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Comme une gazelle dans un documentaire animalier
Avec Ryuji
Le théâtre, le cinéma, elle a fait une croix dessus.
Parce que malgré les envies, et malgré les rêves, Moon n’a plus confiance en elle. Depuis que les caméras ont commencé à la fuir, elle a commencé à en avoir peur. Maintenant, l'œil du réalisateur, à travers l'œil de sa machine, n’est plus qu’un œil inquisiteur, jugeant. Si Moon était douée, quand elle était gamine, c’est sûrement parce qu’elle n’avait peur de rien. Finalement, les plateaux de cinéma, c’était une sorte de terrain de jeu, elle n’avait qu’à faire semblant.
Moon n’est plus certaine du tout de savoir faire semblant.
Des tas de curieux, de journalistes l’ont appelé. Pour qu’elle puisse parler de son parcours, et surtout témoigner. C’est qui ce gros porc ? Et pourquoi en parler maintenant ! Et puis, elle a eu le droit à son lot d’insultes, aussi. Lâche, tu reviens pour balancer ? Alors, assume, et parles en à la TV. La professeur de cinéma a longtemps hésité, jusqu’à recevoir un coup de fil. Elle l’a pris, inquiète. Personne n’a son numéro ! Et au bout du fil, une ancienne camarade de lycée, devenue journaliste et qui lui a demandé de venir sur un plateau. Promis, on ne demandera pas de noms. Et promis, on lui enverra en avance les questions.
Moon, sur un coup de tête, a accepté.
Et tout de suite après, elle a pris des billets. Direction la Corée, pendant les vacances, du 23 au 31 mars. Elle en profitera pour voir ses parents, et fêter son anniversaire. C’est une bonne excuse, et au pire, c’est pas grave si elle se défile.
Depuis qu’elle a accepté l’interview, Moon a du mal à penser à autre chose. Même en ce moment, alors qu’elle a la tête posée sur l’épaule de son petit-ami (toujours non officiel, mais elle ne questionne même plus ce statut), à regarder un documentaire animalier un peu naze. Elle en est sûre : elle sera à la place de la gazelle, dévorée par le lion show-business.
Pourtant, elle a déjà imprimé ses billets d’avion, posés sur la table à manger.
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Ryuji n'était pas un grand fan de réseaux sociaux en général. Pour lui, c'était avant tout un outil de cherche, d'inspiration et de promotion. Alors Pinterest, Tumblr et autres Instagram, il connaissait. Il maîtrisait, même ! Alors Twitter... C'était bien l'un des sites sur lesquels il allait le moins. Tout au plus pour passer le temps si vraiment il n'avait rien d'autre à faire. Sauf qu'il avait fini par suivre le fameux #metoo, comme un peu tout le monde, en janvier dernier. Et alors qu'il scrollait dans son feed, il était tombé sur un tweet de Moon, perdu dans la masse. Forcément, il l'avait lu et forcément il s'était senti secoué par ce qu'elle avait raconté, dans ce si petit espace d'expression qu'est le tweet. Ca avait suffi pour le mettre en rage, comme beaucoup de gens, avait-il supposé. Il s'en était cantonné à ça.
Ils en avaient parlé. Ils avaient abordé le sujet sans qu'elle ne s'épanche plus sur l'histoire qu'elle avait livrée. Ryuji avait respecté cette "pudeur" et n'avait pas voulu aller trop loin, préférant lui proposer une porte ouverte, un espace pour s'exprimer, plutôt qu'un interrogatoire, spot lumineux en mains. Comme si elle devait cracher le morceau, puis quoi encore. Tout cela pour dire que le temps avait passé, depuis, et qu'ils avaient repris chacun leurs activités personnelles et leurs activités ensemble. Plus trop de questions au sujet de leur statut, Ryuji avait préféré se laisser porter plutôt que de (se) poser mille questions. De toute façon, cette méthode s'était avérée inefficace, on l'avait bien vu par le passé.Aaarh mais c'est naze !
, souffla-t-il en bâillant devant ce documentaire animalier. Je vais chercher à boire, je te ramène un truc à grignoter ?
