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Pablo K. Mora
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Lun 10 Avr 2023 - 23:45
Tel est pris qui croyait prendre

Le 14 février, 19h20.

J’sais pas quelle mouche m’a piqué ni ce qui m’a pris pour avoir une idée aussi tordue, mais maintenant c’est trop tard pour reculer. Ça m’semblait encore un super plan pour rendre la pareille à Mori pour sa farce l’an dernier… Mais après cette rencontre haute en couleur avec l’autre taré, j’ai l’impression que d’avoir sérieusement un neurone qui a grillé pour avoir pondu ce plan. C'est comme si on m'avait forcé l'crâne pour aller y mettre des idées qu'on m'a toujours dit d'éviter, ça m'donnerait presque le vertige ou la nausée. Fais ch*er.

J’me passe de l’eau sur la figure et fixe le fond de l’évier en réfléchissant, redresse la tête vers le miroir, fixe mon reflet et marmonne un « Tsch » en m’ébouriffant les cheveux. J’attrape ma serviette et m’éloigne, finissant de me sécher avant de me coiffer et m’habiller. Une fois mon boxer et mon jean beige enfilé, je me parfume et sors des sanitaires en terminant de boutonner ma chemise, retournant à ma chambre déposer mes affaires de toilette. J’laisse tout sur mon lit, enfile mes chaussettes, mes baskets et met mon portefeuille dans ma poche arrière, avant d’partir frapper à la porte de Seito :

- Salut mec ! Content d’voir que t’as gardé ta soirée comme prévu, mais en fait c’est pas ici qu’on reste ce soir…

Allez Mora, reste calme. J’suis juste un mec qui fait une farce de merde à son pote. Ça n’a rien de chelou, d’faire des farces. On s’en fait tout le temps avec Lloyd ou Nolan ou Seito. C’est qu’une farce de plus. Une farce pile poil à la hauteur pour me venger de celle que Seito m’a fait l’an dernier. C’est pas ce tordu et sa première impression sur mon compte qui vont m’faire tout remettre en doute. J’reste face à lui avec un big smile qui se veut confiant, plante mes yeux dans les siens et lui envoie avec toute l’assurance du monde :

- Tu t’souviens de l’an dernier ? Eh bah c’est mon tour cette année d’t’inviter en rencard.

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Dim 16 Avr 2023 - 15:59
MERCREDI 14 FÉVRIER 2018



Un blanc énorme, qui dure. Pesant, accompagné de deux petits yeux perplexes dont les paupières clignotent en morse leur incompréhension. Seito se retourne. Dans la chambre, personne. Il fronce les sourcils, pivote dans le sens inverse puis dévisage Pablo, plus dubitatif que jamais.

« Euh... tu parles à qui là ? Les filles sont pas là. »

Au cas où il n'aurait pas remarqué. Par fille, il entend surtout Sato-chan pour qui il ne serait pas étonné qu'il ait le béguin. Sauf que l'espagnol ne confirme pas son erreur.

« Attends... tu m'parles à moi ?! »

Pire, il enfonce le clou. Et des flashs se rappellent à lui pêle-mêle. Des dorayakis écrasés au sol à ses mains sur son cou, jusqu'à ses paroles de haine et son visage profondément marqué par la blague qu'il aurait dû s'abstenir de faire.

« Oh... »

Il déglutit. Cela veut-il dire qu'il compte le frapper à nouveau ? Seito pensait pourtant qu'ils avaient dépassé ce stade de leur relation, que le ciel s'en tiendrait au beau fixe et qu'il n'aurait qu'à gérer de petites dépressions nuageuses.

« J'imagine que c'est de bonne guerre... »

Un rééquilibrage logique après la journée fabuleuse qu'il vient de passer. Six boîtes de chocolat. Impliquant six personnes différentes. C'est plus que ses dix-huit années d'existence. Le plus frappant est qu'elles le lient toutes d'amitié. Et c'est idiot mais il comptait sur cette soirée pour analyser posément la situation. Celle où il fait parti intégrante de la vie des gens. Où son rôle n'est plus seulement d'être le fils mal aimé. Il tente d'esquiver la sentence avec de piètres excuses.

« Mais tu sais, j'dois encore réviser avant les exams, y'a encore des exos que j'arrive pas bien à piger, une analyse de texte que j'ai pas terminé et... » Mais constate rapidement que Pablo ne lui fera pas de fleur. « Bon OK, j'arrive. »

Il se mord la lèvre, indécis. En quelques pas, il est au milieu de la pièce. Un regard sur son pull tâché, il est forcé d'ajouter :

« Mais j'vais mettre un truc mieux, même si c'est pas un vrai rencard. Enfin j'sais pas où on va et c'qu'on fait, c'est le principe, c'est sûr mais on sait jamais. Je- Je me tais. » Il pivote vers sa commode et en sort un pull à capuche noir ainsi qu'un t-shirt propre. « Tourne-toi s'te plait. Ah non, y'a le paravent. »

Le japonais et ses joues rouges se cachent derrière et il s'empresse de changer de haut, non sans une certaine appréhension. Sa main dans les cheveux sert de peigne et, timidement, il sort de sa cachette et s'avance vers Pablo.

« Voilà, j'suis prêt. Enfin habillé parce que prêt, on peut pas dire que j'le suis... » Le stress pourrait-il se manifester autrement que par la parole ? Il inspire. « Bref. J'te suis. »




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Dim 7 Mai 2023 - 1:03
Tel est pris qui croyait prendre


-Evidemment que j’te parle à toi, espèce d’idiot.

J’roule des yeux et m’appuie contre l’encadrure de la porte, alors qu’il à l’air de se décomposer. Ca a l’air si horrible que ça, d’embarquer dans mon plan quel qu’il soit ? Ou alors, c’est le sous-entendu de « rencard amoureux » qui le dérange, puisqu’il déglutit aussitôt. Bah super, comme ça on est deux à être mal à l’aise. Mais au moins j’me sens moins seul à plonger dans ce plan foireux et à en patir.

Et quand j’crois qu’il est prêt à accepter, voilà qu’il me parle de ses devoirs et compagnie. C’est quoi ces excuses à deux balles… J’le fixe d’un air impassible et croise les bras, bien décidé à ne pas bouger de là tant qu’il sera pas prêt à sortir, et j’lui fais bien comprendre. J’prononce pas un mot quand il m’dit aller se changer non plus. J’me suis mis sur mon 31 et j’compte bien à ce qu’il fasse un effort aussi de son côté. J’le regarde sans sourciller quand il me demande de me tourner, avant de lui désigner son paravent du regard. Quand il arrive devant moi, changé et apprêté, j’le regarde de haut en bas en haussant les sourcils.

-J’ai sorti la chemise et tout. T’es sûr de vouloir rester comme ça ?

Un peu casual pour un rencard, non ? J’repose le regard sur le sien et attend quelques secondes, avant d’ajouter :

-J’sais pas si tu t’es nettoyé les oreilles ce matin ou non, mais j’ai jamais dit que c’était pas un vrai rencard. Et évidemment, t’en connaîtra pas le programme vu que c’est censé te surprendre. Fais un effort, j’t’en dis pas plus Chibi-kun.

Ça faisait un bail que j’avais pas ressorti ce surnom, j’sais pas pourquoi je l’ai ressorti là mais au final, ça s’prête bien au jeu. Parce que c’est tout ce que c’est au final, un p’tit jeu rien que pour l’emmerder, comme il l’a fait l’an dernier avec cette lettre de déclaration l’an dernier. J’finis avec un grand sourire :

-Dépêches, on va être en retard ! J’voudrais pas que tu rates tout ça.

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Dim 7 Mai 2023 - 22:32
MERCREDI 14 FÉVRIER 2018



Seito tombe des nues. En témoigne sa mâchoire qui se décroche face au doute que l'espagnol lui jette à la figure. Ses yeux sondent les siens, à la recherche d'une réponse qu'il ne trouve pas, puis échoue sur la chemise et donc son torse. Il pique un fard. Non, il n'est plus sûr de rien. C'est une blague, sadique certes, mais une blague pour autant. Rien, pas même l'assurance avec laquelle Pablo le presse vers sa destinée funeste, ne saurait le faire douter. Car il est impossible. Existe-t-il un mot plus catégorique ? Dans aucune réalité, aucun multivers, aucune galaxie, il n'existe la possibilité que ce rencard soit un vrai. La route a été longue mais ils sont amis. De simples amis.

Et la seule foutue pensée qui lui vient en tête est : a-t-il seulement une chemise dans sa garde-robe ?

Ça n'a aucun sens. Mais il s'accroche au plus terre-à-terre pour ne pas sombrer dans des théories toutes plus dingues les unes comme les autres. Comme la possibilité que Pablo l'invite à un vrai rendez-vous le jour de la Saint-Valentin alors que la veille il faisait du charme à une deuxième année. Alors qu'il n'a jamais mentionné aucune attirance pour les garçons, qu'il s'est même exprimé contre si cela venait à le toucher lui. Et qu'en est-il de ce surnom dont il l'affuble à nouveau et qui, cette fois-ci, lui paraît si affectueux qu'il ne s'engage dans aucune protestation. Et pourquoi diable son cœur bat-il si vite devant Pablo ? Aussi vite que sur le banc avec Mathéo. Alors que pour lui aussi, ce n'était qu'une blague. Des chocolats d'amitié, un simple encouragement pour ses examens. Une utopie sucrée qu'ils construisent parce qu'ils s'apprécient. Comme des amis. De simples amis.

UNE CHEMISE. Il lui faut une chemise. Si Pablo le demande, il n'y a pas lieu de tergiverser. Il le veut en chemise, il mettra une chemise.

C'est aussi simple que ça. Et à l'heure actuelle, il lui faut du tangible. Pablo fait bien de lui dire de se hâter car il n'aurait jamais repris pied. Ses yeux affolés se décrochent de son visage et c'est le visage rouge pivoine qu'il replonge derrière son paravent. Très vite, il fait glisser son pull par-dessus sa tête sans plus se soucier de sa coupe de cheveux. Ses doigts attrapent la seule chemise qui pend sur un cintre au milieu du néant de sa penderie. Son souffle devient court. Elle n'est pas repassée mais il n'a rien de mieux. Et pas question de le dire à Pablo. Le tissu épouse ses épaules. Il garde son tee-shirt, peu à l'aise à l'idée de ne porter qu'une chemise. Mais il ne la boutonne pas. Ses doigts tremblent alors qu'il ajuste le col autour de sa nuque.

Bon sang Seito, reprends-toi. Prends les rênes et impose-toi. Dis-lui non, merde ou plaque-le contre le mur et embrasse-le. N'importe quoi mais cette immobilité que te cloue sur place pendant que tu te fais des films est un calvaire.

