Cette fois, c'est moi qui conduit ! [Ft. Lizzy]

Vendredi 6 avril 2018

Bon. Ce soir, c'est le grand soir. Enfin, faut pas s'attendre à quoi que ce soit d'exceptionnel non plus hein. C'est juste qu'après des mois passés à confirmer à Elizabeth que, non, je n'ai pas oublié que je devais l'inviter, tout en rappelant que, non, elle n'avait pas non plus mentionné de date à laquelle ce gage devait être effectué, ça y est. Je lui ai envoyé un message pendant les vacances pour lui dire de réserver son vendredi soir. En fait, dès que Genzo m'a donné la date et l'endroit auxquels se tiendrait son dernier projet, je savais que je tenais enfin l'occasion que j'attendais. Parce que non, bien sûr que je n'allais pas l'inviter à une soirée random à laquelle je risquais de me faire chier moi-même. Ah oui, Genzo c'est avant tout mon boss, alors quand je parle de son projet, bien sûr, ce n'est pas en tant que VIP qu'il m'a donné cette info, mais bien pour que je m'assure que tout soit prêt pour le jour J.

Me souvenant très bien de notre conversation vestimentaire de notre dernière sortie, je compte bien faire gaffe à ne surtout pas paraitre trop bien habillé. Non mais parce qu'il ne faut pas se faire d'idées non plus, c'est pas un date ou quoi que ce soit à consonance romantique ! Ce n'est pas non plus une corvée pour autant, je dis pas, je crois que j'ai appris à l'apprécier la miss mine de rien. Et lui faire découvrir une autre facette de ce sur quoi je peux bosser, autre que tout ce qui fini exposé sur les réseaux à la vue de tous, eh bien, ça ne me déplait pas. Mais de toute façon je ne vois même pas pourquoi j'aurais besoin de justifier quoi que ce soit !

Bref, c'est vrai que j'ai mis un peu plus de temps que d'habitude pour me préparer et finalement me décider sur ce que j'allais porter, mais c'est à but uniquement professionnel. Parce que si je compte bien profiter de la soirée avec elle, je sais très bien qu'il me faudra également gérer certains paramètres plus ou moins connus d'avance à mesure que les évènements avanceront. Des petites tâches ponctuelles, qui ne prennent pas bien longtemps et qui me permettront de lui montrer l'envers du décor. Et surtout, ça m'évitera de trop m'emmerder tout seul dans mon coin entre deux interventions.

Il est dix huit heures lorsque j'arrive devant sa porte contre laquelle je donne quelques coups pour signaler ma présence. Les festivités ne sont pas prévues avant vingt heures, mais il nous faut arriver un peu en avance pour vérifier les derniers réglages sur place. Le son, ce n'est pas quelque chose qui s'improvise, mais ça, elle ne peut pas le savoir. Parce que je ne lui ai donné aucun détail, si ce n'est qu'on n'aura pas besoin de sortir de Kobe. Et que je passais la chercher à cette heure précise. Après tout, elle n'a jamais précisé que je devais le tenir au courant du contenu de cette fameuse sortie non plus et je compte bien garder l'effet de surprise. Enfin, ce n'est pas vraiment une surprise non plus, juste... Je ne suis pas très doué en explications, je suis sûr que je n'aurais jamais réussi à lui expliquer correctement ce qui l'attend de toute façon. Non, de toute façon, le seul impératif est que je sois celui qui organise. Ce qui inclut également que cette fois, c'est moi qui conduit !

Tenue de Shin:

Il faudrait vraiment que j'arrive à me faire à ces manières qu'emploie Elizabeth un jour. Mais on dirait que ce n'est pas pour tout de suite. Parce que je suis encore étonné de cette façon bien trop proche qu'elle a de me saluer. Je fais comme si de rien n'était. Comme s'il m'en fallait bien plus pour être déconcerté. Mais mon cœur qui s'emballe sous le coup est assez révélateur de mes difficultés.

- "Je ne comptais pas faire de remarque sur ta tenue, mais maintenant que tu le dis..."

Je reprends assez vite mes marques de quand je suis avec elle. Ce côté léger, un peu joueur, un peu provocant, qui donne un côté aussi dynamique que dangereux à nos échanges. Mais il faut croire que c'est de cette façon qu'on communique le mieux. Et ça me va très bien.

- "Tu auras bientôt ta réponse, ce serait bête de t'avoir fait patienter tout ce temps pour tout révéler maintenant !"

Non, évidemment que je ne compte pas lui dire. Pas avant qu'on ne soit devant la salle de spectacle dans laquelle on se rend. Bien située, non loin du centre ville, facile d'accès, on aurait presque pu y aller en transports en commun. Mais j'ai un peu la flemme ouais. Ce ne sont pas pour les dix minutes de voiture qu'on a. Voiture qui n'a d'ailleurs rien à voir avec celle qu'a utilisé Elizabeth pour nous amener à Kyoto il y a quelques mois. Une Toyota achetée d'occaz il y a déjà plusieurs années et qui a son bon 200 000 kilomètres au compteur, ce n'est pas le grand luxe, mais elle roule correctement (et a suffisamment de place pour transporter beaucoup de matos quand j'en ai besoin) ce qui me suffit largement.

- "Comment se sont passées tes vacances ?"

Une question toute simple posée alors que je démarre le moteur une fois installés, je me rends bien compte qu'elle sonne un peu comme sortie de nul part. Mais je ne crois pas que ça puisse encore vraiment la surprendre. Et puis, ça m'intéresse réellement. Autrement je n'aurais jamais posé la question de toute façon. Parce que rouler en silence (avec la musique en fond sonore tout de même, faut pas exagérer) ne me pose aucun soucis.

