[Terminé - +18] Ton meilleur défaut | ft. Ryuji

Ton meilleur défaut

Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

De la fumée s'échappait par volutes épaisses, portées par une brise légère qui était venue rafraichir une journée encore trop chaude. Cela commençait à en faire trop. L'automne se faisait attendre, se laisser désirer par tous ceux dérangés par les températures estivales et le soleil tueur de ce mois d'août 2017. En particulier par Ryuji, toujours trentenaire, toujours professeur de design et toujours en intense réflexion. L'air renfrogné, agrippé à sa cigarette comme au détendeur d'une bouteille d'oxygène, il n'avait rien trouvé d'autre de mieux pour se sentir vivre ; ça et l'alcool.

Huit jours c'est long, en particulier quand l'on attend de revoir quelqu'un qui vous perturbe au point de perdre vos moyens et dont les seules interactions se limitent à quelques messages envoyés, des échanges gênés, incertains. Il avançait au radar depuis plus d'un mois et ça commençait à le peser. Son cendrier de fortune – une cannette qu'il avait grossièrement découpée et posée sur la petite table de sa petite terrasse –, était aussi rempli que son coeur était gros, à l'instar de sa tête qui ne désemplissait plus. Tous les trois allaient finir par déborder, les paris étaient lancés pour savoir lequel allait craquer le premier. Vu sa consommation de cigarettes, le cendrier partait vainqueur, bien que le nombre de verres d'alcool consommés ce soir-là risquait de faire entrer son foie dans la compétition. Heureusement, sa mère lui avait visiblement légué la résistance à l'alcool des Européens à la loterie génétique. Grand bien lui fasse.

L'appartement était plongé dans la pénombre, à peine éclairé par les veilleuses des appareils électroniques et autres gadgets que son propriétaire avait amassés au fil des années dans ses différents logements. Enceintes connectées, réveil, stations météo, consoles de jeux diverses et variées de plusieurs époques ; il y avait l'embarras du choix pour tout amateur. Les écrans de son ordinateur fixe, placé sur un grand bureau proche de la porte-fenêtre, projetaient plusieurs faisceaux lumineux dans le salon, se réfléchissant sur le métal des pieds de sa table basse, sur les poignées de la kitchenette attenante à l'espace de vie, étaient absorbées par les tissus posés sur le canapé qui lui servait de lit depuis quelques jours. Il n'avait plus trop la force d'aller au lit. Sa chambre, d'ailleurs, était resté dans un état de propreté et de rangement proche des photos de magazines de décoration. Un record.

Il avait grandi dans une maison vivante après tout, où il faisait certes propre mais où il n'était pas rare de voir des affaires trainer, des "traces de notre passage" comme lui disait affectueusement sa mère, au grand dam de son père, bien plus ordonné voire maniaque, héritage de sa vie de militaire carrée. Ryuji, qui avait entre-temps éteint son poison, avait hérité d'un peu des deux : il gardait les lieux de passage aussi libres que possible et était soucieux de l'hygiène de sa cuisine et de ses sanitaires. La deuxième chambre de son appartement prévu à la base pour deux lui servait à la fois de bureau, salle de travail et de débarras et c'est tout naturellement que la majorité de son bordel s'y trouvait, laissant le reste de l'habitation étonnamment propre pour un trentenaire célibataire quelque peu paresseux.

Comme mu par une force inconnue, il entreprit de ramasser les cannettes de bière bon marché disséminées sur le sol du salon aux alentours du canapé et sur le comptoir de sa cuisine. Tout était emballé et prêt à partir pour le prochain ramassage des ordures. Une semaine à faire du sur-place à ruminer comme un bovin à douze estomacs, c'en était trop pour lui. Son esprit saturait, il avait besoin de renouveau. Il envisagea un instant de retourner quelques jours à Okinawa pour rendre visite à ses grands-parents et parents, tout en allant enquiquiner sa soeur qui revenait d'un shooting photo mais se ravisa en se disant que ses proches ne voudraient pas le voir dans cet état si lamentable, sauf peut-être sa soeur mais elle aurait été tout de même inquiète. Il s'observa dans le miroir de l'entrée, il était en effet lamentable.

Bouge-toi abruti. se dit-il en pointant d'un doigt accusateur son reflet.

Il décida de se laver. Il avait prévu le coup : un bain extrêmement chaud coulé plus tôt dans la soirée, qui avait pris le temps de refroidir le temps qu'il fasse ses petites affaires et décuve un peu. C'était sa petite tradition, son petit plaisir à lui. La faute à sa mère encore. Elle avait gardé des habitudes très françaises même après son installation définitive au Japon. Par exemple elle insistait toujours pour prendre un bain et s'y laver et non pas se laver hors du bain pour ensuite s'y détendre. Elle faisait les deux en même temps. Alors son cher et tendre la laissait se délasser en dernier, non sans s'occuper lui-même du lavage de leurs garnements. Le bain et Mme Yamashiro c'était une affaire sérieuse, du sacré même !

Après avoir vérifié la température de l'eau il s'y glissa tout habillé. Il n'en avait plus rien à secouer à se stade. Puis les vapeurs d'eau lui rendirent un peu de lucidité et il se déshabilla finalement pour faire les choses plus convenablement. Il aurait pu rester des heures dans ce bain, attendre que ses doigts soient fripés et sa peau méconnaissable mais il eut de nouveau envie de fumer... et son paquet n'était pas à portée. Râlant et grognant le plus fort qu'il put, il se leva, entrepris de se sécher et s'habilla avec le premier jogging qu'il trouva à portée de mains, restant torse nu en attendant de trouver un t-shirt un tant soit peu propre. Le bain lui avait fait du bien, il voyait plus clair et les effets de l'alcool s'étaient dissipés. Le parfait prétexte pour se resservir un verre.

Le whisky dans une main et la cigarette dans l'autre, il retourna à son perchoir, accompagné uniquement par un fond musical qu'il avait laissé plusieurs jours pour rompre le silence jusqu'alors uniquement perturbé par les cliquetis de son clavier et de sa souris, ou encore des bruits du graphite laissant sa marque sur ses feuilles à dessin. Du jazz, comme si son flow voulait se foutre de sa gueule, comme si la lune qui le toisait en lui renvoyant son image en pleine face n'était pas déjà suffisante. Bien évidemment qu'il repensait à elle, qui n'habitait pourtant qu'à un étage plus bas. Leur dernière rencontre ne s'était pas terminée comme espéré, comme celle d'avant à dire vrai, comme s'il fallait que quelque chose capote nécessairement entre eux.

*driiiing*

Pourtant il chérissait encore le souvenir de leur sortie à l'aquarium, leur visite de la petite librairie du quartier, son sourire...