Le japonais inspire. Ce soir est probablement sa dernière soirée sur cette Terre. Et s'il la passe en compagnie de Pablo, c'est toujours ça de pris. Même s'il finit par le tabasser dans une ruelle sombre. Ou lui rouler un patin selon la véracité de ses propos. Non. Non non non. Il ne peut pas laisser ce genre de pensées indécentes prendre le dessus. Il expire. Sans plus tarder, Seito se glisse hors du paravent et marmonne :

« Voilà. Content ? »

P*tain de sourire à la c*n, bien sûr qu'il allait se faire avoir. Le trajet depuis le campus jusqu'au métro est un bel aperçu de l'enfer. La rame a des allures de barque alors qu'elle accoste sur le quai. Et pendant tout ce temps son cerveau turbine tandis qu'il ne quitte pas du regard ce Charon diablement enjoué.




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Lun 8 Mai 2023 - 18:39
Tel est pris qui croyait prendre


Le voir retourner se changer et s’magner comme si sa vie en dépendait m’fait rire, mais j’garde face pour pas le mettre encore plus mal à l’aise. Sa tête est si rouge que j’pourais l’confondre avec le drapeau japonais. J’le regarde revenir vers la porte sans le quitter des yeux et lui réponds aussitôt :

-Très ! Là au moins, j’ai l’impression que tu t’es mis sur ton 31 pour sortir avec moi.

J’tourne aussitôt les talons pour me mettre en route pour éviter de croiser son regard après cette réplique et lui fait un p’tit signe de la main pour lui dire de me suivre. On file jusqu’au métro sans grande discussion, Seito m’fixe mais il est tellement dans ses pensées que j’ai même pas besoin de m’cacher tant que ça pour vérifier qu’notre première destination est bien ouverte. J’penche juste l’écran à l’opposé d’lui pour pas qu’il regarde. Si c’était fermé, ce serait la méga poisse… J’ai encore vérifié ce matin, mais j’étais dans l’pâté alors on sait jamais, un imprévu est vite arrivé. J’pousse un léger soupir de soulagement en voyant que rien n’a changé et m’détends sur mon siège, rangeant mon téléphone. En relevant la tête, j’ricane et passe la main vite fait dans ses cheveux, qui rebique sur sa tête en signe de rébellion.

- T’avais les ch’veux en vrac, ça doit être quand t’as retiré ton pull haha.

J’tourne la tête vers l’affichage des arrêts et m’lève aussitôt en voyant que le notre est l’prochain. Ce coup d’stress. Encore un peu et on l’aurait loupé… Je dis à Seito qu’on est arrivé et le suit vers les portes de la rame, sortant aussitôt à ses côtés quand elles s’ouvrent. Quelques petites minutes de marches dans le centre-ville, j’nous emmène dans une rue un peu reculée. Pas le genre de rue avec 3 tonnes de magasins et de vitrines, c’est à peine si y’a un antiquaire et un p’tit konbini.

- T’inquiète, on est pas perdu.

Seito doit s’demander ce qu’on fout ici et j’préfère aussitôt le rassurer. Trois minutes plus tard, continuant sur cette même petite rue tortueuse, j’sens mon visage se détendre et j’souris en apercevant la petite devanture vieillotte en bois que j’cherchais. J’avance vers la porte et en profite pour regarder à travers la fenêtre, ou les stores sont à moitié baissés. Des rangées de livres disposées sur de longues bibliothèques le long des murs, juste deux-trois tables en bois pour deux, et… les bougies sur l’une d’entre elle, comme j’ai demandé, alors que la nuit est en train de tomber. C’est parfait ! J’pose la main sur la poignée et tire la porte, tournant la tête vers Seito :

- Après toi mon cher !

Et ce qui est cool, dans ce p’tit café-librairie, c’est qu’il est pas vraiment connu et que, du coup, y’a personne à part nous. Quand j’ai appelé après quelques recherches sur l’un des pc en libre accès du campus, la vieille dame m’a dit qu’elle n’avait pas encore de réservation pour ce jour-là et que, vu ce dont j’lui ai parlé, elle préférait éviter d’avoir des gens aux deux autres tables pour qu’on soit tranquille et qu’elle en profiterait pour passer la soirée avec son mari dans l’arrière boutique. Elle a été vachement cool en vrai ! J’laisse Seito passer devant moi et entre juste derrière, levant la main pour saluer la dame en question :

- Bonsoir, c’est moi qui ait reservé ! puis j'me tourne vers Seito : - C'est pas vraiment un resto à la base, mais j'me suis dit qu'ça te plairait.

L'ambiance des lieux :


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Mar 9 Mai 2023 - 23:47
MERCREDI 14 FÉVRIER 2018



A chaque arrêt, son lot d'âmes. Un flot de japonais se presse dans leur barque et les pousse à l'arrière jusqu'à parvenir aux arrêts névralgiques du centre-ville. A partir de là, le flux se tarit et Seito s'autorise une ou deux respirations bienvenues. Trop de frôlements, trop d'attente, trop de regards posés sur eux l'ont rendu fébrile et un brin irrité. Il accueille la main dans ses cheveux avec nervosité. Un mouvement de recul. Brusque.

« Fais pas ça. » le réprimande-t-il tout bas.

Le menton contre la poitrine, il ne relève pas les yeux du reste du trajet. Fort heureusement, seuls quelques arrêts manquent à l'appel. Ce qui ne l'empêche de trouver le temps ignoblement long. La faute à son cerveau surchargé d'idioties dont une question en particulier tourne en boucle depuis qu'ils sont partis du campus : pourquoi Pablo souhaitait-il qu'il se mette sur son 31 pour lui ? L'ongle de son index subit son stress entre ses dents. Pour peu, il en aurait presque le mal de mer. C'est avec un soulagement non dissimulé qu'il sort du métro et gravit les marches aux côtés de l'espagnol jusqu'à la surface. L'air frais s'engouffre dans ses poumons, il reprend des couleurs. Un coup d’œil aux alentours ne lui donne aucune information sur leur destination. Il ne connaît pas ce quartier, ne croit pas y avoir jamais été et il a beau détaillé la moindre enseigne à la portée de sa vue, il n'est pas plus avancé.

« Tu veux vraiment pas me dire où on va ? » tente-t-il sans grande conviction. « Un indice au moins ? » Une charade ou un rébus, à la rigueur. Ou une petite blague similaire à la sienne. « Moi j't'avais laissé un mot dans ton casier... »

C'est peine perdue, Pablo ne cédera pas. Il le voit bien sur son visage qu'il prend un malin plaisir à le mener en bateau. Cet arrêt de métro n'est qu'un embranchement du Styx et tandis qu'ils s'enfoncent dans les petites ruelles, la pénombre les talonne. Une ampoule clignote dans l'une d'elles. L'espace d'un instant, il croit y déceler le code morse d'un appel à l'aide. Ses pas ralentissent, creusant la distance entre eux. Leur histoire ne peut pas se finir ainsi. Pas dans ce bras méconnu des enfers. Sa silhouette, agonisant sur le sol le visage en sang, flotte silencieusement dans sa tête. Tous ces encouragements au club de foot, tous ces éclats de rire dans la salle commune, les a-t-il rêvés ? La voix de Pablo le fait sursauter.

« Hein ? Ah, euh... ouais ouais. »

Cette affirmation est erronée. Seito ne s'est jamais senti aussi perdu que maintenant. Et rien, pas même la lumière accueillante au bout de la rue, n'apaise les remous tumultueux de son cœur qui l'exhorte à faire demi-tour. Mais ses jambes ne l'écoutent pas. Pablo lui dirait de sauter du toit qu'il le ferait sûrement. Et c'est précisément sur cette pensée qu'il choisit de le dévisager, légèrement en retrait derrière lui. L'éclairage découpe son sourire à la serpe au point de le rendre inquiétant. Seito déglutit. Il ne saurait quoi dire pour l'empêcher de commettre un impair tant il est convaincu de mériter chaque seconde d'épouvante. Une pensée incongrue fait surface. Et si Pablo l'avait vu sur le banc en compagnie de Mathéo ? Sa main dans la sienne. En toute amitié. Et qu'il l'avait mal interprété ? Et qu'il allait lui faire payer dans cette ruelle sombre, à l'abri des regards indiscrets.

« C-comment ? »

Seito se prend un uppercut de réalité et papillonne des yeux le temps de s'acclimater à la devanture d'un petit magasin, boutique, boui-boui ? Interloqué, il s'accroche aux yeux de Pablo puis à la porte entrouverte qui lui fait face. Aucun Cerbère à l'entrée, une chaleur avenante plutôt qu'un brasier insoutenable. Il lui suffit d'un pas dans cet enfer pour effacer d'un claquement de doigts les sangsues entêtantes de son esprit en surchauffe.

Le choc est violent.

Des livres recouvrent les murs. Des dizaines, des centaines de livres. Rangés de manière anarchique, les tranches colorées comme autant d'arc-en-ciel éméchés. Le tout éclairé à la bougie, créant une atmosphère tamisée. Un cocon de douceur après la frayeur de sa mort imminente.

Le second choc est plus violent encore.

Le japonais se retourne vivement vers Pablo. Il a dû mal entendre. Son regard charbonneux se reflète dans les émeraudes qui lui font face. Les lèvres entrouvertes, il essaie de comprendre. Mais tous ses neurones sont aux abonnés absents, sans doute noyés dans le Styx.

« Je... Je pensais que c'était une blague. »

Car c'est une blague, n'est-ce pas ? Maintenant qu'il l'a fait rêver, ils vont repartir et ils rigoleront comme deux idiots de cette farce de mauvais goût. Du même niveau si ce n'est pire que ce fameux rendez-vous sur le toit. En ce qui concerne les battements frénétiques de son cœur, il trouvera un moyen de les faire taire. Au détour d'un méandre, un chavirement inopportun et le problème disparaîtra.




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Lun 15 Mai 2023 - 23:28
Tel est pris qui croyait prendre


Je referme la porte derrière moi après avoir salué la mamie qui nous accueille et tourne la tête vers Seito. L’effet de surprise est réussi, mais je ne pensais pas que ce serait à ce point. S’il prend quelques secondes à contempler les lieux de ses yeux, celles qu’il passe plongé dans les miens me paraissent des heures.

- Ouais, euh… C’est… plus compliqué que ça.

Je me racle la gorge et fait quelques pas pour lui passer devant, me dirigeant vers la table que la dame nous indique. Je tire la chaise en faisant signe à Seito de venir s’asseoir, puis vais m’asseoir en face, le regard baissé sur le set de table qui sert de menu.