Est-ce que je pense réellement réussir à la surprendre ? Je n'en ait aucune idée. A vrai dire, je ne sais pas bien à quoi est-ce qu'elle peut s'attendre. Elle doit connaitre un peu mes goûts et le genre d'activité que je suis susceptible de faire depuis le temps, mais est-ce que c'est prévisible ? J'en sais rien, mais étrangement, je stresse un peu, comme si je ne voulais réellement pas la décevoir. Mais bon, de toute façon, ce n'est pas comme si j'allais changer de programme maintenant. Alors c'est parti ! J'ai même fait gaffe à ce que ce ne soit pas trop le bordel dans la voiture (et au retour de vacances, ce n'était pas forcément évident !).

Je démarre le moteur, passe la première, et on quitte le parking de l'école. Une conduite bien moins sportive que ce qu'a pu me montrer Elizabeth la dernière fois, je m'arrête à chaque stop, chaque feu rouge, et je n'envisage sûrement pas de prendre un virage au frein à main. Ouais, classique quoi. Avec un sujet de conversation tout aussi classique. Mais c'est vrai que mine de rien, j'avais plutôt pris l'habitude de la croiser régulièrement dans les couloirs des dortoirs, alors la dernière fois qu'on s'est vus, ça commence à remonter.

Et, je ne sais pas trop quoi penser de sa réponse, plutôt très banale. Ou trop détachée. Oui, c'est plutôt ça en fait. Elle m'a habitué à bien plus d'enthousiasme dans ses réponses. Je sais bien qu'on n'a pas les mêmes standards. D'ailleurs, rien que les villes qu'elle évoque en sont bien la preuve. Parce que clairement, je n'ai pas été aussi loin.

- "Pas vraiment. Je suis retourné à Kyoto chez ma mère, ça faisait un moment qu'on n'avait pas pu passer un peu de temps ensemble. Et puis, avec mon frère qui fait toujours des siennes, je n'en ai pas eu l'occasion. Mais au final, je n'avais pas spécialement envie de bouger non plus. Juste pouvoir me poser un peu, c'était cool."

Me poser, c'est peut-être un bien grand mot. Entre aider ma mère à faire les quelques travaux dont l'appart avait bien besoin, essayer de faire un max d'activités avec le plus jeune de mes frères, me prendre la tête avec le plus âgé, sans oublier de bosser à côté parce qu'il n'est pas question que je prenne de vacances de ce côté là non plus, les deux semaines sont passées incroyablement vites.

Et ce qui passe vite aussi, c'est le trajet qu'on a à faire jusqu'à notre lieu d'arrivée. Je me gare non loin de la salle de spectacle dans laquelle on se rend. Pas l'une des plus grandes salles de la ville, elle est même plutôt de celles qu'on pourrait qualifier d'underground, à accueillir les évènements pas suffisamment mainstream pour être en tête d'affiche. Ce qui colle assez bien avec ce que je peux faire.

- "Tu me laisses le temps de fumer avant que je ne te révèle notre programme de ce soir ?"

Une question qui n'attend pas vraiment de réponse à vrai dire. Parce que je sais très bien qu'une fois que j'aurais mis les pieds dedans, ce ne sera plus aussi simple de ressortir pour prendre ce genre de pause. Et je sais aussi que je vais bien avoir besoin de cette dose de nicotine pour affronter la suite. Ouais, je sais exactement ce qui va se passer quand certains me verront entrer accompagné d'une meuf. Ce qui s'annonce probablement être la plus grosse épreuve !

J'allume une cigarette alors qu'on arrive dans l'une des zones fumeurs près de notre destination finale, souriant légèrement. C'est vrai, est-ce que si elle m'avait apporté une réponse négative je l'aurais vraiment prise en compte ? Aucune idée. Alors ça m'arrange bien qu'elle ne se montre pas difficile sur le sujet. Et si elle ne se montre pas compliquée, pour ce qui est de la curiosité en revanche, c'est autre chose. Mais en fait, ça m'arrache juste un sourire un peu triste.

- "Ça fait plusieurs années que c'est devenu compliqué entre nous. Maintenant qu'il a terminé sa dernière année de lycée et qu'il a obtenu son diplôme, il a décidé de ne pas poursuivre ses études mais sans vrai plan derrière. En plus des gens avec qui il traine... On n'est pas d'accord sur beaucoup de sujets."

Et je me prends souvent dans les dents que ouais, moi aussi j'avais arrêté les cours  son âge. Et voilà le résultat. Je me retrouve à reprendre les cours parce que je n'ai pas les qualificatifs requis. Mais évidemment, dès que je parle de ma propre expérience, tout part toujours bien plus en vrille et ça se fini toujours avec l'un des deux qui quitte la pièce.

- "Enfin, j'imagine qu'on n'est pas frères pour rien mais, des fois j'me dis que ce serait quand même cool de ne pas toujours s'engueuler dès qu'on se parle."

J'expire un long nuage de fumée en arrivant à cette confession qui n'a rien de très secrète. Avec les quelques mois que Kyojiro a passé à KHS, on a eu plus d'une occasion de se disputer en public. Et très peu d'afficher ne serait-ce qu'une entente cordiale. Encore un bel échec.