*driiiing*

Il regrettait d'en avoir trop dit, sans trop comprendre ce qu'il avait fait de mal la semaine précédente. Il regrettait d'avoir brûlé les étapes. Et pourtant encore il souhait se brûler les doigts au troisième degré en les posant sur son visage, sa taille, sa nuque...

*driiiing* *driiiing* *driiiing*

Il s'imaginait encore Moon, soupirant de son côté dans son appartement probablement aussi bien rangé qu'elle est tirée à quatre épingles, mais sa raison et les coups de sonnette incessants et insistants le sortirent de son tsunami doux-amer. Il râla. Il n'aimait pas être dérangé comme ça même si c'était, pour une fois, salvateur. Il participa à l'overdose de son cendrier, finit son verre d'une traite et le déposa sur le comptoir en se dirigeant vers la porte. Celui ou celle qui s'excitait sur sa porte allait l'entendre. Il déverrouilla la porte et tomba sur elle.

Il dut s'y reprendre à deux fois pour en avoir la certitude mais elle était bien là, dans un état lamentable, son maquillage d'habitude si parfait avait coulé, sa tenue élégante pourtant ajustée à sa taille fine avait elle aussi connu des jours meilleurs. Elle était méconnaissable. Son attitude aussi.  "Ce soir je ne veux pas rester seule", avait-elle dit avec ce qui ressemblait à une voix cassée, entre deux espèces de sanglots réprimés. Elle faisait objectivement pitié et il lui fallut se mordre la joue pour ne pas l'envoyer chier. Il ne lui en voulait pas à elle, il s'en voulait à lui, elle n'était pas responsable, ou moins. Il la laissa donc entrer.

L'accompagnant jusqu'au salon, il ne dit mot, préférant s'enquérir de son état général avec le peu d'oeil vif qui lui restait après autant de jours d'ivresse autodestructrice. Elle avait vraiment l'air mal en point, un peu comme lui avant son passage dans la salle de bain. Il l'assit sur le canapé avant de lui servir deux verres, l'un rempli d'eau fraiche et l'autre du whisky qu'il venait d'ouvrir. Deux options : le salut du corps ou celui de l'âme. Il se servit un verre à son tour, ayant choisi l'âme au détriment du corps. En parlant de corps, il tendit à sa coréenne le plaid léger dans lequel il avait dormi les jours précédents pour se couvrir. Il ne faisait pas spécialement froid mais il faisait suffisamment frais, surtout dans cette tenue de haillons, pour qu'il s'en inquiète, puis il tenait à préserver sa pudeur. Il était comme ça, prévenant même si maladroit. Il se posa face à elle, assis par terre, le regard cherchant le sien avec retenue et la main sur l'assise du fauteuil, près d'elle.

J'écoute. dit-il avec douceur. Qu'est-ce qui vous a mis dans cet état, mademoiselle ?

Il aurait pu la faire en français mais préféra s'abstenir. Son amertume passée, il était curieux de savoir ce qui avait rendu son crush d'ordinaire si coquette aussi misérable. Et surtout, pourquoi venir le voir lui...

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Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

L'ingrate refusa le plaid, jouant avec le feu et les désirs de son hôte, qui lui avait avant tout proposé pour son bien à lui, pour ne pas succomber a la tentation. Il lui devait bien ça, elle méritait mieux qu'un mec éméché qui profite de sa détresse pour l'emmener à sa couche. De plus, coucher en colère n'était pas quelque chose de sain. Il le regretterait le lendemain mais pas autant qu'elle. Il ne pouvait s'imaginer gérer cette situation ô combien gênante, déjà que l'actuelle semblait insurmontable pour elle.

Après tout, il connait sa place.

Il l'observa vider l'eau et le whisky a tour de rôle, au moins elle était relativement raisonnable sous ses couches de maquillage qui ne tenaient plus à grand chose. Il décida de respecter son mutisme et de l'accompagner pour la soirée. S'il n'allait pas se foutre en l'air pour pouvoir la surveiller au cas où – on ne sait jamais, et surtout c'était loin d'être un mauvais gars –, peut-être qu'il pourra glisser de nouveau dans l'insouciance de l'ivresse et mettre son cerveau en mode offjusqu'aux petites heures.

Boire ensemble ce n'est pas de l'alcoolisme.

Bien. Je t'accompagne., lui répondit-il en finissant son propre verre. Mais je vais te faire couler un bain, t'as l'air d'en avoir besoin.

Ses mots étaient durs, criants de vérité mais sans la moindre trace de méchanceté ou d'agressivité. Elle avait en effet l'air d'en avoir besoin et si elle devait squatter son canapé, autant qu'elle soit un peu plus fraîche. Il accompagna le geste à la parole, se levant et se dirigeant vers l'entrée de l'appartement, où étaient situés la cuisine et l'entrée de la salle de bain attenante. Il lui amena d'abord une bouteille d'alcool, moins chère que la première ; si l'objectif était de se bourrer la gueule, autant sacrifier quelque chose de moins précieux. Il gardera son alcool plus qualitatif lorsqu'ils passeront du bon temps ensemble, moins maussades.

Si jamais cela se produit.

Direction salle de bain. Il commença par vider l'eau de son propre bain, il aurait certes pu lui proposer de grimper dans celui-ci mais il doutait qu'elle accepte de patauger dans la même eau que lui, c'est à peine si elle acceptait de partager quoi que ce soit, sauf quand ça lui chantait ; du moins c'est ce qu'il pensait. Son air maussade avait occulté leurs sorties à la librairie et à l'aquarium qui s'étaient pourtant bien passées. Il fit couler le bain lentement, pour leur laisser le temps de partager d'autres verres sans disque de débordements. Avant de sortir, il lui prépara quelques affaires au cas où. Rien de grandiloquant ou de très élégant, le genre de tenue que l'on porte justement pour ce genre d'occasion. Si elle décide d'ôter sa robe, il essayera de la rabibocher ; il avait appris à coudre après tout, autant que cela serve.

Et si elle ne le fait pas, il l'aidera.

Lorsqu'il revint au living, il avait enfilé une chemise, s'étant rendu finalement compte qu'il l'avait accueillie à moitié nu. Ne choquons pas la prof de cinéma, elle pourrait fuir. À moins que l'inverse ne se produise. Après tout, recevoir de jeunes femmes chez soi, alcoolisées de surcroît, n'était-ce pas là un signal ? Devait-il suivre ? Il la rejoignit au salon, deux bouteilles d'eau dans les bras, qu'il déposa sur la table avant de reprendre sa place au sol. Il était près d'elle, son épaule touchait sa jambe, son dos collé au canapé. Il s'était placé là pour lui laisser de l'espace, le contact entre leurs corps était totalement involontaire. Il se servit alors un verre de l'alcool le moins cher et le vida aussi sec avant de s'en servir un autre et de le laisser reposer.