- La blague, c’était de te prendre par surprise, alors fallait que j’y mette les formes, mais le reste est sincère. Enfin…

Je relève les yeux sur Seito, mais se retrouver seuls dans cet endroit, avec cette ambiance, face à face, ça me perturbe. Et ça, c’était pas prévu. La blague, c’était de le surprendre lui, pas de me faire imaginer des c*nneries. Si tout ça n’était pas une blague, j’veux pas penser à ce que ça changerait. Seito est mon pote, et moi le sien. Y’a rien de plus à cogiter. Tout ça à cause de ce tordu tout à l’heure, une rencontre dont j’me serai bien passé. J'veux juste qu'on profite de cette soirée, et que le 14 février soit un meilleur souvenir que la catastrophe de l'an dernier. Je regarde la flamme des bougies osciller au centre de la table, et poursuit :

- Nolan est en rencard avec Tsumugi, plein de monde passe une bonne soirée, mais j’avais pas envie de passer la mienne avec une fille « juste pour dire de » parce que c’est la Saint Valentin … J’préférais qu’on passe la soirée juste tous les deux et t’faire plaisir au passage.

Je redresse la tête pour observer sa réaction, plongeant le regard dans le sien et, conscient que tout ça pourrait aussi le surprendre, ou qu'il pourrait se faire le genre de film qui m’est passé par la tête y’a quelques secondes, j’éclate d’un petit rire nerveux en tendant les bras pour désigner les bougies et tout le reste :

- Bon, j’avoue, j’y suis pas allé avec le dos de la cuillère... Mais ça a fait son effet et maintenant qu’on y est, autant en profiter, non ?

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Jeu 18 Mai 2023 - 21:19
MERCREDI 14 FÉVRIER 2018



Ses lèvres bougent mais ce sont ses yeux qui parlent. Ce vert hypnotisant qui le cloue sur place. Son esprit se vide à mesure qu'il ingère chaque information nouvelle. Compliqué est un début de définition, l'apéritif qui ouvre l'appétit. Sincère est une entrée surprenante, bien que déjà trop lourde. Alors quand vient le plat de résistance, il n'a déjà plus faim. Juste tous les deux, pour lui faire plaisir. Seito est terrassé par une furieuse envie de l'enlacer. Des picotements fourmillent de ses doigts jusque dans ses avant-bras mais la décence le retient. Il a soudain peur de lui-même. De ce qu'il adviendrait s'il cédait à cette pulsion ravageuse. S'il écoutait cette petite voix, d'ordinaire haineuse, qui l'invite à presser son corps contre le sien d'une manière ou d'une autre. Un éclair de lucidité le rappelle à l'ordre. Ils ne sont pas seuls. Pablo est un garçon. Une étreinte peut être amicale, mais le concernant il n'est soudain pas sûr que ce soit sa motivation première. Comme si à chaque mot prononcé, le voile se levait et révélait tout un pan de sa personnalité qu'il ne soupçonnait pas.

Seito ne sait par quel miracle il se retrouve assis. Aucun souvenir d'un mouvement, encore moins d'un déplacement. Toute son attention est focalisée sur l'espagnol. Il en détaille les contours, se familiarise avec l'improbable pour y déceler la faille. Son esprit charbonne et ne cesse de l'aveugler de flashs imagés. Les mains sur ses cuisses tripotent la fibre de son jean tandis qu'il tente de collecter le plus petit fragment de réalité auquel s'agripper. Il n'est pas foncièrement à l'aise en chemise. C'est la raison pour laquelle il la porte entrouverte, un t-shirt en-dessous. Contrairement à Pablo auquel aucun vêtement ne semble résister. Sa peau réagit au plus infime frottement sur ses avant-bras. Un brin sous le choc, sa bouche reste en position neutre. Finalement son regard se décroche de son ancrage pour arpenter les lieux à nouveau. Il tourne la tête vers les étagères et la vision de tous ces livres désordonnés rééquilibre son baromètre d'anxiété, le faisant chuter de quelques crans. Entouré de livres, il se sent en sécurité. Rien de mal ne peut lui arriver. Leurs regards sont bienveillants, il n'a rien à leur prouver.

Sur la table, il se fait happer par la bougie dont la flamme danse langoureusement. Ils auraient pu sortir n'importe quel autre jour. Aller au fast-food. Rester sur le campus, regarder un film ou jouer à un jeu. Ne pas porter de chemise. Se risquer sur les toits à la rigueur pour honorer le raté de l'année passée. Il n'est pas contre en profiter. Le lieu qu'il a choisi est incroyable. Presque trop beau pour être vrai. Mais ce qui le trouble le plus est qu'il a été choisi pour lui faire plaisir. Et il n'en comprend pas les tenants et les aboutissants. Plus il y réfléchit, moins la justification fait sens. Cette journée entière échappe à la logique. Il n'a jamais reçu autant d'attention de toute sa vie. Et le fait est qu'il n'a aucune foutue idée de ce que les gens lui trouvent. Il ne lui semble pas avoir fait d'efforts particuliers pour mériter une médaille de l'amitié. Jour après jour, il arpente les couloirs avec l'ignorance totale que suscite son existence. Il respire, il vit. Et cela suffit. Pour sept personnes sur cette planète, c'est une bonne chose qu'il existe.

« J'imagine que oui... » répond-il avec douceur.

Il souffle par le nez, amusé par la situation. Si on lui avait dit qu'il serait invité au restaurant par Mora Pablo le jour de la Saint-Valentin, il aurait envoyé l'individu paître. D'une parce qu'il avait entendu parler de tellement de filles depuis janvier qu'il était impensable qu'il ne s'en trouve pas une plus sérieuse que les autres. De deux parce que personne ne souhaiterait inviter Seito à un rencard ce jour-là. Ni aucun autre jour pour ce que ça vaut. Depuis Mitsuki, il a eu d'autres chats à fouetter. Et ce ne sont pas les quelques trémolos de son cœur en l'unique présence de garçons qui vont le dissuader de penser que les relations amoureuses ne sont pas faites pour lui. Il occulte les plus récents, ceux de ce midi et ceux qu'il éprouve actuellement alors que ses yeux se reposent sur son ami. La gentillesse dont l'espagnol lui fait part remue de sombres souvenirs.

« Tu sais... j'suis vraiment désolé pour l'année dernière. C'était une blague nulle. C'est moi qui aurait dû t'inviter aujourd'hui. Pour m'excuser. Mais j'aurais jamais cru que t'aurais voulu passer cette soirée-là avec moi plutôt qu'avec une fille... Je savais même pas que Nolan est avec Sato-chan ce soir. »

Il fronce légèrement les sourcils. Se peut-il que son Rinbo lui ait dit mais qu'il n'y ait pas prêté attention ? Il lui arrive parfois de décrocher quand le sujet des amourettes est abordé. Sa colocataire s'entend bien avec Nolan. En tant qu'amis, pas en tant que...

« Ils sortent ensemble ? » demande-t-il abruptement.

Si c'est le cas, il ne croit pas que cela change quoi que ce soit. Néanmoins, il ne sait pas réellement comment digérer cette donnée. Positive ou non, il choisit de la traiter plus tard, à tête reposée. Sur l'instant il est beaucoup trop sollicité et risquerait de parvenir à des conclusions hâtives, comme celle d'imaginer être délaissé par son acolyte pour une fille plus joyeuse et qualifiée que lui. Mais alors qu'il referme une porte mentale, une autre s'ouvre.

« Et toi du coup... y'a aucune fille avec qui t'aurais aimé passer la Saint-Valentin ? »

Le japonais plonge ses yeux dans les siens, incertain. Connaître la réponse ne lui est pas vitale. Il réalise vouloir qu'il ne prononce aucun nom. Qu'il réaffirme son choix de passer sa soirée avec lui seul et d'en être heureux ainsi. Cette soudaine impulsion possessive le surprend. Il ajoute sur le tas :

« J'suis super content qu'on soit ensemble, hein. C'est juste que j'aurais pensé que t'aurais... quelqu'un de plus... spécial que moi pour partager des bougies. J'espère que la chemise te plaît... »

Il marque un temps d'arrêt puis détourne les yeux, le visage consumé par un soudain brasier. Qu'est-ce qui lui prend de sortir une énormité pareille ? Même si Pablo l'a fortement invité à se changer et qu'il lui a obéi comme si sa vie en dépendait, il est absurde de penser qu'il pourrait en tirer une quelconque satisfaction. Oh tiens, le menu est sur la table. Il y porte toute son attention bien qu'il n'ait pas si faim que ça.




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Sam 3 Juin 2023 - 23:01

PNJ Chanceux

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C'est la Saint-Valentin, la fête des couples. Il n'est donc pas étonnant de voir dans le menu qu'il y a plein de petites choses prévues pour les couples. La mamie n'a pas l'air du genre regardante non plus, elle ne va pas râler si Pablo fait cette "blague".
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Dim 4 Juin 2023 - 19:50
Tel est pris qui croyait prendre

J’me mord la joue en entendant Seito ressasser ce souvenir et s’en excuser. S’il y avait bien un fautif ce soir là, c’est clairement pas lui. Il a fait une blague qui a pas plu, ça arrive. Mais ce que j’ai fait moi, ça va bien au-delà d’un « j’ai pas aimé ». C’est même pas juste à cause de lui, mais à cause de mon jugement, de ce qu’on m’a inculqué et de mon avis sur certains sujets qui sont vraiment délicats à aborder. Il a juste sauté dedans à pieds joint sans savoir, j’ai pas aimé, certes, mais…  

- C’est pas à toi de t’excuser. J’aurai surtout pas dû réagir aussi violemment ce soir-là... Et ce soir, c’est l’occasion de se faire un meilleur souvenir de la soirée de St Valentin cette année, plutôt que de l’associer indéfiniment à ce qui s’est passé de l’an dernier. Oh et, si tu veux tout savoir, ni Nolan ni Tsumugi ne s’attendaient à sortir ensemble ce soir, en fait. C’est moi qui leur aie arrangé le coup sans qu’ils le voient venir. On verra bien ou ça les mène, mais de ce que j’ai vu, j’suis sûr qu’on n’a pas à s’inquiéter !

J’étire un grand sourire à la Colgate, tout fier de ce gros magouillage de plusieurs semaines. Faut dire, les voir si bien s’entendre, paniquer à la simple idée de lire leurs messages ou sur-réagir à la mention de l’un ou l’autre, faut pas être aveugle pour se dire que Cupidon marquerait, peu importe comment il pourrait tiré ! La question de Seito m’fait pas réfléchir très longtemps. Je sais très bien que j’aurai pu demander à plusieurs filles de m’accompagner. Je sais aussi à quelle fille j’aurai vraiment aimé demander de passer la soirée, même si c’est clairement pas le moment, ni le bon timing pour qu’elle accepte ou que je m’engage là-dedans. Ce que je sais surtout, c’est que j’avais plus important en tête pour ce soir que de tenter une approche avec quelqu’un d’autre.