Une fois ma cigarette terminée, j'écrase le mégot dans le cendrier à disposition, et il va bien falloir qu'on entre. A cette heure-ci il ne devrait pas encore y avoir grand monde. Seulement les personnes qui vont travailler au bon déroulement de la soirée. Terminer la mise en place pour accueillir le public, gérer les derniers réglages sons et lumières pour les groupes qui se produiront sur scène. Parce que c'est bien le but de la soirée. Promouvoir quelques groupes et artistes locaux auprès de certains grands noms de l'industrie qui seront présents ce soir, tout en assurant du divertissement pour ceux qui n'ont que faire de ces enjeux et qui voudraient seulement passer une bonne soirée de rentrée scolaire.

Je ne m'attendais à rien de particulier en acceptant de raconter cette partie de mes relations avec mon frère. Ou en tout cas, je me doutais qu'Elizabeth n'était pas le genre de fille à venir me prendre en pitié à me dire à quel point tout ça est dommage et si triste. Sûrement pour ça que je n'ai pas éprouvé la moindre difficulté à aligner ces mots. Et pour ça, je peux me dire que je ne la connais pas si mal. Mais il faut croire que je suis loin de vraiment la connaitre pour autant, parce que ces deux mains qui viennent se poser sur mon visage, ça, je ne l'avais pas vu venir.

Pourtant, je n'esquisse aucun mouvement de recule. Je n'essaie pas de m'en dégager ni de la repousser. Il faut croire qu'avec le temps, j'ai appris à lui faire suffisamment confiance pour la laisser faire. Et finalement, ses mots réussissent à m'arracher un nouveau sourire, mais plus amusé celui-ci.

- "J'y peux rien s'il me donne de vraies bonnes raisons de râler aussi !"

Je plaisante. Même si c'est aussi tout à fait vrai. Mais pour le coup, je suis assez en accord avec la miss. Si en parler ne me pose pas de problème particulier, je n'ai pas spécialement envie de m'attarder sur le sujet plus que nécessaire non plus. Alors comme on n'a désormais plus aucune raison de s'éterniser à l'extérieur, je guide Elizabeth jusqu'à la porte d'entrée, la laissant passer en première avant de passer à mon tour.

- "La soirée n'a pas encore commencé, mais tu devrais assez vite comprendre pourquoi je t'ai quand même demandé d'être prête aussi tôt."

On arrive dans un grand hall fait pour réceptionner plusieurs centaines de visiteurs. Un hall encore bien vide à cette heure-ci. Seul le personnel de la salle s'active à terminer de mettre en place les dernières affiches du thème de la soirée. Un tremplin musical pour les artistes locaux. Mais je ne m'attarde pas ici. Je la guide ensuite vers l'escalier qui nous amène à l'étage du dessous. En sous-sol donc, oui. Mais ce n'est pas moi qui ait conçu la salle. Un nouvel espace qui parait bien grand lorsque personne ne s'y trouve mais qui est déjà plus vivant. Un bar où les employés discutent tranquillement, et, plus loin, la scène qui accueillera le spectacle de ce soir.

C'est dans cette direction que je nous emmène. Mais on n'a pas le temps d'arriver à destination qu'une silhouette que je connais bien vient à notre rencontre. Je me disais aussi...

- "Mais dis donc, tu ne m'avais pas dit que tu viendrais accompagné ce soir !! Eh bien ça pour une surprise ! C'est que je commençais à désespérer ! Alors alors, tu fais les présentations ?!"

Genzo, mon boss actuel, depuis que je suis arrivé à Kobe en fait, un trentenaire qui par bien des aspects se comporte encore comme un ado, s'arrête face à moi, son éternel sourire scotché au visage. On peut dire qu'il y a un fossé entre cette aura bien trop solaire qu'il dégage sans avoir à faire quoi que ce soit, et la mienne. En revanche, s'il y a bien un point sur lequel on s'accorde, c'est la difficulté qu'on a à passer inaperçu. Pas forcément très grand même pour un japonais, ses longs cheveux volumineux et ses yeux clairs attirent facilement le regard.

- "Si tu me laissais le temps d'en placer une aussi avant de t’exciter pour rien comme ça"

Je soupire légèrement, mais je savais parfaitement que cette scène allait arriver à un moment ou un autre. Le plus tôt est sûrement le mieux. Au moins, c'est réglé.

- "Elizabeth, je te présente Genzo, qui est l'organisateur de la soirée et aussi le gars pour qui je bosse. Il a l'air un peu louche comme ça et... Si, en fait faut quand même t'en méfier un peu, on sait jamais trop ce qu'il pense vraiment ! Et Genzo, voici Elizabeth. Une camarade de l'école. Pas besoin d'aller chercher plus loin."

On est assez habitués à ce que nos échanges suivent cette dynamique et le voici donc parti dans un grand fou rire. Fou rire qui ne me fait pas rire du tout, moi. Mais ça aussi c'est habituel.

- "Eh bien Elizabeth, la camarade d'école, je suis ravi de te rencontrer, et surtout de constater que Shintaro est capable de passer du temps avec quelqu'un sans que ce ne soit pour se disputer ! Si tu as besoin de quoi que ce soit ce soir, n'hésite pas à venir me trouver !"

Un ton pompeux et quelques courbettes à outrance comme il sait si bien les faire, il me donne juste envie de disparaitre. Je me demande toujours comment ce mec fait pour s'en sortir dans la vie.

HRP:

Qu... Quoi ??? Je crois que mes yeux s'agrandissent de surprise (et peut-être un peu d'effroi) en même temps que je dois faire un effort colossal pour ne pas que ma mâchoire se décroche lorsque Elizabeth mentionne ce baiser... Qui n'en était même pas vraiment un !!! Oui bon, techniquement, mais, ce n'est pas comme si... Mais évidemment, je pourrais bien réussir à trouver mes mots pour retranscrire tout ça que Genzo n'en aurait tout de même rien à faire et ça ne l'empêcherait sûrement pas de se fendre de ce rire un peu trop gênant.

