C'est cadeau [Tessa]

C'est soir, c'est tranquille. Après avoir passé une nouvelle journée entière à réviser j'ai bien besoin d'une pause. Une soirée sans cours, sans musique, juste de quoi décompresser total. Je suis posé devant mon pc sur une table un peu à l'écart des quelques pseudos élèves studieux qui essaient de travailler dans une ambiance relativement bruyante. J'aurais préféré le calme de la chambre, mais Stefan voulait encore réviser un moment et je sais que mon occupation du moment ne me rend pas des plus calmes et silencieux.

Casque sur la tête avec micro intégré, il doit être 21h30, soit quasi quatre heures que je suis en ligne avec mes frangins à jouer sur The Elder Scrolls Online (en ayant évidemment encore zappé le dîner). Avec la nouvelle extension Morrowind qui vient de sortir, on s'est peut-être un peu trop replongés dedans. Les jeux vidéos, sûrement le sujet qui nous a toujours facilement liés. On en a passé des heures ensemble devant des écrans à tabasser des monstres fictifs. Ou à se taper dessus, au choix. Là, on est repassés en mode coop pour tenter de finir ce p*tain de donjon infinissable et au boss imbattable !

Totalement plongé dans ce qui se passe sur mon écran, mes doigts martyrisent les boutons de la souris et les touches de mon clavier, la pression monte petit à petit alors que les derniers pv de notre adversaire se rapprochent du 0. Mais il peut regen, et nous, on n'est pas bien du tout. Des stratégies échangées à voix haute avec mes frères (en gardant un volume sonore relativement bas j'ai pas franchement envie qu'on vienne me déranger à ce moment crucial), ça devient de plus en plus serré. Mais on ne peut pas perdre maintenant ! Comme toujours dans ces cas là, je sens l'adrénaline monter, mon cœur qui s'emballe, l’excitation difficilement maitrisable. Les dernières secondes capitales. Pas le droit à l'erreur.

Et finalement, la délivrance. Le monstre s'écroule à nos pieds, libérant en même temps toute la tension qui s'était accumulée en moi d'un seul coup.

- "Yees lààà !!!"

J'entends mes frères sauter de joie de l'autre côté du casque aussi, et c'est dans un élan de soulagement certain que je me redresse de ma chaise un peu brusquement, le poing serré en signe évident de victoire. Si jusque là je faisais un minimum gaffe à ne pas trop déranger les quelques étudiants qui trainent encore dans le coin, je suis cette fois incapable de contenir cet élan d’allégresse qui s'est désormais emparé de moi.

- "Alors on fait moins l'malin là !! Boom, prend ça dans ta gu*ule !"

Je suis encore un peu trop à fond pour remarquer que j'ai sûrement parlé cette fois beaucoup trop fort, faisant profiter de ma victoire toute la salle. Et attirant immanquablement les quelques regards alentours. Si certains sont juste amusés, les plus proches se font clairement plus réprobateurs par le tumulte soudain imposé, sans parler de la malheureuse table qui a subit une secousse sûrement un peu trop violente, renversant certaines des affaires posées dessus. Mais eh, là j'suis juste trop heureux, alors rien à foutre !

Même si je reprends peu à peu conscience de la réalité qui m'entoure (c'est un peu compliqué après avoir passé autant de temps totalement immergé dans un écran), il va désormais me falloir bien plus que la présence de personnes totalement inutiles pour me mettre sur les nerfs. Ni même une voix que je reconnais assez facilement, me faisant tourner la tête dans sa direction.

Je dois probablement avoir le cerveau un peu trop cramé. Entre la journée passée à réviser et cette session trop prenante, il faut croire que je ne suis plus en état de m'offusquer facilement. Non, à vrai dire, ce serait même plutôt l'inverse. Je redescends mon casque autour du cou tout en appuyant sur le bouton pour couper le son du micro au passage avant de répondre à Tessa, sans la moindre trace de mauvaise humeur.

- "Nan, si j'étais malade j't'assure que tu préfèrerais largement m'éviter ! Mais ouais tu vois, même la perspective de tenir une discussion avec toi n'enlève en rien la joie que j'éprouve en ce moment !