Il se leva, non sans s'excuser de déranger sa belle privée de son épaule. Il reviendrait vite, il l'avait promis. Puis, ce n'était pas comme si le chemin entre le salon et la cuisine était long. Il saisit le dernier soda qu'il avait habilement glissé dans le frigo, une bouteille d'eau et prit en même temps une petite boîte avec plusieurs choses à manger dedans, histoire qu'ils aient le choix. Sur le chemin du retour, il remarqua des billets d'avion, là, posés sur la table à manger. Il n'y avait pas fait attention à son arrivée à l'appartement. Peut-être n'étaient-ils pas là au départ ? Quoi qu'il en soit, il s'agissait de billets aller-retour pour la Corée du Sud.Tu vas voir tes parents au pays ?
, demanda-t-il à Moon une fois de retour auprès d'elle. J'ai vu les billets sur la table en revenant, je me suis posé la question
Elle faisait bien ce qu'elle voulait. Ce n'était pas le genre à vouloir contrôler ou à demander justification sur le moindre de ses faits et gestes, ça se saurait ! Il était juste curieux de savoir, sachant qu'elle s'était contentée du strict minimum au sujet de sa famille. Le genre de discussion qui annonçait plutôt une rupture entre eux, rien d'annonciateur d'un voyage de plusieurs jours dans son pays d'origine.
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Comme une gazelle dans un documentaire animalier
Avec Ryuji
C’est hypnotique, elle ne peut même pas dire pourquoi. Elle attend le déclic, qui pourrait la sortir de son rêve éveillé. Depuis quelques mois, elle a du mal à en sortir. Elle ne comprend pas trop où va sa vie, elle qui a toujours eu des plans sur cinq ans.
Depuis #MeToo, elle n’est plus sûre de vouloir être une femme parfaite, une femme fatale, ni une femme que l’on regarde. Maintenant qu’elle y pense, elle a toujours répondu aux attentes des hommes, en espérant pouvoir grappiller un peu de son attention. Elle n’a toujours connu que ça, leur attention. Pas vraiment leur respect. Elle tourne le regard vers Ryuji. Peut-être qu’il est un peu différent ? Il est resté, lui, depuis maintenant plus de six mois.
Elle attendait le déclic, et la voilà. Une question. Moon ne sait plus vraiment si elle l’attendait, ou si elle l’anticipait. Elle ne veut pas mentir à Ryuji, mais elle a peur de repartir en Corée. Elle à peur de retomber sur sa mère, qu’elle la pousse de nouveau à jouer. Elle a peur de retomber sur les médias, qu’on se foute de sa gueule. Elle a peur de faire tout ça toute seule et pourtant, elle a du mal à demander de l’aide.
Elle a peur, mais c’est ridicule, elle a aussi envie de s’y confronter. Les plateaux, ce n’est pas que ça lui manque, mais c’est que ça l’intrigue. Avec les années, elle a presque oublié la sensation de jouer devant une caméra. Ou juste, de la regarder.
Pas vraiment, non.Elle a toujours le regard scotché à la télévision.
Je crois que je vais participer à une émission.
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Alors qu’un lion s’était mis à courser l’une des gazelles, Ryuji ouvrit grand la bouche dans une expression assez ridicule. Heureusement que Moon n’avait pas vue sur lui, elle se serait moquée de lui. “Une émission ? Moon ?”, se dit-il, un peu incrédule, en refermant la bouche? Il rejoignit la coréenne sur le canapé, prenant soin de soulever doucement sa tête et l’oreiller avant de les reposer sur ses cuisses et une main par dessus, sur ses cheveux.Ah bon.. Si je m’attendais à ça !
, dit-il en soufflant du nez.
Il farfouilla dans la boîte et tendit un biscuit que Moon mangeait habituellement à cette dernière et se choisit une friandise un peu au hasard. Il avait surtout envie d’avoir un truc en bouche à mâchouiller, on était loin de la faim ou de l’envie de sucre. Donc elle allait en Corée. Une part de lui était tentée de dire “sans moi ? Sans m’en parler ?” mais une autre rassura tout le système : elle faisait bien ce qu’elle voulait, d’une, puis elle lui en aurait sans doute touché un mot à un moment ou un autre.C’est une émission sur quoi ? “Les jeunes idoles, que sont-elles devenues”, quelque chose du genre ?
