I hope I don't run out of time, could someone call a referee?

Le mardi 9 Mai 2017

Pendant le cours d’histoire, je ne m’attendais pas vraiment à recevoir un message de Neil, me demandant de l’attendre derrière le bâtiment. L’idée de lui demander pourquoi m’a effleuré l’esprit mais étant au premier rang, je ne pouvais pas vraiment permettre d’envoyer plusieurs messages, même si c’était très tentant. Je lui ai donc simplement répondu un “D’accord”.

D’habitude le mardi après la fin de la journée de cours, je me dépêche d’aller au gymnase pour le club de Kendo parce qu’il faut que je me change, enfile tout l’équipement de protection pour l'entraînement… ça prend du temps tout ça. J’aurais pu refuser aussi mais je suis trop curieuse et intriguée pour dire non.

Il va s’en dire que pour le reste du cours, je n’ai pas vraiment réussi à me concentrer, me demandant ce qu’il pouvait bien vouloir. J’espère qu’il ne compte pas sur un nouveau service pour m’avoir aider à l’accrobranche. Déjà que le délai qu’on avait fixé pour celui des cours d’Histoire arrive bientôt à échéance. Peut-être que c’est pour ça ? Quelque chose me dit que je fais fausse route.

C’est comme ça que sans m’en rendre compte, j’ai perdu le fil du cours. Alors, je chasse toutes ces interrogations pour me concentrer. J’y arrive assez bien jusqu’à la fin du cours. Fidèle à mon habitude, je range rapidement mes affaires en pagaille dans mon sac tout neuf -acheté avec Emily pendant la Golden Week- et une fois refermé, je pose mon trench-coat  beige dessus. Il fait assez chaud pour se passer de veste, même s'il fait nuageux. Il ne faut qu’une minute supplémentaire pour sortir de l’amphithéâtre et me diriger vers la sortie du bâtiment.

Une fois derrière celui-ci, je me mets à faire les cent pas pour passer ma nervosité. Elle n’a commencé à surgir qu'en arrivant. C’est ridicule, si ça tombe, c’est juste pour une bêtise qu’il veut me parler. Je me fatigue moi-même. Finalement, je m’arrête et décide d’appuyer mon dos contre le mur, en triturant inconsciemment un des rebords de mon trench. Le regard dans le vide, je ne manque pas les bruits de pas qui approchent. Je me décolle donc du mur et regarde Neil arrivé.


Je lui souris nerveusement, ne sachant pas à quoi m’attendre, qu’est-ce que je déteste cette sensation.

C'est vrai que même si je suis pressée en général, j'ai le temps quand même, ce n'est pas deux minutes de conversation qui vont me mettre en retard. Par contre, je le regarde intriguée quand il s'appuie comme moi juste avant. Ma perplexité augmente quand il reprends la parole. Il me faut un moment avant d'enregistrer ce qu'il vient de dire. Et il faut un autre moment pour retrouver un visage plus neutre que les yeux légèrement écarquillés sous le coup de la surprise.


Mon ton est plus curieux qu'autre chose parce que si je dois faire la liste de tout ce qu'il a fait qui mérite des excuses, elle serait bien longue. En partant du moment où il a été distant après Los Angeles, en passant par son comportement de c*nnard après l'ascenseur -et son sermon infantilisant- ainsi que son manque total de respect quand il a essayé de me caser avec un autre. Sans parler du culot dont il a fait preuve en me demandant de lui montrer la preuve de mes efforts pour l'oublier. Le froid qui a suivi et à nouveau son comportement après s'être engueuler avec Jamie.

Rien que d'y penser, ça me fait mal au cœur parce que malgré tout, je lui ai toujours pardonner sans le dire. Lui trouver des excuses, même si il n'y en a aucune pertinente pour ses agissements. Alors, il faut qu'il s'explique sur quoi il s'excuse et sur quoi il est désolé parce que ce n'est pas clair du tout. Comme toujours, comme notre relation étrange. Je reste silencieuse en attendant qu'il réponde, même si je pourrais lui donner ma liste mentale et lui demander à quel sujet. Je sais bien que ce n'est pas évident pour lui, comme pour moi, de s'excuser réellement et faire amende honorable. La fierté est bien trop grande chez lui et moi.

Je ne m’attendais pas du tout à ça. Je pensais qu’il n’allait dire qu’une chose et qu’il n'englobait pas tout ce qu’il s’était passé jusqu’à présent. Il admet qu’il a foiré, je n’arrive pas vraiment à en croire mes oreilles. Mon cœur, quant à lui, est en train de s’emballer et je ne sais pas faire le tri dans toutes les émotions qui me submergent. J’ai du mal à croire qu’il ait essayé de se mettre à ma place ou même revenir sur ce qu’il a fait ces derniers mois en se disant que peut-être il m’avait fait du mal. Mais ça expliquerait son comportement étrange depuis la Saint-Valentin. Une interrogation fugace me traverse l’esprit “est-ce que c’est Emily qui lui a dit ?”. Ça serait bien son genre de l’inciter à réfléchir de cette façon.

