- "Oh ça va, tu nous bassines à parler boulot non stop là, tu veux pas changer de sujet un peu pour une fois ?!"

La joie des repas de famille, voilà bien des années que je n'avais pas eu à y participer. Il faut dire que lors de ma dernière venue cet été, je me suis retrouvé coincé au lit toute la durée de mon séjour, m'évitant ce genre de joyeusetés. Mon père a décrété qu'à l'occasion des vacances scolaires, puisque je suis de retour ainsi que Akira à Sendai, il fallait fêter cela avec un repas de famille comme nous pouvions en faire à l'époque. Mon père et celui d'Akira ont beau n'avoir aucun lien de sang, les années qu'ils ont passé ensemble à s'occuper du clan les a rapprochés au point qu'ils se considèrent depuis bien longtemps comme de vrais frères. Raison pour laquelle nos deux familles ont toujours passé autant de temps ensemble.

Sauf que je n'avais jamais assisté à ce genre de réunion familiale avec mon frère en nouveau "chef". Déjà qu'il parlait constamment à l'époque, tenant absolument à donner son avis sur chaque point évoqué, ce n'en est que pire désormais. Cela fait déjà plus d'une heure qu'on est attablés dans la grande salle à manger (dont la déco a encore réussi à changer depuis ma dernière venue) et il n'a fait qu'évoquer les derniers faits liés au "boulot". De ses plans pour racheter l'une des agences de publicité locales jusqu'aux derniers règlements de compte en date, sans oublier ces flics qui commencent à s'intéresser de trop près aux agissements d'Obara-san, l'un des piliers reconnus pour son efficacité lorsqu'il s'agit de "suicides". Bonne ambiance qui ne m'avait clairement pas manqué.

Et il faut croire que cette fois, ma sœur est du même avis, puisqu'elle interrompt Tsuguo sans aucune gêne. Visiblement, son nouveau statut n'a eu aucun impact sur ce côté absolument insupportable qu'elle a toujours maîtrisé à la perfection. S'immiscer dans chaque conversation et la détourner pour aborder uniquement ce qui l'intéresse, voilà l'une des (nombreuses) spécialités d'Akane. Sa petite voix haut perchée n'est pas des plus imposantes et pourtant, elle a cette faculté d'attirer l'attention à chaque prise de parole. Sûrement l'un des nombreux tours de passe-passe que lui a enseigné ma mère.

- "En plus on a enfin la chance d'être tous réunis, alors tu ne vas pas monopoliser la conversation tout le repas ! Milan est encore entier et Akira ne t'a toujours pas balancé du haut d'un pont pour lui avoir fait ce sale coup, je crois qu'il y a quand même bien plus intéressant que tes envies de grandeur ! Oh d'ailleurs, comment c'est alors, de passer toute une année à pouvoir martyriser tous ces pauvres étudiants ?! Tu y retournes l'année prochaine ?!"

Si Akane feint très bien l'intérêt débordant, posant un regard rempli d’interrogation vers Akira en lui posant cette question, joignant ses mains d'un geste théâtrale, pour n'importe qui la connaissant suffisamment, il n'est pas compliqué de deviner qu'elle est juste très contente de pouvoir pointer à nouveau du doigt ce rôle qu'elle considère comme ingrat (et qui l'est sûrement, on ne va pas se mentir) qui a été confié à Akira. Je soupire légèrement, attrapant un sashimi du bout de mes baguettes. On dirait bien que leur entente n'a pas beaucoup évolué par rapport à ce qu'elle était lorsque je suis parti. Mais je dois admettre que ça m'arrange bien de ne pas avoir à dire quoi que ce soit sur ce coup là.

Infos diverses:

Mon rôle d'observateur est assez posé je dois bien l'admettre. Mais les souvenirs qui me reviennent face à ces petites scènes qui se jouent sous mes yeux ne sont pas des plus agréables. Non, si certains pourraient avoir envie de sourire, ce n'est pas mon cas. J'ai juste envie de soupirer puis de me lever et de me barrer. Sauf que je ne peux pas. Je n'arrive même pas à profiter de ce repas que je picore bien plus que ne dévore malgré la qualité de la nourriture servie. Et si je préfère entendre ma sœur parler plutôt que mon frère, je n'en suis pas moins désespéré de voir qu'elle recommence déjà à chercher Akira. Akane est incontestablement la personne de ma famille directe dont je me suis senti le plus proche. Et Akira, je crois que je pourrais plus la considérer comme ma sœur que me sœur elle-même. Alors oui, ça m'a toujours fait mal de voir qu'elles ne peuvent pas se supporter.

