[TERMINE] I stand by your side [PV. Naoya]

Je m’attends de plus en plus à chaque seconde qu’elle essuie ma proposition de l’aider en prétendant être déjà passée à autre chose. Je ne la croirais jamais si elle venait à prétendre ça maintenant. Pourtant, je pourrais comprendre qu’elle ne veuille pas en parler à un inconnu, surtout s’il est un élève bien plus jeune qu’elle. En attendant, j’entame mon onigiri pour lui laisser l’espace et le temps dont elle a besoin pour considérer ma proposition.

Et j’ai vraiment bien fait. Je l’écoute me parler de sa peur, de sa honte et de ses difficultés à montrer ses émotions aux autres, surtout un élève et dans un lieu public. Je peux comprendre. Je hoche donc la tête pour montrer mon écoute et lui laisse quelques secondes pour souffler un peu. Prendre la parole comme ça, se dévoiler, ça a dû lui demander beaucoup de courage. Ça me rappelle le moment où j’ai demandé de l’aide à Okazaki-san. J’avais peur de demander de l’aide, d’être rejeté. Puis je me suis senti soulagé de recevoir de l’écoute et l’aide dont j’avais besoin. C’est ce que je souhaite donner à mon tour à cette demoiselle en détresse.



Moi-même j’apprends le karaté dans l’espoir de me défendre si je venais à être en danger. Par contre, rien ne me dit que face à un danger similaire à celui qu’elle vient de vivre je pourrais utiliser ce que j’ai appris. C’est ce que je me suis dis après avoir vu un film parlant de ce genre de choses. Un monologue d’un gars menaçant un autre d’un couteau, prétendant que même si la victime savait que l’agresseur ne le tuerait pas, il avait tout de même peur car sa logique était bloquée, ou quelque chose comme ça. Je pense vraiment que c’est possible quand on voit toutes les victimes qui ne savent pas se défendre face à une situation de crise. Tout le monde est différent.



Je le pense. Je ne sais pas si j’aurais le même courage qu’elle. Et même si je sais que mes maigres paroles ne pourront pas l’apaiser totalement, j’espère lui montrer qu’elle est soutenue. Enfin… malgré tout, je suppose que quelques jours de repos pourraient lui faire un peu de bien, ou trouver une personne de confiance à qui parler de tout ça. Je ne pourrais jamais l’aider autant que je le voudrais. Mais, à mon niveau, j’espère que je l’aide.

Moi ? Quelqu’un de réfléchi ? Actuellement, ce doit être l’image que je lui donne parce que je suis calme et que je veux l’aider. Je doute réellement être aussi mâture qu’elle le prétend. Elle n’a vu qu’une infime partie de ce que je suis. Et, si je suis encore ici, c’est seulement pour elle, pour qu’elle ne se fasse pas attaquer et que je sais qu’elle est en proie au tourment. Elle le cache encore plutôt bien malgré ce qu’elle m’a avoué, mais je le sais.



Elle n’a pas besoin de me remercier pour ma présence à ses côtés. Je la trouve normale. Il existe, selon ma mère qui aide autant qu’elle le peut les autres, une loi qui stipule qu’on doit assister les personnes en danger qu’on croise. Je suis plutôt pour l’existence de cette règle et je ne suis pas peu fier d’avoir eu le courage de lui venir en aide malgré le danger. Pourtant, je comprends que ce ne soit pas dans les capacités de tout le monde…

Mon regard se porte sur l’extérieur. Il semblerait que la pluie se soit calmée. Il serait bien qu’elle cesse totalement de tomber pour le moment où nous sortirons pour ne pas finir trempés. Surtout elle qui est en jupe et chemisier, pour ce que je peux voir, même si je ne m’y connais pas trop en vêtements de femmes.
J’ouvre ma boisson au melon alors que j’entends quelque chose qui ne me plaît pas. Enfin, plus que ça, j’ai l’impression qu’on me voit d’une manière que je ne suis pas. Si j’étais si courageux que ça, je n’aurais pas peur de demander de l’aide. Je ne tremblerais pas à l’idée de faire face à des inconnus. Oui, pour cette fois, j’ai été courageux. Ou, plutôt, totalement téméraire. Je n’ai pas pensé à ma sécurité. Seulement à la sienne. Cela tient du miracle que j’ai eu assez de considération pour ma vie pour ne pas me frotter à ces deux hommes certainement plus forts que moi, seulement armé de mes poings. A la place, j’ai eu le réflexe d’appeler la police. Police qui n’a pas montré le bout de son nez, finalement. Alors, non. Je n’ai pas confiance en moi. C’est même quelque chose qui me fait cruellement défaut.



Ma voix est lourde. Je ne lui reproche rien. Il est normal qu’elle pense que je suis ainsi après ce qu’il s’est passé. Pourtant, je me sens mal qu’elle puisse me voir de cette manière. J’ai l’impression de lui avoir menti sans avoir rien dit.
Afin de reprendre contenance, je m’attelle à boire un peu ma boisson avant de refermer la bouteille, pensif.