Il la voyait un peu amorphe depuis quelques jours, il en venait à se demander si cette histoire d’émission n’était pas tout simplement la cause de son état, ou bien les répercussions de son tweet, sachant que les deux sont évidemment liés. Il s’inquiétait un peu, forcément. Il espérait que l’émission était une bonne idée.Tu… Tu vas y aller seule ?
, demanda-t-il distraitement alors que la pauvre gazelle se faisait courser de plus belle par le roi de la savane. Tu penses que ça va aller, pour l’émission ?
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Re: [Terminé] Comme une gazelle dans un documentaire animalier | Ryuji
Comme une gazelle dans un documentaire animalier
Avec Ryuji
Alors quand elle a pris la décision de retourner en Corée, Moon n’a pas vraiment osé en parler à Ryuji. C’est quelque chose qu’elle devait faire. Elle n’a pas réfléchi à si c’était possible ou non, si elle le supporterait ou non, si elle en avait les moyens ou non. Elle devait le faire, et c’est tout. Elle ne pourrait pas vraiment expliquer son impulsivité, mais ces dernières semaines sont particulièrement intenses pour la professeur de cinéma. Elle se confronte à tout ce qu’elle a toujours évité.
Est-ce que Ryuji serait capable de la soutenir dans cette épreuve ? En fait, elle n’y a même pas réfléchi. Moon a l’habitude de tout faire toute seule, depuis qu’elle est adolescente. Alors, elle ne sait pas demander de l’aide. Elle fait, un point c’est tout. Et s’il le prenait mal, qu’elle parte ?
Oui, c’est à peu près ça.Elle attrape la télécommande, pour éteindre le son de l’émission animalière.
Enfin…Ce n’est pas exactement ça.
Je pense qu’on va surtout parler de…Elle a encore du mal à le dire. Son tweet, c’était impulsif, comme tout ce qu’elle fait ces dernières semaines.
De MeToo.
Elle n’arrive pas à quitter le canapé, et rejoindre Ryuji, elle se contente de le regarder, de loin. Elle sait pas vraiment ce qu’elle pourrait dire de plus, sur le plateau. Pourtant, elle a envie de parler. Non, elle en a besoin. Pourtant, elle n’a rien vécu de si horrible. Quelques regards, des commentaires, quelques mains glissées ici et là. En fait, ce que toutes les femmes ont vécu. Surtout dans le show business. Mais après des années à le supporter, elle en a soudainement eu sa claque.
J’ai honnêtement rien prévu, je vais voir… Ca devra aller de toute manière, je ne vais pas m’effondrer sur le plateau.
Elle est forte, Moon, elle sait tenir. Par contre, c’est vrai, ça l’effraie un peu.
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Re: [Terminé] Comme une gazelle dans un documentaire animalier | Ryuji
Bien qu'il la croie et qu'il lui fasse confiance, Ryuji a un petit doute. C'est qu'il tient à elle et qu'il a déjà pu cerner que ça pouvait être un sujet touchy. Alors dès qu'elle parla de du #metoo, il comprit. Il comprit que l'invitation portait surtout sur le tweet qu'elle avait posté, tweet dont ils n'avaient pas pu reparler depuis. Manque de temps ? Manque de prise de temps ? Ryuji l'ignorait. Au fond, il avait un peu "peur" d'aborder le sujet.
Il n'avait pas toujours brillé par sa habileté à parler de ces choses là ; d'aucun diraient qu'il est d'ailleurs passé maître dans l'art de s'emmêler les pinceaux et faire pire que mieux. Il avait hésité à remettre le sujet sur la table, pour ne pas provoquer de pression sur sa partenaire, préférant qu'elle s'ouvre d'elle-même. Ce qui n'arriva au final pas. Un peu frustré au début, le trentenaire avait fini par ne pas trop se formaliser. Ce n'était pas parce qu'elle ne voulait pas parler de ça qu'elle le rejetait en bloc pour autant, si ?