Mais sa remarque juste après me fait buguer. La bouche entrouverte alors que j’allais répondre, la salive me fait défaut et j’referme la bouche aussitôt. Comment ça, « me plaire » ? Des flashs essaient de m’allumer le cerveau alors que j’baisse les yeux sur sa chemise, mais j’finis aussitôt ma descente sur le menu pour me chasser ce genre de réflexions et d’images de la tête. Elle est belle sa chemise, elle lui va bien, c’est sûr, mais j’ai rien de plus à dire là-dessus. Rien du tout. J'prends quelques secondes pour trouver comment bien insister vu qu’il a l’air de douter, mais aussi pour ne pas me répéter sur ce que je vais dire. Je le fixe, les yeux droits dans les siens et finis par lui répondre :

- Même si j’avais pu, j’en avais pas envie. C’était plus important à mes yeux de la passer avec toi, cette soirée. On a des choses à rattraper et j’veux vraiment qu’on passe un bon moment ensemble ce soir, Seito. Et puisque tu demandes... Oui, ta chemise me plaît.

J’étire un sourire un peu gêné, puis replonge mon attention dans le menu.

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Dim 11 Juin 2023 - 15:59

PNJ Surprise

Ceci est une intervention divine

Qu’ils sont mignons, mais qu’ils sont mignons ! La gérante ne rate pas une miette de ce petit rendez-vous galant qui n’est soit-disant pas un rendez-vous. Et c’est pour ça que vous portez tous les deux ces belles chemises jeunes gens ?! Pas à elle voyons, pas à elle !

« L’épisode va commencer. » Préviens son cher mari.
« Shhhh ! J’en ai un que je ne pourrais pas rattraper. »

Sans insister, monsieur se contente de secouer la tête, habitué à l’amour des commérages de sa tendre épouse. En réalité, elle aime à se ressasser sa jeunesse au travers des jeunes pousses. A chaque Saint-Valentin, elle prépare un menu spécial pour les couples, quelques petites folies pour pimenter la journée. Qu’ils sont lents, mais qu’ils sont lents, qu’attendent-ils pour se tenir un peu la main ? Elle qui a spécialement réservé le restaurant pour eux ! Hors de question que tout ne soit pas parfait. Il faut prendre les choses en mains, jeunesse doit se faire ! Déterminée et sous l’œil blasé de son cher époux, Fukana-obaa-san s’avance à petits pas, une planche de bois flanquée d’un menu parsemé de cœur entre ses doigts frêles.

« Pardon de vous déranger, oh que vous êtes mignons ! J’ai oublié de vous parlez des menus spécial couple. C’est simple, si vous remplissez les conditions, vous avez une réduction de 50% pour chaque menu spécial choisi ! Laissez-moi vous présenter la carte spéciale. »

Dit-elle en la tournant face à ses petits clients, sans leur laisser l’opportunité de dire quoi que ce soit. On ne vexe pas une dame de son âge après tout !

« Alors il y a :
- La becquée des amoureux huhu mon préféré ! Ce sont des petits mochis fourrés au chocolat, à la mangue ou à la noix de coco. Vous devez faire manger votre partenaire pour chacun des trois mochis huhu !

Ensuite nous avons :
- Le Wanwan Soba, fabuleux lui aussi ! C’est un plat commun de nouilles au porc, vous devez le manger ensemble et advienne que pourra hihihi !

Continuons :
- Le Merveill-aki, oh celui-là fait fureur ! C’est un dorayaki pour deux en forme de tapis volant. Vous devez croquez dedans en même temps jusqu’au dernier bout, idéal pour les gourmands !

Et enfin :
- Je l’ai appelé Le lagon étoilé ! C’est un bubble tea, pour deux également et bien sûr il n’y a pas plus mignon que de se servir en s’admirant droit dans les yeux, n’est-ce-pas ?

Alors, mes petits, faites-moi plaisir, choisissez-donc quelque chose. Vous êtes si adorables ! »


Il serait très mal venu de faire perdre la face à Fukuna-obaa-san, très très mal venu...
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Dim 11 Juin 2023 - 22:47
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Il n'en est pas inquiet. Le japonais se demande simplement depuis quand Nolan et sa colocataire se sont rapprochés. Oh bien sûr, son Rinbo passe énormément de temps dans sa chambre et au vu de son caractère, il s'entend bien avec tout le monde. Et cela ne lui a pas empêché de remarquer qu'ils rigolaient bien tous les trois. Qu'ils rigolaient bien tous les deux... Il a beau fouiller dans sa mémoire, il ne se souvient pas que Nolan ait formulé une quelconque attirance pour la blonde. Non pas que ce soit impossible. Son ami est attirant, Sato-chan est jolie. C'est juste qu'il aurait aimé... C'est ridicule, les histoires de cœur ne l'intéressent même pas. Dès lors que Pablo leur parle de sa nouvelle conquête, il écoute d'une oreille distraite. Est-ce que cela changerait quelque chose que leur relation aboutisse à plus ? Il n'en sait rien et n'est pas certain de vouloir le savoir. Alors il se concentre sur le sourire de l'espagnol qui semble particulièrement content d'avoir joué les Cupidon un jour de Saint-Valentin. Il répond à son sourire en répliquant :

« Tu devrais t'inscrire au kyudo si ça t'amuse tant que ça. »

Et puis, non content de sa petite blague, Seito poursuit sur sa lancée. Et alors qu'il se questionne sérieusement sur le célibat de l'espagnol et le rôle qu'il joue dans ce restaurant face à lui, son cerveau juge le moment opportun pour cafouiller. Il ne saurait dire pour quelle raison il focalise autant sur une p*tain de chemise mais le fait est qu'il lui est inhabituel d'en porter une et il se sent trop... chic ? Et dire qu'il devra remettre son costume en fin d'année. En relevant légèrement les yeux du menu, il s'aperçoit que Pablo est tout aussi mal à l'aise que lui. Merde. Il aurait mieux fait de se taire. Ou alors il a simplement très faim et patauge dans le choix que le menu offre. Menu qui ne lui offre plus l'échappatoire attendu plus le silence s'étire. Je t'en supplie, dis quelque chose, n'importe quoi, même que ma chemise est moche, que je ressemble à rien, promis je m'énerverai pas. Mais c'est tout l'opposé qui arrive.

Il cligne des yeux. Une fois. Deux fois. A la troisième, il n'est toujours pas sûr d'avoir bien entendu. Tous les mots tournoient dans son esprit, échappant à son rangement minutieux. Il a conscience de rougir. Accrocher ses lèvres du regard n'aide en rien, il baisse les yeux, incapable de soutenir son regard plus longtemps. Intimidé par cette intimité qui s'installe l'air de rien à leur table sans y avoir été conviée. Néanmoins, la gêne se mue en un doux sourire. Il ressent exactement la même chose et il trouve soudain important de lui dire. Pour équilibrer les forces. Il répond à la négative sur le menu, ce qu'il mange n'a pas d'importance. Tout comme il se fiche pas mal de la tenancière de ce café merveilleux. Il regarde autour de lui et hausse les épaules avant de reporter son attention sur son ami. Tout est une question d'équilibre dans la vie. Entre eux, il n'y a jamais eu de balance. Elle a toujours basculé d'un côté puis de l'autre sans qu'ils ne parviennent à la maintenir à niveau. Et Seito sent que le moment est enfin venu de réaliser cet exploit. Alors il amasse le peu de courage dont il dispose et relève la tête. Ses yeux bruns s'ancrent sur Pablo.

« Tu sais... C'est important pour moi aussi, Pablo. J'aime vraiment bien ce qu'on est devenu et j'adorerai apprendre à mieux te connaître. Que tu me racontes ta vie à Tokyo avant Kobe, que tu parles de tes parents, de l'Espagne, de ce que t'as envie de faire plus tard, ta saison préférée, bref tous ces trucs qui font que t'es le toi devant moi. Ça m'intéresse... tu m'intéresses... »

Oh bordel ! Une voix âgée interrompt ses confessions. Seito sursaute violemment. Il était tellement focalisé sur Pablo qu'il n'a pas entendu la mamie arriver. Mourir entouré de livres est une mort honnête mais il refuse que ce soit déjà la fin. Un sourire anxieux aux lèvres, il incline poliment la tête pour saluer la restauratrice. Il se permet même un compliment sur l'intérieur.

« Vous ne nous dérangez pas du tout, Madame. Votre café est magnifique. Ces murs remplis de livres... ça a de quoi rendre heureux. »

Puis il rougit alors qu'elles les complimentent à son tour. Mignons, soit. Pablo clairement plus que lui mais passons sur le sujet qui nous intéresse réellement ici. Un menu de couple ? Plaît-il ? Comment dire poliment à cette dame qu'ils sont venus entre amis. De simples bons amis. Qui souhaitent passer une excellente soirée le jour de la Saint-Valentin. Absolument rien de louche. Si Pablo le dit, c'est qu'il n'y a pas besoin de se faire des nœuds au cerveau. Mais, alors qu'il se fait précisément un bon gros napperon de pensées déboussolées, la petite mamie poursuit sur sa lancée sans s'inquiéter du nombre de mailles qu'elle défait ou si le crochet n'est pas trop gros pour la dentelle qui se tisse. Et le menu qu'elle déroule lui fait l'effet d'un rouleau compresseur. Ses yeux s'écarquillent au fur et à mesure. Quand y'en a plus, y'en a encore. Oh un dorayaki ! Mais bon sang, qu'est-ce qu'il raconte ?! Il ne va pas partager un dorayaki avec Pablo alors qu'ils se sont pris la tête sur ce dessert et qu'ils essaient justement de ne plus jamais mentionner l'incident. Le problème est que même la boisson lui fait envie mais il ne dit rien du tout. Il se contente de jeter des coups d’œil discrets vers Pablo qui, après s'être raclé la gorgé, rougit à vue d’œil. Elle va le casser, songe-t-il bêtement. Seito n'a pas d'autre choix que d'intervenir pour arrêter le massacre.

« Merci beaucoup... C'est une offre très... intéressante, vraiment. Tous ces plats ont l'air délicieux mais... »

Ce n'est peut-être pas le moment idéal pour réessayer la télépathie mais un peu d'aide ne serait pas de refus.




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Sam 12 Aoû 2023 - 12:36
Tel est pris qui croyait prendre

Je lève le menu jusqu'à hauteur de visage et j'fais bien parce que j'ai aucune envie qu'il voit mes joues ou  mes oreilles se mettre à chauffer. Et si elles réagissent comme ça, c’est que ce qu'il vient de lâcher m'prend de court. Qu'il veuille qu'on se connaisse mieux, ok, ça j'aurai pu m'y attendre, mais cette façon de le dire… ça me perturbe. Ça m'perturbe au point de me couper le souffle sur les deux derniers mots de son monologue. Tu m’intéresses.