J'ai imaginé ce cadre plusieurs fois, tu sais... Mais t'avais moins l'air lamentable. dit-il en regardant les cadres parsemés sur le mur en face d'eux. Ca me rend triste. Alors buvons et voyons où la soirée nous emmène ?

Il prit son verre et le tendit en direction de la coréenne pour trinquer. Advienne que pourra.

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Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

La fumée de la cigarette, hein ? Mais pourquoi ce soir-là en particulier ? Ces questions se bousculaient dans la tête du trentenaire, le verre à la main. Il fit rouler le liquide entre ses doigts lentement. Les lumières des écrans se réfractaient sur les angles du verre, projetant quelques petits reflets discrets, il s'y perdit quelques microsecondes avant de le vider une dernière fois et de le poser près de la bouteille sur la table. Le whisky lui réchauffa l'oesophage et partit s'écraser lentement dans son estomac à moitié vide.

T'en fais pas, je suis là., dit-il doucement en se relevant, l'invitant à faire de même. Allez viens, ton bain t'attend.

Il lui tendit les mains et à sa grande surprise, elle accepta de les prendre et de se lever. Elles étaient toujours aussi douces que la dernière fois, même avec tout ce mascara. Il les serra doucement, comme pour lui confirmer ce qu'il avait laissé échappé la seconde d'avant. C'est vrai, il était là. Il serait présent pour elle, il se sentait comme investi d'une mission et malgré sa maladresse, il était de ceux qui ne reculent devant rien lorsqu'une tâche leur est fournie. Sa tâche du soir, voire de la nuit, était de prendre soin d'elle.

Il la guida jusqu'à la salle de bain, prenant soin qu'elle ne se cogne pas – elle n'était pas en sucre et en pleine possession de ses moyens mais il voulait s'assurer que la route se passe au mieux –, et une fois arrivés, il invita à y entrer. Lui, il restera dans le sas servant de buanderie. La portée fermée, il s'assit au sol, dos à elle. Une porte le séparait de la coréenne qui ôtait progressivement ses vêtements et une porte, c'est peu. Une simple glissade et ils seraient réunis, mais il se mordit la lèvre à la place. Ce serait irrespectueux de le faire, elle valait mieux que ça, il valait mieux que ça. Elle était probablement déjà nue à ce moment là. Il soupira simultanément avec Moon lorsqu'elle pénétra dans le bain chaud qu'il lui avait préparé, un soupir de soulagement accompagné d'un sourire. Il aurait pu la laisser là, vaquer à ses tâches, préparer le canapé en prévision de la suite de la soirée, peut-être préparer quelque chose en vitesse pour qu'elle puisse manger, elle avait sous-entendu vouloir tester sa cuisine après-tout, non ? A la place, il resta planté sur place, ses fesses sur le carrelage froid de sa buanderie.

J'ai eu envie de te voir toute la semaine, depuis l'aquarium. lâcha-t-il après plusieurs minutes de silences entrecoupées des plics plocs de l'eau du bain. ... Et ça me fait plaisir de te voir.

La dernière phrase était sincère. Bien que son attitude à son arrivée puisse indiquer le contraire, il était vraiment heureux de la voir. Il aurait juste préféré que cela soit dans d'autres circonstances. Qu'elle vienne manger un soir avec lui, qu'elle lui fasse découvrir des films qu'il ne connaissait pas, ou encore qu'il lui montre certains de ses dessins ou même simplement boire un verre ensemble au frais au salon. Il souffla du nez en souriant à sa propre candeur. Venant d'autres, il aurait trouvé ça mignon, touchant, mais il trouvait son attitude encore de trop. Il aurait aimé trouver un entre-deux.

Même si j'aurais préféré que tu n'aies pas pleuré., grogna-t-il en enfouissant sa tête dans ses bras posés sur les genoux.

Il était encore une fois gêné. C'était mal de profiter de son silence, probablement lui aussi gêné, pour lâcher ce genre de choses. Trop candide parfois, le garçon. La gêne lui donna chaud, à moins que ce soit la vapeur de la salle de bain qui s'échappait sous la porte ? Il l'ignorait, il se contenta d'ouvrir sa chemise pour (s')aérer un peu. Moon ne sembla pas avoir besoin d'aide, elle avait l'air calme et plus détendue qu'à son arrivée, comme quoi l'idée du bain n'était pas si conne au final. Il sortit la tête de ses bras, regarda un coin au hasard du plafond, comme s'il y cherchait un indice sur les mots à lui dire pour apaiser ses maux.

Qu'elle est lourde sa retenue.

Hé ? lâcha-t-il subitement en rompant à nouveau le silence. Tu reste pour la nuit ?

Il avait parfois le français facile, surtout quand il avait bu, mais cette fois il s'était dit que ses mots auraient plus de poids, de sens, s'il les disait dans cette langue. Il ne se rappelait plus de quand il lui avait parlé comme ça, avec ce langage qui semblait la bercer ; il se dit que cela pourrait lui faire plaisir, lui mettre du baume au coeur. Il referma les yeux, attendant la réponse dans le même silence assourdissant entrecoupés de gouttes d'eau s'écrasant sur la surface lisse du bain. Il finit par se relever, en silence, après avoir toqué légèrement au sol comme pour lui signifier qu'il quittait son spot. Par acquis de conscience, il finit par lui dire qu'il allait revenir.

Une fois sorti de la buanderie, la fraîcheur de la nuit le fit frissonner. Il faisait encore trop chaud pour une nuit convenable, heureusement que la clim et les quelques brises qui s'engouffraient dans l'appartement venaient adoucir l'atmosphère, sinon la nuit aurait été insupportable. Son balcon l'appelait, ou plutôt son paquet de cigarettes resté dehors depuis l'interruption de sa soirée maussade par l'intrusion de Moon dans l'intimité de son logement. En repassant par le salon, il déplia le canapé pour le passer en mode lit. Il ignorait encore qui allait y passer la nuit, s'il la laisserait s'échouer là une fois trop saoule pour bouger ou s'il allait lui prêter son propre lit. Encore aurait-il fallu qu'ils dorment, en définitive, mais à ce stade de la soirée il ignorait encore tout de la suite de leur programme.

Ryuji rejoignit finalement son petit perchoir, sa place préférée. La canette grossièrement coupée en deux était toujours là, pleine de mégots écrasés, comme à son départ plusieurs minutes auparavant. Il s'accouda au garde-corps et observa l'horizon nocturne du quartier, où les lumières des habitations mouraient lentement les unes après les autres ; bientôt il ne restera plus que les lumières du centre-ville au loin et les astres pour éclairer cette scène. Il respira longuement en allumant sa cigarette, prit une grande bouffée pour la laisser reprendre vie dans notre monde en sortant de son nez et d'entre ses lèvres, dans un souffle constant et à basse pression. Il ressemblait presque à un ballon de baudruche ; la Moon des beaux jours lui aurait fait remarquer.