Quoiqu’il en soit, cela m’est égal parce que maintenant, il parle de mes sentiments pour lui. C’est presque drôle qu’il n’arrive pas à prononcer ces mots si simples pourtant. Les mots qui suivent sont l’exacte copie de ce que j’avais dit à Milan, concernant notre relation. Effectivement, on suit les mêmes cours, on a même un devoir de groupe qui arrive, on fréquente les mêmes personnes, c’est pour ça que c’est si compliqué de s’éviter. Il n'en reste pas là et continue.

Sa dernière phrase me laisse pantoise. Il veut qu’on reparte du bon pied en passant à autre chose ? Je suis tellement stupéfaite que je ne sens pas toute de suite les larmes qui s’échappent de mes yeux, bien trop humides depuis le début de ses excuses. Ce n’était pas le plan. Alors quand je m'en rends finalement compte, je lève une main pour essuyer mes larmes traîtresses qui continuent de couler.


Pas ce que tu crois. Je ne veux pas qu’il croit que ça me rend triste ou alors, que je n’accepte pas ses excuses et sa demande implicite de lui pardonner mais les mots s’entrechoquent dans ma gorge et le blocage revient. C’est une catastrophe.

Comme je m'en doutais, il comprends de travers. En même temps, je ne peux pas le blâmer, ma réaction n'est pas vraiment ce qu'on peut attendre. Comment expliquer que ce sont des larmes de soulagement et pas de tristesse ? Bien sûr qu'il aurait dû le faire plus tôt mais mieux vaut tard que jamais. Ses excuses sont en retard mais bienvenue quand même. J'hoche négativement la tête quand il sort un mouchoir pour me le tendre. Qu'est-ce qu'il veut que j'en fasse ? Je veux juste que ces stupides larmes arrêtent de couler. Je prends le mouchoir en main mais commence un peu à paniquer quand il dit qu'il ne va plus m'importuner.


Il semblerait que la panique m'ait fait étrangement retrouver ma voix, même si elle est encore hachée et pas forcément très compréhensible. Je ne sais pas trop comment lui faire comprendre que je ne lui en veux pas. Alors, la seule chose qui me vient naturellement à l'esprit, c'est de m'approcher pour l'enlacer. Le front collé contre sur torse et les bras autour de lui, je continue à essayer de m'exprimer :

Je me doute bien qu'il ne s'attendait pas à ça, surtout qu'il reste figé un moment avant de réagir. Loin de s'éloigner, il me rends même mon étreinte. Cette fois-ci, c'est moi qui me fige un peu parce que je ne m'y attendais pas. Je ne m'attendais pas non plus qu'il se répète et je ne rate pas le léger changement de ton dans sa voix. C'est ce qui me fait pleurer de plus belle en m'accrochant au dos de sa veste. Je sens vraiment sa sincérité cette fois-ci, plutôt que des mots vides de sens ou dit par simple politesse. C'est comme un baume sur les blessures de mon cœur à peine recoller après autant de montagnes russes. Même si ça ne veut pas dire que mes sentiments sont partagés, ça fait du bien à entendre. Comme le fait qu'il veut qu'on recommence sur le bon pied. C'est moins douloureux que de devoir tirer un trait définitif sur notre relation. J'ai déjà assez donné en janvier en coupant court à une amitié de plus de 15 ans. Il me faut un bon moment pour commencer à me calmer et enfin retrouver un timbre de voix correct.


Parce que c'est la moindre des choses de remercier quelqu'un qui s'excuse, même si je doute toujours qu'il y ait penser de lui-même au départ. Je laisse passer encore un moment avant de lâcher sa veste d'une main pour utiliser son mouchoir et essuyer les dernières larmes sur mes joues. Quand c'est fait, je ne recule pas toute de suite pour profiter encore quelques secondes du câlin.


A regret, je finis par le lâcher et reculer un peu pour le regarder.


Je finis par détourner les yeux pour ajouter, en rougissant légèrement à cause de l'embarras:


Avant la plage à LA ou même avant qu'on mette fin à notre faux couple. Je ne sais pas trop mais je n'ai pas envie de repenser à tout ce qui s'est passé entre temps.

Oui, je ne veux pas non plus recommencer tout ce qu'il s'est passé. Ça serait contre-productif et je ne suis pas sûre que je puisse supporter un deuxième round. Je me laisse faire quand il s'écarte parce que je viens seulement de me rendre compte de notre proximité. Je crois que la dernière fois qu'on était aussi proche, c'était l'ascenseur et cette pensée me fait rougir davantage. Ce n'est pas vraiment le moment d'y repenser.

Quand il me demande si ça va aller, je me demande de quoi il parle avant qu'il ne précise. Le fameux groupe, j'avais presque oublier. Quoique non, je n'avais pas oublié, je l'ai occulté jusqu'à présent pour passer de bonnes vacances. La suite me surprends un peu et je m'empresse de secouer négativement la tête quand il a fini de parler.


