[Terminé] Pouvoir du Gothique Lolita : Transforme-moi !

Maya, ma sauveuse, m'attrape la main, et me traîne dans son sillon jusqu'à la résignation. On déboule toutes les deux au Cat cafe Nyanny, après avoir gravi les trois étages l'y menant.

On nous fait asseoir à même le sol, à côté d'une petite table ; sûrement pour laisser les chats vagabonder comme ils veulent à travers le café. D'ailleurs, il y en a qui vient rôder pas très loin de nous, alors que je récupère une respiration normale.

« Ça va aller. Y avait juste trop de monde »

Et trop de regards... J'ai l'habitude de passer inaperçue, de me fondre dans la masse et d'y disparaître. Plus tôt, j'avais l'impression d'avoir été jeté sur scène avec les projecteurs tout droit tournés vers moi. C'était tellement oppressant...

« Bref. Tu veux quoi à commander ? »

Heureusement que j'ai l’appétit coupé, parce qu'à part des boissons, ils ne servent rien d'autre.

Impassible je reste lorsque Maya met ses deux pieds dans le plat en parlant des regards, et des gens. Je sais que je suis nulle, ce n'est pas la peine de tourner le couteau dans la plaie.

Un seul coup d’œil est donné à l'attention des chats. Je les sens se glisser dans mon dos, hors de mon champ de vision. J'ai déjà côtoyé des félins par le passé, et je n'ai pas de faits marquants avec eux. On accepte la présence de l'un et l'autre, ça s'arrête là.

« Je prendrai un Bubble Tea alors »

Puis, Maya, décide dans sa bonne grâce de reparler du fâcheux événement. Mon regard blasé se cale sur le sien alors qu'elle essaye de me comprendre. Ça suffit, j'en assez entendu. Qu'elle se taise. Je n'ai pas besoin qu'on m'encourage comme une gosse.

« Stop ! » mon poing cogne contre la table, faisant fuir les chats « J'ai dit : ça va aller »

Je me sens un peu coupable quand je vois qu'elle attend une embrassade, alors je tourne le regard dans le vide, énervée contre le monde entier mais surtout contre moi.

Je suis désolée de l'entendre s'excuser. Mais dire qu'elle n'a pas à l'être serait de la pure mauvaise foi. Elle a tendance à trop, tout pointer du doigt... Et moi, j'aime qu'on me laisse tranquille.

On nous ramène nos boissons, et je tire sur la paille. Le bubble tea, malgré le silence pesant, est plutôt bon – comme promis. Je joue avec le gobelet faisant tourner les boules de tapioca avec le mouvement de ma main. Ça me calme un peu de les voir bouger gracieusement.

Maya s'excuse de nouveau, et je lève lentement les yeux de la boisson. Elle se sent obligé de dire qu'elle pensait tout ce qu'elle a dit, et ça me fait soupirer. À croire que notre amitié n'est peut-être pas faite pour exister. On est trop différentes.

« Ma timidité, et tout ce qui tourne autour » je fais l'effort de lui répondre sur un ton qui reste calme « Je sais que je ne devrais pas faire attention aux regards des autres, je le sais. C'est déjà assez frustrant comme ça, je n'ai pas besoin de l'entendre. »

Je me renferme sur moi-même déjà lasse de m'expliquer... Alors au lieu de continuer la conversation, je tire à nouveau sur la paille.

Elle voit ? C'est la phrase bateau qu'on sert quand on n'a pas envie de contre-dire la personne, ça. Je me retiens de rouler les yeux dans leur orbite. Après tout, peut-être qu'elle est sincère vu sa franchise.

Maya me promet d'y penser à l'avenir ; l'effort me fait descendre d'un cran. Je ne peux pas faire la tête éternellement à cause d'un petit dérapage... C'est juste ce qui est arrivé au dehors, j'aurais sûrement réagi avec autant de véhémence même avec mes meilleures amies.

Au moins, elles, elles savent qu'il vaut mieux éviter de me parler quand je suis de mauvais poil. En vérité, c'est un manque de connaissances de l'autre qui est en jeu. J'espère qu'avec le temps, on acceptera les défauts de l'autre et s'y adaptera.

« Bien sûr... » je trouve ça toujours aussi fou la vitesse à laquelle est rentrée dans ma vie
« Quand je suis énervée, je deviens la pire... Et encore là, t'as rien vu. Donc à l'avenir, si je suis dans le même état, fuis »

Je craque un sourire coupable à la fin de ma phrase.