Et ça franchement, c'est quand même fort ! D'ailleurs, ça me fait penser que l'une des raisons principales de ce sentiment se trouve encore en ligne et que maintenant... Je préfèrerai en fait qu'ils ne soient pas liés à tout ça. Ouais, déjà qu'il y a de grandes chances qu'ils aient entendu presque aussi bien que moi Tessa et qu'ils en viennent à se faire tout un tas d'idées absurdes, je crois qu'il est largement temps de couper court. Je réactive le son du micro tout en me tournant vers mon pc, m'adressant cette fois à mes frères (même s'ils ne sont pas physiquement là ouais, la magie de la technologie !).

- "Bon allez les gosses je déco, c'est l'heure d'aller vous coucher vous !"

Genre, ça fait bien longtemps qu'ils ont arrêté de se coucher avant minuit. Et ce n'est même pas comme si j'avais la moindre légitimité pour y redire quoi que ce soit. Mais bon, c'est toujours une bonne excuse et puis je peux faire style d'avoir un minimum d'autorité. De toute façon je coupe en suivant le mode multijoueur (histoire de ne pas entendre ce qu'ils ont nécessairement à redire à une telle injonction) et repose mon casque sur la table au passage.

- "Faut dire que ça, c'est quand même autre chose !"

Référence très claire aux conditions que nous ont amenés à nous "connaitre". C'est bon, j'ai passé un début de soirée au top là, rien ne peut m'atteindre !

Tenue Shintaro:

On ne peut pas dire que Tessa fasse partie des gens que j'apprécie le plus. Déjà qu'en moyenne, j'aime pas grand monde, mais avec elle j'ai l'impression que c'est encore plus compliqué. Mais en fait, ce n'est sûrement pas une raison pour me pousser à la fuir ou à l'ignorer. Non, d'ailleurs elle doit aussi avoir besoin de décompresser pour venir taper la discut comme ça. Ou alors elle s'attendait à autre chose ? Genre, l'espoir perdu ? Dommage.

- "Tss, toi et ton air d'intello t'essaie de me faire croire que t'y connais quelque chose en jeux videos ? J'suis sûr que même si je te filais le nom ça ne te dirais rien du tout."

Mon ton se fait évidemment moqueur, mais je garde malgré le tout le sourire en disant ça. Non, je l'ai dit, je ne risque pas d'être sur les nerfs de si tôt. Ce serait même l'inverse, ce qui a tendance à me donner ce petit air un peu trop arrogant et sûr de moi. Je baisse légèrement les yeux très nettement en direction du bouquin qu'elle tient en main pour appuyer mon propos.

- "Mais puisque ma vie t'intéresse tellement, je jouais avec mes frères, et non pas contre. Mon ego n'a rien à voir là dedans, j'suis juste content d'avoir gagné, phénomène naturel que n'importe quel joueur un minimum doué connait. Tu vas pas m'faire croire que rien n'arrive à te rendre heureuse ?"

Eh, c'est facile de se moquer ! Mais je suis sûr qu'aussi parfaite qu'elle puisse paraitre, elle aussi doit perdre le contrôle de ses émotions de temps en temps ! Comme n'importe quel être humain.

J'ai comme de gros doutes quand elle me parle de sa culture jeux vidéos. Non mais parce que pour moi, les Sims ne rentrent pas dans cette catégorie. Mais bon, si ça peut lui faire plaisir de se penser incollable, tant mieux pour elle. T'as vu, je suis même de trop bonne humeur pour être ouvertement désobligeant. Mais on dirait qu'il va quand même en falloir plus pour que les choses paraissent aller simplement avec Tessa.

- "Bah, j'y peux rien si t'es trop coincée pour montrer tes émotions. Mais tu devrais essayer, c'est vachement plus agréable que d'essayer de tout camoufler."

Je donne même des conseils, si c'est pas une preuve de bonne volonté ça ! Bon, j'en profite un peu pour me moquer au passage parce qu'il ne faut pas exagérer (et qu'elle a commencé à se lancer sur ce terrain, faut pas s'attendre à ce que j'en prenne un autre). Je me rassois en suivant pour quitter le jeu et refermer mon pc (je crois que je me suis bien assez bousillé les yeux pour aujourd'hui). Je ne relève même pas cette pseudo attaque sur mes grognements.