Il resta là, la chemise ouverte lentement emportée par le vent dans un mouvement répétitif, comme une oscillation, le regard perdu dans l'immensité nocturne, il se promit de revenir à l'intérieur et s'enquérir de l'état de sa coréenne des mauvais jours.

A moins qu'il ne soit interrompu avant...

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Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

Pendant qu'elle était, probablement, affairée dans la salle de bain pour se sécher, il était encore accoudé au garde-corps, sa cigarette venait de mourir entre ses doigts et pourtant il pensait déjà à la suivante. Le cendrier accepta à nouveau une offrande plus que facultative, encore un peu et il allait dégueuler de dizaines de mégots tordus, écrasés voire enroulés sur eux-mêmes. Un spectacle affligeant, l'autodestruction.

Le cliquetis de son briquet briquet fut couvert par la voix de Moon, arrivant du salon et le rejoignant à tâtons sur son poste d'observation privilégié. C'était déjà la deuxième fois dans la même soirée qu'elle apparaissait alors qu'il fumait, au bout d'une ou deux fois supplémentaires, il finirait par croire que l'odeur de ses cigarettes réveillait en elle des désirs inavoués. Ryuji croyait peu aux coïncidences, celle-ci en était une énorme.

Et moi donc... répondit-il dans un souffle qui faisait écho au sien. Tu aurais dû me le demander, je serais resté. Je t'aurais rejoint, même.

Bien évidemment, il ne comprit rien à sa deuxième phrase et pourtant y avait répondu sans le savoir. Il avait essayé d'apprendre quelques mots de coréen mais il galérait avec la prononciation, sans même oser envisager de le parler lui-même. Il avait juste envie de pouvoir, un jour, la comprendre lorsqu'elle est surprise, gênée ou en colère, les trois scénarii où il l'avait déjà entendue parler sa langue natale. Il se rappela de sa proposition de cours de langue pleine de sous-entendus de leur premier rendez-vous et se mit à sourire silencieusement, entre deux bouffées de cigarette qu'il essayait tant bien que mal de ne pas souffler à la figure de sa compagne du soir. Si elle était là cela voulait dire que l'odeur de la dérangeait pas, mais ce n'était pas une raison pour l'empoisonner, elle aussi.

Il tourna la tête et leurs yeux se croisèrent pour la première fois de la soirée, ou en tout cas sans les yeux de panda de Moon, la faute au mascara pas si waterproof que ça. Elle était différente une fois démaquillée: sa peau était moins lisse, paraissait moins "parfaite" selon les standards de la société, il remarqua quelques stigmates d'une acné récalcitrante et, aussi étrangement que cela puisse paraître, trouva le spectacle mignon. C'était comme si l'aura de femme fatale de sa Miss Kagawuchi s'était dissipée, ne laissant que sa Moon au naturel, plus vulnérable une fois son armure atteinte et son coeur mis à nu et exposé.

Il a le corps empli de désir, mais qu'elle est lourde sa retenue

Puis merde, comment résister. Elle était là, ses cheveux balancés par la brise légère, ses yeux sombres dans les siens, sans un mot, avec un t-shirt trop grand pour elle en guise de robe de nuit qui la rendait presque dix fois plus attirante que toutes ses précédentes tenues – il se salua de ne pas lui avoir laissé de chemise, il aurait fait un malaise sur place.

La question n'était pas tant "comment résister ?" mais "pourquoi résister ?". Il se rappela de ses mains sur ses joues, à l'aquarium, lorsqu'elle lui dit qu'il pensait trop et, comme d'un commun accord entre lui et... lui-même, il se décida d'arrêter de trop penser, au moins pour ce soir. Il sacrifia la cigarette qu'il avait dans la main, la tordant entre ses doigts pour en casser le bout et laisser les cendres voler, non sans une dernière inspiration, comme pour se donner du courage. Le cadavre encore fumant rejoignit les autres dans le cendrier alors qu'il se dirigea vers elle.

Il la prit dans ses bras, une main dans sa chute des reins, l'autre qui remonta progressivement le long de son bras pour venir se poser sur son visage. Il ne put s'empêcher ensuite d'enfouir le sien dans son cou, de l'y embrasser sans qu'elle ne l'y autorise, avec lenteur et tendresse. En remontant sa bouche près de l'oreille, il lui glissa Je me suis trompé... tu es loin d'être lamentable. Tu es plus que belle, ce soir. dans un long soupir, resserrant l'étreinte du corps de sa coréenne contre le sien. Autant dire qu'on ne parlait plus de distance.

Finalement, comme une dernière provocation avant un coup de grâce, il plongea ses yeux clairs dans ceux diamétralement opposés de Moon et prit possession de ses lèvres dans un baiser qui passa rapidement de tendre au baiser le plus langoureux qu'ils aient jamais partagé. Le kabedon à côté de ça, c'était de l'amateurisme...

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Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

Fuck la raison, se dit Ryuji quand finalement leurs baisers se firent plus pressants, plus intenses. Il répondit bien évidemment à ses appels...

Toujours sur elle, encore à moitié habillés, ils se regardèrent. Elle, ses mains formant une coupe dans laquelle reposaient les joues de Ryuji  ; lui, un avant-bras en guise de point d'appui sur l'assise du canapé tel un rappel du kabedon de juillet dernier et une main dans ses cheveux. Elle brisa le silence.

Vas-y. Nous avons tout notre temps., lui chuchota-t-il aussi calmement et tendrement que possible, le regard toujours dans le sien.

Il avait un doute, il imaginait que cela puisse concerner quelqu'un d'autre. Un ex ? Un petit ami ? Etait-ce là la raison de sa retenue depuis le début ? S'était-il lancé dans une relation illégitime alors qu'il s'était juré de ne plus y mettre les pieds ? Son cerveau commença à sortir de son mode veille.

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Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

Il s'installa plus confortablement lorsqu'elle le poussa, se dégageant momentanément de lui pour mieux s'assoir sur le canapé. Il l'accompagna, s'asseyant en tailleur, les mains sur les chevilles. Après tout, s'ils devaient avoir une discussion qui s'annonçait sérieuse, autant qu'il soit bien positionné et prêt à avaler la nouvelle. De plus, il détournait aussi du même coup l'attention sur les plis de son jogging, du moins le temps que ça se calme.

Il l'écouta presque religieusement tout le long de son monologue, lui laissant l'espace nécessaire pour se confier. C'est qu'il commençait à la connaitre, sa prof de cinéma, il savait que dès que l'on commençait à creuser quelque peu, il fallait lui laisser le temps de sortir de sa coquille. Malgré sa maladresse, il était attentif à ça. Sa gorge se noua lorsqu'elle parla d'un ex. C'était évident qu'il s'agissait d'un autre, même lui aurait pu le deviner, mais la suite lui serra le coeur bien plus encore.

