Esclave de mon destin, à jamais condamné à répéter les mêmes erreurs.

Flashback, 10 novembre 2016 ;

Estarossa portait encore des stigmates de sa bagarre de la veille. Ses poings étaient rouges, écorchés. C'était surtout son moral qui en avait pris un sacré coup. Il se croyait pourtant suffisamment déterminé pour n'en avoir plus rien à faire de ce sale con de Tatsunosuke Takayanagi. ll n'y parvenait pas. Par pitié ou par culpabilité, laquelle pouvait faire réellement écho à son état actuel ? Estarossa était plutôt miné. La corvée de vaisselle était de rigueur pour ce soir-ci, encore. Il devait subir à nouveau. Portant des gants pour protéger ses plaies, Estarossa entama rapidement le travail à faire, sans attendre que l'autre idiot soit arrivé. Il ne lui parlait pas de toute façon. Qu'il aille au diable. Entendre sa voix l'exaspérait. La rancune était encore bien trop fraîche. Et Estarossa n'avait pas toute sa tête. Il entendit Tatsunosuke arriver à la corvée, il ne le regarda même pas mais il lui refila grassement cette pile de plats bien chiants à brosser — qu'il poussa largement vers lui avec son avant bras, tandis qu'il sortait d'autres couverts de la plonge —.

Il ne mettait aucune volonté à l'écouter. Il était encore et toujours énervé contre ce sale con. À quoi rimait cette façon de revenir vers lui en apitoiement ? Estarossa ne supportait pas du tout ça, encore moins que l'offense de la veille. Il était donc volontairement distant et fermé. Pour le dissuader encore plus, il ne se priva pas de lui faire des coups bas quand il en avait l'occasion. Il attrapa le tuyau suspendu servant à rincer les plats avant de les passer dans le lave-vaisselle. Il l'activa et dirigea le jet d'eau froid sur Tatsu, en plein visage, afin de l'éloigner de lui.

— Bosse au lieu de parler. rétorquait-il durement.

Il lui témoignait à peine un regard, des plus dédaigneux, avant de retourner à ses affaires. Il n'était pas d'humeur à discuter avec lui. Il ne le laisserait plus le blesser, ni l'amadouer. Il avait intérêt à s'arrêter. Estarossa ne donnait pas cher de sa propre patience, à terme.

S'il existait une apothéose au nom de la bêtise et de l'imprévisible, elle lui serait probablement dédié. Estarossa n'avait pas de pitié à concéder, il demeura imperméable à toute supplication. Du moins, au début. Cela se retourna assez vite contre lui à cause de l'impétuosité du roux dominé. Ses agissements ainsi que sa détermination laissèrent Estarossa interloqué par les émotions jetées à sa figure alors celui-ci ne trouva parade qu'en étant franchement désagréable et agressif. D'un geste prompt, il repoussa Tatsu avec son avant-bras mais celui-ci lui tenait les poignets si fermement que cela ne suffit pas à le faire lâcher prise immédiatement.

Hors de lui, sa voix explosa et sa colère aussi.

— Mais tu vas fermer ta grande gueule ?! J'en ai rien à foutre de tes simagrées !

Faute de pouvoir se calmer, il ficha un coup de coude au menton de l'idiot, puisque ses mains étaient entravées.

Il entendait pourtant les mots de Tatsu. Jamais personne n'avait été aussi têtu. Une part de lui avait envie d'oublier mais l'autre part était cruelle. Le pardon n'était pas quelque chose qu'il savait accorder facilement et il avait été affecté moralement par les derniers événements. De la déception, de la colère ou de l'incrédulité, beaucoup trop d'incertitudes et de tensions tournaient autour de son rapport avec Tatsu. Il rejetait tout ça. Il n'avait pas le goût d'un tel poison. Il en avait peur autant que ça le révulsait. Il ne savait pas gérer une dispute avec ce qui se rapprochait le plus d'un... ami.

Face à ce qui le tourmentait et devant une attitude adverse vraiment culottée, Estarossa ne connaissait qu'une façon de répliquer — et c'était toujours avec plus de violence et de rejet —. Tatsu refusait de le lâcher, malgré la lutte qu'Estarossa s'employait à exercer, tirant vers lui avec véhémence. Puisque cela ne suffisait pas, il s'y prit avec plus de fureur. Il chercha à briser son équilibre, pour cela, rien de plus tactique qu'un coup de pied dans les côtes. Le geste était brutal, sauvage, malheureusement incontrôlé — impulsif, colérique —.

— J'ai pas envie de t'écouter, ni te parler ! hurlait-il, plein de rancœur. C'est quoi que tu piges pas là-dedans ?!

Estarossa le dégagea de là, ou plutôt, il s'était dégagé de là. Le regard déformé par une colère amère, il le regardait avec mépris. Pourtant, il se mordait l'intérieur de la bouche parce qu'il avait senti quelque chose éclater en lui. Un remord. Comme une voix lui disant d'arrêter avant de regretter. Et entendre le murmure de son âme lui était désagréable, insupportable. Ça le rendit particulièrement acariâtre et de mauvaise foi. Il "savait" mais il n'avait pas su s'arrêter, ni s'en empêcher — l'évidence était douloureuse —. Il l'avait frappé. Et une part de lui avait encore envie de s'acharner.

Le poing serré, les ongles plantés dans la paume de sa main, il grinçait des dents, à bout de souffle. Un dilemme de silence et de nerfs lui retournait tout bon sens. Il s'éloignait instinctivement de Tatsu, reculant de quelques pas. Là, il se mit à trembler — ou peut-être bouillonner d'effroi et de haine —. Se retournant doucement pour ne plus avoir la source de sa colère sous les yeux, il s'arracha presque les cheveux avant de se couvrir les yeux. Il souffla.

— Jt'ai fait quoi pour que tu me poursuives comme ça... marmonnait-il plaintif. Fous-moi la paix...

Et il ne disait pas ça pour lui-même mais bien par égards pour Tatsunosuke. Ça devait s'arrêter là.