurait jamais et s'il était le professeur référent, c'était peut-être parce qu'il s'y connaissait bien en musique non ? Le téléphone de Futaba vibra dans son sac, mais, habituée, la jeune femme l'entendit malgré tout. Et pour la première fois depuis longtemps, elle décida d'ignorer la notification pour se concentrer sur son professeur et sur l'instrument qu'elle mourrait d'envie d'essayer après au moins quatre ans sans l'avoir pratiqué.

Comme elle l’avait espéré, son professeur bien que gigantesque était véritablement gentil. Il l’invita à s’installer et elle prit place sur le petit tabouret de piano et souleva le couvercle qui protéger les touches blanches et noires. Elle joua quelques notes pour se remettre dans le bain, des comptines pour enfants facile à retenir et à jouer, celle avec lesquelles elle avait commencé. Son professeur lui avait demandé à quel niveau elle en était, mais elle avait joué avant de lui répondre, impolie qu’elle était.

Oh pardon professeur. J’ai étudié le piano pendant 4 ans, mais je n’en ai pas fait depuis longtemps, j’ai peur d’être rouillée.

Elle prit le livre de partition et l’ouvrit à une page de musique de film, on y trouvait quelques OST des films des studio Ghibli que la jeune femme aimait particulièrement. Elle s’était arrêtée sur la musique du voyage de Chihiro et se tourna vers son professeur.

J’aimerais essayer celle-là, vous pensez que ce n’est pas trop dur pour recommencer ? Ou vous avez des chansons à me conseiller qui seraient plus accessibles pour une reprise ?

Tant que le professeur lui accorderait de l’attention, elle comptait bien en profiter. Reprendre le piano lui permettrait de proposer un tout nouveau contenu sur son compte Instagram et elle posterait peut-être même ses progrès suivant d’où elle partait.

La jeune femme regarde la partie proposée par le professeur d’anglais et hoche doucement la tête. Dans un premier temps, elle la lit avec minutie et la fredonne pour voir si elle lit les notes correctement. Ensuite, elle pose la partition sur le petit pupitre prévu et place ses doigts sous les touches et ses pieds sur les pédales.

Les quatre premières notes coulent sans difficultés, mais rapidement, Futaba constate qu’elle veut aller trop vite et que ses doigts glissent sur deux notes en même temps, ce qui crée une dissonance particulière. Elle se mord la lèvre et fronce les sourcils.

Je vais trop vite.

Ce n’est pas une question pour son professeur, simplement une constatation qui la taraude. Elle se concentre et bientôt, la minutie maladive dont elle peut faire preuve se manifeste. Futaba s’applique, elle fait courir ses doigts sur le piano et, malgré quelques ratés, elle parvient à jouer le morceau sélectionné. Seulement pour passer à l’étape suivante, elle va devoir jouer plus souvent et bien mieux. Mais la curiosité est une qualité que Futaba adore entretenir, alors elle se tourne vers son professeur.

Depuis combien de temps êtes-vous le référent du club professeur ? Vous jouez d’un instrument vous aussi ? Ou vous faites partie des passionnés qui préfèrent écouter ?

S'il jouait d'un quelconque instrument, pas le piano d'après ses dires, elle aurait aimé l'entendre jouer. Futaba aimait la musique presque autant que la couture et toute autre activités lui permettant d'exprimer sa créativité d'ailleurs. Si elle avait pu se lancer dans une centaine d'activité sans que cela n'ait de conséquences sur sa vie, elle l'aurait probablement fait, mais ses parents l'avait adjoint à une certaine rigueur. Le piano lui avait notamment permis de canaliser une partie de son énergie en la forçant à séparer la lecture, le jeu des mains et celui des pieds. Mais elle aurait rêvé d'apprendre à jouer de la guitare aussi, probablement de la guitare sèche pour accompagner ses moments chantants. Peut-être que le professeur Stoker serait la réponse à ses questions et ses envies d'apprentissage.

Un saxophoniste donc, Futaba était assez impressionnée, pour elle le saxophone faisait partie des instruments les plus difficile à maîtriser, parce qu'il demandait, en plus de l'apprentissage, d'avoir suffisamment de souffle pour en tirer les bonnes notes. Futaba regardait son professeur, ce grand monsieur distingué et essaya de l'imaginer jouer au saxophone, mais l'image qu'elle avait en tête était beaucoup trop rigolote pour qu'elle ne se mette pas à sourire.

Comme quoi, l'apparence ne définit pas le musicien ! Je ne suis pas habituée au saxophone, à part dans quelques vieilles chansons françaises.. Et... Ce n'était pas populaire aux États-Unis aussi ? Quel genre de musique vous jouez avec un saxophone ?

L'étudiante avait soudain mille questions à poser à son professeur concernant la musique. Avide de découverte, elle avait trouvé un nouveau domaine sur lequel elle allait se focaliser pendant un ou deux mois, avant de passer au suivant. Elle allait en apprendre le maximum sur le saxophone, la musique, les instruments à vent, puis elle reviendrait tout naturellement au piano une fois que "la mode" dictée par son cerveau hyperactif serait passée.