- "Donc si je comprends bien, je suis capable de te surprendre ! C'est bizarre, on pourrait croire que ça ressemble à un compliment mais la façon dont tu le dis ferait plutôt penser à l'inverse."

Non, je ne m'attends clairement pas au moindre signe positif venant de cette fille. C'est juste particulièrement plaisant de lui faire remarquer, c'est tout.

Cette meuf est totalement incompréhensible. Comme 90% de la population, certes, mais qu'est-ce que j'y peux si les gens ont la sale manie de dire des trucs en agissant comme s'ils pensaient en fait l'inverse ? Mais bon, je veux bien essayer, juste pour voir ce que ça donne.

- "Ok. Alors je vais prendre ça comme un compliment."

Ce qui au final ne change pas grand chose. Je crois. Ou peut-être que ça m'évite au moins de repartir dans mes sauts de mauvaise humeur. Non, j'arrive assez étonnamment à garder cette espèce de bulle de légèreté qui m'empêche de m'énerver à la première occasion.

- "Et du coup ? Tu joues à quoi comme jeux ?"

Alors là, qu'on ne me dise pas que je ne suis pas capable de faire des efforts ! Non mais parce que je me surprends limite moi-même à poser une telle question. Et sans raillerie en plus. Genre, aucune arrière pensée du style "je suis sûr que tu vas me sortir des licences pour gamins et je pourrais me foutre de toi". Non. Vraiment. Simple question banale que n'importe qui pourrait poser !

Je ne peux pas dire être un grand fan des licences Nintendo de façon générale, même si je reconnais que niveau musiques, ils arrivent à faire des trucs sympas quand même. Mais en soit, je n'ai rien de particulier contre les jeux cités non plus. C'est juste que je suis plus branché pc. Même s'il m'arrive de faire des exceptions.

- "On ? Tu joues avec d'autres gens ?"

Bien sûr que j'écoute quand on me parle. Et là, forcément que je ne m'attendais à ce que d'autres personnes soient indirectement reliées à cette conversation. C'est pas forcément des jeux qui se jouent à plusieurs en fait. Enfin, peut-être les Mario, selon les jeux ok, il y en a eu tellement.

- "Genre, c'est plus en soirée c'est ça ?"

Qui a dit que je ne savais pas comment on fait pour mener une discussion banale et ennuyeuse ? Ouais, peut-être que le sujet principal me parle suffisamment pour que j'arrive à ne pas me barrer d'inintérêt dans l'immédiat.

Des grands frères ? Ah ouais, donc en fait c'est la petite dernière, tu m'étonnes qu'elle puisse se permettre d'avoir ce foutu caractère. A croire que les plus jeunes s'autorisent toujours à se fourrer dans n'importe quelle situation, puisqu'il y aura de toute façon toujours un plus grand pour les aider en cas de pépin. Ouais, peut-être que ça m'en rappelle un qui m'agace sévère en ce moment. Enfin toujours est-il que je n'ai pas encore réussi à comprendre pourquoi est-ce qu'elle m'avait adressé la parole. Et pourquoi est-ce qu'elle continue à faire comme si tout était parfaitement normal.

- "Mouais, c'est parfois un peu compliqué de trouver le temps aussi, surtout maintenant que j'suis ici. Pour ça, les jeux online comme the elder scroll sont pratiques. Pas besoin d'être physiquement ensemble pour défoncer du boss. Faut juste une bonne connexion..."

Et ça, c'est pas toujours gagné non plus. Même si globalement à l'école, je n'ai pas trop à me plaindre. Non, maintenant c'est plus pour mes frères que c'est assez aléatoire.

- "Dis... T'étais à cran à Tokyo ?"

Oui bon, bah j'y peux rien, ça me trotte dans la tête, faut bien que je pose la question sinon ça va continuer à m'embêter. Faut que je trouve une explication. Et puis après tout, c'est possible.

Quoi ? Pourquoi est-ce qu'elle prend cet air étonné ? Et puis c'est quoi cette manie de répondre à une question par une autre question ? Et après ça parle de politesses... Surtout quand la raison est absolument évidente.

- "Bah, c'est que t'as quand même l'air vachement moins relou là que quand on s'est croisés à Tokyo, alors qu'avec les exams qui approchent, ce serait plutôt justifiable que ce soit l'inverse. Forcément, je me pose la question., si y avait pas un truc à ce moment-là."