- "N'importe quoi ! Je ne laisse pas...."

Ok, là je me rends compte que si je termine ma phrase ça va sûrement être encore pire.

- "Mais en même temps personne ne fait ça !"

Sans que je ne m'en rende compte, mon cœur s'est un peu emballé face à cette situation que je n'avais clairement pas vu venir. Si je me méfiais bien de mon boss, je n'avais clairement pas pris en compte que la miss pourrait si vite si bien s'entendre avec lui... Peut-être que si j'y avais réfléchi deux minutes j'aurais pu l'anticiper cela dit. Ce n'est peut-être pas si étonnant finalement...

- "Bah alors, c'est quoi ces manières ? Il va falloir que tu apprennes à arrêter de faire pleurer les filles comme ça !"

- "Mais ! ..."

What ?? Pourquoi est-ce qu'il s'y met lui aussi ?! Sauf que si je percevais bien un trait d'humour sous les propos de la miss, Genzo lui a l'air bien sérieux.

- "Allez, dépêche toi donc de te rattraper, je ne veux pas de si jolie jeune fille malheureuse durant cette soirée !"

- "Elle n'avait pas du tout pleurer...."

Je marmonne plus pour moi-même, sachant très bien qu'il ne peut que faire référence à cette fois où j'avais ramené Maya chez lui (seul point de chute que j'ai à Kobe) pour éviter qu'elle ne dorme complètement bourrée n'importe où. Et à cette façon un peu trop brutale dont on s'est disputés le lendemain matin. Sous ses yeux. Mais évidemment Genzo est déjà passé à autre chose, et c'est en mettant sa main en biais près de sa bouche, comme s'il ne voulait pas que j'entende ses mots qu'il reprend la parole, à destination d'Elizabeth.

- "Mais ne me le distrait pas trop tout de suite hein, on en a encore un peu besoin ce soir."

Ok, cette fois je crois que c'est bien plus que je ne peux en supporter. Je sens mon rythme cardiaque toujours trop haut pour être naturel, sans même parler de mon visage qui surchauffe un peu trop (sûrement un mélange de honte et de colère).

- "Ouais, justement, il y a encore bien trop de taff pour rester ici à discuter."

Je savais bien que cette rencontre n'allait sûrement pas être une partie de plaisir, mais je n'avais sûrement pas anticipé que ce serait à ce point catastrophique. Je passe donc devant Genzo sans lui accorder plus d'attention, attrapant la miss par la main pour l'amener avec moi. Pas question qu'elle se dirige si vite vers le bar ! Et encore moins qu'elle continue à parler avec lui sans que je ne sois là...

Je me suis peut-être un peu emballé ok, mais c'était plus fort que moi. Je ne suis pas prêt à en entendre davantage. Non mais c'est ultra gênant aussi ! Je préfère éviter le combo Elizabeth/Genzo encore un moment, alors je bats en retraite. Ce n'est d'ailleurs que quand la miss se rapproche davantage, comme si elle essayait de déchiffrer je ne sais quoi sur mon visage, que je me rends compte que la situation est toujours aussi bizarre. Et pourquoi est-ce que c'est aussi déstabilisant ?

- "On n'peut pas lui enlever cette qualité j'imagine."

Et je serai de toute façon très mal placé pour dire le contraire.

- "Mon ancien boss, quand j'étais encore à Kyoto, nous a mis en contact quand il m'a recommandé de venir étudier ici. Il savait que j'aurais besoin de thunes  et d'un endroit où me poser avant le début des cours. Et... Des fois je le suspecte d'avoir bien ris d'avance en nous imaginant collaborer. On n'est pas toujours d'accord sur tout mais il ne manque pas d'idées ni de motivation, et il paie bien."

Et il me supporte. Je sais que je ne suis pas toujours le mec le plus simple à gérer mais pour une raison que j'ignore, sa bonne humeur n'a jamais été impactée par aucun de mes mots pourtant pas toujours des plus cools.

Tout en expliquant ce qu'il en est à Elizabeth, je l'amène vers le fond de la salle, là où se trouve tout le matériel nécessaire pour gérer le son qui sortira par les multiples enceintes et hauts parleurs qui sont disposés un peu partout. Quelques marches permettent d'accéder à la table de mixage rehaussée, offrant ainsi une bonne vue de ce qui se passe sur scène, même en cas de très forte affluence. Ce n'est d'ailleurs qu'en atteignant cette destination que je relâche enfin sa main. Il ne devrait plus y avoir de risques. Mais avant de pouvoir lui expliquer quoi que ce soit (ou même de m'intéresser aux réglages déjà en place), il y a bien autre chose que j'ai en tête.

- "Pourquoi tu lui as dit ça ? Il n'a vraiment pas besoin de prétextes de ce genre pour se faire déjà tout un tas d'idées." Je pousse un léger soupire. "T"étais vraiment agacée par ces présentations ?"

J'avoue que je ne sais vraiment pas quoi en penser. Est-ce qu'elle plaisantait réellement ? Je n'ai jamais été très doué pour déchiffrer les véritables intentions des gens.

Je ne sais pas exactement pourquoi est-ce que ça m'intéresse réellement. Bien sûr que si je pose la question, ce n'est pas pour rien. Peut-être que dans le fond, c'est parce qu'on a effectivement dépassé le simple stade de "camarades". Alors quand elle me répond, c'est une désagréable impression de gorge nouée qui accompagne ses mots. Mais bon, si m'intéresser à ce qu'elle pensait de ce qui vient de se passer me paraissait assez évident, trouver la prochaine réponse adaptée l'est beaucoup moins. C'est que je ne suis pas le mec le plus doué pour les excuses. Ni pour quoi que ce soit qui implique d'échanger plus que trois mots avec une personne en fait. Mais je sais quand même l'effort quand je juge que c'est nécessaire. Et là en l'occurrence...