Je remarque bien le léger froncement de nez de ma sœur à la réponse apportée, signe évident que ça ne lui plait pas. Et c'est d'ailleurs en redressant la tête, comme si elle cherchait à prendre de la hauteur pour mieux accommoder ce petit air supérieur qu'elle sait si bien prendre, qu'elle répond à son tour avec ce ton dédaigneux.

- "Ne me fais pas rire. Même avec un bout d'ongle en moins mes rencards se passeront toujours bien mieux que les tiens."

Je jette un léger regard en biais à ma mère, soudain très mal à l'aise par le chemin que prend cette discussion. Mais comme toujours, son visage parfaitement lisse ne laisse aucun indice sur ce qu'elle peut bien en penser. C'est même à se demander si elle entend réellement ce qui se passe. Oh si, bien sûr qu'elle entend. Je sais très bien qu'elle doit déjà avoir de nombreux plans en ce qui concerne le futur mari d'Akane. Mais visiblement, ce n'est pas ce qui empêche ma sœur de poursuivre ses petits jeux. Mettre les hommes à ses pieds pour mieux les écraser, ça, j'ai eu de nombreuses occasions de la voir faire. En revanche, son petit besoin de supériorité, elle ne peut pas l'assouvir aussi facilement avec Akira. Ni avec Tsuguo qu'elle gratifie de son regard outré pour cette interruption dans sa petite conversation.

- "Bien sûr que tu ne me vois pas, puisque c'est exactement ce qui est attendu de moi ! Tu ne pourrais pas fanfaronner de tes pseudos succès s'il n'y avait personne pour tenir la boutique derrière ! Alors tu seras mignon mais ne vient pas me parler faits accomplis à moi quand il y a Milan juste à côté !"

Elle ne m'accorde même pas regard pour révéler cette vérité dont tout le monde ici a parfaitement conscience. Ouais, clairement, je ne sers à rien. Et mon frère a beau essayé de me farcir la tête de plans futurs, pour l'instant, je me contente de profiter de ce qu'il a à offrir sans rien faire de particulier. C'est donc par un simple haussement d'épaules et un sourire plat que je réponds à cette nouvelle provocation. Oh non, je ne me lancerai pas dans cette bataille perdue d'avance.

Quand Tsuguo reprend la parole je ne suis pas étonné que la balle vire de trajectoire et me revienne finalement dessus. Je n'allais pas pouvoir esquiver tout le dîner n'est-ce pas ? Pourtant, j'ai du mal à répondre. Je relève les yeux vers lui. La tension est facile à sentir, et je sais très bien qu'il n'y a qu'une seule réponse qui sera acceptée. Et si je n'ai franchement pas envie de lui accorder ce plaisir, je sais bien qu'il n'y a pas besoin d'attiser encore davantage cette pression. Mais pourquoi ce serait à moi de faire cet effort ? Il me faut quelques secondes et un hochement d'épaules désinvolte avant de réussir à prononcer un mot.

- "Non." Je laisse quelques secondes s'écouler, mon ton laissant bien présager qu'il y a une suite. "Mais on n'peut pas dire que tu m'aies vraiment demandé mon avis."

Est-ce que c'est l'alcool déjà bu jusque là qui me donne le courage de ne pas me contenter de ce qu'il veut entendre ? Je n'en sais rien, mais ce qui est sûr, c'est qu'il me faut une à nouveau boire un coup pour évacuer la sécheresse qui s'est formée dans ma gorge.

Bien sûr, il s'offusque aussitôt, paré à la riposte. Mais cette fois, c'est mon père qui rompt la nouvelle bataille sur le point de commencer. Et s'il n'est pas au top de sa forme, la fatigue se lisant aisément son sur son visage marqué par la maladie, il ferait encore changer de trottoir n'importe qui d'un simple croisement de regards.

Finalement, le dîner réussi à se poursuivre dans un calme relatif, mais on ne peut pas dire que la joie et la bonne humeur soient au rendez-vous. Rien à voir avec les grands repas de famille qu'on peut voir dans les films où tout le monde rit et partage ses anecdotes. L'espace d'un instant, je pense à Chandini. Comment est-ce que je pourrais la leur présenter un jour ? Non, je ne peux clairement pas lui imposer cette ambiance.

Et les jours qui suivent ne sont pas bien différents. Mon frère tient à m'inclure dans bon nombre de ses discussions "stratégiques", mais je sens bien que je ne fais qu'office de trophée, comme pour bien montrer à tout le monde qu'il a le contrôle sur moi et qu'ils peuvent bien lui faire confiance. Alors quand je peux enfin sortir d'une nouvelle réunion à rallonge, je trouve le premier banc à disposition pour m'y écrouler. Je ne vais jamais tenir les deux semaines ici.