Maya rigole, sous mon regard dubitatif. Donc comme ça, elle serait aussi une mauvaise colérique, et pourrait être compétitive face à mon propre énervement. J'ai un peu des doutes, vu le calvaire que je deviens irritée.

De la mauvaise foi, de la haine, des noms d'oiseaux... Elle n'imagine pas les immondices qui peuvent sortir de ma bouche quand j'éclate. J'ai déjà blessé mes meilleures sous le coup de la colère, une saleté sans vergogne qui tape où ça fait mal.

« C'est toi la princesse ici » je montre nos vêtements du doigt « Et moi le chevalier »

Je hausse les épaules quand elle dit que ce ne serait pas son genre de prendre la fuite, étonnamment, je n'en doute pas une seule seconde. C'était simplement sur le ton de la plaisanterie – enfin pas que-, sur lequel je lui avais dit ça. Ma colère commence à s'effriter fort heureusement.

« Y a quand même des sujets tabous »

Je lui fais ainsi comprendre que je ne suis pas encore d'humeur à discuter des « problèmes ».

Pas assez digne pour être une princesse ? Difficile d'y croire avec ses atours, digne du noble sortie d'un autre temps – même si la jupe est un poil trop courte. Alors je fais la moue tandis qu'elle rougit.

Quand Maya commence à me parler de convoitise, puis d'élite, je lève doucement les yeux de mon Bubble Tea. Elle enchaîne en prétendant ne pas supporter si je la quitte, et s'octroie le titre de première du nom sous mon regard perplexe. Alors franchement...

J'ai déjà fait du théâtre, ou même du Roleplay avec les filles sur D&D et bien d'autres. Mais je n'ai jamais fait ça dans un lieu public, où des gens sont susceptibles d'entendre – pas comme si on était dans un GN, et de nous regarder de travers.

Alors je gesticule à même le sol, perdue, et un poil mal à l'aise, je bafouille dans un ultime effort un :

« Cela me sied, ma dame »

Et comme si le sort était avec moi, un chat sauvage apparaît ! Il monte sur ce qui sert de table, et s'installe de tout son long dessus, et nous regarde avec lascivité. On est ces choses, et nous donne l'ordre du regard de le grattouiller fissa !

Maya clôt sobrement son petit délire Role-Play sur un qu'il en soit ainsi, et je hoche la tête vers l'avant comme pour m'incliner avec discrétion. Le chat prend ses aises sur la table, montrant ostensiblement que le lieu lui appartient.

« Oh no ! Il va nous détrousser de tous nos poissons ! »

Je laisse Maya dorloter le matou, alors qu'un autre chat ramène sa fraise, visiblement un peu jaloux. Celui-ci se frotte contre mon bras, que je lève pour mieux l'apercevoir. Il a de grands yeux d'un profond vert émeraude, ce qui lui donne un air captivant.

Même si je n'ai jamais dit que l'endroit me faisait plaisir, je comprends pour quoi elle trouve ce lieu un endroit de détente. Entre les chats qui se reposent sur les arbres à chats, les lieux surélevés d'où ils nous veillent, et le calme du café...  

D'ailleurs, le félin non identifié, pose une patte sur mon genou, avant de carrément se frotter contre mon buste. Avec délicatesse, je le caresse derrière les oreilles, et il a l'air de plutôt aimer ça – vibrant dans un ronronnement sous mon toucher.

« Dormir Ici ? Les gérants n'ont rien dit ? »

La question est : Est-ce qu'elle ronfle ?

Vilain matou ! Celui de Maya semble être très fier, par rapport au mien qui donne son ventre après juste quelques caresses. Pourtant, je ne tente pas ma chance, vu que les démons aiment bien attirer dans leur piège les pauvres âmes innocentes.

« C'est déjà beaucoup ! Mais c'est payé à l'heure après tout ici... »

Le chat me regarde en roulant sur le dos... Alors je tends ma main vers son bidon... Retenant mon souffle, prête à être mordue à chaque instant... Et c'est avec légèreté que mes doigts s’engouffrent dans les poils long du matou. Pas de morsure, pas de miaulements faussement scandalisés.

« Oui ! C'est un grand frère, il est étudiant en scientifique à KHS ! Et j'ai juste mon père et ma mère. Et toi ? »

Je lui montre une photo de Gideon et moi, sur mon téléphone, toute fière.

Franchement, à l'entendre parler, Maya a l'air d'être une enfant pourrie gâtée – contre son gré. L'argent que je reçois par mes parents est toujours donné par parcimonie, alors je ne peux qu'imaginer ce que c'est d'en avoir trop les mains.

