[Terminé][FB] Bienvenue dans la famille

Est-ce que je m'attendais à découvrir une cousine cachée ? Non. M'enfin, elle est pas vraiment cachée et nous non plus, on est juste des membres éloignés de la famille dont ma cousine a jamais entendu parler. Si j'ai bien compris « Tessa Yorke » est la fille... de la fille... de la... sœur, du père de... ma mère. Bref, pour un truc aussi bifurqué que ça, personne n'a de raison de s'en vouloir de ne pas connaître l'autre ! Personnellement, j'ai jamais rencontré mes cousins, même germains. Je m'en doutais que j'en avais, bien sûr, pour autant je les ai jamais vu. Tessa est la première cousine que je vais rencontrer. Je crois que ça me fait un peu stresser, ouaip. Dans l'après-midi, je l'ai contactée par sms et on a réussi à se donner rendez-vous pour aller m'acheter des fournitures scolaires.

Mes sœurs et ma mère n'ont pas arrêté de me lourder de messages à ce propos alors j'ai fait le premier pas vers ma cousine. Je soupçonne ma grande-sœur aînée d'être juste trop curieuse à propos de Tessa, je jurerais qu'elle attend de moi que je lui fasse un compte-rendu. À cause d'elle, je commence à avoir de l'appréhension. Je me demande si on se ressemble physiquement ? Est-ce que ça nous empêcherait de bien nous entendre si c'est pas le cas ? Une autre de mes grandes-sœurs m'a dit qu'on était pas obligés de s'aimer et que si j'avais du mal, je pouvais essayer de voir notre relation comme une « alliance » plutôt qu'une « famille ». Je dois avouer que c'est encore tout bizarre pour moi. J'ai un peu l'impression d'être un poisson dans son étang. J'ai jamais quitté mon étang pour l'océan. Mais je désespère pas ! Je suis certain que le sang ou la ressemblance, tout ça n'a rien à voir avec ce que je peux penser de ma cousine. Si je suis un poisson dans l'étang, je n'ai qu'à sauter dans la rivière, la remonter et rejoindre l'océan ! C'est comme ça qu'une carpe devient un dragon !

Après le dernier cours de ce mercredi, je détale jusqu'au portail, où m'attend ma cousine. On s'est pas échangé de détails sur la façon de se retrouver donc je pense à un moyen tout simple : je fais sonner le téléphone tout en guettant les réactions des personnes aux alentours. BINGO ! Je crois que je l'ai trouvée ! J'accours vers elle.

« Yorke-oneechaaaan ! »

Uwaah. Je me suis laissé emporter par ma familiarité, j'ai trop l'habitude de m'adresser à mes frangines. C'est embarrassant... je détourne le regard, ça doit se voir que je me suis coupé dans mon élan tout à coup ! Je frotte un pied contre le talon de l'autre.

« Enfin, je veux dire, Yorke-san... »

Maintenant que je la vois de près, c'est bizarre, j'ai l'impression de l'avoir déjà rencontrée quelque part. Pourtant ça me revient pas. J'ai lu, une fois, que le cerveau humain ne sait pas imaginer des visages à partir de l'inconnu, ce qu'on croit inventer serait en fait une production de notre subconscient à partir de visages qu'on a déjà aperçu, même juste entraperçu. Donc ça signifie que ce n'est pas la première fois que je la vois.

Elle me dit de l'appeler par son prénom. C'est pas juste si ce n'est que moi qui l'appelle par son prénom.

« D'accord, Tessa ! Et moi tu peux m'appeler Hakuren ! »

Sa déclaration m'embarrasse un peu, je suis content et nerveux à la fois. C'est vrai que c'est chouette de la rencontrer mais elle en fait un peu trop, je sais pas où me mettre moi ! Je me gratte l'arrière de la tête, mon petit sourire timide en coin.

Détournons l'attention !

Je tends rapidement un bout de papier vers elle.