Quelle chance.. Mais je sais que ce débat est totalement stérile. Alors je me replonge dans mon mutisme habituel, ne donnant le change que lorsque je n'en ai pas le choix. Et c'est exactement la même stratégie que j'adopte les jours suivants. Vu comme ça, je ne suis pas sûr que qui que ce soit me reconnaisse. La mine abattue et le regard triste, il n'y rien qui ressort de ce que j'exprime lorsque je suis à Kobe. Est-ce que ça veut vraiment dire que tout ce que je montre lorsque je suis entouré est faux ? Est-ce que ma vraie personnalité est celle-ci ? Ou est-ce que c'est l'inverse ?

J'en suis là de mes réflexions internes, assis sur ce banc après avoir à nouveau servi de trophée d’exhibition, quand Akira se joint à moi. Je relève la tête vers elle, ne cherchant pas pour autant à lui fournir l'un de ces faux sourires que je sais pourtant bien prendre dans ces situations. Non, elle a bien dû remarquer à quel point je suis heureux d'être ici. Je n'ai même pas envie de faire cet effort. pourtant, je dois admettre que sa proposition attise autant ma curiosité que ma méfiance. Depuis cet été, notre relation a pris un léger coup. Même si les mois qui sont passés ont permis d'atténuer ma déception vis à vis d'elle, je n'arrive pas à retrouver cette complicité qu'on pouvait avoir il y a encore des années de ça.

- "Si c'est censé me plaire alors..."

Je ravale juste à temps une réponse un peu sarcastique qui risquait de franchir mes lèvres en premier mais il est évident que je ne suis pas dans le mood le plus joyeux qui soit. Je sais bien qu'elle n'y ait en réalité pas pour grand chose dans tous mes problèmes actuels. Et puis, elle est bien la seule qui ait amorcé quelque chose qui semble sympa depuis que je suis revenu à Sendai. Ce serait bête de tout foutre en l'air à cause de cette rage que je ressens toujours, mais qui n'est pas dirigée contre elle.

Et si on ne peut pas dire que je sois la motivation incarnée lorsque je commence à suivre Akira et monter dans sa voiture, je crois que j'arrive à me dérider petit à petit. L'ambiance ici me pèse beaucoup trop, alors de voir la ville s'éloigner doucement réussi à me faire retrouver le sourire petit à petit. Ouais, ok, je dois bien reconnaitre qu'elle a dû se donner du mal pour me sortir de là alors, le moins que je puisse faire, c'est a minima d'arrêter avec ma mauvaise humeur de ces derniers jours.

Si je me prête facilement au jeu sur la fin du trajet, c'est avec de grands yeux que je regarde l'endroit où Akira arrête la voiture. Non, clairement il n'y a pas d'autre interprétation possible.

- "Ouaaaaaah sérieux ? On va sauter en parachute ?!!"

Ok, là tout de suite, je ne pense plus du tout à mon frère ou à qui que ce soit d'autre. Je ne sais pas trop encore ce qui prend le dessus entre l’excitation d'une telle activité ou la trouille qui en découle (non mais bien sûr que ça fait flipper de sauter dans le vide, mais en même temps ça doit être si fun !!! Trop de contradictions en moi !).

- "C'est trop ouf ! T'as déjà fait ça toi ?!!"

Mon énergie habituelle retrouvée, je me rapproche bien vite de la barrière pour observer ce qu'il y a de l'autre côté, relevant la tête pour voir si j’aperçois d'autre parachutistes dans le coin. Je ne suis toujours pas super sûr d'avoir très envie de monter si haut pour en redescendre de cette façon, mais je suis au moins hyper intrigué !

Ok, j'avoue que je n'avais aucune idée de ce qu'elle pouvait bien avoir en tête quand elle m'a sortir de ce banc un peu plus tôt. D'ailleurs, je n'avais pas spécialement envie de chercher non plus. Mais maintenant, j'ai l'impression de me retrouver un peu plus. Ou du moins, de laisser un peu de côté tout mon mécontentement habituel de quand je suis à Sendai. D'ailleurs, on n'y est plus vraiment, alors autant en profiter ! Et cette activité est sûrement parfaite pour ne plus pouvoir penser à tous mes soucis. Parce que l'idée de sauter en parachute active bien d'autres idées et ça devient bien vite le chantier dans ma tête.

