[Terminé] Call me senpai

Est-ce que je vais vraiment trouver tout ce qu'elle peut dire condescendant ? Peut-être. Disons qu'il y a certains niveaux alors. Mais ouais, bien sûr que tout ça me gonfle depuis le début et que je ne suis pas en état pour faire le moindre effort. Je sens que c'est mal barré. Je le sais quand je la vois attraper son stylo et que instinctivement, je sais que ça ne va pas me plaire. Juste parce que, je sais pas, quelque part mon cerveau en a décidé ainsi. Sûrement parce qu'elle m'a agacé juste avant.

Sauf que je me connais quand même un minimum. Et je n'ai pas envie de passer à côté de l'opportunité de gagner quelques points supplémentaires sur ma moyenne juste parce que je suis incapable de me montrer objectif en ce moment même. Si je regarde évidemment ce qu'elle fait et que j'entends ses questions, je décide prudemment de ne pas y répondre tout de suite. Non, au lieu de ça je m'adosse un peu plus contre ma chaise, mon déviant sur le reste de la salle.

- "Qu'est-ce qui t'a fait aimer ça ? Le design. Les fringues. Tout ça."

Ouais, ça n'a rien à voir avec ce qu'elle a pu me demander, mais il vaut vraiment mieux reporter légèrement cette conversation, sinon ça va de nouveau dévier beaucoup trop vite.

Je ne peux pas m'empêcher de retourner un regard étonné à la réponse que me fourni Tessa. Bien sûr que je connais, c'est juste que je n'aurais a priori pas fait un lien évident avec une passion quelconque. Mais pourquoi pas. Parce que si la suite des explications me parait un peu plus classique, j'ai toujours du mal à faire trouver la logique. Elle a déjà mentionné des connaissances à je ne sais plus quel degré qui bossaient dans ce milieu c'est vrai.

- "C'est pas l'inverse normalement ? On s'entoure de gens qui aiment les mêmes choses que nous... ?"

Peut-être que je suis un peu trop borné pour envisager que ça puisse fonctionner dans ce sens là aussi. Et forcément, quand elle me retourne la question, je retrouve un léger sourire en coin pour répondre.

- "Moi, j'aime pas particulièrement ça, c'est juste que, j'aime ne pas faire comme tout le monde. Et... Si en plus mon style peut choquer les petits bourgeois, ça m'amuse d'autant plus."

Je reprends un air un peu plus sérieux tout en haussant les épaules avant de poursuivre.

- "A vrai dire, c'est pas franchement pour cet aspect de la matière que j'ai choisi de suivre les cours de design. Mais j'ai aussi conscience que d'un point de vue professionnel ça peut être bénéfique alors, je veux bien faire un effort."

Après tout, j'ai parfaitement conscience que mon image suffit à me faire gagner de l'argent. Même si ça a tendance à me faire grincer des dents, tant que je n'aurais pas de job qui rapporte suffisamment, je ne suis pas prêt d'arrêter.

Je ne sais pas franchement quoi penser de ce "point commun". En tout cas, je crois que je suis un peu moins sur les nerfs. Je m'emporte assez vite mais c'est aussi valable dans le sens inverse généralement. Pour peu que je m'y prenne correctement. J'arrive donc à peu près à reporter un regard objectif à la feuille que Tessa me montre. Enfin, moins couru d'avance en tout cas.

- "La cible visée... Pff, franchement c'est relou de réfléchir à ça, ça plaira à qui en voudra !"

C'est surtout que je n'en ai pas la moindre idée. Oui, bah je ne suis pas spécialement doué pour ce genre de chose ok. Me mette à la place des autres, c'est pas mon fort. Si j'étais capable de les comprendre, ce serait beaucoup plus facile.

- "Mais... Si tu tiens à ton histoire de matière hors de prix, faudrait aller sur des personnes en capacité de se les payer. Et qui pensent à ce genre de détail. Celles qui veulent se donner un petit air bien propres sur elles."

Franchement, je suis au max. Qu'est-ce que j'en sais de comment on défini une cible type moi ?!