Il n'y a rien de railleur dans cette réponse. C'est vrai que là tout de suite, elle me parait moins encline à me balancer tous les défauts imaginables sur le dos. On dirait même qu'elle essaie de s'intéresser pour de vrai à ce que je peux lui raconter, alors ouais, forcément que ça fait une sacré différence. Du coup, ça m'intrigue.

Pourtant, en exprimant à voix haute l'évidence même qu'il y a dans ma tête, je me rends bien compte que ce n'est peut-être pas la meilleure formulation qui soit. Mais en même temps, ce n'est pas comme si j'avais l'habitude de réfléchir très longtemps à la façon la plus adaptée d'exprimer mon avis. Alors il faudra s'en contenter.

Ah, apparemment elle n'a toujours pas changé d'avis. Non mais parce que des fois on est énervé sur le coup, on prend mal une remarque, puis on y réfléchit plus tard une fois revenu au calme, et on se rend compte qu'on s'est peut-être un peu emballé pour pas grand chose. Parce que vraiment, si elle continue à croire que j'ai pu l'insulter ce jour-là... C'est qu'on n'a clairement pas la même définition. Je ne vois pas en quoi j'aurais pu dépasser je ne sais quelles limites. Mais ce n'est sûrement pas un sujet sur lequel j'ai envie de débattre maintenant.

- "Hum..."

Un hum qui marque assez clairement ma perplexité face à cette affirmation. Non, moi je ne la trouve pas du tout pareil. Ou alors il faut que je continue un peu sur cette voie ? Mais ce n'est pas parce que j'ai tendance à vite trouver les sujets fâcheux qu'énerver mes interlocuteurs est pour autant un objectif de vie.

- "Pourtant, tu prenais direct mal tout ce que je pouvais dire. Alors que là... J'ai toujours un peu de mal à être sûr que t'es pas juste en train de te foutre de ma gu*ule mais t'as l'air moins à cran. Pourtant avec les exams qui approchent, ce serait plutôt une bonne raison pour ne pas être super cool. Y a rien de bizarre dans mon raisonnement, c'est juste comme, un truc que j'ressens, c'est comme ça j'y peux rien. Mais bon si tu veux croire que tu renvoies toujours la même impression c'est pas mon problème."

Une fois de plus il n'y a rien d'agressif dans cette remarque qui vient seulement souligner ce que je pense de notre opinion différente.

J'ai un peu trop envie de lui répondre que c'est d'accord, je veux bien l'excuser. Mais j'ai eu le temps de comprendre que cette façon de s'exprimer ne reflète en rien une réelle demande d'excuses et qu'en l'occurrence, elle risquerait juste de me barber avec de nouvelles explications sur ce qu'elle a réellement voulu dire. Ouais bah elle l'a mal pris et alors, ce n'est pas pour autant que je vais prétendre que je ne le pensais pas.

- "Et ça peut réellement t'impacter c'que j'pense ? Si t'es pas d'accord avec mon avis t'as le droit, mais y a pas de quoi mal le prendre."

Eh, j'ai pas dit que c'était la vérité absolue ! Elle se connait mieux que moi quand même !

- "Enfin, si j't'ai blessée, c'était pas voulu, mais faut pas s'arrêter sur c'qu'un inconnu peut te dire aussi."

Je ne risque pas pour autant de m'excuser ou de retirer quoi que ce soit. Mais même si j'étais passablement agacé sur le moment, je n'avais aucune raison de vouloir lui causer du tort intentionnellement. D'ailleurs, si mon ton n'a rien de particulièrement sympathique, il n'est pas pour autant agressif. Pff y a pas à dire, c'est vraiment compliqué les relations sociales. Pour ça que j'étais bien content d'avoir quitté le système scolaire. Elles vont être longues ces quatre années.

Et forcément, dans la continuité des ces problèmes d'ordre sociaux, je suis totalement incapable de croire sur parole qui que ce soit. Certains diront que je suis paranoïaque, mais c'est comme ça, j'ai toujours tendance à envisager le pire avant d'admettre que j'ai peut-être été trop loin. Mais au moins, je ne prends pas le risque d'être déçu.

- "Bah, on s'connait pas et, j'avais pas besoin de tes explications pour savoir que tu m'kiffes pas alors, j'vois pas en quoi ce serait improbable. C'est souvent c'que font les gens quand ils ne s'apprécient pas non ?"