Et pourtant... Pourtant les billets d'avion étaient là, sur la table de la cuisine. Elle n'en avait dit mot et même là, elle semblait tellement effacée que Ryuji se mit à regretter de les avoir remarqués. Peut-être aurait-il mieux fallu qu'il n'en dise rien, qu'il laisse couler ? Après un court silence, il réagit.Je vois... Tu veux en parler ? On en avait discuté un peu après que tu aies posté mais plus depuis.
, proposa-t-il en prenant un air bienveillant. D'accord, euh... Si jamais tu veux, je pourrais peut-être t'accompagner ?
La question était posée. Proposition sérieuse, d'ailleurs. Justifications diverses. D'une, il n'avait jamais vu la Corée du Sud et de deux, il voulait être présent pour elle et l'accompagner. Si elle préférait y aller seule, bien-sûr qu'il finiriat par comprendre, mais aucune certitude qu'il ne se sente pas mis à l'écart, comme un gros retour en arrière après plusieurs moments ensemble sans drames. Comme un schéma qui se répète.
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Re: [Terminé] Comme une gazelle dans un documentaire animalier | Ryuji
Comme une gazelle dans un documentaire animalier
Avec Ryuji
Et pourtant, elle n’a pas envie de le briser. C’est drôle, elle n’en a jamais eu envie, avec Ryuji. Pas tant qu’il est agréable, ce silence, que c’est toujours à qui sera le plus maladroit, le moins à l’aise, à qui dira la connerie qui pourrait tout faire pêter.
Depuis plusieurs mois, du coup, ni l’un, ni l’autre, n’essaie de parler. Personne ne veut avoir le luxe de la dire, cette connerie. Au fond, Moon a vraiment peur que ça pète, parce qu’elle le sent, tout ne se passe pas bien entre elle, et Ryuji.
Eh bien…C’est lui, qui a décidé de rompre ce silence. Il est bienveillant. Tellement bienveillant. Mais Moon a besoin d’air. C’est dur à expliquer. Elle aime qu’il soit là, mais pas tout le temps. Pas à ce moment.
Je crois que j’aimerais mieux le faire seule, ce voyage.
Sûrement parce qu’il est initiatique, Moon a besoin de retourner dans son pays avec ses propres moyens, de retourner à sa famille, de goûter au goût de son enfance. Elle a l’impression que ce ne serait pas pareil, accompagnée. Elle veut pouvoir se rappeler de tout ce qu’elle a abandonné.
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Eh bien… Je crois que j’aimerais mieux le faire seule, ce voyage.
Et la réponse qu'il craignait un peu ne se fit pas attendre. Ce serait mentir de dire qu'il ne s'y attendait pas, évidemment. C'était une réponse à une question un peu rhétorique: il se doutait qu'elle préférait se rendre seule en Corée, pour diverses raisons d'ailleurs. Revoir sa famille, renouer avec d'anciennes connaissances, peut-être se retrouver elle-même. Bref, le genre de voyage initiatique que l'on fait bien souvent seul. Ou accompagné par quelqu'un qui compte beaucoup. Quelqu'un qu'on pourrait présenter à sa famille, ses amis d'enfance.
Ryuji était-il ce genre de personne ?
S'il ne s'était jamais posé cette question auparavant, il aurait laissé couler. "T'en fais pas, je comprends", aurait-il dit, suivi d'un "J'en profiterai pour aller voir ma famille, ça fait longtemps". Le souci étant qu'il s'était déjà plusieurs fois posé la question de sa valeur, au sens large bien sûr, mais aux yeux de Moon surtout. Ses nombreuses frasques n'aidant pas, entre leur sortie à l'aquarium, celle au temple l'hiver dernier et tous ces autres moments un peu gênants aussi, qui en comparaison avec les plus agréables, où ils ont vraiment l'air d'avoir quelque chose à faire ensemble, ont fini par prendre un poids considérable dans leur relation. S'il s'était plaint d'avoir l'impression que cette relation était à moitié compliquée à Gareth, il n'était plus tellement sûr du ratio à l'heure actuelle.Bien.