Le souffle coupé, j'ose à peine oser lever les yeux par-dessus le menu, enfonçant un peu plus la tête dedans. J'sais pas ce qui se passe mais l’ambiance devient un peu trop « familière » et une petite voix me le crie au fin fond de mon esprit. Pour le coup, j'crois bien avoir atteint mon but. Ça ressemble presque à un rencard. Alors plutôt que de calculer le taux de réussite et imaginer ce que donnerait la suite, j'reporte l'attention sur la raison de notre présence.

J’pense qu’il est plus judicieux qu’on prenne chacun ce qui nous fait envie plutôt que de partager un plat si l’autre aime pas. Après tout, j’connais pas encore ses gouts autant que Nolan peut les connaître, vu qu’on s’est vraiment rapproché qu’en fin d’année. Mais en même temps, partager des trucs serait plus sympa et ça rentrerait ptête dans mon budget... Mon choix fait, j’tourne la tête vers les cuisines et attends que la mamie vienne prendre nos commandes.

- T'as choisi ? C’est étrange d'ailleurs qu’elle ne soit pas encore venue prendre nos commandes, alors qu’on est là depuis un petit moment à discuter.

Et c'est à ce moment précis qu'elle refait apparition. Comme si elle m'avait entendu. J'me frotte l'arrière de la tête en posant le menu et m'apprête à annoncer mon choix, mais son petit speech attire mon attention. Un menu spécial Saint valentin. Que ce soit les références, ou le nom des plats, tout y fait penser.

Mais ce qui retient surtout mon attention, c’est ce qu’elle a dit au début. Un défi contre une réduc' ? Ptête que j'vais pouvoir prendre un peu plus que ce que mon budget aurai permis, en fait. Un plat et une boisson, ça fait pas rêver quoi. Un sourcil levé, buvant sur ses paroles, tout ce que mon cerveau retient c'est qu'on pourrait se permettre de prendre la boisson spéciale avec plat et double dessert si on tente le tout pour le tout. Un festin de rois. Et j'suis prêt à tout pour qu'on mange à notre faim. J'ai entendu "dorayaki" en plus, alors si ça c'est pas un signe… Ni une ni deux, j’me lève et tend la main comme pour couper le contact visuel entre la grand-mère et Mori, m’interposant entre eux :

- On prend les quatre !

J'tourne la tête vers Seito un quart de seconde et regarde la mamie. J'lui ai pas demandé son avis, mais c'est moi qui l'ai invité, et j’compte bien lui faire passer une soirée qu’il n’oubliera pas de sitôt. Peu importe si une pointe du ridicule s’y mêle, si on a un banquet à la clé.

- C'est moi qui invite, toute façon. Alors on prend tout m’dame !
- Oh c’est fantastique ! Je savais que vous étiez aussi mignons que je le pensais !

Mamie m’pince la joue entre ses deux doigts mais j’m’en offusque pas, vu que c’est affectueux. Ca m’rappelle ma abuela. Et puis vaut mieux aller dans son sens si on veut s’régaler, en plus. On ne froisse pas la personne qui nous nourrit, sinon on s’retrouve avec des surprises dont on s’passerai bien. La suite de ses paroles m’enchante d’autant plus.

- Rappelez-vous que si vous remplissez chaque condition, vous aurez une réduction de 50% sur chaque menu ! Et, puisque vous me faites le plaisir de tout prendre, je vous accorde 15% de réduction en plus ! Patientez un peu et je vous apporte tout ça !
- J’me souviens pas de toutes les conditions, mais vous nous redirez au fur et à mesure hein ? Merci pour la réduc’ en plus en tout cas !

J’me rassois aussitôt et me détends sur ma chaise, sourire satisfait sur les lèvres tandis que Mamie acquiesce et repart en cuisine. J’fais la discussion en attendant et quand elle revient avec les bubble tea, j’hausse les épaules, relax et glisse à Seito quand elle part :

- Franchement, facile. S’regarder en buvant le bubble tea, c’est de la rigolade !

J’pousse l’un des verres vers lui et attrape le mien pour lui tendre, le fixant droit dans les yeux pour trinquer.

- A notre soirée, Seito !

Je place la paille entre mes lèvres sans le lâcher du regard et aspire une première gorgée. Pendant la deuxième, mes yeux remarquent les quelques mèches de ses cheveux qui viennent chatouiller ses paupières. Et à la troisième, j’y suis tellement concentré que j’en arrive à détailler longuement les nuances de bruns dans ses yeux. Ses prunelles me font penser à un dessert appétissant, et ça m’donne encore plus faim qu’avant.

- Ouais, un dessert chocolat-caramel, j’dirais… Et toi, mes yeux te font penser à quoi ?

La discussion et le silence s’alterne sans appesantir l’ambiance, jusqu’à ce qu’un doux fumet nous parvienne des portes de la cuisine, quand elle s’ouvre pour laisser passer la Mamie qui s’annonce. Sans risquer de quitter Seito des yeux, je dis tout haut :  

- On doit soutenir le regard de l’autre jusqu’à la fin du bubble tea sans s’arrêter ? Ou quand on n’est pas en train de boire, on peut regarder l’assiette ? Parce que j’sais pas si j’vais attraper grand-chose avec les baguettes comme ça, haha !
- Bien sûr vous pouvez arrêter quand vous mangez mais ce serait dommage de ne pas en profiter pour admirer vos beaux yeux !

Je rigole à sa remarque et m’frotte la nuque, avant de porter mon attention sur le plat de nouilles qu’elle nous sert. Les nouilles ont l’air plutôt longues, si on doit se servir tous les deux dedans, on risque de s’emmêler les baguettes ou se retrouver à manger les mêmes. En tout cas, le porc caramélisé a l’air méga bon.

- J’pense qu’il faut y aller stratégique, si on veut pas s’retrouver à faire « la belle et le clochard ». On s’est fait beaux en plus alors pas de clochard qui tienne ! Tu prends à droite, j’prends à gauche, ou l’inverse ! Et comment on dit déjà… euh…

J’ferme les yeux une seconde pour réfléchir, parce que j’le dit jamais, mais là j’fais l’effort :

- Itadakimasu ! Et c’est à toi de commencer à manger !

Parce que j’fais ça dans les règles, ce soir. Et dans les règles à la japonaise, c’est la personne la plus importante à table qui commence à manger.

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Ven 18 Aoû 2023 - 20:29
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Mais... on prend les quatre ?! Deux soucoupes se braquent sur Pablo à qui il envoie des signaux télépathiques plus insistants, relevant subtilement la tête au-dessus de sa main pour le soupeser du regard. A quoi joue-t-il ? L'espagnol a bien parlé d'un rencard mais de là à jouer le couple parfait face à cette vieille dame, il pousse le bouchon beaucoup trop loin. Sauf que cet idiot ne comprend rien à ses SOS silencieux et ose surenchérir en réaffirmant son choix. Les voilà dans de beaux draps... Cependant, malgré cette déconfiture, Seito remercie les dieux de ne pas être celui que la tenancière choisit pour une marque d'affection. Rien que d'y assister le fait grimacer. Grimace qu'il a tôt fait de gommer dès lors que son regard croise à nouveau celui de la mamie. Oh non, ne lui dites pas que Pablo fait tout ça pour les réductions. Si ça ne tient qu'à ça, il peut parfaitement participer. Même s'il tuerait le reste de ses économies, même s'il tuait la fierté de Pablo. Non, il ne peut pas lui faire ça. Le japonais sait à quel point il est têtu sur ce genre de chose. Fais chier. Un sourire de circonstance et il remercie poliment la vieille dame.

« J'ai déjà hâte de goûter à tout ça. » rajoute-t-il pour la forme.

Ce qui est vrai mais n'inclut en aucun cas la manière dont ils doivent déguster tout ça. Quelques secondes après que la mamie se soit éclipsée, Seito se penche vers Pablo et lui souffle :

« Mais t'es un ouf ! T'as entendu c'qu'elle a dit ? On va devoir jouer les am- »

La tenancière ne lui laisse pas le temps de s'indigner qu'elle revient déjà avec les bubble teas. Le lagon étoilé porte bien son nom. Bleuté, avec des teintes violacées dans lesquelles des paillettes flottent dès lors que l'on agite le liquide. Dans un premier temps absorbé par son contenu, Seito cligne des yeux et reporte son attention sur Pablo. Facile, facile...

« Qu'est-ce qu'on ferait pas pour des réducs... » soupire-t-il avant de lancer, plus souriant : « Kanpai ! »

Puis il attrape à son tour la paille et sirote une première gorgée tout en maintenant un contact visuel avec l'espagnol. Le dévisager d'aussi près lui était déjà arrivé, mais jamais aussi longtemps et de façon volontaire. Alors, délesté d'un poids, il se laisse prendre au jeu. Ses lèvres aspirent le lagon tandis que ses yeux explorent la voie lactée. De constellation en constellation, rien ne perturbe la beauté de l'espagnol. Plus il plonge dans sa contemplation, plus il perd le contrôle. Et comme il lui est aisé de glisser sur cette pente diablement enivrante... jusqu'au coup de grâce. Si tôt ?! Et oui pardi ! Seito lâche sa paille et se recule, troublé. De quoi parle-t-il ? Oh... OH... Son cœur passe à la vitesse supérieure tandis que ses joues se teintent d'embarras.

« T-tes yeux ? » balbutie-t-il.

Il a très bien entendu, il ne sait juste pas quelle comparaison choisir. Car depuis qu'il connaît Pablo, il n'en a que pour ses yeux. Tout a commencé par ses foutus yeux. Ce vert hypnotisant qui l'a détraqué, jusque dans ses rêves, dans ses pensées. Ce vert duquel il doit se détacher pour ne pas souffrir de l'inutilité d'une telle lubie. Ce vert, encore, dans lequel il replonge aussi sec en réalisant qu'il viole les règles du jeu. Pas de nouvelle gorgée, il risquerait de l'avaler de travers. Ce regard a dû faire tourner plus d'une tête, il l'a constaté lui-même. Et dans ce regard, il y voit :

« Une immense prairie sauvage... dans laquelle on a envie de courir, s'allonger, rêvasser. »

S'émerveiller, siester, s'embrasser. Une nature presque étouffante tant elle est luxuriante. Si chaleureuse qu'elle accueille des milliers de coquelicots dont ses doigts rêveraient de frôler les pétales. Mais il s'égare. La discussion dévie et voilà que le plat arrive. Seito esquisse à peine un sourire face au trait d'humour de l'espagnol tant il réfléchit à la manière la plus efficace de ne pas reproduire une scène clichée d'un Disney bien connu. Film que Pablo ne manque pas d'évoquer dès que la mamie disparaît à nouveau en cuisine. Bien que se tâcher soit le cadet de ses soucis, le japonais tente néanmoins de reconnecter deux neurones pour apparaître sous son meilleur jour. Et puis, il n'y a pas à dire, les nouilles ont l'air délicieuses. Seito saisit ses baguettes et se fait devancer par son ami en terme de politesse et attention aux détails. Ses yeux s'écarquillent légèrement et soudain, son visage se fend d'un grand sourire.