Concept que j'ai toujours eu du mal à comprendre (un de plus) mais j'ai abandonné tout espoir de comprendre le fonctionnement humain depuis longtemps.

Ah bah ça y est, elle recommence avec cette attitude fatigante. Je ne crois pourtant pas avoir dit quoi que ce soit qui mérite un tel revirement. En tout cas ce qui est sûr, c'est que je suis totalement perdu. Je dois comprendre qu'en fait elle ne me déteste pas tant que ça ? Pourtant vue la tournure de nos derniers échanges, la plupart des gens auraient eu tendance à développer ce genre de sentiment à mon égard. Et vue la suite de ses paroles j'ai du mal à comprendre. Nan mais c'est pas clair du tout !

Et visiblement, il n'y a pas que ça qui n'est pas clair.

- "Eh, j'ai pas dit que j't'en voulais pour ça non plus. Sur le coup ça m'a agacé mais normal parce qu'on n'était pas d'accord, c'était genre, une réaction à chaud tu vois. Mais si tu m'en reparles maintenant bah, ok, c'pas grave je sais bien maintenant que c'est c'que tu penses de ma couleur et ça ne me pose pas de problème. C'est pas non plus comme si je cherchais à te plaire ou j'sais pas. J'ai bien capté qu'on n'a pas franchement les mêmes goûts, c'est comme ça."

Et pas non plus le même mode de fonctionnement. Mais faut croire que ma journée passée à réviser puis les dernières heures passées à me terminer derrière un écran m'ont ôté tout esprit vindicatif, puisque c'est cette fois avec un simple soupire de dépit que je lève les yeux au ciel tout en passant une main négligemment dans mes cheveux.

- "C'est pas des conseils et encore moins une directive déguisée, tu fais bien comme tu veux t'inquiète pas pour ça. Je dis juste ce que je pense d'une situation. C'est pas comme ça qu'est censée se dérouler une conversation ?"

Eh, qu'est-ce que j'y peux si ce que je dis ne lui plait pas ? Je ne vais pas changer ma façon de voir les choses pour son plaisir. Et taire ce que je pense ou pire, dire l'inverse, ce n'est clairement pas dans mes habitudes.

Bah voilà, c'est reparti pour la leçon. Et une fois de plus, je ne vois clairement pas les choses de la même façon que celle qu'elle énonce. Qu'est-ce que j'y peux si je ne maîtrise pas le tact ? Je ne vais pas rester dans mon coin à la fermer pour autant. Tant pis si les plus sensibles ne sont pas contents. En général ils comprennent assez vite qu'il vaut mieux éviter de me parler et tout se passe très bien. Non, j'ai l'impression que les vrais relous sont toujours les mêmes.

- "Je préfère choisir les gens avec qui je vais parler que de faire plaisir à tout le monde avec de faux sourires. Tu peux bien penser c'que tu veux de moi ça ne m'empêchera pas de dormir."

Bien sûr que je suis capable de faire un effort quand j'en ai envie. Mais la différence est bien là. Quand j'en ai envie, je n'ai par conséquent pas l'impression que ça me demande de me forcer. Alors que là, je n'ai clairement pas envie de faire le moindre effort et par conséquent... Je n'en fais pas. Alors peut-être que ça se voit un peu trop, mais ce n'est pas mon problème.

- "Tu sais quoi, tu devrais essayer de temps en temps d'arrêter de penser à la façon dont les autres pourraient réagir, je suis sûr que ça te détendrait."

Est-ce que c'est de la provocation. Pas totalement. Mais peut-être un petit peu quand même ok.

Oh, est-ce qu'on aurait encore franchi un cap ? C'est la première fois qu'elle s'essaie à des qualificatifs explicitement dégradants. Pas de quoi me vexer non plus, j'ai connu bien pire. J'ai appris à ne plus me laisser atteindre par ces pseudos attaques. Mais je crois qu'une fois encore, j'ai bien du mal à voir ce qui a déclenché cette escalade. Bah, une fois qu'on est engagé dans une voie où le demi tour n'est pas possible, autant y aller à fond hein.