Je soupire légèrement et cherche le meilleur moyen de l'exprimer sans m'exposer. C'est assez difficile parce que j'ai envie de dire ce que je pense mais je sais que ce n'est pas une bonne idée. Je n'ai pas envie de casser ses bonnes résolutions en remettant mes sentiments sur la table.


Ou comment dire une semi-vérité pour dissimuler la réelle raison que je n'ai pas envie d'évoquer. Que j'ai l'impression qu'ils ne sont pas juste "pote" et qu'il y a plus derrière. C'est peut-être une fausse impression mais j'en suis convaincue.

Je conçois qu'il soit surpris que ça ne soit pas à cause de lui. Après tout, je ne connais pas Elizabeth et je n'ai jamais eu envie de la connaitre. Je socialise avec peu de monde dans ma classe parce que je suis concentrée sur mes propres notes. J'ai besoin de calme et d'application pour prendre des notes en anglais, tout en entendant du Japonais. Je suis incapable de prendre des notes rapide en Japonais, alors j'ai besoin de plus de temps pour m'adapter. Ça ne laisse pas de temps au papotage avec mes camarades de classe, à moins que je les connaisse déjà en dehors. Bref, je comprends pourquoi il pense que c'est de sa faute, d'où ma précision.

Sa réponse ne m'étonne pas vraiment non plus, elle vient juste confirmer mes doutes sur le sujet. Ce qui est loin de me réjouir, je n'ai même pas le temps de me dire "j'avais raison" que j'ai l'impression d'étouffer. J'aurais préféré avoir tort, me faire des idées, penser que c'était ma paranoïa et mon habitude à extrapoler des choses qui me faisait faire des films. Maudite intuition, maudite capacité d'analyse, maudit sens de l'observation un peu trop développé. Une envie soudaine de fuite me submerge et je dois faire de gros efforts pour rester sur place. Des images viennent me polluer l'esprit et l'étau que j'ai dans la poitrine se ressert. C'est quand je sens sa main sur ma joue que j'émerge de ma torpeur temporaire. Je ne m'étais même pas rendue compte que j'avais détourné le regard.

Je cligne des yeux brièvement et de nouveau mon cœur s'emballe à ses mots. Il me connait décidément trop bien pour savoir dire ce qu'il faut quand il le faut. Que ça soit pour me faire sortir de mes gonds ou calmer mon esprit un peu trop imaginatif. Comment je pourrais ne pas le croire quand il le formule comme ça ? Je sais très bien que c'était un énorme effort d'avoir cette conversation, qu'il ne me dirait pas ça si ce n'était pas vrai. Même si on s'est souvent prit la tête, la fondation même de notre relation, c'est la franchise et l'honnêteté. C'est comme ça qu'on a tenu notre faux couple pendant six mois. Mais même si il me dit ça et que je le crois, ça ne veut pas dire que c'est pareil pour elle. Combien de filles prétendent ce genre de chose sans le penser une seconde ? Elles se réjouissent et se complaisent dans l'idée qu'elles ont eu un lien "spécial" avec l'autre. C'est un thème récurrent en littérature, au cinéma et même dans la vraie vie.

Il faudrait que je dise quelque chose après ce long silence, avant qu'il ne se mette à psychoter à son tour, mais je ne sais pas trop quoi dire. Lui faire part de mes doutes n'avancerait à rien et je n'ai plus envie de penser à tout ça, au risque d'avoir la nausée et envie de vomir. Autant faire simple et concis. Surtout que je ne suis plus perturbée par sa main sur ma joue.


Je suis toujours perturbée par ses derniers mots cela dit. Je ne sais pas comment les interpréter, j'ai peur d'y voir un autre sens que lui et d'être déçue après. Ou pire.


Sous-entendu de faire un effort pour ne pas me sentir de trop mais vu les circonstances, je ne crois pas y arriver. La jalousie ne se contrôle pas après tout.

Je souris à sa réponse, malgré que les nerfs recommencent à être chauffé quand je me rends compte de tout ce que ça veut dire pour le groupe d'histoire. Il ne faut pas y penser pour ne pas gâcher le moment. Je veux garder un bon souvenir du moment où il s'est excusé pour le mal qu'il m'a fait et surtout, de tout ce qu'il a dit sur le fait d'aller de l'avant. Ça me donne bon espoir pour la suite. Il faut se focaliser sur l'avenir et pas les relations passées. Plus facile à dire qu'à faire.


J'ai besoin d'aller me défouler au kendo, ça me fera du bien de me vider la tête après autant de révélation.


Parce que maintenant que nos chambres sont côte-à-côte, c'est difficile de s'éviter, alors je le croiserais fatalement plus tard. Comme il reste sur place, je me met en route pour le gymnase, direction la salle de kendo et les vestiaires pour me changer comme c'était initialement prévu. J'aurais bien le temps de me repasser cette discussion plus tard pour remettre de l'ordre dans mes idées dans un état de chaos sans nom.