Ainsi donc, elle avait entretenu une relation extra-conjugale où elle n'avait visiblement pas le premier rôle, puisqu'elle était désormais seule. Il ne comprit pas pourquoi elle ne put refuser de devenir la marraine du fils de son ex, pour qui elle semblait encore avoir de lourds et puissants sentiments. Ca le dépassait un peu, lui qui était fait d'un tout autre bois, et qui n'aurait jamais pu assumer ce genre de situation. Et pourtant, dans une autre vie, cela aurait pu lui arriver. Il l'ignore, d'ailleurs il ne veut même pas en entendre parler. Il était bien plus concentré par l'histoire de sa compagne.

Il se repositionna encore mieux quand elle partit se servir de l'eau. Son histoire semblait finie mais il manquait encore la conclusion: et eux deux dans tout ça ? C'était loin d'être un coeur d'artichaut, il lui en fallait en général bien plus que ça pour qu'il se conduise de la sorte, comme un gamin de quinze ans, en présence d'une femme, mais avec Moon c'était différent. Comme un aimant attiré par un autre, qui tournait parfois sur lui-même, pour être répulsé puis attiré à tour de rôle ; nageant à contre-courant un jour et se laissant porter par lui un autre. Il soupira et se massa les tempes en son absence, il ne voulait pas qu'elle le voit se perdre de la sorte dans son tsunami interne.

Elle revint enfin, reprenant la même pose qu'à son départ, assise à genoux, en posture prostrée, pudique alors que quelques minutes auparavant ils auraient volontiers sacrifié leurs vêtements respectifs sur l'autel de leur passion, une belle ironie. Alors qu'elle reprenait son histoire, Ryuji prit l'initiative de se déplacer lentement, de se placer derrière elle, dans une position complémentaire à la sienne. Il la laissa continuer, décidant d'intervenir une fois son récit bouclé, au prochain silence gênant.

Il passa les mains dans ses cheveux sombres, quelque peu emmêlés par la génèse de leurs préliminaires, et les coiffa avec attention et délicatesse en queue de cheval basse, en utilisant l'un des élastiques qu'il gardait à son poignet droit, un rouge plutôt élégant bien que très commun, il pensa sur l'instant qu'il lui allait bien et sourit dans son dos, les yeux fermés. Lorsqu'il sentit qu'elle atteignait lentement la conclusion de l'histoire, il commença à la tirer lentement vers lui, pour entamer une conversation secrète entre eux, alors qu'ils étaient définitivement seuls dans cet appartement.

Et moi qui agis comme un con, si j'avais su..., commença-t-il en soupirant. J'imagine qu'on aurait pu te le dire mille fois mais, désolé je vais être sec, ne m'en veux pas trop, s'il-te-plait.

Il ne cherchait pas à la blesser et lorsqu'il prononça ces mots, il l'enserra contre lui, comme pour lui offrir une protection contre ce qui allait suivre. Il s'éclaircit la voix et poursuivit.

Ca me parle, tout ce que tu m'as raconté. Un peu trop d'ailleurs. On ne parle pas de moi donc on s'en fout des détails, mais je me reconnais dans ce que tu as vécu., sa gorge se serra, la blessure était cicatrisée depuis longtemps mais certaines stigmates sont plus difficiles que d'autres à soigner. Une ex aussi, j'étais l'amant, c'était mon meilleur ami de l'époque. Ils se sont mariés et ont eu un enfant. Moi, j'ai fui tout ça, c'était trop pour moi. J'avais perdu ou je m'estimais perdant. Quoi qu'il en soit, on rebondit, toujours.

Il déglutit pour marquer une pause, le temps de remettre de l'ordre dans ses propres idées, le temps pour elle aussi d'emmagasiner ce qu'il venait d'avouer. Il ferma les yeux et compléta son étreinte par un baiser à la base de la nuque. Il prit le temps de respirer profondément et sentit qu'il restait encore un peu de son odeur sous celle de son savon. Il reprit courage.

Et souvent, à l'occasion d'un rebond, on finit par retomber sur quelqu'un, et ainsi de suite jusqu'à-ce qu'on soit rattrapé par quelqu'un. Bien souvent c'est un hasard complet hein, on ne choisit pas spécialement sur qui ça tombe. J'ignore s'il se peut que je sois cette personne te concernant, mais dans mon cas, je remercie l'esprit frappeur du photocopieur presque tous les jours, pour m'avoir fait tomber sur toi.

Il déglutit de nouveau et déposa d'autres baisers, du milieu de la nuque aux côtés du cou. Si son esprit contrôlait parfaitement le centre de la parole, ses muscles, eux, semblaient agir comme si toute retenue était absente, comme si la raison était en vacances et nous invitait à repasser plus tard. Ryuji espérait qu'elle ne prenne pas ses caresses pour de l'agression, pour de l'abus... Il ne voulait pas qu'elle pense qu'il profitait de la situation, qu'il profitait d'elle.

Désolé, un peu trop frontal encore une fois. Je me contrôle difficilement quand je me sens à l'aise et c'est le cas... avec toi. Pardon., lâcha-t-il comme pour justifier ses confessions et son comportement.

Ses mains quittèrent les épaules de Moon pour rejoindre les siennes, qui tenaient le verre. Il le prit et le posa sur la table à côté. Si elle devait toucher quelque chose pour se changer les idées et s'empêcher de pleurer, autant qu'elle le fasse avec lui.

Je ne crois pas être un pansement, on ménage moins les pansements. Ses mains parcoururent le bas de son corps, des genoux au haut des cuisses, lentement. On ne s'inquiète pas de leur sort lorsqu'ils ont des migraines ou on ne leur montre pas d'intérêt quand ils parlent de leurs passions... A ces mots, ils traça des lignes imaginaires sur le côté de ses cuisses jusqu'à ses hanches, puis ses fesses brièvement et enfin il fit revenir ses mains vers l'avant pour englober les siennes.



Il se reprit, déplaçant ses mains trop avares sur d'autres parcelles de peau. Comme si son corps s'était soudainement racheté un sens de l'honneur, comme si l'esprit avait pleinement repris ses droits, fouettant sa fougue avec du remords. Il la prit dans ses bras sans rien dire, comme pour à nouveau s'excuser, s'attendant à ce qu'elle fuie et ne veuille plus le revoir, comme s'il avait commis une forme d'acte irréparable pour lequel il n'aurait été capable de trouver quelconque défense.