- "Bien sûr que j'ai peur !! Genre, va falloir sauter dans le vide à des centaines de mètres de hauteur !"

Faudrait être timbré pour ne pas flipper. Mais ça ne m'empêche pas d'être ultra excité pour autant.

- "J'sais pas si je suis plus étonné par le fait que tu m'emmènes ici ou d'apprendre que tu n'avais jamais tenté l'expérience avant ! Tu me racontes pas des cracks pour faire genre tu gères ultra bien pour une première fois hein ?!"

Je la regarde avec mon faux air soupçonneux tout en posant la question. Non, je sais que ça, c'est une technique que moi je pourrais employer, pas elle. Mais ça me permet de retrouver mon humeur joueuse bien plus habituelle. Ou en tout cas, que je préfère montrer.

Et plus on s'approche, plus l'adrénaline monte. Ok, j'ai toujours autant de mal à y croire. Et je ne suis pas sûr que de voir les autres me rassure vraiment... Ni même les explications qui suivent. A vrai dire, j'oublie tout instantanément, tellement il y a trop de choses dans mon cerveau. Oui bon, ce n'est sûrement pas ce qu'il y a de plus conseillé, mais j'y peux rien si ma tête préfère se faire des tas de films que de se concentrer sur les instructions qui doivent me permettre de rester en vie. Mais il n'est évidemment pas question que je passe à côté de cette occasion ! Même si je sens bien mes jambes qui auraient plutôt envie que je me défile et décide finalement de seulement jouer les spectateurs, à encourager Akira.

- "Ouah j'en sais rien en fait !! P't'être bien qu'il va falloir que tu me pousses en fait !"

J'ai l'air bien trop enjoué pour être crédible. Pourtant, je n'en mène réellement pas large. Il faut croire que mon corps a trop l'habitude de renvoyer cette façade quoi qu'il se passe en moi. En tout cas, ce n'est pas la montée qui va me faire gagner en assurance. C'est pire que celles des manèges à sensation. Parce que ça dure beaucoup plus longtemps.

- "T'étais vraiment en manque de sensations fortes à l'école en fait ?"

Non, je ne vois pas d'autres explications à ce qu'elle se décide à nous emmener ici. Mais il faut croire qu'on n'aura pas beaucoup plus le temps de débattre de ce sujet, puisqu'on nous annonce de nous préparer. Le grand moment approche !!

Ouah, si je m'attendais à entendre Akira me dire qu'elle n'est pas rassurée !! Nan mais parce que depuis qu'on est tout petit, je ne crois pas l'avoir vue un jour avoir peur de quoi que ce soit ! Alors forcément, je ne pouvais pas m'y attendre. Mais c'est agréable de voir qu'elle reste quand même humaine. Bon par contre, ce n'est pas ce qui va faire que je me montre plus assuré hein. Non, moi aussi je flippe grave là ! Je le sens bien mon cœur qui cogne à toute allure alors qu'on entre dans l'avion qui doit nous emmener... A 1500 mètres donc !

- "Ahah j'suis pas sûr de pas rester tout au fond de l'avion au dernier moment hein !"

Tout le monde sait très bien que je suis un trouillard et je ne cherche même plus à m'en cacher. Est-ce qu'elle s'est dit que me faire avoir une petite crise cardiaque pourrait régler certains problèmes ? Parce que c'est exactement ce que je crains alors qu'on décolle. Nan ça va, je sais, elle ne s'embêterait pas à employer de telles méthodes. Et elle a effectivement l'air d'avoir très envie de sauter elle aussi. Enfin, envie et en même temps, peut-être pas tant ? C'est vraiment bizarre comme sensation. Mais pas si désagréable au final.

- "J'suis sûr que certains boutonneux réussissent à t'en faire baver un peu quand même ! Les gosses de riches ne sont pas toujours les plus simples à gérer !"

Parce que je sais très bien qu'elle ne doit pas pouvoir utiliser les "méthodes habituelles" pour faire rentrer les p'tits rebelles dans les rangs. Mais j'ai beau essayé de me détendre comme je peux, la réalité me rattrape bien vite quand les gars avec nous indiquent à leur façon que ça y est, c'est le moment. Et là, c'est la panique. Je sens bien que mes jambes ne sont pas ultra coopératives. Et je ne parle même pas de mon rythme cardiaque ! Surtout que Akira ne perd pas une seconde pour me désigner comme premier à me jeter vers la mort !! J'ai très envie de refuser là. De juste reculer, pour la pousser un peu plus en avant. Mais mon corps n'accepte pas de faire grand chose. Même mon sourire est particulièrement crispé. Mon cerveau freeze un peu et sans que je ne sache bien pourquoi, je réponds aux instructions du moniteur, me rapprochant de lui. Et du bord.