La jeune femme avait tendance à faire ça assez facilement, sauter d'un hobby à un autre. Elle regarda autour d'elle, mais elle ne voyait pas de saxophone dans les instruments de la classe. Peut-être que les instrument nécessitant d'utiliser la bouche et qui se retrouvaient donc plein de bave n'étaient pas mis à disposition et qu'il fallait que les élèves amènent le leur ? D'ailleurs est-ce qu'il n'y avait pas une partie amovible sur les saxophone ? Futaba fit la moue.

C'est dommage qu'il n'y ait pas de saxophone, j'aurais bien aimé écouter une chanson ! Vous pensez que ce sera possible un jour ?

Sa curiosité piquée, elle avait presque délaisser le piano et sursauta quand elle posa sa main sur le clavier et en tira une note discordante.

Oh ! Ah oui mince je voulais travailler le piano c'est vrai... Désolé monsieur, j'ai tendance à me disperser.

La jeune étudiante hocha doucement la tête, son professeur, malgré son apparence un peu stricte semblait être particulièrement cool dans sa façon de penser. Il ne lui en voulait même pas d'être dissipée alors qu'elle-même avait la sensation de très mal utiliser le temps libre accordé. Elle se remit au piano, plaçant ses doigts pour les laisser courir et prendre le temps de vraiment se souvenir des placements, des mouvements et de l'utilisation des pédales placées sous le piano.

Il y a encore quelques ratés, quelques incertitudes dans l'avancement, mais Futaba se sent déjà plus à l'aise. Elle devrait pratiquer plus souvent si elle veut vraiment pouvoir retrouver un bon niveau et recommencer à progresser. Le piano, les langues, tout ça ce sont des choses qui se travaillent pour ne pas être perdues au bout d'un certain temps. Futaba se demanda même si l'achat d'un clavier ne serait pas intéressant.

Je devrais acheter un clav... Ah mais non... Si le club est ouvert, ça ne sert à rien de dépenser de l'argent dans un clavier....

Réfléchissant à voix haute, Futaba cessa de jouer une seconde, mais repris très vite la musique.

Dites professeur, les élèves se retrouvent souvent au club de musique ? Je viens d'arriver dans l'école et je ne suis pas encore bien au courant de ce qu'il ise passe dans les clubs, si nous avons des activités, des concerts, des choses programmées... Je voudrais m'intégrer correctement.

Le professeur Stoker avait ce coté rassurant et encourageant des bons professeurs. Cependant, il gardait les pieds sur terre et confirma à l'étudiante en cinéma qu'avoir un clavier dans sa chambre risquait de poser problème. Futaba se demanda s'il connaissait les claviers sur lesquels on pouvait brancher des casques pour ne pas déranger les autres. Mais comme il avait évoqué ne pas être un fin connaisseur de piano, peut-être qu'il n'en avait pas entendu parler et que cela n'existait pas pour les saxophones.

Lawson Lawson.. ça me dit quelque chose, mais je ne remets pas son visage sur son nom. Je pense que j'ai un cours en commun avec lui par contre, il faudra que je lui pose la question ! Merci de m'en avoir parlé !

L'étudiante sourit et reprend le morceau où elle l'a laissé. Seulement, elle se demanda si le professeur ne risquait pas de prendre du retard dans ses corrections ou la préparation de ses travaux. Le fait qu'il lui ai ouvert la salle ne devait pas le coincer plus que de raison et l'idol se demandait s'il avait le droit de la laisser seule où s'il devait vraiment rester avec elle.

J'espère que je ne vous retiens pas ? Je ne connais pas encore les règles du club, mais si vous avez du travail, je peux revenir plus tard ou essayer de trouver Lawson. Les examens sont le moins prochain aussi et j'ai pas mal de travail à rattraper suite à mon transfert...

La suite dépendrait du professeur, si ce dernier n'avait pas de relance ou s'il avait des choses à faire, l'étudiante ne le retiendrait pas plus que de raison.

L'idée de pratiquer l'anglais avec un professeur ne tomba pas dans l'oreille d'une sourde et l'étudiante nota cette information dans un coin de sa tête avec la ferme intention de l'utiliser plus tard, comme une carte "sortie de prison" au monopoly.

Vous donnez des cours particulier en plus des cours sur le campus ? Ou c'était simplement... Une façon de parler ?

Futaba avait déjà remarqué que certaines personnes proposaient leur aide sans vraiment se rendre compte de l'implication que cela pouvait avoir et de comment cela pouvait impacter leur vie ou celle de la personne qui demandait de l'aide. Cependant, si le professeur donnait des cours particuliers, c'était une toute autre histoire et Futaba, ne sachant pas vraiment quel était le niveau requis dans cet établissement, n'aurait pas craché sur un coup de main du corps professoral.

Jusqu'ici, tous ses professeurs s'étaient montré particulièrement courtois et l'avaient accueillie avec des dizaines et des dizaines de syllabi, de feuilles en tout genre. Au moins, Futaba n'avait elle pas le temps de s'ennuyer car elle devait vérifier qu'elle était à jour dans tous ses cours et rattraper le retard pris dans les cours où elle ne l'était pas, comme celui de Cinéma qui était sa matière principale notamment. Cependant, elle se targuait de se débrouiller assez bien en anglais, mais une révision de dernière minute ne ferait jamais de mal.