« Au moins, tu peux t'acheter tout ce que tu veux ! »

Ils auraient très bien pu se croiser dans les dortoirs. Je devrais demander à Gideon s'il a vu une fille blonde avec les pointes arc-en-ciel, après tout, ça ne court pas les rues. Maya me fait remarquer qu'on a l'air d'être du même âge, et je réponds du tac au tac :

« On a que 10 mois de différ...rence » je réalise que je viens de donner une info assez confidentielle sous l'impulsion du moment « Mais ouais, il est grave cool ! »

C'est un peu peiné que j'entends dire mon amie qu'elle est seule. Même si ça a l'air d'être de son propre chef, l'indépendance a des bons tout comme des mauvais côtés. Je continue de grattouiller le bidon du chat, qui n'a pas l'air pressé de me quitter.

« T'as jamais rêvé d'avoir une petite sœur ou même un petit frère ? »

Après tout, avant d'apprendre l’existence de mon frère, j'aspirais à avoir des cadets. Et ce, malgré la présence de mes meilleures amies. Au final, j'ai gagné un aîné, et c'est tout bénéf. Elle me glisse alors qu'elle compte adopter si cela est possible :

« Ce serait une bonne chose! »

Y a tellement d'enfants sans parents.

Contradiction de Maya ; elle ne veut pas être dépendante de ses parents, alors qu'elle l'est déjà. À ce que je sache, elle ne travaille pas, ou du moins, elle n'a jamais abordé le sujet. Alors l'université, ses achats, tout ça vient des parents.

« Oui, on s'entend vraiment bien ! »

Je range mon téléphone alors qu'elle dit me croire. Étrangement, j'ai des doutes vu ce qu'elle m'a déjà sorti sur les garçons et doit dire ça juste pour me faire plaisir. C'est toujours ça de pris, si elle arrive à respecter mes proches masculins.

« Pourquoi ? »  

Ma question est volontairement ouverte. Je veux en savoir plus sur la famille de Maya, les parents avec lesquels elle a grandi. Sa nounou, ses chats, son jardinier, tout ! Enfin, c'est ce que crie ma curiosité quand je la laisse s'exprimer.

« Ça ne te plairait pas de travailler dans le domaine des enfants ? »

Au moins, avant d'adopter, elle pourrait savoir si ça vaut le coup.

Des parents nazes, jamais là à cause du travail, déménageant sans arrêt et sans une once d'affection. J'ai la sensation d'un déjà vu alors que je baisse les yeux sur mes mains. Mon père est pareil, heureusement que j'ai Momo, et encore... Elle fait aussi partie des travers en m'ayant arrachée de Nagoya.

« Je comprends... J'ai la même avec mes parents... Et ils m'interdiraient sûrement de te voir s'il savaient »

Je délaisse le bidon du chat, et  lui réponds en tapotant le dos de sa main gantée – celle à ma portée – avec la mienne. Guère friande des contacts, je le fais peut-être que quelques secondes, mais suffisamment pour lui montrer que notre relation compte pour moi.

Bien sûr, je n'irai pas voir mon père ou ma mère en leur disant « Hé! Je parle à une lesbienne et on est super proche! Allez, salut ! » On me changerait directement d'école, et je pourrai dire adieu au temps passé avec mon frère et mes amis.

« Et essayer d'être baby-sitter ? Tu peux choisir une famille avec un seul enfant ? Quel que soit l'âge d'ailleurs ! »

J'avoue que je ne l'imagine pas actuellement devenir professeur vu son caractère. Elle n'a pas le tact, les mots ou encore les croyances pour ça ; à moins de maltraiter tous les garçons qu'elle croise. Mais oui, je l'ai la solution à tous ses problèmes !

« Deviens professeur dans un pensionnat pour filles »

Je suis une génie.

Ça me peine de la voir triste. C'est déjà compliqué de militer pour faire ouvrir les yeux au parents, alors je n'imagine même pas ce que ça donne avec le reste du monde. La réalité est bien souvent décevante comme dirait quelqu'un.

Elle s'excuse, et je me désole. Elle aspire à une autre appellation que celle de monstre. Sorcière ? Pour être brûler vive sur la place du village ? Je me calme en caressant le chat qui me tient compagnie depuis bien une bonne dizaine de minutes désormais.  

« Tu... Vous n'êtes pas des monstres ni des sorcières »

Je plonge mon regard avec fermeté dans le sien alors que je lui saisis la main. La sienne réagit à mon contact, et serre légèrement mes doigts. Je ne me dérobe pas au toucher, mais serre le poing de colère. J'aimerai faire changer les choses.