« Itadakimasu ! » reprend-il en inclinant simplement la tête. « Je prends le côté gauche, ce sera plus simple vu que je suis gaucher. »

Il ne se fait pas prier et engloutit une première bouchée de nouilles. Tout son corps se détend alors qu'il déclare, en mettant sa main devant sa bouche :

« Oh wow, c'est super bon ! »

Il actionne bien vite ses baguettes et poursuit gaiement le repas. Comme quoi la peur de tout perdre creuse l'appétit. Et puis, en effet, jusque là ce n'est pas si terrible comme expérience. Personne n'est mort d'un regard. Pétrifié oui, mais clairement pas mort. Son cœur ne bat même plus si vite dans sa poitrine. La discussion repart de plus belle. A plusieurs reprises, Seito rigole, fait lui-même quelques blagues, se perd dans ses anecdotes jusqu'à se perdre dans les nouilles. Ayant pioché un peu trop à droite, leurs baguettes s'entrechoquent et leurs doigts se frôlent. Le roulement de tambour ne se fait pas prier. Il coule un regard gêné vers Pablo.

« Pardon, j'avais pas vu qu'elles étaient si à droite. Vas-y, j'te les laisse. Tu peux finir ce qu'y reste de toute façon. J'me réserve pour les desserts ! »

Mochis et dorayaki, que demande le peuple ? Le japonais repose ses baguettes sur leur support et inspecte brièvement sa chemise.

« Tu penses qu'on a une réduc' si on se tâche pas de tout le repas ? » plaisante-t-il, soulagé de constater la blancheur du tissu.

Pas mécontent de son exploit, il parcourt à nouveau le restaurant du regard et s'arrête par endroits, intrigué par la tranche de certains livres. Pendant ce temps, Pablo finit le plat de soba et la mamie refait son apparition. Une telle furtivité devrait être interdite, c'est comme si elle les observait... Non, c'est ridicule. Reléguant ce début de paranoïa au second plan, il est de nouveau abasourdi par la lourdeur de la vieille dame.

« Alors, est-ce que l'esprit de Disney vous a rendu visite ? Même si bien sûr je ne vois que deux beaux à cette table ! »

Seito esquisse un rictus poli tandis qu'il complimente les nouilles. La preuve en est qu'il ne reste rien dans l'assiette. Ce qui semble combler la mamie de joie. Si bien qu'elle repart très vite à l'arrière pour préparer la suite de leur repas. Plus que deux desserts et ils seront libérés de cette farce. Mais Seito avait clairement oublié la teneur du premier dessert. Et il rougit des pieds à la tête lorsque la grand-mère dépose les mochis et s'empresse de rappeler les règles du jeu.

« Et voici votre petite becquée en amoureux ! Je vous conseille l'ordre noix de coco, mangue puis chocolat et attention à ne pas vous mordre les doigts même si c'est tentant, ce serait dommage ! »

Oui Obaasan, vraiment dommage... Ils s'en étaient bien sortis avec les nouilles, il n'y avait donc absolument aucune raison qu'ils trébuchent pendant cette nouvelle épreuve. De ses doigts tremblants, il saisit le mochi fourré à la noix de coco.

« Bon et bah... on va l'écouter hein. J'espère que t'aimes la noix de coco. »

Son regard s'ancre sur les lèvres de Pablo qu'il détaille avec insistance alors que sa main s'approche de lui. Elles s'entrouvrent, il distingue sa langue. Ses doigts se rétractent à l'arrière de la pâte gluante, conservant seulement le point de contact nécessaire pour que le mochi ne tombe pas sur la table. Enfin, il respire. Le premier mochi est un succès, plus que deux.

« Alors c'est comment ? » demande-t-il pour combler le silence. « Au fait, tu veux qu'on fasse l'un après l'autre ? »

Aussitôt proposé, aussitôt validé. A son tour de se faire servir. Et il constate bien vite qu'une fois les rôles inversés, c'est pire. Car ce sont les doigts de Pablo qui peuvent potentiellement le frôler et cette donnée a tôt fait de provoquer un bordel sans nom dans sa caboche. Sans qu'il s'en aperçoive, son baromètre de peur grimpe en flèche et lorsque le mochi arrive à son niveau et touche ses lèvres, il a un sursaut. Résultant en un vif mouvement de recul. La respiration hachée, il s'excuse.

« P-pardon. J-J'ai cru que c'était tes doigts. »

Si seulement c'était l'unique problème. Le japonais déglutit et fait l'effort de se rapprocher à nouveau, non sans avoir profondément inspiré auparavant. Bon sang, ça y est, le mochi est enfin dans sa bouche. La noix de coco révèle toutes ses saveurs et il ferme momentanément les yeux. Les trois mochis suivants sont avalés sans encombre et Seito prend la confiance. Quelle grossière erreur. La mangue encore sur le palais, il ouvre la bouche pour sa dernière bouchée et avance la tête. Bien trop près. Et sans prendre garde, il referme ses lèvres sur le bout des doigts de Pablo.

Lorsqu'il réalise son erreur, il est déjà trop tard. Son visage s'empourpre et il manque de s'étouffer en avalant le mochi tout rond. Incapable de prononcer un mot, il attrape la boisson et aspire tout le liquide restant d'un seul coup de paille, les yeux rivés sur Pablo – à son grand dam. Foutues réductions ! S'il ne crève pas à cause d'un mochi, il peut être sûr que le dorayaki le tuera. Le lagon étoilé fini, il s'empresse de détourner les yeux en toussant nerveusement.

« Il était bien collant celui au chocolat, non ? » parvient-il à baragouiner en toussant de plus bel. « Sumimasen ! » hèle-t-il la grand-mère en levant la main. « Il serait possible d'avoir de l'eau s'il vous plaît ? »

Ou peut-être va-t-il découvrir que l'on peut mourir de honte.




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Comme un jour sans lumière | Ou un orage sans éclair | Emerger sans toi n'aura aucun sens.
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Pablo K. Mora
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Tel est pris qui croyait prendre. Empty Re: Tel est pris qui croyait prendre.

Lun 28 Aoû 2023 - 3:25
Tel est pris qui croyait prendre

Seito m’dit que j’suis fou, mais j’le coupe rapidement avant la fin de sa phrase. On va devoir jouer quelques défis d’la mamie, et alors ? On est jeune, on a qu’une vie !

- Tut-tut-tut ! J’suis ptête ouf, mais au moins on va bien manger ! Et en plus, ce sera pas très cher alors aucun scrupule !

Je rigole quand il soupire et trinque avec lui, sans l’quitter du regard pendant qu’il boit. Son avis sur mes yeux me fait sourire. On voit vite qui est l’écrivain de nous deux. Sa comparaison est plus poétique. En même temps, tout serait plus poétique qu’un dessert au chocolat et au caramel. Mais qu’est-ce que j’y peux, moi, si la bouffe compte plus que tout le reste à mes yeux, hein ? J’fais comme je peux !

S’en suit alors l’arrivée de la vieille avec le plat de nouilles et notre stratégie gauche-droite. Les nouilles sont longues, mais rien d’infaisable. En tout cas ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas les manger sans faire de bruit, et ça, ça veut dire beaucoup au Japon. Heureusement, elles sont super bonnes alors y’a aucun mensonge caché là-dedans ! Evidemment, notre strat’ est pas infaillible et y’a quelques p’tits croisements de baguettes, mais c’est pas comme si j’allais m’en offusquer.

- T’excuse pas, y’a rien de grave ! Mais t’es sûr que t’en veux pu ?

J’avale mes nouilles et le fixe quelques secondes, mais il a l’air décidé alors j’hausse les épaules en souriant. J’ai encore de la place d’mon côté, ça va. C’est l’avantage d’être un gourmand : j’ai un estomac supplémentaire exprès pour les desserts. Je me dépêche de finir le plat pour éviter de faire trainer et que Seito ne s’ennuie, finissant par rigoler à sa question.

- J’sais pas, mais si tu veux j’te donnerai une image !

Littéralement, enfin presque, mais ça il ne le sait pas. Alors garde ta chemise propre, Mori ! Je m’essuie les lèvres avec la serviette en papier posée où j’ai laissé mes baguettes, et c’est le moment que choisi notre hôtesse pour revenir comme une fleur. J’me redresse et bombe un peu le torse quand elle nous complimente, lui répondant aussitôt :

- Pas d’esprit dans les parages, non, mais vos nouilles étaient super bonnes !

La joie transparait aussitôt dans sa réaction, tant et si bien qu’elle repart direct dans les cuisines. Elle revient quelques minutes plus tard avec le premier dessert, annonçant les règles. Le nom du dessert m’fait tiquer, mais j’ai pas le temps de lever la main pour attirer son attention qu’elle enchaine aussitôt avec les différents goûts et compagnie. Becquée des amoureux… Mamie confond avec son film en arrière-salle ouais. Si elle croit qu’on n’entend pas le bruit de fond quand elle ouvre la porte de la cuisine ! Je roule des yeux discrètement et regarde les trois mochis tour à tour. Les gouts ne me déplaisent pas, au contraire même. Surtout les deux derniers. Alors que Seito veuille commencer par le « moins bon des trois » me va amplement.

- Ouais j’aime bien, les autres aussi alors t’inquiète. Vas-y, envoie !

Je pose mes mains sur la table et me penche légèrement pour lui faciliter la tâche. Lorsque sa main s’approche assez, j’entrouvre les lèvres et ouvre un peu plus grand quand le mochi est assez près. Je cale mes dents autour et recule pour le manger, savourant chaque sensation, avant de lui répondre.

- Il est bon, ouais. J’ai hâte de gouter les deux autres du coup ! Et on peut faire comme ça, ça me va.

On échange les rôles et j’attrape le mochi à la noix de coco pour remplir mon rôle, attendant que Seito soit prêt. J’sais qu’on attaque la partie difficile. Parce que Seito et les contacts, ça fait deux. Je vais devoir le nourrir avec mes doigts, et je sens que ça peut être compliqué pour lui. Je tente le premier en allant juste doucement, sans mettre mes doigts de façon particulière sur le mochi et l’approche simplement de ses lèvres. Je l’approche, mais Seito est tellement tendu qu’il sursaute quand le mochi le touche. Me voulant rassurant, je secoue la tête :

- C’est pas toi, c’est moi. T’inquiète, j’vais mettre mes doigts autrement cette fois.