Bien sûr que j'y connais rien, je suis pas en marketing non plus, les techniques de vente c'est pas pour les créatifs. Chacun son job. Et d'ailleurs, faire des fringues, ça ne fait clairement pas partie de ce que je vise. Mais bon, pas le choix. Voilà bien pourquoi je déteste autant les cours. Toujours à nous faire faire des trucs dont on ne servira jamais. Et en plus on doit le faire à deux. Il faut bien que je me fasse une raison, je n'arriverais pas à redescendre totalement jusqu'à ce qu'on en ai terminé de cet exercice.

- "Puisque tu t'y connais si bien à quoi ça sert de poser les questions. De toute façon tu as déjà décidé de ce que tu voulais faire."

Ses petits airs de miss jesaistout m'agacent toujours autant. Elle a beau être "plus avancée" que moi sur le cursus scolaire, je n'aime toujours pas l'entendre me parler comme si elle devait m'enseigner je ne sais quoi.

- "J'ai vraiment besoin de t'expliquer que le réseau c'est pas mon truc ? Franchement, c'est quoi le but de cet exo ?! Proposer des idées sympas et originales ou passer un diplôme de vendeur ?"

Je ne serai pas aussi borné, ça ferait longtemps que j'aurais abandonné l'histoire. Mais... Ouais, j'ai pas non plus envie de lui donner cette satisfaction.

Ah. Est-ce que j'ai franchi l'étape de trop ? Ce claquement de carnet est un signe assez évident d'agacement ou je ne m'y connais pas. Et pour le coup... Même si Tessa se modère assez bien, ce n'est pas non plus compliqué de savoir ce qu'elle peut penser de moi. Peut-être bien que je ne fais pas particulièrement d'efforts non plus. Mais j'ai pas envie, c'est comme ça. En revanche, je ne m'attendais pas à ce qu'elle give up de cette façon. Enfin, plus ou moins, parce qu'elle n'a pas l'intention d'en rester là pour autant.

- "J'ai déjà des idées. J'y peux rien si c'est nul comme sujet."

Ok, peut-être que je suis à cours d'arguments. J'ai jamais été doué pour faire quelque chose qui me gonfle. Et déjà que l'école n'était pas ce que je préférais avant, je crois que depuis que j'ai arrêté les cours, mon côté borné n'a fait qu'empirer.

Je récupère la feuille sur laquelle elle a écrit probablement de quoi la joindre, sans pour autant y jeter le moindre coup d’œil. Je suis un peu tenté de la chiffonner pour la virer par pur esprit de provocation, c'est vrai. Mais finalement, je n'en fais rien. On ne sait jamais. Si pour x raison j'avais effectivement besoin de la contacter un jour, je préfèrerai largement avoir à lui envoyer un simple sms plutôt que de la chercher sur le campus.

- "T'en fais pas, je viendrai pas t'embêter pour bénéficier de ton savoir. J'arriverai très bien à me débrouiller."

Je m'enfonce un peu plus dans ma chaise tout en répondant. Je n'ai jamais été très doué pour accepter de l'aide. Encore moins pour en demander. Et vu les conditions... C'est à peu près évident que je préfèrerai trouver n'importe qui d'autre si vraiment je devais avoir besoin d'aide que Tessa. Ok, mon égo joue rarement en ma faveur, mais... C'est comme ça.

J'espérais la voir tourner les talons et disparaitre dans le couloir, mais on dirait que c'est trop demandé. La voilà qui recommence à prendre ses airs de commandante en chef à me dire comment les choses doivent se passer. Et ça me fout forcément sur les nerfs. Pour changer. Si j'arrive à me contenir encore pour éviter tout éclat qui serait mal venu, ce n'est en revanche pas difficile à lire sur mon visage que son attitude m'horripile.

- "Si je fais n'importe quoi c'est uniquement parce que tu me tapes sur le système. Comme si je pouvais bosser correctement dans ces conditions. Et puis si ça ne te va pas, tu pourras toujours aller te plaindre au prof."

C''est bon, j'ai ma dose là, va falloir que je trouve quelque chose à faire pour décompresser parce que je risque de vite le regretter. Je me relève de la chaise, fourre son papier dans ma poche et commence à remballer mes affaires en lui répondant.

- "Mais qui sait, peut-être que par messages tu seras plus supportable."

Ça aurait pourtant été bien simple qu'on arrive à clore ce sujet ici. Qu'on en reparle plus. Mais on dirait que c'était encore trop compliqué. Cela dit, échanger à distance sera peut-être moins fatigant.