Il se servit de son poids pour basculer en arrière et l'emmener avec elle avec douceur. Elle atterrit sur ses cuisses, un atterrissage digne des meilleurs pilotes de ligne. Cela faisait trop longtemps qu'ils avaient rompu le regard et c'était ça plus que le contact de sa peau douce qui lui manquait le plus. Il plongea les yeux dans les siens, pour l'énième fois de la soirée et, l'espérait-il, surtout pas la dernière.

Ne pars pas. Reste..., lui dit-il en approchant lentement son visage d'elle, contorsionnant quelque peu son corps par la même occasion, heureusement qu'il était assez souple. S'il-te-plait. Il déposa un baiser sur ses lèvres en forme de cerise puis se redressa aussi lentement qu'il s'était approché. On verra bien ce qu'il adviendra, autant cette nuit que demain. Un jour après l'autre. Et je suis là, pas comme d'autres, et je compte bien rester, dussé-je me brûler à ton contact.

Sa voix était aussi douce et rassurante que possible, il avait tout donné cette fois. Evidemment, il ne pouvait décidément rien faire parfaitement, il fallut encore un égarement de plus, l'égarement de trop cette fois, peut-être. On était loin d'un baiser sur le haut de la tête ou une étreinte un peu trop cavalière dans une cage d'escaliers. C'était un peu son coup final, sa botte secrète, et il avait misé tout le tapis.

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Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

Et là, ce fut le drame.

Le dernier baiser de Ryuji donna le top départ dans la suite de leur nuit. Il ne doutait pas nécessairement de leurs intensions mais il fut quand même surpris lorsqu'elle répondit avec tant d'ardeurs à ce baiser, plutôt "sage" en comparaison. Loin d'être démonté pour autant, cependant.



Il se redressa finalement, après plusieurs minutes d'effort intense pour ne pas trop abuser. Son regard croisa celui de Moon, ils respiraient tous deux avec intensité. Le premier round venait de se terminer par le regard encore une fois provocateur de Ryuji.

Moon 5 - Ryuji 1. Balle de match.

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Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

Son coeur battait la chamade, comme à l'issue d'un marathon de plusieurs kilomètres, sa tête tournait et il était sûr de pouvoir brûler n'importe qui au contact si quelqu'un venait à le toucher. Il était en feu comme un papillon de nuit s'étant trop approché d'une lanterne un soir. Un papillon pyromane. Il l'avait cherchée après tout, inutile pour lui de jouer l'étonnement lorsqu'elle répliqua aux assauts répétés du professeur de design.

Il affectionnait pouvoir verbaliser les désirs, les siens comme ceux de sa partenaire, et souhaitait au fond de lui que Moon se prête elle aussi au jeu, tout comme leur première soirée. Il en était convaincu, elle sera une joueuse émérite et il en palpitait déjà d'envie et d'excitation.

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20 août 2017, en soirée

Ce qu'avait dit Ryuji en guise de (faux) avertissement n'avait visiblement aucun eu aucun effet sur la belle brune. Qu'à cela ne tienne, il avait voulu être fair-play jusqu'à présent et à partir de la prochaine minute, il ne retiendra plus ses coups.

Il en avait pourtant vues, des choses choses sublimes, mais le visage de Moon tendu et tordu par le plaisir venait de tout atomiser, de souffler l'intérieur de son esprit si complexe. Il ne pensait plus qu'à une chose, elle, elle et encore elle. Moon ce soir, Moon cette nuit, Moon le lendemain matin et – il l'espérait autant que cela lui soit permis –, tous les autres.

Il était foutu.

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Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

L'étreinte commençait à avoir un goût de doux-amer, en particulier après avoir nagé sous les lignes de flottaison intimes en compagnie de Moon, qui s'était naturellement blottie dans ses bras une fois la tempête passée. Tout reprit son calme, la marée était basse, les coeurs se calmaient et les corps se détendaient enfin.

Elle brisa le silence, prétextant un passage aux toilettes. Elle se leva, non sans se saisir de vêtements au passage, pendant que Ryuji la matait allègrement, couché et encore nu comme un ver sur le lit, un sourire sur les lèvres mais le sentiment de voir partir un trésor au loin, dérivant sur un radeau de fortune.

Il se reprit. Profita de son absence pour récupérer le T-shirt qu'il lui avait prêté, prendre un briquet qui trainait dans la cuisine, et revenir dans la chambrée. Il ouvrit la fenêtre, enfila le t-shirt et le retira aussitôt: c'était plus l'odeur de Moon que la sienne qui avait incrusté les tissus du coton, et fumer par-dessus masquerait cette fragrance. Il n'était pas spécialement fétichiste – pas plus qu'un autre, juré –, mais les odeurs et lui, c'était une relation particulière. La machine à remonter le temps parfaite et sans défaut. L'odeur du café de son père, qu'il buvait encore chaque matin, l'odeur de l'adoucissant de son enfance, ... la liste était longue et il venait d'ajouter une autre destination.

Il alluma finalement sa cigarette et profita du soleil levant pour faire le point. La cigarette after sex en pleine post-nut clarity, rien de plus cliché pour un homme. Il profita de cette sensation de flottaison provoquée par l'ocytocine et les endorphines pour doper son cerveau le temps de l'absence de sa compagne, probablement en conciliabule avec elle-même ; il en était certain, elle devait être en train de réfléchir de son côté. Il espérait juste qu'il ne s'agisse pas de son ex de Tokyo, ou d'autres amants. Il serra le poing. Il devait éviter de se noyer, de se laisser aller, il ne niait pas qu'en très peu (trop peu ?) de temps, ils s'étaient fortement rapprochés, il ne niait pas qu'il se cache quelque chose de spécial sous la passion, mais entre ne pas nier et admettre il y avait un pas que Ryuji ne voulait pas faire. Il pouvait presque entrevoir la suite. Soit elle revenait comme si de rien n'était mais cela allait devenir tellement gênant entre eux qu'ils allaient continuer de se tourner autour comme des animaux, dopés aux hormones et aux phéromones de l'autre, dans le public, soit elle était en train de préparer son départ. Il soupira, écrasant sa cigarette entre ses doigts.

Un peu de souffrance physique pour rappeler son esprit à l'ordre.

Elle revint, finalement, toujours vêtue de sa culotte et de la chemise qu'elle avait empruntée à Ryuji, qui ne put s'empêcher de sourire tendrement en remarquant le détail. Il l'accueillit auprès de lui, ayant rejoint le lit entre-temps. Ils étaient couchés, dans un silence pas du tout pesant. Elle la tête posée sur un oreiller soutenu par le bras de Ryuji et ce dernier légèrement orienté de son côté, la main dans ses cheveux, lui remettant la mèche derrière l'oreille comme il l'avait vu souvent faire. Il se remit un peu plus sur le dos, la tirant contre lui, observant le balai des lumières du jour sur son plafond, avant de prendre la parole.

