Le vendredi 28 juillet 2017

Les examens sont finis. Les lycéens et étudiants ont même leur résultat aujourd’hui. Pour Shizuka, l’heure des vacances approche. Même si les examens de repassage la forceront à rester sur le campus, l’ambiance sera tout de même plus détendue. L’été rime avec glace, détente et bronzage. Cela rime également avec rendez-vous arrangés de la part de ses parents, mais ça… Elle n’a pas envie d’y penser tout de suite.

Shizuka a un papier à rendre à l’administration. Rien de bien méchant, mais un document obligatoire pour son embauche qu’elle a laissé sur son bureau un temps infini. Elle se motive donc. Mais arrivée près du secréterait, voilà qu’une voix la tire de sa rêverie.

- Hm ?

Shizuka se fait bousculer. Rien de bien méchant, et rien d’assez lourd pour l’ébranler. Elle fait changer de place la sucette qu’elle a dans sa bouche et pose son regard sur la petite cachée sous les cartons. Tanaka. C’est ça, Tanaka. Elle la reconnait tout de suite, car elle fait partie des sportives dans sa classe.

- C’est pas trop haut pour vous, Tanaka-san ?

Sans attendre la réponse, elle fourre son papier dans sa poche et prend le carton du haut.

- Besoin d’aide ?

Le vendredi 28 juillet 2017

Polie mais naturelle. C’est de cette façon que Shizuka qualifie la demoiselle. Elle n’aime pas les élèves polis à l’excès devant elle, prenant un tout autre vocabulaire que lorsqu’ils sont ensemble. Bien sûr, il faut un minimum de politesse. Cependant, pas besoin de trop en faire.

Tanaka la renvoi à la raison de sa venue ici. Le papier. Sa poche. Elle y est presque cette fois-ci, rendre enfin cet ultime document. Pourtant, elle hausse les épaules.

- Rien d’urgent, ne vous inquiétez pas. Je ne voudrais vous voir blesser un petit camarade.

Et pour terminer de rassurer son élève, elle ajoute :

- J’ai tout le temps de revenir plus tard.

Le carton n’est pas bien lourd pour Shizuka. Elle soulève bien plus de poids à la salle. Beaucoup plus.

- On dépose ça dans votre chambre, Tanaka-san ?

Elle n'a pas encore vu les chambres des lycéens, et au fond, elle en est curieuse.

Le vendredi 28 juillet 2017

La petite accepte, sans se confondre en excuse ou formule de politesse et Shizuka apprécie cela. Elle a beau avoir souvent la flemme, une fois qu’elle a décidé quelque chose, rien ne peut la faire changer d’avis – ou presque. Têtue ? Oui. La professeure adresse un sourire à son élève, avant de se mettre en marche.

- Hm, non pas encore. Je n’ai pas vu les dortoirs, ni l’université. Il y a beaucoup de choses à faire, quand on arrive.

Elle aurait bien haussé les épaules, mais avec le carton dans les mains, Shizuka préfère éviter.

- Vous vous plaisez ici ?

Tanaka… Elle repense à cet autre Tanaka, qu’elle a rencontré sur le campus il y a quelques jours. C’est un nom répandu au Japon, après tout. Elle n’a pas encore retenu les dossiers scolaires de tous ses étudiants. Elle a d’ailleurs, seulement eu le temps de les parcourir.

Même si la relation de confiance n’est pas encore instaurée, elle espère mettre la petite Tanaka assez à l’aise pour qu’elle puisse parler librement.

Le vendredi 28 juillet 2017

Shizuka hoche la tête avec un sourire. Elle va enfin découvrir où et comment dorment les petits. Le passage sur le grand frère intrigue la professeure. Est-ce vraiment une coïncidence si elle a rencontré un autre Tanaka sur le campus ? Elle a toujours trouvé les coïncidences amusantes. En tout cas, son élève a l’air sociable et bien entouré. C’est important.

- Le campus me plait aussi. Votre frère… Il ne s’appellerait pas Gideon Tanaka par hasard ? J’ai rencontré quelqu’un avec ce nom il n’y a pas longtemps. Un étudiant de l’université.

Il m’a même sans doute sauvé d’une insolation, pensa-t-elle avec un sourire. Shizuka pousse la porte avec son coude, et la tient avec son dos pour que la petite Tanaka puisse passer en toute sécurité.

Le vendredi 28 juillet 2017

Shizuka est bien contente d’avoir raison, même s’il n’y a aucune raison d’être contente à ce sujet-là. Simplement, la loi des coïncidences à encore frappé. Elle adresse un sourire à la petite Tanaka, et lui répond alors qu’elle passe la porte ouverte par ses soins :

- Ton grand frère m’a sauvé d’une insolation probable. Je me suis endormie dans le parc, alors que je lisais un livre tranquillement.