, murmura-t-il, un peu perdu, en français avant de reprendre sur le japonais : Je comprends, c'est très personnel et important pour toi. Une part de moi comprend totalement.
, il marqua une pause, en prenant le temps de déglutir lentement. Ses yeux étaient rivés sur le mur derrière cette télévision, la gazelle toujours aux prises du lion. Une belle analogie. Mais j'ai aussi l'impression d'être mis à part.
Il se leva, en déposant les sucreries sur la table basse. Il se leva pour instinctivement atteindre son paquet de cigarettes... qu'il avait laissé dans son appartement, un étage plus haut. Résigné, il se contenta d'un cure-dents qu'il fit un peu tourner entre ses doigts avant de le porter à sa bouche pour le mordre. Il rejoignit l'accès au balcon, comme s'il allait fumer une cigarette, et s'arrêta net devant en se rendant compte de l'idiotie de son geste.
Il resta un peu dans le silence, pour empêcher le flot de pensées de trop tournoyer et lui coller une migraine carabinée. Mille réponses s'entrechoquaient dans son cerveau, nulle n'arrivait à trouver le chemin vers sa bouche. Il voudrait rajouter quelque chose, une phrase bienveillante pour arrondir les angles, comme il l'a toujours fait jusqu'ici, non sans mal. Quelque chose de moins salé. Quelque chose de mieux. Mais il n'y parvint pas.Ca fait un moment... que je me pose la question.
, finit-il par sortir lentement, comme s'il faisait son possible pour peser chacun de ses mots. On est quoi, au final, toi et moi ? J'ai l'impression que quelque chose ne va pas avec moi, je sais pas si c'est de ta faute ou de la mienne et franchement je m'en fous, mais je sens que...
, il marqua une nouvelle pause, ses yeux cherchant ceux de Moon, à quelques mètres d'elle. Que ça ne fonctionnera jamais, que je ne fonctionnerai jamais avec toi, Moon
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Re: [Terminé] Comme une gazelle dans un documentaire animalier | Ryuji
Comme une gazelle dans un documentaire animalier
Avec Ryuji
“Bien”. Ce bien, elle le comprend. Elle comprend, aussi qu’il ne veut pas dire ce qu’il signifie. Ce n’est pas “bien”, dans le sens, “positif”, “agréable”. C’est bien, dans le sens, “ok”. Celui que l’on dit pour ponctuer une phrase. Celui que l’on lâche quand on manque de mots.
Moon aurait aimé être surprise par la réaction, mais elle se rend compte que non. Elle qui attendait un peu plus de feu dans leur relation, est à peine touchée par la colère. En fait, elle la sentait venir. C’était trop calme, beaucoup trop calme. La tempête allait bien finir par exploser entre les deux.
Désolée.C’est tout ce qu’elle arrive à répondre, avant qu’il se dirige vers le balcon. Pourtant, elle ne se sent pas vraiment désolée. Elle a pris cette décision toute seule parce qu’elle en avait besoin. Moon a appris à faire tout toute seule, depuis des années. Et finalement, ce n’est pas sa relation avec Ryuji qui l’a changée. Parce qu’ils n’ont jamais vraiment appris à communiquer, et ce sûrement de sa faute, elle n’a pas vraiment ressenti le besoin de lui en parler avant.
Après tout, ils en parlent, maintenant, non ?
Elle le laisse tourner, bouger, se demander si une clope ne serait pas réconfortante. Elle le laisse bouger, parce qu’au fond, elle ne sait pas trop quoi rajouter. Elle n’a pas envie de l’inviter, par dépit. Elle n’a pas envie d’aller avec lui en Corée. Son trajet est déjà prévu. Ses intentions sont déjà définies. Et même si tout ça lui fait un peu peur, elle sait que l’avoir à côté d’elle serait contre productif.
