Epreuve bonus - Zadokieru [SAORPG]

Zadokieru:

Le dos voûté contre le dossier de la chaise et les jambes négligemment croisées, je regarde d'un air blasé le vieux schnoque en face de moi. Je déteste ce genre de discussions, donc autant couper court. C'est pas comme si cette école était réputée pour son austérité après tout, il devrait me comprendre.

"J'm'appelle Rin, Nakamura Rin. Quant à mon parcours, vous l'avez déjà dans mon dossier d'inscription normalement."

Un bref silence me fait comprendre que je ne m'en sortirai pas si facilement face à cet adversaire coriace. Je soupire légèrement, avant d'inspirer et de poursuivre.

"Parcours classique, collège et lycée public, notes relativement bonnes... Votre section médecine m'intéresse particulièrement, j'aimerais bosser dans le médical plus tard."

Pour faire plaisir à mes parents. Mais bon, ça, on s'en fout.

"J'ai tenté le concours d'entrée à Sendai, mais ils m'ont recalé à l'entretien pour mauvaise conduite. Faudra m'expliquer c'est quoi le rapport entre un médecin et mon attitude, mais bon..."

Le vieux grigou sourit et toussote, visiblement un peu gêné. Il m'explique que ma "mauvaise conduite" fait référence au rapport d'altercation qu'il a reçu du proviseur de Sendai, rapport dans lequel il y explique pendant des plombes de quelle façon absolument barbare j'ai cassé une chaise et menacé la vie de son fils adoré. Je fronce les sourcils, fouillant ma mémoire relativement sélective.

"Aaaah, ouais... Ça me revient, vous parlez du gars qui se comportait comme un gland, toujours à parler de son père ? Il empêchait tout le monde de se concentrer, à déblatérer comme ça. Mais je l'ai pas menacé, j'ai juste dit que s'il ne la mettait pas en veilleuse, il finirait comme la chaise. Rien de plus."

Un bref flottement prend place, mais je n'arrive pas à discerner l'expression du doyen derrière ses lunettes. Je commence à croire qu'il est aussi débile que celui de Sendai, quand il m'invite à poursuivre d'un geste de la main, très calme. Haussant un sourcil, je me redresse un peu dans mon siège, étonnée de ne pas avoir un de ces lèche-culs habituels, et sourit avant de reprendre.

"J'ai cartonné l'épreuve écrite et l'épreuve orale, mais je suis bien contente de pas être prise là-bas si ça grouille de fils à papa comme lui. Il paraît que c'est pas le cas chez vous, que vous voulez créer un endroit où tout le monde pourrait exprimer tout son potentiel ou un truc du genre... Ça me plaît bien comme idée, ça."

Ouais, l'idée de pouvoir faire ce que je veux, ça me plaît bien depuis des lustres. Et ici, je serai loin de mes parents, loin de ce cadre imposé... Une étincelle dans les yeux, je poursuis mon plaidoyer, laissant libre cours à mes pensées.

"Votre credo est cool. Et malgré votre fonctionnement un peu spécial, on entends beaucoup de bien des élèves et professeurs qui y sont ou en sont diplômés. J'ai dit que j'étais intéressée par votre section médecine, mais s'il y a moyen de cumuler plusieurs cursus, je serai bien tentée par des trucs sportifs ou artistiques aussi-"

Je tousse et me racle un peu la gorge, énervée que ma voix me lâche à un moment aussi crucial. L'émotion des majorettes que j'ai vu gamine me revient, et je me tiens droite comme un I sans m'en rendre compte, presque penchée vers l'avant.

"Je veux essayer plein de choses, je veux découvrir et apprendre plein de trucs nouveaux. Je veux rencontrer des gens, créer des liens, les renforcer, les perdre. Si je reste enfermée entre quatre murs, au propre comme au figuré, je..."

Je vais devenir folle.

"...Je n'exploiterai pas tout mon potentiel. Vous dites que votre école fait tout pour permettre à chacun d'être celui qu'on est censé être, pas vrai ?"

Mes mains se crispent sur le bord de ma chaise à mon insu, et j'entends mon souffle légèrement saccadé dans ma tête, comme après un bruit sourd et violent. Je m'efforce de reprendre le contrôle, d'inspirer profondément pour reprendre un rythme cardiaque normal, et continuer.

"Je veux être libre d'essayer et d'échouer, de réussir et de m'améliorer. Je veux devenir la meilleure dans ce que je fais, peu importe ce que c'est. Je veux me donner les moyens de pouvoir rire et profiter de toutes les situations."

Je veux tout.

Un sourire carnassier sur le visage, j'attends la réponse fatidique du doyen à l'expression indéchiffrable et qui n'a pas pipé un mot depuis le début de ma tirade. Sans le savoir, cette attente, durant laquelle tout mon être était tendu, serait la deuxième plus longue de ma vie.