Je me disais..., commença-t-il, la gorge étonnement sèche. Je dois partir chez moi, à Okinawa, entre la fin août et la rentrée... Est-ce que...

Il se stoppa, la voix cassante et fade. Aucune chance qu'elle accepte de l'accompagner, il était bien trop tôt. Et surtout pour quoi faire ? Après tout, le plan de retourner là-bas était de revoir sa famille, beaucoup trop tôt pour emmener Moon, pour peu qu'elle l'accompagne un jour où que ce soit. Il serra son poing libre, l'autre main trop occupée à caresser distraitement Moon dans un mouvement métronomique bien huilé.

Bref, oublie ça. Je parle trop., conclut-il en se mordant la joue. Comment te sens-tu?

La demande, plus qu'une tentative pour noyer le poisson, était évidemment sincère. Après tout, elle était venue le voir quelque peu au fond du gouffre et le début de soirée ne promettait pas qu'elle se finisse de cette façon-là. Pas qu'il s'en plaigne, bien au contraire, il voulait juste qu'elle aille bien, idéalement qu'elle se sente bien avec lui.

Qui sait, c'était peut-être le début de quelque chose.

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Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

La fatigue commençait à le rattraper, lui aussi, il était tard en même temps – ou tôt en fonction de comment on se positionnait. Les oiseaux chantaient, le monde reprenait vie et bientôt, les deux amants d'une nuit devront retourner chacun de leur côté, à moins qu'elle ne décide de partager son lit le temps d'une micro-sieste, dernière petite bulle dans les balbutiements de leur relation avant le retour, brutal, à la réalité. Il ferma les yeux en prenant une grande inspiration suivie d'un long soupir, lent, paisible et satisfait comme lorsqu'on s'immerge dans un bain bien chaud, quand on entre dans un lit fraîchement refait ou quand on tient une personne chère dans ses bras.

T'en fais pas., souffla-t-il après son soupir et en la rapprochant de lui. Je devais juste aller voir à mon appartement là-bas, j'y ai quelques affaires dont j'aurai besoin à la rentrée, et passer quelques jours au grand air avant de revenir. Si j'y vais seul j'irai voir les parents et la sœur

Il l'observa du coin de l'œil. Ce n'était pas un mensonge en soi, même si de base il couple toujours ses séjours là-bas avec un repas chez papa-maman. S'il devait y aller accompagné, il s'arrangeait pour ne pas passer les voir. Tant pis, il y retournera bien une autre fois et il emmènera sa coréenne avec lui, il s'en fit la promesse, plein de naïveté. Il s'étendit et se retourna à nouveau vers elle, plongeant une millième fois ses yeux dans les siens, faisant son maximum pour tenir le regard, ce qui ne dura pas, son regard ayant préféré s'attarder sur la peau de ses joues, sur ses lèvres charnues dont il croquerait bien un dernier morceau avant de sombrer dans les bras de Morphée et de Moon, par extension. Une idée pas si déplaisante, quand il y repensait. Et un comble, connaissant la nuit qu'ils venaient de vivre, le paradoxe de faire preuve de gêne après s'être littéralement mis à nu et avoir totalement lâché prise. Le paradoxe Ryuji.

Une prochaine fois ? Ou bien ailleurs..., lui murmura-t-il en déposant un long baiser sur son front, en souriant sans s'en rendre compte. C'est pas comme s'il y avait urgence après tout. Un pas après l'autre, si possible sans se casser la gueule quoi.

Il rit doucement. "Un pas après l'autre hein..." se dit-il à lui-même, comme pour se rassurer. Il paraissait très pressé, très cavalier mais il était fait comme ça : quand il appréciait quelque chose il l'appréciait à fond, alors quand on parlait de relations, voire d'amour... Lui qui avait été habitué à des relations rapides, faciles, sans obstacle ni challenge mais sans cette saveur tout particulière qui caractérisait son été 2017. Il lui fit une meilleure place contre lui en plaçant son bras sous sa tête, décidant de le sacrifier pour qu'elle s'en serve d'oreiller, front contre front, les yeux ouverts autant qu'ils le pouvaient encore et fixant les siens, autant que possible.

Profite de ton temps ici. On peut discuter, on peut juste se regarder dans le blanc des yeux, on peut se taire aussi., lui dit-il en souriant. Ou bien repose-toi, je te réveillerai. Je bouge pas.

Il espérait ne pas dépasser de limites, il espérait qu'elle le prenne bien, qu'elle ne le voit pas trop insistant, pas trop cavalier. Il espérait qu'elle reste encore quelques minutes, partager un déjeuner fait maison, pourquoi pas, peu importe la méthode tant qu'elle l'accompagnait encore un peu avant de repartir chez elle.

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Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

Bonne nuit, Moon., murmura-t-il avec un baiser.

Il s'installa à son tour, le plus confortablement possible tout en faisant en sorte de ne pas la perturber elle-même, elle s'était déjà laissée emporter par Morphée après tout, la dernière chose qu'il voulait c'était de la déranger. Elle avait mérité de se reposer et, en y repensant, il se sentit presque mal de l'avoir maintenue réveillée jusque si tôt le lendemain matin ; bien que la nuit en elle-même eut été l'une des plus belles vécues de sa vie d'adulte.

Il se mit à calquer sa respiration sur celle de Moon qui était paisible contre lui, le visage enfoui contre lui, totalement détendue et abandonnée au sommeil du juste. Il lutta de son mieux pour ne pas succomber à son tour, tentant de garder un minimum d'activité motrice pour rappeler à son cerveau de ne pas se mettre totalement en veille, pour finir par juste se reposer les yeux en caressant les cheveux de Moon.

Son bras lui faisait un peu mal, pas qu'elle était lourde – bien au contraire en plus –, mais la compression était existante malgré tout. Avec une habile manoeuvre il parvint à s'extraire et à placer un oreiller sous la tête de sa douce, avant de s'oser à un baiser sur le front et de partir en direction du salon. Il devait être six heures du matin, il n'avait pas regardé l'heure, il ne préférait pas. Il se contenta de replier le convertible et de ranger les traces de la soirée d'hier avant de préparer quelque chose à manger.

Il espérait que le bruit et l'odeur ne la réveillent pas, pour se garder ce petit plaisir. Après tout, c'est toujours plus agréable d'être réveillé en douceur, non ? En cuisine, rien de transcendant, il manquait de produits pour proposer le meilleur petit déjeuner possible alors il se concentra sur l'objectif plus abordable de juste proposer un repas au lit.

Quel naïf.

Il fronça les sourcils en regardant ses oeufs sur le plat cuire lentement, en agitant son omelette sur le côté, pendant que des toasts étaient en train de finir de griller juste à côté. Il coupa toute source de chaleur avant d'aller faire un tour dans la salle de bain, récupérer les affaires de Moon et les mettre en place sur le comptoir de la buanderie, le sas entre la cuisine et la salle de bain. La robe était bien amochée mais pas irréparable, si elle y consentait, il pourrait y faire quelque chose. Il lui en glissera un mot.

