[FB] Dans mon miroir d'illusions, quelle fille je vais voir ?

Mathéo ne revient pas.

Il lui a pourtant dit qu'il reviendrait. Seito en est sûr. Il a même redemandé à Nolan tant il craignait d'avoir mal entendu.

Mais Mathéo ne revient pas.

Le temps s'est écoulé sans qu'il en est véritablement conscience. Et pourtant, à mesure que les secondes filaient, il éprouvait une angoisse persistante. Recouvert de maquillage, il avait pu camoufler son inquiétude. Et ses amis avaient agi de sorte à lui faire oublier cette triste fuite. S'il avait ri de leurs bêtises pendant un temps, il n'avait pu complètement déconnecté son cerveau.

Est-il arrivé quelque chose à Mathéo ?

Un mal de ventre, une fatigue soudaine ou peut-être une discussion passionnante ailleurs, loin de lui et de ses amis. Des centaines de théorie s’échafaudent, la plus folle étant qu'un réel zombie ait débarqué dans les toilettes et l'ait tué. Seito secoue la tête. Un vampire comme Mathéo saurait se défendre. Cette fois-ci, il soupire et, revenant dans la fête, il informe :

« Je reviens. »

C'est fou comme cette simple phrase s'apparente à une promesse... A l'aide de petits pas prudents, Seito quitte son groupe d'amis et rejoint une des tables du buffet où les bonbons dessinent un paysage familier. Pas un regard autour de lui, à peine une œillade vers son voisin de gauche, seul le sucre lui fait de l’œil.

Quoi de mieux qu'un bonbon pour apaiser son esprit tourneboulé ? Bonne réponse : dix bonbons. Une poignée disparaît dans sa main qu'il garde tendue contre lui mais il ne se recule pas. Personne n'obtient le titre de Roi du sucre sans entraînement ! Cette poignée n'est qu'un simple échauffement. D'ailleurs, il a déjà fini ceux qu'il gardait dans sa main et il se ressert.

L'ours en guimauve implore sa pitié, il le décapite sans sourciller.

Une voix sur sa gauche le surprend. Seito ne s'attendait pas à être abordé. Il relève des yeux surpris sur le chat. Son sourire lui fait battre des cils, presque intimidé par la chaleur que dégage l'inconnu.

« Pardon ? »

Le japonais baisse naïvement les yeux sur l'ours... et comprend.

« Oh. »

Un début de sourire étire le coin de ses lèvres mais reste timide. Il ne sait si c'est le costume ou ses pensées toujours dirigées sur Mathéo qui l'induisent à la retenue. Même sa voix semble plus douce. Une vaste blague compte tenue de son entrée dans la cantine avec ses amis. Ses yeux bruns reviennent se poser sur le chat.

« Le justice règne même à Satôkuni.* »

Pincement au cœur. Et dire qu'il aurait pu faire le classement de leurs meilleurs sujets avec Mathéo... Prônant l'indifférence, Seito hausse les épaules.

« Mais je demande rarement les crimes qu'ils ont commis, après tout je suis que le bourreau. »

Et pour appuyer son affirmation, il met le reste du corps dans sa bouche.


*Littéralement le royaume du sucre en japonais.

Une fois de plus, l'inconnu le surprend. Le voilà devenu papillon emmailloté dans une toile dont il croit pourtant ne pas être effrayé. Parce que dans cette foule, bien qu'accompagné de ses amis, Seito se sent terriblement seul. Et le simple fait qu'un autre lui adresse la parole, reconnaisse son existence, le trouble au point qu'il pique du nez, gêné par cette soudaine émotivité.

La question le fait néanmoins relever la tête. Il plonge alors son regard dans les yeux verts du chat. Il a toujours eu un faible pour cette couleur... Son cœur bruisse et un sourire se dessine sur ses lèvres carmin.

« Tous les sujets de Satôkuni sont bons et loyaux. »

Ils ne l'ont jamais trahi, son roi non plus jusqu'à ce soir. De tous les soirs, il avait fallu que ce soit celui d'Halloween. Dépassé par ses pensées qui s'agglutinent à nouveau, Seito s'empresse de corriger :

« Tu peux me tutoyer, tu sais. »

Le costume n'aide pas à déterminer son âge mais il est presque sûr de ne pas être le senpai du duo. Ce qui l'amène à rétablir une autre vérité :

« Et j'espère que tu n'avais pas pour espoir de sauver une princesse en détresse. Parce que j'ai peut-être l'allure d'une princesse mais y'a rien à sauver. Et j'ai vraiment rien à t'offrir. »

Sincérité désarmante, il rompt le contact visuel pour piocher à nouveau dans le saladier le plus proche.

Dérangé ? Non, pas par ça, Seito a d'ailleurs hoché la tête pour le rassurer. Il ne peut lui en vouloir, après tout ils ne se connaissent pas. Et c'est peut-être la raison pour laquelle il accepte les volontés du chat sans tergiverser. Au début, il ne comprend pas pourquoi l'inconnu se désigne comme fautif. Vient ensuite le soulagement.

Cette révélation le laisse flottant. Petite bulle d'air dans cette salle noire de monde. Seito n'a rien demandé et pourtant il est servi. De la plus belle des manières. Pas d'attente, pas d'angoisse sous-jacente. Un simple échange sans risque d'escalade, une rencontre banale qui peut n'amener à rien si ce n'est la saveur de découvrir une nouvelle personne.

Pourquoi lui plutôt qu'un autre ? La question lui brûle les lèvres. Étouffée par le silence comme les autres qui suivent, il se contente de le dévisager. Un remerciement sincère se reflète dans ses iris charbonneuses. Et comme s'il en ressentait déjà les effets, il suggère :

« Attends, j'essaye. »

Le lycéen ferme les yeux. Il prend une grande inspiration – bouche ouverte, moment suspendu – et relâche toute la tension lentement. Épaules, cage thoracique, ventre, son souffle s'amenuise et avec lui s'effilochent ses préoccupations.

Quelques nœuds se sont démêlés dans ses entrailles, il en est sûr. Et pourtant, il ne conçoit pas cela possible sans un brin de surnaturel. Ses paupières s'entrouvrent sur un regard intrigué qu'il accompagne d'une excuse.

« J'ai sous-estimé ta magie, chat du Cheshire. »