- "Je... Ne voulais pas te vexer."

Gros gros effort. C'est à dire qu'il y a beaucoup de choses auxquelles je n'avais pas particulièrement pensé, auxquelles je n'avais peut-être pas envie de réfléchir non plus. Alors de là à les verbaliser... Parce que si c'était à refaire... Je n'aurais toujours aucune idée de la façon dont je puisse qualifier notre relation. Comment est-ce que je la vois... Est-ce qu'on est potes ? Ce serait bizarre. Amis ? Ça fait bien trop longtemps que je n'ai pas pu appeler quelqu'un de cette façon pour savoir encore ce que c'est. Il ne me reste pas beaucoup d'autres options à disposition. C'est beaucoup trop compliqué pour moi tout ça. Pourtant, sans aucune explication, je n'arrive pas à m'ôter cette question de la tête.

- "Qu'est-ce que t'aurais préféré que je lui dise ?"

Si ça c'est pas la pire carte joker... Ok, je n'ai aucune réponse à toutes ces questions qui s'entrechoquent. Et j'ai beau chercher à croiser le regard d'Elizabeth, comme si ça pouvait mettre en avant une quelconque évidence, c'est bien plus compliqué qu'il n'y parait. Alors si je peux au moins avoir une idée de ce que je peux dire à l'avenir pour éviter qu'elle ne le prenne mal (et de déclencher de nouvelles révélations face auxquelles je ne sais absolument pas comment réagir) ce sera déjà pas mal... C'est que la soirée commence à peine.

Je suis un peu étonné par cette réponse. Peut-être que jusqu'à présent, Elizabeth m'a habitué à avoir toujours réponse à tout. Oui, j'ai bien compris que ce n'est sûrement qu'une façade, une façon de se comporter qui peut être remise en cause selon son état. Mais là en l'occurrence, elle a l'air dans une forme tout à fait correcte, celle qu'elle a quand elle parait toujours aussi assurée. Alors oui, je m'attendais plus à ce qu'elle me donne une réponse bien plus précise que je l'ignore. Et bizarrement, ça ne me rassure pas du tout. Au contraire. J'ai l'impression que toutes ces molécules en moi continuent de s'agiter bien trop vite. Un peu comme toutes ces fois où mon frère réussi à me faire péter les plombs, mais en pas tout à fait pareil quand même. C'est plus... Doux. Mais pas forcément plus agréable pour autant.

- "Je ne pose pas de question par simple politesse."

Une façon (un peu détournée peut-être) de dire que oui, bien sûr que je m'en soucis. Alors forcément, de ne pas être bien plus avancé m'embête. Même si je ne connais pas tant de monde non plus, ce ne serait pas étonnant que j'ai à nouveau à la présenter à quelqu'un et... La solution qu'elle me trouve finalement m'arrache l'un de ces sourires qui me donne probablement davantage l'air prétentieux que sympathique. Mais il faut admettre que ça m'ôte une partie de ce poids qui continuait à me peser.

- "J'ai bien d'autres exigences avant d'appeler une personne de cette façon, mais, j'imagine que ce sera déjà un bon point. En tout cas, je pourrais faire un effort pour trouver une réponse plus adaptée la prochaine fois si tu y parviens !"

L'autre avantage, c'est que ma concentration se pose à nouveau sur quelque chose que je maîtrise bien mieux (il n'y a de toute façon pas beaucoup de domaines dans lesquels je sois moins doué que les relations sociales), ce qui me redonne au passage une certaine contenance. En tout cas, j'arrive à chasser (partiellement) toutes ces sensations indéchiffrables, ce qui est pour me plaire.

- "Il y a beaucoup de boutons, mais une fois que tu comprends comment ça marche, ce n'est pas si compliqué à utiliser. Le vrai boulot, c'est plutôt de faire gaffe à la façon dont sort le son et de trouver les meilleurs ajustements."

J'explique assez succinctement à Elizabeth la logique d'une table de mixage. Du moins, je fais comme je peux, parce que j'ai toujours tendance à m'emballer un peu trop et donner davantage de détails que nécessaire lorsque j'aborde ce genre de sujet un peu technique. Chaque entrée en haut de la table qui correspond à un instrument (exception faite de la batterie qui est toujours une horreur absolue à gérer et qui occupe à elle seule une bonne dizaine d'entrées), et les boutons sur l'axe vertical permettant d'ajuster le son en sortie correspondant selon les réglages voulus. Les faders (mini leviers) pour le volume, le bouton mute (qui se passe d'explications), mais aussi les channel strip pour l'égalisation, ainsi que les balances pour la répartition mono ou stereo. Je crois que ce n'est que quand j'en arrive à l'equalizer que je me rends compte que j'ai sûrement été beaucoup trop loin pour une première approche d'un tel outil.

- "Mais, hum, le mieux c'est sûrement que tu testes un peu pour voir ce que ça donne."

J'en profite pour adresser un signe de la main à l'un des gars qui est actuellement occupé sur la scène à cleaner la répartition des différents câbles. Signe qu'il n'a pas trop de mal à interpréter puisqu'il s'en va attraper la basse, ce qui nous permettra de finir le réglage de ce premier instrument.

- "Met ça sur les oreilles. Et si tu as bien tout suivi, tu dois donc savoir qu'il faut commencer par demute la basse."