Je repose le mochi sur l’assiette et l’attrape par une extrémité, du bout des doigts, avant de revenir à la charge. Cette fois, je vais doucement et m’arrête quelques centimètres avant ses lèvres, pour lui laisser faire le dernier bout de chemin. Comme ça, pas de contact surprise. Pas de gêne. Souriant, je lui lance un petit regard entendu et me remet en place pour le mochi suivant. On continue ainsi jusqu’au tout dernier mochi, celui au chocolat. Ayant encore le mien en bouche, que je savoure pendant un bon moment alors que je tends celui de Seito, sans attendre. Et visiblement, je ne suis pas le seul à être impatient, parce que Seito se jette dessus. Je n’ai même pas le temps d’avaler qu’il ouvre grand la bouche pour s’emparer du mochi que j’ai entre les doigts, la refermant sur ces derniers. Les yeux ronds, j’avale difficilement ce qui me restait du mochi au chocolat et tousse alors qu’il attrape en vitesse la boisson.

- Oh p*tain, haha, tu l’as avalé tout rond ?! Ils étaient balèzes, ça doit faire trop mal, c’est toi le ouf au final haha !

Je rigole et essaie d’me retenir, mais sa remarque pour faire passer ça comme si rien ne s’était passé m’fait rire encore plus. Il hèle la grand-mère et j’essaie de me calmer, me repassant la scène en tête mais finalement, c’est de repenser à ses lèvres sur mes doigts qui m’permet d’atteindre mon but. Rien d’plus efficace pour se calmer. Même si j’ai les joues qui chauffent un peu, mais ça doit être d’avoir toussé et rigolé comme ça, obligé.

Mamie débarque pour lui donner à boire et esquisse un grand sourire en nous observant tour à tour, avant de ramasser nos assiettes. Elle nous annonce alors qu’il ne reste qu’un seul dessert : le dorayaki. Un seul dorayaki, un peu plus gros que la normale, mais à manger ensemble, en mordant ensemble dedans. Et jusqu’au bout. Je ravale ma salive à moitié de travers et cache ma toux derrière ma serviette en m’essuyant, détournant le regard vers la mamie qui part chercher le fameux dessert.  

- Ouais ‘fin mordre dedans ensemble jusqu’au bout… C’est qu’une question de strat’ ça ! J’suis sûr qu’on va y arriver. On est pas des gros nazes, alors on va aller jusqu’au bout du menu pour avoir notre réduc et ensuite, on sort d’ici pour la fin du programme de ce soir !

J’me racle la gorge et m’remet bien en place sur ma chaise, trifouillant ma paille dans le verre pour essayer de faire passer la « mini-gêne » qui s’installe. C’est pas un p’tit défi qui va m’arrêter, j’ai déjà fait des trucs bien plus dangereux. C’est qu’un dessert, ça va aller. Je pose les yeux sur Seito, qui a l’air pas très serein lui non plus, alors j’essaie de lui sourire pour nous encourager. Et Mamie revient. Mamie cuisto revient, avec son fameux dorayaki dans une seule assiette. Un dorayaki de… genre 10 ou 12 centimètres, à vue d’œil. Alors ouais, j’avoue, c’est gros pour un dorayaki, mais ça veut aussi dire que ça nous fait plus de place pour le manger et croquer dedans ! J’attends que la mamie parte et murmure à Seito :

- Bon, y’a pas quarante solutions, va falloir y aller. Et j’ai une idée. Encore ? Et ouais, j’suis inspiré ce soir ! Alors voilà ce qu’on va faire : On mords chacun dans des côtés opposés, comme ça nos lèvres seront loin les unes des autres. Et quand le morceau qui reste sera trop petit pour mordre dedans avec assurance, il faudra que tu le tienne entre tes lèvres et qu’tu bouges pas. Parce que si tu bouges, moi aussi j’risque de bouger et on risque de… se toucher. Et j’sais que t’aimes pas les contacts, alors faut qu’on fasse gaffe.  

Qu’on fasse gaffe à ne pas se toucher, pour ne pas perdre Seito sous la table. Ne pas se toucher les lèvres par dorayaki interposé, pour ne pas s’embrasser. Voilà les deux phrases que je me repète à chaque bouchée. De petites bouchées pour m’assurer de respecter tout ça. Je lève les yeux vers lui entre chacune, comme d’un air entendu pour lui montrer que tout va bien de mon côté, qu’on est sur la bonne voie, de continuer comme ça. Que tout va bien se passer. Et c’est ce que je veux, que tout se passe bien. Mais j’le veux tellement qu’au moment fatidique, j’me met la pression. J’essaie de pas le montrer, mais elle est là. Elle est palpable. Et mes mains sont moites. Je les pose de part et d’autres de la table et me lève, pour me pencher par-dessus :

- Vas-y, tiens le bien entre tes lèvres et avec tes dents, et ensuite ne bouge plus.

J’aurai bien dit « je vais compter jusque trois, mais j’ai eu peur qu’il ne se retire au bout du chrono. J’aurai pu lui dire de me faire un signe quand il est prêt, mais j’aurai risqué qu’il ne le soit pas. J’aurai pu faire plein de chose pour que tout se passe bien, comme je le voulais…
Mais la pression était là.
Elle était là, et j’ai… Je me suis approché. Rapidement, et tout proche de lui. J’ai jaugé la distance entre le dorayaki et ses lèvres, pour voir ou poser les miennes… Mais elle était là.
La pression était là.
J’ai cédé, et j’ai fermé les yeux. Quand on ferme les yeux, on les jauge mal, les distances. On pense avoir de la marge, et en fait non. Et dans un cas comme le nôtre, ça veut dire que mes lèvres sont allées plus loin que ma pensée.
La pression était là, et à l’image de Seito qui était trop impatient de manger son mochi, mes lèvres sont venues un peu trop vite se presser contre les siennes pour mordre dans le dorayaki. Mes lèvres, contre les siennes. L’espace d’une demi seconde.
Et j’ai avalé de travers en me reculant un peu trop vite.

- *kof kof* Pardon je… *kof* C’est la nappe je… Mes mains ont glissé et ça m’a fait déraper c’est… *kof kof* J’vais reprendre de l’eau…

Je lève la bouteille pour me servir dans notre cocktail vide, mais mon cerveau reste dans ce petit monde de défi créé de toute pièce par la mamie fourbe. J’avale une grosse gorgée d’eau avec ma paille, fixant aussitôt Seito vu que c’est le même verre et sent mes joues picoter un peu plus encore. Parce que ouais, ça picote depuis ce dérapage, et la sensation m’fait respirer en même temps que j’veux avaler l’eau, ce qui m’fait m’étouffer à moitié une fois de plus, en soufflant de la flotte sur la nappe.

- *kof kof* P*tain j’sais même pu boire, ni manger. *kof kof* Heureusement qu’on a fini ce repas, hein ? Hahaha…

Heureusement qu’il n’y a plus rien après, parce que j’arrive pu à boire, après ne plus avoir réussi à manger. J’essuie ma bouche, rouge de honte et de gêne, puis essuie la nappe en tamponnant avec ma serviette. Je crois que n’importe quel truc à avaler signerait mon décès.
Tenue de Pablo:

Made by Meuh

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Pablo te rentre dedans en #cc0000

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Time will only make it worse but was it all well deserved ?
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Seito Mori
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Mar 29 Aoû 2023 - 23:41
MERCREDI 14 FÉVRIER 2018



Le plus ouf de tous les oufs. Seito a juste envie de crever. Ses joues sont rouges, il est à bout de souffle. Et plus périlleux encore, des flashs l'assaillent. Du goût des doigts de Pablo dans sa bouche et... Bon sang, il faut immédiatement qu'il cesse de penser à ça ou il va véritablement mourir étouffé. Fort heureusement, la grand-mère lui apporte l'eau sans entourloupe et il s'empresse de boire au-delà de la satiété. C'est qu'il le sent passer ce foutu mochi dans son œsophage. Tout en se massant la poitrine, il grimace :

« Plus jamais j'fais ça. »

Pas sûr qu'il tienne cette promesse mais c'est toujours bon à prendre histoire de ne pas finir dans les faits divers. Quand bien même cela a grandement amusé l'espagnol. En temps normal, Seito se serait repu de son rire mais là, il a juste envie de s'enterrer six pieds sous terre. Surtout qu'il a bien conscience que le calvaire n'est pas fini. Il leur reste un dessert. Pas n'importe quel dessert. LE dessert. Le seul, l'unique. Le début de leur relation. La cérémonie d'ouverture des montagnes russes de leurs échanges. Le point zéro de troubles à sens unique. Il ne va pas ressortir vivant de ce restaurant. Des deux côtés, le japonais sent bien qu'aucun des deux n'est à l'aise. Quelques secondes avant, ils parlaient. A présent c'est à peine s'ils osent se regarder. Tout est prétexte à minimiser la catastrophe. Pourtant elle est bien visible entre les mots de la tenancière.

Autant les nouilles avaient un début et une fin facilement identifiable, autant le dorayaki est difficilement consommable à deux sans rencontrer un problème de taille. Le premier croc est presque enfantin quand il songe au dernier. Seito hallucine en entendant les encouragements de Pablo. Qu'est-ce qu'il baragouine avec ses histoires de strat' ? Et depuis quand finir un dorayaki à deux détermine leur statut de gros naze ou pas ? Non vraiment, plus Seito y réfléchit, moins la situation a de sens.

« T'es au courant qu'on est pas sur un terrain d'foot ? » rétorque-t-il rhétoriquement.

Aussitôt son cerveau remplace le ballon par un dorayaki. Le pancake roule entre eux au gré de leurs échanges, les feinte pour mieux qu'ils s'entrechoquent mais ni lui ni Pablo n'abandonne. Tout ça pour une réduc' à la con ! L'argent vaut-il toute la peine qu'ils se donnent ? Oui, lui répond son porte-feuille fauché. Le sourire de Pablo ne le détend pas. Mal à l'aise, il déboutonne un cran de sa chemise et reporte son attention sur les étagères autour de lui. Ses mains retrouvent ses cuisses où ses ongles absorbent sa nervosité. Pas assez longtemps car déjà la gérante revient. Momentanément son regard se perd sur ce maxi dorayaki et il oublie le défi. Il n'en a jamais vu un aussi gros.

AH ! L'émerveillement est tué dans l’œuf par l'initiative de Pablo qui se montre surprenamment créatif ce soir. Mais Seito ne rechigne pas à être guidé dans cette épreuve. Tout bonnement parce que son cerveau est incapable de connecter deux neurones. Ce qui n'aide pas à comprendre les consignes de Pablo. Et cela doit se lire sur son visage qu'il ne pige rien. Plaît-il ? Des yeux de pigeon mort, voilà ce qu'il renvoie alors qu'il cligne nerveusement les paupières. Pour ne rien arranger, il décide volontairement – à ce stade, difficile de discerner la bêtise de l'idiotie – de ne pas faire répéter Pablo. Après tout, l'espagnol est capitaine de l'équipe de foot et jusqu'à présent, ses strats ont toujours fait mouche. Il n'y a donc aucune raison de s'inquiéter. Enfin pas plus que ce qu'il n'est déjà. Seito esquisse un sourire maladroit.