« Au fait, tiens, il me faudrait ça ! Et t'en fais pas pour l'argent, c'est moi qui paie, même le bus pour toi ! J'suis peut-être né de la dernière pluie mais je suis un homme qui assume ! »

Je fais exprès de faire le beau, je voudrais pas qu'elle me voit comme un fardeau.

Elle m'emmène dans une papeterie, je crois bien. Je préfère ça plutôt qu'un centre commercial à vrai dire, même s'il y a moins de choix. Quoiqu'on dirait un magasin bureautique aussi. C'est sympa ! Je prends ma liste et je veux commencer par le haut mais Tessa me parle alors ça me distrait.

« Ah bon, t'es au club d'arts plastiques ? »

Du coup c'est peut-être mieux de commencer par le matériel d'arts plastiques. Je me dirige vers les bacs pour les pinceaux et j'observe qu'il y a beaucoup de modèles. J'en prends un au pif mais je suis vraiment pas convaincu, l'indécision me guette, ma moue incertaine ne doit pas démentir. Je commence à titiller la pointe du pinceau avec mon doigt. J'aime pas quand la pointe est pas ferme.

« Tu me conseillerais quoi ? Quand j'étais au collège, on a fait une pièce de théâtre et je peignais les décors mais j'appuyais si fort sur mon pinceau que j'en ai cassé plusieurs, et ils perdaient leur garniture. Mon professeur principal disait que j'étais pas assez délicat, pourtant je m'appliquais... »

Je suis abattu en racontant cette anecdote. Je me faisais réprimander pour rien !

« Mais mon prof d'art plastique, lui, disait qu'en fait les pinceaux étaient pas adaptés pour moi. »

Je regarde ma main que j'ouvre et ferme. Je crois pas avoir du mal à calibrer ma force, pour autant si je peux éviter de casser des pinceaux, je veux choisir bien.

Maintenant que j'y pense, mes fournitures scolaires ne sont pas toutes de la même marque alors c'est pas pratique pour me remémorer de tout le matériel fétiche. Je vais faire en me conformant à mes souvenirs, ouaip. Ma cousine me conseille un pinceau. Je l'attrape et le détaille sous toutes ses coutures.

« On dirait un pinceau de calligraphie non ? »

Je le tâte et je teste même la souplesse de la hampe (sans trop plier parce que je pourrais casser le pinceau). Je fais glisser la garniture contre le dos de ma main pour voir s'il glisse bien avec les poils aussi. Puis ça a l'air ok, je suis satisfait ! Je crois pas qu'on ait besoin de l'essayer plus que ça. Il me plaît bien.

« On reconnaît la présidente du club, hein ! »

Je lui fais un clin d'œil.

Le compliment me fait penser à un truc. Du coup, j'ai envie de valider la théorie. Je mets mes broutilles sous le bras et je tends mes mains ouvertes. Je souris à ma cousine.

« Hé Tessa, tu me montres tes mains ? »

Je rigole à propos de lire les lignes de la main. Elle sait pas que j'ai déjà essayé de le faire à ma mère quand j'étais petit alors en fait je m'y connais un peu. Mais c'est pas de ça qu'il s'agit ici. Je vois qu'elle a un peu hésité à me tendre ses mains, ce qui est normal, alors je souris quand je les attrape. Je commence à les tâter avec mes doigts en les regardant.

« On dit que les artistes sont comme des ouvriers de l'Art, donc que leurs mains sont rugueuses à force de travaux. C'est la marque de l'expérience ! »

Je me demandais juste si c'était le cas pour Tessa, même si je m'attends pas à ce qu'elle ait des mains ravagées d'homme de chantier, hein. C'est rigolo parce que je trouve que ses mains sont plutôt lisses au toucher.

« Héhé, c'est marrant, t'as les mains toutes douces toi pourtant ! »

J'attrape une de ses mains que je viens mettre paume contre ma joue et je m'y frotte. J'ai des mains assez rugueuses moi après tout, c'est peut-être pour ça que j'ai pas l'impression que les siennes le sont !