Je tends à Elizabeth l'un des casques, en attrapant un autre que je place sur ma tête. Les enceintes sont pour le moment désactivées, le son ne pourra donc ressortir que dans nos casques. Des casques suffisamment haut de gamme pour permettre une bonne distinction des sons. Il n'y aura plus grand-chose à faire lorsqu'on balancera le tout sur les enceintes. Et, évidemment, j'attends de voir si la miss saura quoi faire face à cette table de mixage.

C'est vrai que c'est plutôt agréable d'être en terrain connu. Bien sûr que je me rends compte que ce n'est pas forcément à la portée de tout le monde. D'ailleurs, ce n'est pas non plus à n'importe qui que j'essaierais d'expliquer une partie de ce en quoi consiste mes diverses activités. Mais après tout, si Elizabeth m'a demandé de m'occuper de notre prochaine sortie, elle m'a laissé carte blanche pour le contenu. Et je crois que je commence à la connaitre suffisamment pour savoir qu'elle ne va pas se dégonfler. Quel que soit le niveau de difficulté. Peut-être bien que j'apprécie cette partie d'elle. Peut-être que c'est pour ça que je ne me montre pas particulièrement sarcastique non plus quand elle résume ce qu'il va falloir faire.

Je hoche la tête lorsque Elizabeth me demande certaines confirmations. Ok, elle a plutôt bien suivi. Ça non plus ça ne m'étonne pas tant, mais c'est malgré tout assez agréable.

- "Exact. La sortie son vers les enceintes est actuellement sur off. Là on s'assure que les niveaux entre les instruments sont cohérents, qu'ils ressortent au mieux sans tout faire sauter pour autant, que les retours sur scène sont corrects. Parfois il y a des petits ajustements à faire en live malgré tout, la sensibilité des enceintes n'est pas forcément la même que celle qu'on ressent au casque, mais ça reste subtile. L'objectif c'est que ce soit à peine perceptible par l'auditeur moyen."

Je continue à lui filer quelques explications sur ce que je fais quand j'occupe ce poste, comment ça fonctionne en même temps qu'on termine les derniers réglages. Si je laisse Elizabeth jouer avec les différents boutons, pour qu'elle se rende compte des multiples changements sonores qui peuvent être opérés à l'aide d'une "simple" table de mixage, je m'occupe le plus souvent de la finition, lui montrant ainsi le résultat attendu. Et cette étape nous occupe un bon moment puisqu'il y a un certain nombre d'entrées à gérer.

Si bien que quand on en a enfin fini, l'heure a bien avancé et on n'est plus très loin de l'entrée officielle pour le grand public. D'autres personnes sont tout de même arrivées entre temps dans la salle, comblant un peu le vide qu'il y avait lorsqu'on était entrés. Les musiciens probablement si j'en juge à la façon dont ils regardent la scène (et les groupes très définis qu'ils forment déjà), mais aussi quelques visages que je reconnais assez facilement pour être à la tête de potentiels contrats intéressants pour ceux qui viennent faire leurs preuves.

- "Voilà, tu as vu la plus grosse partie de ce que je fais lors de ce genre de soirées. Le plus gros du boulot est fait et on a même un peu de temps avant que les premiers ne montent sur scène. Tu m'accompagnes dehors ? Ou, tu veux passer prendre quelque chose à boire avant ?"

Parce que quand ça aura officiellement commencé, ce sera bien plus dur de m'esquiver pour fumer.

Pourquoi est-ce que c'est un début de grimace qui s'installe sur mon visage quand Elizabeth parle de Genzo ? Oui, je sais depuis le temps qu'elle aime juste bien m'embêter. Et le problème c'est qu'à chaque fois, je sprint droit dedans. Enfin, il va sûrement falloir que je me fasse une raison. Parce que finalement, je dois bien reconnaitre que ça me fait un peu plaisir qu'elle accepte plutôt de m'accompagner dehors que d'aller vers le bar. Ce qui ne serait pourtant pas une si mauvaise idée vu qu'il n'y a pas encore grand monde. Mais autant je pourrais me permettre d'aller commander à boire pendant la soirée, mais sortir, ce sera beaucoup mois faisable. Alors il y a un certain ordre logique malgré tout.

- "Ouah, mais c'est presque mignon dis comme ça."

Et... C'est un peu vrai en fait, mais je ne sais pas bien pourquoi, c'est avec un petit ton moqueur que je le prononce. Pourtant, c'est sûr que ça me ferait vraiment chier de lui avoir proposé de venir et ici qu'elle fasse en fait autre chose. Mais je n'y pense pas trop et prend la direction de l'extérieur, où je peux attraper une cigarette. Et pendant que je suis occupé à embraser l'extrémité à l'aide de mon briquet, Elizabeth en profite pour me poser une question qui me fait complètement dévier la flammèche de sa trajectoire initiale.

- "Hum..."

J'articule bêtement, ma clope, toujours éteinte, coincée entre mes lèvres. C'est quoi cette question ? Mais je me reprends assez vite, profitant de mon nouvel essai d'allumage pour réfléchir un peu plus. Oui, parce que je me souviens aussi très bien de ce qu'elle avait initialement réclamé comme récompense pour retenir ses dix boutons !

- "Je dois admettre que t'as été plutôt attentive, c'était assez cool alors..."

Je pourrais seulement répondre que je ne lui ai jamais rien promis. Et en temps normal, c'est probablement ce que j'aurais fait. Mais pas cette fois.