Maya n'est pas totalement misandre, elle accepte les enfants et les adultes. Le vrai soucis, ce sont les jeunes de notre âge, et l'excitation de ces derniers. Mais de-là, à devenir misandre... J'ai déjà demandé les raisons, et plus le temps passe, plus je les trouve futile.

« Je vais faire tout mon possible pour que tu ne sois plus misandre, et à l'avenir, t'aider de mon mieux pour l'adoption »

Toujours entendre les mêmes insultes, les mêmes reproches par toujours plus de détracteurs... C'est sûr que ce doit être éreintant. C'est aussi pour ça que je me cache et me fond dans la masse : ne pas donner de quoi cracher.

« Ensemble ! »

Une promesse à demi-mot. Quand je la vois, je n'arrive pas à m'enlever de la tête qu'elle mérite d'être protéger et soutenu dans son périple. Si elle a besoin d'une couverture pour garder les enfants à domicile, j'ai deux solutions à son problème.

« Tu peux t'arranger avec les surveillants pour avoir une dérogation si tu travailles, il me semble. »

Et si ce n'est pas possible, je pourrai peut-être l'héberger le week-end chez Momo – vu qu'elle est rarement là. Je ne lui propose pas l'idée immédiatement, vu ce que j'ai dit tantôt sur mes parents. Même si, il n'y a que son look qui poserait problème – et encore - vu que ce n'est pas écrit sur son visage qu'elle est lesbienne.

Pas quoi ? Misandre ? Ça m'arrache un petit rire retenu par une main, devant mon visage. Elle ne voit pas ce qu'il y a de bien avec les garçons... Et c'est un peu porter des œillères que d'affirmer ça. On a tous nos bons, comme nos mauvais côtés. Filles et garçons compris.

« Je serai là pour toi... Ton soutien à toutes épreuves pour la réalisation de ton rêve ! »

Du soutien psychologique, on en a tous besoin dans les pires moments, comme les bons moments de notre vie. Je veux être là pour elle, même si on se connaît encore que très peu... Peut-être que je m'enflamme un peu trop avec cette histoire de chevalier, et de princesse. Sûrement.

« Toi qui fait partie de la communauté LGBT devrait savoir que les mecs sont tous uniques à leur façon. Mais si tu veux, je m'y essaye : Ils ont plus d'humour que les filles, sont moins superficielles, moins matérialiste, moins hystérique, moins intéressé par le statut social. Mais comme je dis, ça s'applique à certains et pas à d'autres. Des filles sont comme ça, alors que d'autres garçons ne le sont pas »

Je fais la moue, m'attendant au pire.

Maya a l'air partante de suivre mon conseil ; plus besoin de dépendre de ses parents, elle pourrait se faire son propre argent. Peut-être qu'elle va y prendre goût ? Si elle s'occupe du même enfant plusieurs fois, peut-être qu'elle deviendra même gaga !

« C'est normal entre amies » je lui souris alors qu'elle rougit.  

On enchaîne en parlant des garçons, et ce qu'elle dit sur ceux LGBT me fait tiquer « Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas attirés par toi, qu'ils ne sont pas par le sexe » j'ai beau faire la moue, Maya devrait arrêter la mauvaise foi.

« C'est un chat que tu décris, là, pas un garçon »

Comme si les hommes se résumaient à « faim » et « dormir ». C'est même elle-même qui disait que les hommes sont libidineux alors... Ah. Peut-être que la faim prenait en compte aussi celle physique, et pas juste l'estomac. Toujours est-il que les garçon sont beaucoup de choses, et qu'on ne peut pas les résumer à ça.

« Comment ça, c'était comment ? »

Je rougis, à peine un peu trop.

Au moins, Maya l'admet. Elle aurait pu se murer dans un mensonge, en disant hauts et forts, qu'ils étaient purs, chastes et innocents. On en est au même point ; quand elle les fréquente, ils ne lui parlent pas de ça, et c'est le plus important.

Chats ? Mignons ? Dur à dire. Je baisse les yeux sur celui qui me donnait son ventre : il est désormais roulé en boule, prêt à dodoter. C'est vrai que c'est mignon ces bêtes-là. À cause d'internet, j'avais quelques réticences, mais me voilà comblée. Peut-être qu'une adoption serait possible.

« Mon ex... C'était bien, on se comprenait sans rien dire, et on délirait en s'envoyant des memes. On restait des heures à faire des marathons de séries et on s'échangeait nos vêtements sur un coup de tête. On restait des nuits au téléphone en parlant de tout et de rien... Je pourrais continuer longtemps comme ça, mais bref. On a du rompre après que j'ai du déménager »

J'avoue que parfois, il me manque.