J'arrive au niveau de la porte et le bruit mêlé au vent qui s'intensifie m'empêche de penser à quoi que ce soit. J'ai tout juste le temps de tourner la tête vers Akira, toujours aussi effrayé par ce grand saut, avant que le type qui est désormais avec moi ne nous propulse dans le vide. Et c'est un grand cri des plus virils (non) qui m'échappe sans que je ne puisse rien contrôler. De toute façon, je ne contrôle rien du tout en fait. Je me contente de me laisser tomber. Et si les premières secondes je crains de perdre connaissance tellement les sensations sont fortes, je m'y habitue en fait relativement vite, et je me surprends à apprécier observer ce qu'il y autour. Enfin, observer comme je le peux dans ces conditions.

Jusqu'à ce que mon accompagnateur ne déclenche finalement le parachute (et il était temps, je commençais à voir le sol se rapprocher un peu trop vite) ralentissement considérablement notre chute. Et je ne vais pas m'en plaindre. Tout ce qui s'agitait en moi sous le coup de la panique se stabilise doucement. Plus ou moins, mais c'est déjà plus viable. Ce n'est qu'à ce moment là que je me souviens que Akira a dû sauter derrière moi. Mais même en tournant la tête pour tenter de l'apercevoir, je ne vois rien. On dirait qu'il va falloir que j'attende l'atterrissage pour vérifier qu'elle ne s'est pas dégonflée au dernier moment !

La descente est incroyable. Après la grosse montée de stress et d'adrénaline, c'est la libération en un énorme boost totalement indescriptible. Cette sensation de chute libre, la vitesse, le vent qui me fouette le visage, et je ne parle même pas de ce paysage qu'on ne voit normalement qu'à la télé ou en photo ! C'est clair que là tout de suite, mes problèmes du moment sont très loin derrière moi. Pour autant, je dois admettre ne pas être mécontent quand notre binome se pose enfin au sol. Je sens bien mes jambes qui tremblottent encore de tout ce que je viens de subir. Et mon cœur cogne toujours hyper fort dans ma poitrine. Mais je n'y prête pas particulièrement attention, trop occupé que je suis à sourire bêtement.

Et je ne dois pas avoir l'air bien plus malin quand je tourne le visage vers Akira qui m'a déjà rejoint. Mince, je ne l'ai même pas vue arriver. Je crois que je suis encore bloqué quelque part dans les nuages. Et c'est bien trop agréable. C'est un rire absolument non contrôlé qui raisonne suite à ses paroles. Je ne sais pas du tout si je partage son envie ou si je suis juste totalement pétrifié à l'idée de recommencer. C'est un peu bizarre comme ressenti. Mais encore une fois, j'aime bien.

- "Ahah je... J'en sais strictement rien !! Laisse moi quelques heures pour redescendre avant de te répondre !"

Parce que je suis actuellement incapable de fournir une réponse plus précise. Ce qui ne m'empêche pas de me marrer pour autant. Oui, je suis de bonne humeur. Juste, content. Et ça fait du bien. Parce qu'il y avait longtemps que je ne m'étais pas senti aussi léger. Alors c'est plus fort que moi, je ne sais pas du tout d'où me vient cet élan, mais je serres Akira dans mes bras, comme si tout était toujours aussi simple entre nous que quand on était gosses.

- "Merci. C'est super cool d'avoir pu faire ça avec toi."

Et après cette petite séquence émotions (parce que oui, j'ai juste envie de pleurer de joie sans que je ne sache pourquoi, et je crois que ça se voit un peu), il est temps de passer par la case déséquipement. On nous aide à enlever tout ce qu'on a encore sur le dos, rendre tout le matos, et puis après la petite séance de débrief, voilà, c'est fini. Je souffle un grand coup, commençant à peine à me remettre de mes émotions. A peine. Parce que mes mains qui tremblent encore trahissent aisément mon état actuel.

- "Mais, la prochaine fois, tu pourras quand même me prévenir un peu à l'avance hein. Que je me prépare un minimum !!"

Est-ce que je pense réellement qu'il y aura une prochaine fois ? Non. Je sais très bien qu'il va falloir que je retourne à la réalité bientôt. Alors d'ici là, je veux juste profiter encore un peu de cette ambiance tellement légère qui s'est formée sans que je ne sache comment. Si seulement les choses pouvaient toujours être aussi simples.