- Tu as le droit à une question. Une question face à laquelle je ne me défilerai pas pour répondre. Mais il n'y en aura qu'une, alors t'as intérêt à bien réfléchir. J'peux même te laisser jusqu'à la fin de la soirée si tu veux."

Ce qui est quand même hyper cool de ma part je trouve ! Mais j'ai bien remarqué qu'elle a beau être curieuse, elle n'est pas pour autant intrusive. Elle ne se gêne pas pour poser des questions, mais n'a jamais cherché à en savoir plus que nécessaire. Ce que j'apprécie. Alors je peux bien faire un petit effort. Et je sais aussi que ma tendance à éluder tout sujet qui m'embête (et il y en a un certain nombre) n'est pas forcément des plus encourageants non plus. Eh, il ne fallait pas non plus s'attendre à ce que je lui propose un câlin !

Rien que ça, et c'est déjà beaucoup ! Mais étrangement, je ne me sens pas le besoin de le préciser à voix haute. A la place, c'est un simple sourire satisfait qui étire mes lèvres après avoir tiré une première bouffée de ma cigarette. Je crois que je me suis bien fait à la présence d'Elizabeth en fait. Malgré sa tendance à réussir à me prendre de cours à la moindre occasion, je ne sais pas bien pourquoi, il y a autre chose dans ce qu'elle apporte qui me plait assez. Preuve en est de l'endroit où on se trouve actuellement.

J'acquiesce lorsqu'elle annonce garder cette opportunité pour plus tard. Ça ne m'étonne pas particulièrement. Elle avait déjà attendu le dernier moment lors de notre précédente sortie pour me sortir ce gage. Mais je suis un peu plus serein cette fois. Déjà parce qu'il ne s'agira que d'une question (et non de me triturer l'esprit des semaines durant pour trouver ce que je pourrais bien organiser) et surtout, c'est moi qui en suis à l'initiative. Presque.

- "J'avais cru remarquer que t'es pas du genre à rester posée au même endroit plus de cinq minutes ouais."

Alors que moi... Clairement mes activités favorites ne nécessitent pas de beaucoup bouger hein. Ça n'empêche pas que j'aime bien d'autres activités plus "physiques" parfois mais si on me laisse le choix entre une soirée collé devant la console ou à aller danser en boite, il n'y a aucun risque que je pose un pied en dehors de chez moi. Alors quand elle m'interroge sur ce genre de sortie, je ne suis pas sûr de vraiment cerner ce dont elle parle.

- "Si je profite de mes soirées pour bosser ? Je le fais aussi souvent que possible ouais, mais surtout parce que j'ai besoin de ce fric. Franchement, ce n'est pas le job le plus passionnant du monde, on en fait vite le tour mais bon, je prends c'que j'peux hein."

Tout en parlant, je me rends aussi compte de ce que peuvent sous entendre mes paroles et, sans que je ne sache très bien pourquoi, je me sens le besoin de préciser.

- "Enfin, non pas que j'avais l'intention de te montrer des trucs chiants ce soir hein ! J'veux dire, tous les gens qui viennent juste profiter de la soirée s'amusent bien en général alors j'me suis dit que peut-être ça pourrait te plaire aussi. Et puis bon, l'ambiance générale est assez cool aussi alors ouais, ça j'aime bien, c'est juste que d'habitude, la compagnie est pas forcément ouf."

Et il vaut sûrement mieux que je m'arrête là. Non mais parce que déjà là j'assume plus et je sais que c'est typiquement le genre d'engrenage dans lequel il ne faut surtout pas se lancer pour ne pas se retrouver à dire des trucs ultra gênant. Voilà, juste me contenter de terminer cette clope et ce sera très bien.

- "De toute façon, c'est pas comme si j'étais habitué à avoir des activités incroyables dans lesquelles j'aurais pu te proposer de m'accompagner."

Hop, retour de mon air bien plus blasé dans lequel je me sens plus à l'aise. Parfait.

- "Prend pas trop la grosse tête quand même hein ! Ce n'est pas si difficile de faire mieux que la compagnie de base !"

C'est plus fort que moi, je ne peux pas m'empêcher de chercher à amoindrir l'impact de mes précédentes paroles. Je sais qu'elle plaisante. D'ailleurs, c'est sur le même ton que je lui réponds. Pourtant, c'est vrai qu'elle fait désormais partie de ces quelques personnes avec qui je trouve agréable de passer du temps. Sûrement que j'apprécierai de passer plus de temps avec elle d'ailleurs, sans que je ne sache très bien pourquoi.

- "Et puis, tu m'as l'air d'avoir déjà pas mal de soirées d'occupées."

D'où est-ce que ça sort ça ? Est-ce que c'est parce qu'elle est de nouveau très proche ? J'sais pas, mais c'est vrai, Elizabeth c'est le genre de fille qui a une vie sociale bien plus active que la mienne (ok, ça non plus ce n'est pas bien difficile). Non mais c'est pas du tout un signe de jalousie commencez pas à vous imaginer n'importe quoi ! C'est juste que je me vois mal lui demander de m'accompagner. Oui bon, non, on laisse tomber, c'est mieux.

- "J'ai déjà survécu à un trajet en voiture jusqu'à Kyoto avec toi au volant, plus rien ne peut me faire craindre la crise cardiaque désormais."

Je reprends bien vite mon sourire provocant. C'est vrai que j'aime cette façon qu'on a de communiquer. Même si je sais aussi (d'expérience) qu'il vaut mieux que je me méfie quand Elizabeth affirme quelque chose. Souvent, ça se passe. D'ailleurs, je ne suis même pas vraiment mal à l'aise de cette proximité qu'il y a toujours entre nous. Évidemment, je ne peux pas non plus dire que ça ne me fait rien du tout. Mais étrangement, ce n'est pas désagréable. En tout cas, je ne cherche pas particulièrement à me dégager. Je suis même un peu étonné que l'odeur de la cigarette ne la gêne pas plus que ça. Mais, tant mieux. Je crois ?