Ça lui importe peu de passer pour une prof qui roupille. Tout le monde a le droit de profiter sur sa pause déjeuner, ou sur son temps libre. Celui qui la jugerait pour ça mériterait qu’on lui jette la première pierre.

- C’est pas trop embettant d’avoir son grand-frère sur le campus ?, demande-t-elle en digne fille unique.

Elle ne peut imaginer les relations au sein d’une fratrie, malgré le fait qu’elle en ait vu beaucoup autour d’elle, dans les romans ou à la tv. Est-ce que la jeune fille se sent intimidée ? Surveillée ? Craint-elle qu’il ne raconte tout à leurs parents ? Heureusement, Gideon lui a laissé une très bonne impression. Shizuka se redresse, lâchant la porte pour se remettre en route.

Le vendredi 28 juillet 2017

Shizuka remarque enfin que Nissa bute sur certains mots. Elle manque de confiance en elle ?, se demande la professeure. Elle se note mentalement d’en savoir plus à ce sujet plus tard. Il y a peut être quelque chose à creuser ?

Elle hoche la tête à ses propos. Il a l’air d’un homme fiable et attentionné. Shizuka pense que la petite Tanaka a de la chance de l’avoir pour grand frère.

- C’est génial ! Je n’ai pas de frère et sœur moi, donc je t’envie un peu.

Elle la regarde et lui adresse un clin d’œil. Elle la trouve mignonne en souriant de cette façon.

- Vous faites beaucoup de choses ensemble ?

Ce n'est pas vraiment de la curiosité mal placée, juste sur le ton de la conversation.

Le vendredi 28 juillet 2017

Shizuka réfléchit aux propos de son élève. En tant que fille unique, on ne l’a jamais mise en compétition. Elle a toujours eu amour et cadeaux en exclusivité. A l’inverse, le poids de ses parents pèse uniquement sur ses épaules. Ils désespèrent de voir leur restaurant ne pas être repris par leur descendant. Ils désespèrent de ne pas voir leur unique fille mariée. Ils désespèrent de ne jamais avoir de petits enfants. J’imagine qu’il y a des avantages et des inconvénients pour chaque cas.

Shizuka n’a que 28 ans, mais elle sent bien le poids de tous ces espoirs. Heureusement pour elle, elle s’en moque. Même si elle aimerait voir ses parents heureux, elle préfère suivre sa propre voie.

Elle hoche simplement la tête, toujours avec un sourire pour répondre à Nissa au sujet des enfants-roi.

Elle les imagine bien : ce grand garçon a l’air sérieux mais gentil, et cette jeune fille adorable en train de jouer ensemble à la plage.

- Oh ! C’est super ça ! Vous avez des amis communs ? C’est tout de même cool, de pouvoir partager des moments comme ceux là avec des gens qui ne sont pas des lycéens. Oh, je veux dire : d'avoir le choix de fréquenter plein de personnes différentes !

Le vendredi 28 juillet 2017

Shizuka visualise Mitsuki Iroka assez facilement. Elle est sportive, énergique. Elle sait se démarquer.  Sumire… Ca ne lui parle pas du tout. Elle ne connait pas encore tout le monde après tout, surtout ceux qui sont à l’université.

Le prénom Maya lui est aussi inconnu. La question suivante semble couler de source. Shizuka adresse un sourire à la jeune fille et réponds :

- J’ai déjà bien à faire avec les lycéens ! Je préfère enseigner à cette tranche d’âge, et enseigner tout type de sport. Je n’ai pas un sport de prédilection.

Elle n’a aucun mal à donner des informations sur elle-même. Rien n’est secret à ses yeux, sauf ses relations personnelles.

- Tu sais déjà ce que tu veux faire, à l’université ?

Après tout, son élève est déjà en troisième année.

Le vendredi 28 juillet 2017

Même si Shizuka fait du karaté en club à l’extérieur, ce n’est pas le seul sport qu’elle aime et elle ne peut vraiment pas les départager. C’est compliqué. Nissa semble ne pas être fixée sur son futur, et elle voit le contraste avec le grand-frère de son élève. Elle lui adresse un grand sourire.

- Ne t’en fais pas, tu as encore le temps. Je ne suis peut être pas un bon exemple, mais moi je n’ai découvert ma voie qu’à la fac !

Elle décide d’en dire plus sur son parcours, pour bien lui expliquer son cheminement :

- Je suis allée en fac de sport, car c’est ce qui me passionnait. Mais je ne me voyais pas devenir sportive professionnelle non plus… Et durant mes études, j’ai eu l’occasion de faire un stage avec un prof’, et ça m’a plu direct !

Repenser à sa jeunesse lui donne un petit coup de vieux. Elle ajoute :

- De nouvelles opportunités peuvent apparaitre n’importe quand, alors ne t’angoisse pas trop, d’accord ?

La première barrière étant cassée, Shizuka parle de façon beaucoup plus familière avec son élève, sans vraiment s’en rendre compte.