Elle me dit qu'elle est soigneuse avec ses mains. C'est vrai qu'en la regardant, ma cousine fait très femme propre sur elle. Par contre ça m'intrigue quand elle me parle de son frère. J'ai entendu dire, qu'à l'inverse de moi, Tessa n'a que des frères.

« Pourquoi ? Il a quoi ? Il a des brûlures chimiques ? Il s'est coupé un doigt ? »

Elle dit que ses mains sont irrécupérables donc ça doit être quelque chose de sérieux.

C'est pas clair ce qu'elle me raconte au sujet de son frère.

« Faire partir quoi ? »

Je comprends pas trop où elle veut en venir mais bon, c'est marrant de savoir que son frère est peintre. Elle fait aussi des études en section artistique à la fac, je crois.

« Vous êtes tous des artistes dans ta famille alors ? »

Quand je pense à ma famille, on a quasiment rien à voir entre nous au niveau des loisirs. Quoiqu'on aime tous le sport mais pas le même sport alors ça ne doit pas compter pareil. Je me demande si j'ai la fibre artistique. Je crois que j'aime bien peindre mais je sais pas si je suis doué ou non. Est-ce que je peux dissocier les deux et savoir si j'apprécie vraiment l'art ou pas ?

« J'y connais pas grand chose en art, moi... »

J'hoche la tête puis je la suis. Puisque nous sommes dans les rayons du matériel de peinture, etc, je suppose que je vais pouvoir compléter ma liste de course pour le cours d'arts plastiques. J'en profite d'ailleurs pour rayer les pinceaux de la liste. Empiriquement, le bloc à dessin et la pochette de feuilles à dessin sont les prochains.

Pendant qu'on marche plus loin, je vois encore plusieurs produits pour la même chose. Je prends juste les moins cher parce que je veux faire des économies et pouvoir acheter un petit encas à Tessa en rentrant. Mes affaires sous le coude, je suis hésitant par contre au sujet des gouaches. J'attrape du bout des doigts un pli de la robe de ma cousine, je secoue un peu pour attirer son attention.

« Tessa, Tessa ! Pour la gouache, tu me recommandes quoi ? Tu prends quoi toi pour ta peinture ? Je veux pas un truc qui sèche trop vite, l'autre fois je me suis retrouvé avec des tubes tout durs parce que la peinture s'est solidifiée, tu vois ? C'est pour ça que je dois en racheter. »

Elle a pensé à tout. Je suis les recommandations qu'elle me donne. Ça m'interpelle juste quand elle me parle de ses habitudes de peinture. Je me doute bien qu'il y a plusieurs types de peinture mais je me souviens d'un documentaire à propos de la peinture à huile. Et comme elle m'a parlé de son frère qui a les mains ravagées, ça me travaille tout à coup.

« C'est pas un peu dangereux de préparer toi-même ta peinture ? Y'a des émanations toxiques non ? »

J'ai déjà entendu parler d'intoxication par exposition à cause de la peinture et puis je sais moi-même que l'odeur de la peinture donne mal à la tête. En tout cas, personne ne reste dans une pièce aux murs fraîchement repeints par exemple !

Je cligne des yeux plusieurs fois en l'écoutant me parler. On dirait un peu ma grande sœur qui me parle de ses soins beauté après la douche... Elle sait de quoi elle cause au moins, je suis admiratif ! Même si je comprends rien à ce qu'elle me raconte ! Je suis content si elle veut bien m'apprendre.

« Ok ! Tu promets ?! »

Les promesses orales se valent toujours, héhé.

Bon, la liste de courses avance bien. J'ai noté les prix des articles pour faire le calcul et j'en arrive à un compte correct. Il ne me reste plus que les cahiers et les bricoles. Pour ça, je connais mes marques habituelles donc je n'ai pas besoin de demander son avis à ma cousine. Je prends ce qu'il me manque dans la liste, et c'est fait ! C'est tellement satisfaisant de tout trouver dans un seul magasin, j'ai un sentiment de mission accomplie.

« Voilà ! J'ai tout ! Et toi, t'as pas besoin de quelque chose, comme on est là ? »