Et pourtant, elle n’a pas envie non plus que tout s’arrête si brutalement. Elle s’est habituée à la présence de Ryuji pas loin. Elle est réconfortante. Elle sait qu’elle n’a qu’à monter un étage pour le retrouver. Moon, qui est très seule depuis qu’elle est arrivée à Kobe, console tous ses besoins sociaux en le retrouvant.
Alors, s’il part, qu’est-ce qui lui reste ?
Elle sent qu’il s’en va. Qu’il s’en va presque. Il se pose des questions. Se poser des questions, ce n’est jamais bon signe. Quand on se pose des questions, on est déjà à un pas de la sortie. Mais elle n’arrive pas à parler, elle n’arrive pas à le retenir, elle n’arrive à rien dire. Parce qu’au fond, elle le sait aussi. Oui, ça ne va pas. Oui, ça a à voir avec un peu d’elle et un peu de lui. En fait, ça ne va pas, depuis le début. Depuis qu’elle a rejeté son foutu “chérie”, et qu’ils ont arrêté de discuter.
Je.Elle s’arrête, incertaine de ses pensées.
Je n’en sais rien.
Ce n’est pas la bonne réaction, elle le sait. Dans les films d’amour, il faudrait qu’elle lui saute dans les bras, lui promette qu’elle l’aime et qu’elle l’aimera toujours. Que c’est faux, que c’est juste une mauvaise passe, que c’est parce qu’elle flippe et qu’elle a besoin de son voyage initiatique, mais que quand elle rentrera ce sera magnifique, qu’ils pourront vivre un tas d’aventures. Elle sait qu’elle devrait s’excuser, lui demander de partir avec elle, de découvrir sa terre natale, peut-être ses parents, qu’il soit un soutien. Elle sait que si tout allait bien, elle devrait avoir envie qu’il l’encourage, avant de passer sur le plateau télévisé.
Mais elle sait qu'elle n'a envie de rien de tout ça.
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Re: [Terminé] Comme une gazelle dans un documentaire animalier | Ryuji
D'accord.
, lâcha-t-il difficilement, comme si les mots étaient bloqués et refoulés contre ses dents. En français, toujours le français quand Ryuji a atteint un certain seuil.
Ses mains se refermèrent lentement, l'envie de tout faire partir en fumée revient mais il tint bon. Caque seconde il regrettait d'avoir laissé son paquet un étage plus haut. Il aurait pu prendre cinq précieuses minutes pour sortir, s'aérer l'esprit et profiter de l'accalmie pour y mettre de l'ordre. Au final il serait probablement rentré, se serait calmement lavé les mains par habitude et aurait sans doute entamé une discussion plus calme et posée. Seulement, pas de nicotine à la ronde pour satisfaire son cerveau en manque. Pas de volutes de fumée qui aident à réfléchir. Pas d'accalmie, que le maelstrom de ses pensées.
Son corps se mit en branle de lui-même, il était presque spectateur de ses propres actions, comme si une zone de son cerveau avait fini par prendre le relai pour lui laisser le temps de processer. Il se repassait les derniers mois en boucle à une vitesse vertigineuse, c'était une sorte de faculté que les anxieux tels que lui disposaient. Une malédiction, plutôt. Il revoyait tout, les bons moments comme les mauvais, tous depuis ce fameux jour où un mot malheureux s'est échappé et a perturbé un après-midi qui s'annonçait jusqu'alors plus délicieux. Une fuite et un appel plus tard, il était revenu en trombes dans ce même appartement. Son corps cherchait-il à reproduire ce qui s'était passé ? Etait-ce pour cela qu'il rangeait méthodiquement dans le silence les choses qu'il avait déplacées lorsqu'ils regardaient encore ce documentaire ? Etait-ce pour cette raison qu'il se dirigeait machinalement vers ses affaires, empaquetait son carnet à dessin et tout son bordel dans sa sacoche en cuir vieilli ?