Ces quelques minutes dehors se terminent finalement en même temps que ma clope et on se dirige à nouveau vers l'intérieur de la salle. A peine la porte passée, le volume sonore augmente d'un coup. C'est vrai qu'il y a du monde qui est arrivé. Alors je crois que la proposition d'Elizabeth tombe à pic. Parce que d'ici quelques minutes, tout le monde aura exactement la même idée et la file d'attente sera bien plus longue que ce qu'elle n'est actuellement.

- "Bon, qu'est-ce que tu bois ?"

Ok, je ne sais pas comment mieux formuler que je ne compte pas la laisser payer ce premier verre. C'est moi qui suit censé être à l'initiative de cette soirée alors, c'est un peu normal de payer au moins la première tournée. Je crois.

La soirée se passe bien. Mieux que ce que je n'aurais pu prévoir. Qu'est-ce que j'ai prévu ? Rien, mais je ne suis pas naturellement optimiste hein. Alors forcément, j'avais en tête beaucoup de choses qui auraient pu interférer avec le bon déroulement. Mais la musique est plutôt cool, il n'y a eu aucun problème majeur, personne de trop relou n'est venu parler de choses inintéressantes. Et je me rends compte que j'apprécie largement ces moments passés avec Elizabeth. Pour sûr que ça n'aurait pas été aussi cool tout seul. Surtout qu'avec tout ça, je peux même en apprendre un peu plus sur les goûts de la miss. C'est vrai que je ne suis pas très doué pour ce qui est de faire la discussion, mais là, je ne sais pas trop pourquoi, je n'ai pas l'impression d'avoir à fournir d'effort particulier.

Peut-être que c'est l'alcool ? Faut dire que j'ai vu plus d'un verre passer pendant cette soirée. J'aurais peut-être dû compter. Parce que je sais, que Elizabeth tient beaucoup trop bien. En même temps, est-ce que j'aurais vraiment arrêté avant elle, la laissant continuer seule ? Plus ou moins seule cela dit, mon chef ne manquant jamais une occasion de s'assurer que tout se passe bien... et pas forcément que pour la soirée. Je sens déjà toutes ses questions arriver demain. Mais je vais éviter d'y penser maintenant.

Parce que maintenant, il y a bien autre chose à penser. Le retour. Et nos options sont assez limitées. Bien sûr, le retour à l'école n'est pas possible. Ce n'est pas pour rien que je lui avais conseillé de prendre un sac avec quelques affaires. Mais je suis un mec sérieux aussi, alors pas question de conduire. Ça va, je marche droit encore, mais ce serait bête de prendre des risques inutiles. Quant à l'hotel... ahaha je ne compte pas mourir de malaise ce soir ok ? La dernières solution correcte qui reste, c'est de passer la nuit chez Genzo. Si j'ai l'habitude de dormir là bas dans ces situations, ça reste la première fois que je rentre avec quelqu'un (enfin non, une fois il y a bien eu Maya, mais ça ne compte pas et je préfère oublier ce moment).

Pourtant, une fois de plus, j'arrive à ne pas trop me prendre la tête à réfléchir. Après avoir terminé ce qu'il y avait à faire dans la salle, une dernière clope avant de quitter définitivement les lieux, et c'est parti pour une petite marche dans les rues de Kobe. Et en ayant passé plusieurs heures enfermés avec des décibels libérées, ça fait du bien. Même si l'ambiance qui change me demande un certain temps de réadaptation. Oui bah je fais ce que je peux.

Je fais ce que je peux jusqu'à un certain point, parce que quand je sens Elizabeth enrouler son bras autour du mien avant que ce ne soit sa tête qui rencontre mon épaule, là... je ne sais plus où j'en suis. Je me risque à un léger regard en biais dans sa direction. Sa remarque me fait vite comprendre que ce n'est pas ce que j'ai en tête. Alors qu'en réalité, elle a raison. C'est exactement ce à quoi j'aurais dû penser.

- "Qui sait, peut-être que ça ne me déplait pas."

Je viens vraiment de dire ça ? Ok, cette fois c'est mon cœur, bien trop rapide d'un coup, qui me fait comprendre que je raconte n'importe quoi. Ou pas. Oh merde, j'en sais rien en fait. Il y a longtemps que je n'avais pas été si proche d'une fille. Dans tous les sens du terme. Et si ce n'est pas non plus une grande première, eh bien, je ne sais pas quoi en penser. Est-ce que cette soudaine proximité me convient vraiment ? Probablement. Je n'ai pas eu de mouvement de recule après tout.

- "Ou peut-être que tout ça m'a beaucoup trop fatigué pour trouver encore l'énergie de râler."

Je souris légèrement. Je sais ce qu'elle pense de moi. Ce que tout le monde en fait. Et ça ne me dérange pas. Pourtant, je suis incapable de la regarder à cet instant. C'est bien plus facile de me contenter de garder les yeux rivés droit devant moi, suivant le chemin tracé par le trottoir, traversant à certains endroits pour rejoindre la rue suivante.

- "Tu as passé une bonne soirée ?"

Ok, le timing est un peu bancal. Mais je voulais déjà lui demander. Et puis tout s'est embrouillé d'un coup. Puis si je ne le fais pas là, je ne sais pas si je lui demanderai plus tard. Je ne sais même pas pourquoi la réponse m'importe autant.