Cela aurait été trop simple qu’elle change d’avis sur ma personne si facilement. Surtout après que je l’ai sauvée. Il est vrai que j’aurais pu la laisser comme ça. Seulement, je me serais senti coupable. Je n’aurais pas eu l’esprit tranquille. Ma conscience m’aurait tellement perturbé que je n’aurais sans doute pas pu me concentrer sur quoi que ce soit d’autre. Non, si j’étais parti, cela aurait été pour chercher de l’aide auprès des adultes. Seulement, elle ne l’aurait sans doute jamais su. D’ailleurs, peut-être devrions-nous parler de toute cette histoire au directeur de l’école afin qu’il puisse prendre des mesures. Qui sait ce qu’il serait advenu si leur victime avait été plus jeune… ou s’ils venaient à faire leurs affaires macabres sur le campus ? Rien que l’idée me fait frissonner d’horreur…



Enfin, je doute qu’elle le voit de cette manière. J’ajoute donc sans grande joie :



De mon dîner, il ne me reste plus que la boîte de Pocky et ma bouteille entamée de Mogu Mogu au melon. Pourtant, je ne pense pas pouvoir les terminer. Il va falloir que je pense à rentrer sur le campus si je ne veux pas me faire punir. D’un autre côté, je me sens mal de laisser la psychologue livrée à elle-même alors qu’il fait nuit. Avec le traumatisme qu’elle vient d’avoir, je doute qu’elle puisse faire tout le chemin seule. Je lui demande donc :



Si c’est le cas, peut-être pourrait-elle demander de l’aide aux collègues pour avoir une place à l’école, que ce soit à l’infirmerie ou une pièce réservée aux surveillants. Je doute qu’on ne soit pas compréhensif à sa situation. Sinon, l’un des adultes présents pourrait tout aussi bien la raccompagner en voiture. Sinon, je pense essayer de prendre le risque d’être en retard pour l’aider. N’empêche, il va falloir que je réfléchisse un peu avant d’agir de temps en temps…

Bon… Cette conversation commence à tourner en rond. Il est clair que je ne pourrais pas la faire changer d’avis. En même temps, à quoi je pensais ? Je suis actuellement un héros à ses yeux puisque je l’ai sauvée de deux gorilles qui ne pensent qu’avec ce qu’ils ont en dessous de la ceinture. A part quand ils ne voulaient pas être sauvés, quels sont les gens qui dénigrent leur sauveur ? Personne, il me semble. Je perds donc mon temps à lui faire comprendre qui je suis réellement. J’espère juste qu’elle ne m’en voudra pas quand elle découvrira à quel point je peux être une mauvaise personne.

Cela dit, je m’inquiète à nouveau qu’elle puisse ne pas pouvoir rentrer seule. Elle m’apprend alors qu’elle habite assez loin pour devoir prendre les transports en communs. Je ne pourrais donc pas l’accompagner et je pourrais presque croire qu’elle me supplie de ne pas la suivre afin d’éviter toute sanction. J’avoue que si je veux la bourse qu’il me manque cette année, mieux vaut que je sois ponctuel… Je grimace et demande, vraiment très peu convaincu qu’elle puisse vaincre si facilement la crainte de se faire à nouveau agresser. Ma dernière tentative de la protéger avant de la laisser partir si jamais elle refuse mon aide encore une fois :



Et elle serait assurée que je rentre bien à l’heure pour le couvre-feu. C'est bénéfique pour tout le monde, quand on y pense. Quoi que je ne ferais pas l’impasse sur la vérification de son état dès son prochain jour de travail. Je me sens responsable d’elle après ce qu’il vient de se passer. N’est-ce pas risible que ce soit un élève qui soit responsable d’un adulte ? Ça pourrait l’être… Pourtant, je me vois plus comme un protecteur d’une personne ayant besoin d’aide. Ce n’est pas vraiment la même chose.

Je pense qu’on ne peut pas être plus clair qu’elle ne l’a été. Je n’ai donc plus qu’à la laisser partir malgré l’inquiétude qui me noue l’estomac. Sans piper mot, je la regarde se lever et sortir. Je préfère la laisser s’éloigner pour qu’elle comprenne bien que je ne serais pas là, bien que je doute qu’elle soit assez stupide pour ne pas le savoir, et, surtout, ne pas tenter de la rattraper. Elle même l’a dit : elle ne changera pas d’avis. Que ça me plaise ou non. Je déteste cette situation. Je me sens aussi impuissant que inutile. Un enfant qui ne peut être que spectateur de ce qui va suivre cette décision.

Une fois qu’elle s’est éloignée, je soupire un instant et prend quelques secondes avant de me lever. Les déchets du repas jeté, je prends mes restes et sors à mon tour du konbini. Je regarde ensuite une dernière fois en direction de l’endroit où l’adulte est parti avant de tourner les talons pour rejoindre le campus. La nuit est aussi noire que froide. Sans doute à cause de la pluie. J’espère qu’elle ne va pas tomber à nouveau. Un petit coup d'œil à l’heure sur mon portable et j’accélère le pas pour être certain de ne pas arriver en retard au dortoir.

Pendant le trajet, je ne cesse de penser à la psy partie seule. J’ai peur de ce qui pourrait lui arriver. Je crains des potentielles représailles des gorilles également. Je me promets alors de parler de ce qu’il s’est passé au directeur dès qu’il me sera possible de lui parler. Je doute que ce soit une mince affaire, mais cela me semble assez important pour que je prenne cette mesure. J’espère seulement que l’administration de l’école est mieux foutue que celle de la banque, pour ne citer que celle-là…
Je ne crains pas l’obscurité. Je ne crains pas la solitude. Ce que je crains par-dessus tout, c'est avant tout les regrets, les remords et la culpabilité. Je n’arrive jamais à m’en défaire vraiment. Donc, en plus de la crainte qu’il lui arrive quelque chose de plus, je crains de regretter d’avoir respecté son choix. Le pire c’est que, demain étant dimanche, il est fort probable que je ne puisse rien faire avant lundi. Une journée épuisante et qui pourrait être difficilement productive qui semble se profiler une fois la nuit passée…