Le meilleur miroir ne reflète pas l'autre côté des choses

19 septembre

Comme si j'avais que ça à faire de me rendre à un atelier pour apprendre le secourisme. Ou les gestes de premier secours. Cela peut toujours être utile Tessa a dit ma mère. Comment ça se fait qu'elle a le temps de chercher les organismes local pour ça ? Et pas n'importe quoi en plus, des organismes financés par des gens fortunés pour échapper aux impôts je suis sûre ! Ou alors, ils sont vraiment sincère ? Bref, de ce que j'ai compris, il ne devrait avoir que des gens de ma tranche d'âge et le personnel bénévole.

C'est ce que je constate en arrivant en tout cas. Des médecins et quelques jeunes sont déjà présent. Je m'inscris sur le registre à l'entrée et vais attendre avec les autres. Apparemment, il doit y avoir des explications avant qu'on passe à des ateliers pour s'entrainer et avoir plus de détails. Tout ça, ça me rends un peu nerveuse, perdue sans personne que je connais dans le coin. J'aurais peut-être dû trainer mon cousin ou quelqu'un d'autre, voir ma mère pour lui faire voir ce qu'elle me fait subir.

Je ne remarque pas qu'un fourbe arrive derrière moi. Par conséquent, je sursaute un bon coup en manquant un battement de cœur. Je me tourne rapidement, la respiration un peu plus courte sous le coup de la surprise. Je le reconnais presque immédiatement :

Cassius ?!

Bien sûr que je n'ai pas oublié son nom, ni son apparence. J'ai une très bonne mémoire des visages, surtout quand ils sont BG comme lui. Et puis, comment oublier le gokon, notre fuite et le fait que c'est le cousin de Neil. Une petite information que j'ai glané auprès d'Emily après ce soir là. Je prends une inspiration pour me ressaisir et ajoute :

Est-ce que ça vaut la peine de dire que ton petit effet est réussi et que j'ai failli avoir un arrêt cardiaque ? Je sais bien qu'on est au bon endroit pour ça mais quand même...

J'ai un doute deux secondes sur la sincérité de ses propos mais c'est tellement ridicule que je pouffe de rire brièvement. Je ne doute pas de la surprise, ce n'est pas vraiment l'endroit où on s'attend à rencontrer des gens qu'on connait, sauf si c'était prévu au préalable.

"Effectivement, ce n'est pas l'idéal pour ça... quoique ça doit dépendre du point de vue. Ne trouves-tu pas ça super romantique d'apprendre à sauver la personne qu'on aime ?"

Je lui demande ça avec un sourire amusé, je ne peux que prendre tout ce qu'il peut dire pour une plaisanterie, ça serait bien trop gênant de le prendre au sérieux. J'enchaine rapidement :

"Il y aurait même de quoi tenter un rapprochement avec ces histoires de bouche-à-bouche, si il n'y avait pas ces affreux mannequins d'entrainement."

Pas que j'ai envie d'approcher qui que ce soit de cette manière, je préférerais même m'en tenir à la théorie qu'à la pratique. Ça n'a pas l'air très hygiénique.

Un corps de rêve je ne sais pas trop, je me contente de sourire légèrement avant de me concentrer sur la suite. L'atelier commence et on doit déjà être par deux. Pas de possibilité d'autre partenaire, malgré la demande élégante de Cassius.

"Oui, il semblerait que ça soit notre destin." dis-je avec un soupir discret.

Le karaoké, maintenant ça... pourquoi il faut que je me trouve dans des situations étranges avec lui ? Là, c'est le summum, vu les gestes qu'il faut faire. Ce n'est pas que c'est compliqué, c'est juste que ça demande un rapprochement physique certain. Quel enfer. Je ne sais pas si je préfère qu'il joue la victime ou le contraire. Dans tous les cas, c'est gênant et je reste sans rien faire quelques secondes. Les claques dans le dos ou les pressions abdominales ? Aucune ne semblent attirantes.

Je prends une inspiration avant de me rapprocher de la victime, pour les claques dans le dos. Je me positionne légèrement de côté, derrière lui, comme les moniteurs l'ont montré. Je le fais se pencher légèrement en avant, en soutenant sa poitrine d'une main. C'est quand je lève l'autre main que je m'arrête soudainement.

"Et si je te fais mal ?" demandé-je plus rhétoriquement qu'autre chose.

Si je tape trop fort ? Ou pas assez ? Ils sont drôle eux ! Il ne s'étouffe pas vraiment, ça n'a aucun intérêt de faire ça ! Evidémment, il n'y a que moi qui hésite, un coup d’œil sur le côté me confirme que les autres le font. Alors, sans conviction, ni trop de force, je laisse tomber ma main entre ses omoplates. Je recommence l'opération cinq fois comme préconiser.

"On peut dire que c'est bon, non ?"

C'est tellement embarrassant comme situation.

Il ne vient pas de faire ce que j'ai entendu ? Il n'est pas sérieux ? J'espère qu'il n'est pas sérieux. Faites que ça ne soit pas sérieux. Je me sens rougir subitement et puis je me rappelle le karaoké. Et c'est encore pire. Heureusement, il se met à rire avant que mes pensées ne déraillent complétement. Ce qui me fait rire aussi par mimétisme et parce que c'est mieux que de rester planter là comme une idiote. Même si mon rire est un poil plus nerveux.

"O-oui..."

C'est vrai que dans un sens, il a raison. Je n'ai pas le temps d'ajouter quoique ce soit qu'un moniteur s'approche de nous. Il a un air sévère sur le visage, à croire qu'il pense qu'on s'amuse plutôt que de travailler sérieusement. Il demande comment ça se passe et demande à ce que je montre la méthode de compression abdominale. Cette position est encore plus gênante que la précédente mais je m’exécute parce qu'il reste planté là à nous regarder. Je mime plus le geste qu'autre chose, ne voulant toujours pas faire mal à Cassius en appuyant trop fort. Je m'en sors plutôt bien et c'est avec soulagement que je m'écarte. Sauf que le moniteur annonce:

"Maintenant que c'est fait, c'est le moment d'échanger les rôles !"

Quoi ?!

Je n'avais pas du tout envisager le fait qu'on devrait échanger les rôles. Ça veut dire qu'il va devoir prendre ma place. Derrière moi. Oh non. Comme si c'était pas suffisamment gênant comme ça ! J'hoche positivement la tête avec une certaine rigidité quand il me demande la permission. Je crois que je ne suis pas prête mais je n'ai pas vraiment le choix. Tout pourrait bien se passer si il n'employait pas ce ton étrange et déconcertant. Mes joues retrouvent leur état de surchauffe quand il ajoute sa phrase en anglais.

"Non !"

Je ne sais pas à quoi je dis non parce que je ne sais plus quoi penser du tout, tout s'embrouille dans ma tête et j'ai juste envie de m'enfuir, d'où mon changement de langue en cours de route. Si je n'étais pas aussi figée de stupeur -et d'embarras- je m'écarterais sans crier gare. Sauf que c'est impossible et il y a toujours ce moniteur à proximité. Il ne reste plus qu'à subir en silence.

"Je veux dire, dépêche toi s'il te plait."