Pour son premier mardi de cours, Hariaya était épuisée. Elle devait surement commencer à ressentir le contre coup du voyage, du déménagement, du changement de vie, etc... À vrai dire, jusqu'ici, elle s'était sentie poussée par l'adrénaline et les nerfs. Même en étant arrivée pendant les vacances elle n'avait pas vraiment eu l'impression de pouvoir se poser. Et puis l'enchainement Biologie-Histoire/Géo-Littérature du matin avait été rude. Elle aimait bien ces matières mais elles demandaient toutes beaucoup de concentration de sa part. Quand la matinée état coupée par du théatre ou du sport comme la veille, la matinée passait plus vite en tout cas...

Mais pas le temps de s’apitoyer : Il faisait FAIM. Elle n'avait pas beaucoup mangé le matin même et son corps lui faisait comprendre sa terrible erreur. Fatigue + faim, ce n'était pas la combinaison optimale pour continuer efficacement sa journée. Elle suivit donc les torrents d'élèves qui se dirigeaient avidement vers la cantine. Après l'avoir fréquentée 3 fois par jours pendant presque une semaine, cette pièce était surement celle qu'elle connaissait le plus dans le lycée après sa chambre. Elle savait aussi à quel point elle pouvait se remplir rapidement, et n'ayant encore pas eu l'occasion de se rapprocher de grand monde dans sa classe, elle aimait bien réussir à se trouver un petit coin où manger seule tranquillement.

Manque de bol... Aujourd'hui tout le monde semblait mort de fin et juste 10 minutes après l'ouverture du self, la queue était gigantesque et les places déjà rares. Hm. Peut-être allait elle avoir de la chance et une place à l'écart allait se libérer avant qu'elle arrive ? Oui mais si ce n'était pas le cas ? Elle jeta un coup d'oeil à la file d'attente à la recherche de visage plus ou moins connus, puis sur les tables... Non, définitivement, définitivement, elle ne connaissait personne... Quelle tuile... Elle commença à s'imaginer devoir demander à des inconnus de manger avec eux et en frissonna. Elle préférait certainement ne pas manger du tout que d'avoir à s'infliger cette scène. Ce fut le moment que choisit son estomac pour gargouiller et lui rappeler qu'il ne lui laissait pas vraiment le choix.

Elle avançait doucement dans la queue en redoutant le moment de s'installer. Une fois son coleslaw, son couscous, son gruyère et sa compote choisie, elle se retrouva enfin devant toutes les tables alignées. Elle navigua un temps entre toute, essayant de trouver désespérément cette place unique pour elle, en vain. Son plan B était de scanner le visage des élèves et d'essayer de trouver les moins intimidants... Oh ! Dans sa mission, ses yeux se posèrent sur une jeune fille qui déjeunait seule, une place libre en face d'elle. Elle la connaissait ! Enfin, Connaître était un grand mot, elles ne s'étaient jamais adressées la parole... Mais elles étaient dans la même classe ! Quitte à être obligée de parler à des inconnues, autant aborder une de ses camarades.

Sa camarade répondit par la négatif. Ouf ! Elle allait enfin pouvoir s'assoir et arrêter de tourner en rond. Reconnaissante, elle prit place avec un petit sourire tout de même un peu timide.


Sa camarade se tut, visiblement gênée. Haria eu l'impression d'être face à son reflet. Depuis qu'elle était arrivée à Kobe, elle avait l'impression de réagir exactement comme ça à chaque fois qu'elle rencontrait quelqu'un de nouveau. Ca la rassurait de voir que c'était une réaction courante. À force de rencontrer des personnes sociables et à l'aise elle avait eu l'impression que la timidité n'existait plus dans ces lieux.


Après tout les cours venaient à peine de reprendre, peut-être que le rythme allait un peu s'intensifier ? En tout cas elle se tenait sur ses gardes. Si sa grand-mère l'avait envoyée ici c'est pour qu'elle réussisse donc elle voulait donner le maximum d'elle-même.


Elle avait l'impression que pas mal d'étudiant arrivaient en cours de cursus. Après tout cela devait être courant dans les écoles internationales, les étudiants d'autres pays devaient surement parcourir de nombreux pays et Kobe n'était qu'une étape dans leur vie. Elle les enviait un peu et en même temps elle aimait bien sa vie au Japon, elle était un peu rassurante. Le monde avait l'air tellement immense changer de pays ça devait vraiment être très intimidant et déboussolant. Déjà qu'elle avait déjà des crises de paniques avec le changement campagne-Kobe, alors Japon-Autre pays... Elle ne préférait pas trop y penser.

Emma confirma le sentiment de disproportion que ressenti Hariaya. Pour être grande, ça, l’école était grande. Elle n’avait même jamais vu de structure mélangeant à la fois étudiants et lycéens. Si on rajoute à ça la dimension internationale de l’école, KHS ressemblait presque à un petit village à elle seule.


Ahah, elle pouvait bien s’identifier à Emma. Certes, elle n’était pas arrivée EN PLEIN dans les examens, mais juste un mois avant c’était du pareil au même. Entre les révisions pour l’examen d’aptitude d’entrée et maintenant les révisions pour les examens de fin d’année, elle avait l’impression de ne plus pouvoir relever la tête d’un livre depuis plusieurs semaines, voire mois.


C’était loin d’être indiscret, c’était la suite logique de cette conversation pour Haria. Okay, discuter avec une semi-inconnue n’était pas ce qui l’enchantait le plus -pas qu’elle n’aime pas ! simplement c’était pas facile- mais elle savait faire contre fortune bon cœur. C’était l’occasion d’en découvrir un peu plus sur une camarade qui avait l’air gentille, banco, autant y aller.


Et peut-être pas international. Naïvement en quittant Okinawa, elle s’était dit qu’elle vivrait enfin une scolarité japonaise au Japon, elle qui avait toujours été dans des classes avec des enfants nippo-américain. Bah c’était raté. Attention, elle n’avait rien contre les étrangers ou les hāfu, lui de là ! Elle s’était juste imaginé son expérience du Honshu différemment.