En ce qui sembla être un claquement de doigts pour sa conscience, il s'était retrouvé devant le meuble dans l'entrée de l'appartement. Son sac sur l'épaule, prêt à enfiler ses chaussures et partir. Il était peu surpris de cette fuite en avant. Après tout, l'excuse de la gamberge et du corps qui prend le relai, c'était une douce mélodie qu'il se chantait lui-même : s'il en était arrivé là, c'était bien parce qu'il l'avait décidé. Lui qui se targuait d'être plutôt dans la réflexion que dans l'impulsivité, il faisait preuve là d'un comportement digne de sa soeur. Peut-être en avait-il trop marre, peut-être était-il rincé, finalement ? Comme pour se donner une sorte de bonne conscience, il se retourna pour faire face à Moon pour la regarder sans vraiment la voir. Tout était un peu flou, comme si un type un peu maladroit avait monté le taux de floux Gaussien au maximum et se dépatouillait pour tenter de rentrer à la normale.Tu sais...
, commença-t-il avant de soupirer. Est-ce que ce qu'il s'apprêtait à dire allait avoir plus de sens dans une autre langue ? Bien-sûr que non. Il était suffisamment perturbé pour en perdre son latin. Il reprit : Tu sais, ce n'est pas grave. Enfin. J'aimerais dire que je ne t'en veux pas, vraiment. Que je ne regrette pas ces derniers mois, que je ne me sens pas coupable de nous avoir fait peut-être perdre un peu de temps. J'aurais juste aimé que les choses soient plus simples pour nous, Moon.
Il réprima et avala aussi sec une déclaration qui avait élu domicile dans le fond de sa gorge depuis des mois. C'était trop tard de toute façon. Ou bien était-ce justement "maintenant ou jamais", comme on dit. Il tourna les talons, enfila ses chaussures, prit sa veste et tourna la poignée de la porte de cet appartement qui était encore plus froid qu'à l'ordinaire. Alors qu'il avait commencé à s'y sentir un peu comme à la maison, se réjouissant de passer des moments avec la coréenne, il se sentait subitement comme expatrié. Il se stoppa dans l'encadrement, comme si une force invisible le retenait. Son coeur lui hurlait de lui dire à quel point il souffrait de l'aimer autant mais sa tête était bien décidée à dompter ses ventricules.
Il referma la porte une fois dans le couloir et s'arrêta net, les mains tremblantes, dans un silence assourdissant.
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Re: [Terminé] Comme une gazelle dans un documentaire animalier | Ryuji
Comme une gazelle dans un documentaire animalier
Avec Ryuji
Il est parti. Et Moon est restée comme une conne, assise sur le canapé, à ne pas pouvoir se redresser.
Il est parti. Et cette fois, ça a le goût de la fin.
Les yeux rivés sur la poignée de la porte, Moon attend. Est-ce que ça fait trente secondes ? Est-ce que ça fait une heure ? Elle a perdu la notion du temps. Quand il est parti, elle n’a rien su dire. Dire qu’elle ne s’y attendait pas est un mensonge. Ce n’est pas la première fois, qu’il s’en va. Il a une petite tendance à la fuite, plutôt qu’à la confrontation.
Et puis, quelle confrontation ? Moon n’a pas les mots. Elle ne les a plus. Ils se sont enfuis avec leur communication. La professeur de cinéma ne sait plus lui parler, alors elle n’a pas été capable de calmer ses peurs. Elle aussi, elle en flippait. Et ça pue, une relation qui s'abîme. Et ça pue, au point de plus pouvoir sentir quoi que ce soit d’autre.
Il y a comme un trou, à la place du cœur de Moon. Impossible de savoir s’il est arrivé aujourd’hui, ou s’il s’est creusé, petit à petit. Elle aimerait ressentir quelque chose. Pleurer, hurler, essayer de le récupérer en courant dans les escaliers. Mais elle ne ressent rien du tout.
Elle est comme sur un plateau de cinéma. Les murs ne sont pas des murs. Le canapé n’est pas un canapé. Ryuji n’est pas Ryuji. Elle qui se pensait être le personnage principal de sa propre vie n’a plus aucun contrôle sur le scénario.
INT, JOUR
Moon attend sur le canapé, le regard sur la poignée.
La dernière fois que Ryuji est parti, il est revenu. Mais la porte est toujours fermée. Cette fois-ci, il ne reviendra pas.
#terminé
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