Sissy that Walk ! [Ft. Nobu Yoshimoto]

« Hikaru, magne toi ! » - « Tranquille, ça va, ils peuvent attendre. » « On est déjà bien à la bourre ! » - « C’est bon, princesse, si t’es prête va les divertir et tu nous fais plus chier. » Et c’est comme ça que Nobu - ou plutôt Aomame Sakana - est devenue hôtesse de show pour la toute première fois.

Elle en a fait du chemin, depuis sa toute première performance. En décembre, elle flippait ne serait-ce que de lipsyncer. Maintenant, elle se sent à l’aise, fière dans ses talons. Aomame est belle. Féminine. Fishy. Sa perruque blonde cascade le long de ses épaules. Ses lentilles bleues sont sublimées d’énormes faux-cils. Sa silhouette, construite de bouts de matelas, est caressée par une robe argentée à paillettes.

« Bonsooooir, mes amours. » Aomame fait la belle, se tortille, offre de candides clins d’oeils à ceux qui veulent bien les recevoir. « Maman est en retard, alors j’lui ai piqué sa place. » Elle fait des allers retours dans ses hauts talons sur la petite scène du bar. Sa voix est légèrement aiguë, portée par un micro.

« J’espère que tout le monde est à l’aise. » Elle regarde vers l’assemblée. « Même toi. » Elle pointe du doigt un brun, au milieu de la foule. « Oui, oui, toi. L’ours polaire. » Elle se moque gentiment : « Tu vas bientôt pouvoir faire tomber la fourrure, maintenant que je suis arrivée, on m’dit que j’réchauffe les coeurs. »

Un bisou dans l’air, avant de se tourner vers une autre victime. Enfin, elle aurait aimé. Mais maman arrive et rattrape le micro, salue l’assemblée à son tour, et remercie Aomame, qui sera appelée plus tard pour faire le show.

Alors la Drag Queen descend de l’estrade, pour rejoindre le bar, récupérer une boisson - gratuite, aux frais de la maison, elles sont la pub après tout -, et en profite pour se rapprocher du fameux ours polaire. « Désolée, c’est la première fois que j’te vois ici, j’ai pas pu m’empêcher de te taquiner. »

Pauvre ours polaire. Et voilà que Nobu – toujours sous les traits d’Aomame, toujours genré au féminin - comment à sentir monter la culpabilité. Ah ! Hikaru l’avait prévenu : faire attention aux sensibilités du public. Tous ne sont pas à l’aise avec la tradition du roast. Aomame aurait dû choisir quelqu’un de plus expérimenté, un client fidèle. Eux, cherchent toujours à se faire remarquer.  

Pour pouvoir se racheter une bonne conduite, et ne pas avoir à passer la nuit à ressasser cette pauvre remarque, la Drag Queen accepte l’invitation.

« Merci. »

C’est rare, qu’elle se pose ainsi. Souvent, elle papillonne, de fleur en fleur (de gens en gens), fait le show, et prend tout un tas de photo. Elle est un peu comme un insecte, attirée par le flash des appareils. Et par les flatteries, aussi. Elle prend celle d’Orion, sans la moindre gêne.

« C’est gentil ! J’ai pris une éternité pour ce make-up ! » Chaque compliment est comme une récompense pour le temps passé. « Et malheureusement oui, j’aimerai bien avoir de beaux yeux bleus, mais ce ne sera que dans mes fantasmes. »  

Aomame en porte à toutes ses apparitions, Nobu, jamais. Même si son double Queen lui permet de s’assumer davantage et de prendre confiance en lui, il n’ose pas encore passer ce cap comme civil.

« Et toi, c’est la première fois que tu viens à un show ? »

Qu’il ne dise pas le contraire, ça se voit : dans sa timidité, dans ses questions. Les petits nouveaux, ça se reconnaît. Mais Aomame aime bien être la première fois de ses spectateurs. Elle sait que les premières fois, ça marque toujours l’esprit.