Mais je n'ai pas le temps de faire la moindre remarque sur l'impression fort peu détendue qu'elle renvoi actuellement quand elle enchaine sur une partie bien moins plaisante. C'est quoi cette comparaison ? Ouais, ok, c'est peut-être un terrain sensible, et forcément, c'est quelque chose que je sais assez mal cacher alors mon visage se crispe légèrement.

- "Comme si t'avais la moindre idée de la façon dont je leur parle. Et t'aurais sûrement pas envie que j'te parle comme ça m'arrive de le faire avec eux. Mais tu vois, la différence avec eux, c'est qu'ils savent très bien comment je suis et ils s'en foutent. Et c'est réciproque. Alors ouais, y a sûrement des gens avec qui je suis plus sympa que d'autres, mais j'ai juste pas envie de l'être avec tout le monde, c'est tout. Et faut croire que t'en fais pas partie. On peut pas tous être détendus quand on parle aux autres."

Mon ton plus sec est assez raccord avec le reste de mon corps qui s'est quelque peu contracté sous l'inconfort de la discussion. Ouais, j'ai toujours détesté qu'ils soient mêlés à la moindre discussion, encore plus quand c'est de cette façon.

Qu'est-ce qu'elle veut dire par avoir une idée de la façon dont je leur parle ? Elle peut pas être un peu plus explicite ? Ouais c'est bon, j'étais de bonne humeur, mais c'est parti. Comme si j'en avais quoi que ce soit à faire de l'empathie. J'ai d'autres choses plus importantes où dépenser mon énergie que de m'assurer que tous ceux à qui j'adresse la parole soient contents de me parler. C'est pas pour me faire des amis que j'ai repris les cours.

- "Pff c'est toi qui comprends rien. J'étais tout à fait détendu avant que tu ne recommences à critiquer ma façon de me comporter."

Nan mais c'est vrai ! Et encore une fois, j'aurais pu croire que ça ne partait pas si mal comme conversation. Mais là aussi, je ne sais absolument pas ce qui s'est passé, mais il y a de nouveau eu un truc qui a tout fait partir en live. C'est ultra relou les conventions sociales. Ou alors il faudrait qu'on se mette un temps maximal de discussion, peut-être que ça marcherait.

-  "Mais c'est clair que vu comment t'es butée dans tes standards, ça ne me donne pas du tout envie d'essayer d'être sympas ou de comprendre je ne sais quoi."

Ouais bah elle peut bien partir si elle veut, c'est clair que je ne vais pas la retenir. Parce que je ne vois pas en quoi mon comportement est pire que le sien ! Et maintenant que je commence à être agacé, ça m'étonnerait que la situation se renverse.

Je suis buté, ok, je sais bien que j'ai tendance à rester bien accroché à mes idées. Du moins, le temps que je me prenne la tête avec mon interlocuteur. Ensuite, je peux réfléchir une fois seul. En revanche, je ne crois pas franchement être le seul. Y a qu'à voir comment a tourné la discussion. C'est bien parce que aucun de nous deux n'arrive à accepter la façon de penser de l'autre que ça se passe aussi mal.

- "Bah ouais, et maintenant j'ai encore moins envie."

Déjà que je ne suis pas du genre à faire le moindre effort social quand aucun contexte ne m'y oblige, c'est clair qu'avec Tessa, je ne risque pas d'essayer. Je la laisse partir, soupirant en me rasseyant, fusillant du regard quiconque a le malheur de tourner les yeux dans ma direction. Ouais bah c'est une salle "commune" alors si ça ne leur plait pas, ils n'ont qu'à aller voir ailleurs. Qui dit commun dit forcément possibilité de prise de tête.

Rah, j'étais trop bien et là, c'est genre la frustration, ça me gonfle ! Dire que je pensais pouvoir me coucher tranquille. Raté. Et de prendre conscience de toutes ces personnes encore présentes (en vrai il n'y en a pas tant mais c'est toujours beaucoup trop pour moi) ne m'aide pas à apaiser la tension qui s'est emparée de mes nerfs. J'attrape mon pc et décide d'aller décompresser dans ma chambre. Casque sur les oreilles et musique suffisamment forte pour me faire oublier tout ce qu'il y a autour, peut-être que je réussirai à retrouver une certaine stabilité émotionnelle. Ça m'apprendra à essayer de discuter.

#Terminé