Revenu à la pièce principale, il se dirigea instinctivement vers le balcon pour sa cigarette matinale. Il voyait les rues de Kobe s'animer encore plus que lors de sa dernière pose, la fraîcheur matinale allait bientôt laisser place à la chaleur écrasante de ce fichu mois d'août qui touchait lentement à sa fin. "Pas trop tôt", se dit--il en tirant sa dernière taffe de clope et en rentrant chez lui.

Tout était prêt en cuisine. Les toasts, les oeufs, un peu de beurre, un peu de jus de fruit et un café pour lui. Prochaine mission sur sa liste: le réveil de la belle. Il entra lentement dans la chambre avec son plateau plein, qu'il disposa sur une commode non loin du lit. Elle dormait encore à poings fermés, toujours aussi paisible et mignonne. Il rougit et cacha son visage dans sa main, comme si quelqu'un allait pouvoir le remarquer de toute façon !

Bonjour, vous..., dit-il doucement en lui remettant sa fameuse mèche derrière l'oreille, assis à côté d'elle. J'ai préparé de quoi manger, si tu as faim...

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Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

A la française, oui et non, ça manquait un peu de croissants pour vraiment être pile dans le cliché. Heureusement, Ryuji en était plutôt loin, sinon à lui les bérets et autres t-shirts rayés, comme dans les mauvais films parodiant Paris. Il l'a évidemment observée, s'étirant comme un félin, encore à moitié endormie. Encore un beau spectacle, en tout cas c'était ce genre de petit détail qui le faisait craquer. Il dut se retenir de ne pas sourire bêtement, sinon il était définitivement foutu, relégué au rang des niais jusqu'à la fin de ses jours. Même si... il l'était un peu. Juste un peu.

Elle n'avait pas l'air d'avoir énormément d'appétit. Etait-ce l'une de ces femmes qui sautent le petit déjeuner, si ce n'est un café serré pour se donner un coup de fouet avant de partir travailler ; ou bien une gueule de bois qui bloquait tout accès à son estomac ? Le trentenaire fit de son mieux pour ne pas faire de fixette dessus, préférant se concentrer sur son café, fraîchement passé, aux arômes forts mais doux à la fois, une invitation au voyage vers les contrées sauvages et inconnues de l'Amérique du Sud... Oui, il aime le café et ce café-là il allait le déguster comme il se doit. Au moment de porter sa tasse à la bouche, il entendit Moon. Raté pour le café.

Oh oui, tiens., lui dit-il en lui tendant sa tasse fétiche. Je ne savais pas si tu en buvais... c'est bon à savoir pour une autre fois. Bois, j'en boirai un à la fac.

Il lui afficha un sourire aussi radieux que possible, entre sa propre demi-gueule de bois et le peu de temps de sommeil, il ne devait pas être si sexy que ça, rajouté au fait que c'était lundi matin et personne n'est très beau le lundi matin, même lui. Il rabattit la petite frustration due au sacrifice de son café sur un toast qui passait par là et n'avait rien demandé. Il aurait adoré s'assoir près d'elle et prendre le temps de manger tranquillement ou bien manger sur le balcon au soleil, mais il savait qu'ils manquaient de temps et qu'ils allaient devoir aller bosser à un moment donné, même si la matinée de Ryuji était plutôt annoncée comme calme au final.

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Feat. Moon Kawaguchi

20 août 2017, en soirée

Le café agissait comme une sorte d'élixir pour Moon, qui l'eût cru ! Ryuji nota bien scrupuleusement cette information dans sa tête, pour plus tard, au détour d'une pause dans la salle des profs voire peut-être une nouvelle visite, qui sait ? Tout pouvait être encore possible, envisageable, s'il ne trébuchait pas en cours de route ; pareillement pour elle. La coréenne en avait même profité pour ramener d'elle-même le plateau vers la cuisine, alors qu'il s'en serait bien chargé lui-même. Il sourit néanmoins en la voyant partir, l'espace d'un instant c'était comme si c'était une scène habituelle, comme si elle connaissait les lieux. Il soupira.

Profitant de sa courte absence, il enfila un chino chopé au hasard dans la malle à linge propre qui traînait dans le petit renfoncement qui faisait office de dressing. Il n'était pas contre le fait de rester en pseudo-pyjama mais il sentait au fond de lui que plus les couches de vêtements étaient portées, moins il serait tenté de les enlever avant qu'elle ne parte. Il leva les yeux au ciel en ayant cette pensée, un "Contrôle-toi, abruti.", résonna dans les quatre coins de son esprit. A son retour, l'air mortifiée par l'état de sa robe, Moon suggéra le prêt de la chemise dans laquelle elle avait passé la nuit, "le temps qu'elle descende" d'après ses dires.

Laisse-la moi, je verrai ce que je peux faire. Sinon je demanderai à ma soeur, elle se débrouille encore mieux que moi en couture.

C'est vrai que sa cadette était presque passée experte dans le domaine. C'est qu'elle avait commencé tôt, suivant les pas de leur mère toujours occupée sur une machine à la maison, pour modifier ses vêtements puis pour confectionner ses propres cosplays et enfin aujourd'hui elle était capable d'aider son styliste attitré à modifier les tenues, voire à en designer, lors de ses shootings photo. Bref, elle était passée maître ou presque. S'il avançait de bons arguments, il était bien possible qu'elle se laisse convaincre et qu'il rentre à Kobe avec une robe flambant-neuve. Vint le sujet de la chemise. Au fond, il serait ravi qu'elle la garde. De toute façon il était fort probable que dans l'éventualité où elle ne la garde pas, cette chemise finisse comme étant son pyjama attitré pour le futur, donc bon, dans les deux cas... Il s'approcha d'elle et posa gentiment ses mains sur ses épaules.

Pour la chemise, tu peux la garder..., commença-t-il en souriant. Au pire, tu me la rendras... euh...

Il se mit à rougir et se mit à fuir le regard de Moon. "Au pire tu me la rendras la prochaine fois. La prochaine fois, Ryu, c'est pas compliqué abruti", se dit-il avec véhémence. En effet ce n'était pas compliqué à dire mais toute déclaration était susceptible de provoquer des réactions chez elle, et risquer de la brusquer il préférait l'éviter autant que possible. L'ironie après l'avoir fait plusieurs fois. Il aurait pu en rire intérieurement s'il n'était pas subitement aussi gêné. Il lâcha les épaules de Moon en caressant ses bras et finit par s'attacher les cheveux comme il le fait d'habitude. Il était moins nerveux une fois les mains occupées.