Ils sont au moins d'accord sur un point : ils doivent faire gaffe. A quoi ? Le japonais refuse de l'imaginer. Lèvres. Il entame son côté du dorayaki. Bouche. Les deux pancakes sont incroyablement moelleux. Lèvres. L'anko est délicieusement sucré. Bouche. Un échange de regards et voilà que son cœur fait des siennes. Lèvres. ÇA SUFFIT. Le moment fatidique est arrivé. Et vu qu'il n'a rien compris, il panique. Parce que Pablo se soulève de sa chaise et s'approche de lui, comme s'il voulait... Lèvres. Bouche. Non non non. Fermez les écoutilles ! Sa respiration se hachure, ses pupilles vibrent d'angoisse. Les lèvres crispées et la mâchoire serrée sur le dernier morceau de dorayaki, le matelot de sa barque imaginaire souque aussi vite qu'il peut dans la mer de son esprit agité. Pablo réduit la distance entre leurs visages.

Soudain, il n'a plus que ses lèvres en visuel. Tout son corps est focalisé sur sa bouche qui se rapproche. Il respire ses lèvres, il sent ses lèvres, il goûte ses lèvres. IL GOÛTE SES LÈVRES ?!! Seito reste interdit. C'est qu'il n'a pas fermé les yeux, lui. Et qu'il ne comprend pas pourquoi Pablo a pris un tel risque. Ce n'était qu'un dixième de seconde. Rien d'appréciable, rien de notable. Juste leurs peaux qui s'effleurent, comme ses doigts dans sa bouche. Un nouvel accident de parcours. A tenter le diable, ils ont fini par se brûler. Plus jamais il ne verra les soldes d'un bon œil. Et cette sensation qui ne s'efface pas. Une envie de plus. Merde. Seito se recule. Blanc comme un linge ou les joues cramoisies, quelle différence ? Il n'est pas dans son état normal. La preuve, il s'imagine des choses qui n'existent pas.

« Ouais... c'est une bonne idée de l'eau... » s'entend-il dire.

La paille entre les lèvres, il en prend quelques gorgées à son tour. Incapable de décrocher son regard abasourdi de Pablo, le japonais remplit malgré lui la condition de la mamie. Le visage de Pablo est un magnifique champ de coquelicots. C'est la première fois qu'il le voit aussi gêné. Et le voir s'étouffer soudainement lui fait l'effet d'un électrochoc. Les pieds de sa chaise raclent le sol alors qu'il se soulève pour lui tapoter le dos.

« Ç-Ça va ?! » le questionne-t-il en même temps.

Le geste lui est venu si naturellement que, lorsque Pablo répond, sa main se fige dans son dos. Il est en train de lui caresser le dos sans aucun problème... Qu'est-ce que... ?!! Sa main s'efface prestement et il se rassoit, le visage transformé par la surprise d'une telle constatation. Seito regarde ses doigts, effaré. Pas un seul frisson, pas la moindre sensation de gêne. Il jette un coup d’œil furtif à Pablo.

« J-J'espère que t'as pas prévu un truc t-trop... » Ses mots se jettent à la mer. « ...trop pour après. »

Son pauvre cœur ne va pas le supporter. Déjà que son cerveau s'amuse à lui rediffuser en masse les extraits les plus croustillants de ce rendez-vous amical. Vivement qu'ils sortent de ce restaurant, il a grand besoin d'air ! AAAAAAH ! La mamie ressurgit des profondeurs de l'enfer et Seito frôle la crise cardiaque. Oh mon dieu, si ça se trouve, elle a tout vu ! Comme une soudaine envie de se pendre. Il voit l'escabeau près des livres mais pas la corde. Mais la grand-mère fait mieux que ça, elle les assassine.

« Ooh mes petits chéris, j'étais certaine que la magie opérerait ! Bon, le prince charmant a failli y rester dans sa mission mais il n'en reste pas moins adorable, n'est-ce pas ? »

Et comme si cela ne suffisait pas, elle lui adresse une petite courbette et lui demande son avis. Seito bascule dans une dimension parallèle. Et puisqu'on ne change pas une équipe qui gagne – pourquoi quitter le terrain de foot quand on peut épiloguer dessus ? – le japonais répond :

« Adorable et mignon. »

Oh non... il n'a quand même pas dit ça. La gravité alourdit son regard et il ne dit plus un mot.




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Mar 30 Jan 2024 - 18:39
Tel est pris qui croyait prendre

J’tousse plusieurs fois, et quand j’finis par retrouver mon souffle, je tourne la tête pour remercier Seito. Problème ? Il est debout, moi aussi, et j’tombe nez à nez avec sa chemise entrouverte sur son torse. Pourquoi il a fallu qu’il ouvre ce maudit bouton ?! J’détourne vivement la tête et me racle la gorge, puis finis par poser ma serviette sur le côté, la main toujours dessus en la tripotant nerveusement, essayant de calmer mes joues en feu en évitant soigneusement tout contact visuel avec lui. C’est qu’ils sont beaux ces bouquins, vous trouvez pas ?  

- Euh, ouais ouais, t’inquiète la suite est chill…

Je finis quand même par tourner la tête quand la mamie arrive pour se planter debout juste à côté de lui, et écarquille les yeux, sentant mes joues s’enflammer de plus belle à ses paroles. Qu’est-ce qu’elle raconte, quelle magie ? Quel prince charmant ? J’baisse la tête vers celle de Seito, mes yeux criant « à l’aide, sors nous de là », mais il ne trouve rien de mieux à faire que d'attiser le brasier en jetant un baril d’huile dessus en trois mots.

Sans réfléchir, j’me lève d’un coup de ma chaise. Et j’capte bien, la seconde suivante, que j’sais pas pourquoi j’ai fait ça. Mais mon cerveau me HURLE de me sortir de cette situation et j’continue de le laisser prendre les commandes sans réfléchir plus loin :

- Je… J’vais aller aux toilettes vite-fait, j’reviens.

J’fais quelques pas pour partir en direction de… D’où ? Bonne question. J’fais marche arrière et demande :

- C’est… c’est où au fait.. les toilettes ?

J’fais un sourire à moitié gêné et remercie la mamie dont le visage est bien trop ravie à mon gout, refait quelques pas et m’arrête :

- L’addition, on… on veut l’addition. Il va s’faire tard et… et on a encore un truc à faire, alors faudrait pas qu’on arrive après l’couvre feu, vous voyez ?

J’tourne la tête vers Seito et lui glisse à la suite :

- J’en ai pour une minute, alors euh… pars pas et attends moi, ok ? La suite vaut le détour avant de rentrer.

Je file dans les toilettes et défait aussitôt deux boutons supplémentaires de ma chemise, puis me penche au-dessus du lavabo, tourne le robinet et m’arrose la figure plusieurs fois. Je pose mes mains de part et d’autre du lavabo en regardant l’eau couler, essayant de reprendre mes esprits, relève doucement le regard vers le miroir pour observer mes joues rouges et trempées :

- Qu’est-ce qui va pas chez moi, p*tain…

Je secoue la tête et m’arrose le visage une fois de plus, puis attrape quelques bouts de papier pour m’essuyer le visage, gardant quelques secondes la figure plongée dans le papier. Faut vraiment que je reprenne mes esprits sinon j’vais pas passer la nuit. Il reste encore une étape, j’peux tenir jusque là et au moins finir ce que j’avais prévu sans crever de honte ou de gêne ou j’sais pas quoi, nan ? Sérieux c’est quoi mon problème ?!

Je tire la chasse d’eau, pour la forme et pour jouer le jeu, essuie une dernière fois ma figure et mon cou ou l’eau a perlé, reboutonne ma chemise et finit par sortir quand mes joues retrouvent une couleur potable, après deux-trois minutes. Je reviens alors vers la table sans m’y asseoir cette fois, et fait un signe de tête à Seito vers la caisse avec un petit sourire, remis de mes émotions :

- Je vais payer et on file ?
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Ven 2 Fév 2024 - 15:20
MERCREDI 14 FÉVRIER 2018



Mais quel con. Quel CON ! Ses doigts pitrouillent son jean, ses dents mordent violemment l'intérieur de sa bouche. Pas étonnant que Pablo veuille se barrer le plus vite possible de cette pièce, de ce contexte, de lui. Mais alors pourquoi l'avoir amené en premier lieu ? Et pourquoi n'a-t-il pas pu fermer sa bouche ? Rhaaa, maudit cerveau ! Maudite grand-mère et son dorayaki merveilleux ! Maudit Pablo et sa belle chemise, ses beaux cheveux et ses beaux yeux ! Tais-toi ! Tais-toiii ! Mais tais-toi, bon sang ! Nani ? Pablo s'adresse à lui ? Seito relève la tête. Presque apeuré. Oh... OH ?! Mais alors, il ne va pas partir. Il ne l'a pas fait fuir avec ses... D'ailleurs, qu'est-ce que c'était ? Des compliments ? Des aveux ? N'importe quoi. Un simple acquiescement des paroles de la mamie. Oui, voilà, il a voulu faire plaisir à la tenancière. Rien de plus !

Seul à la table, comme un con. C'est troublant cette situation. Sans être spécialement à l'aise en relation, il sait qu'il y a une montagne de non-dits. De sa part en premier lieu. Mais se pourrait-il que Pablo... Pfff, bah voyons ! Mathéo lui a offert des chocolats à midi et voilà qu'il s'emballe. Ridicule. On parle de Pablo. Le gars le plus hétéro du vestiaire. Celui qui l'a déjà fait jusqu'au bout et qui n'a pas peur d'user de son charme dès qu'une fille lui plaît. Penser, ne serait-ce qu'un seul instant, qu'il pourrait utiliser les mêmes techniques sur un garçon, ça n'a aucun sens. Et même si ça en avait un, Pablo ne jetterait pas son dévolu sur Seito. Parce que Seito ne dégage rien d'intéressant. Tout n'est que surface et insouciance. Qui voudrait aussi peu de sérieux et de stabilité dans sa vie ? Et puis il a ses yeux sans couleur, ses cheveux sans ligne directrice, son style vestimentaire sans style. Non, vraiment, tout est absurde.

Oh tiens, Pablo est de retour. Et il tient promesse. Question posée, aussitôt acquiescée. Moults compliments à la petite mamie, petite bataille à la caisse pour savoir qui va vraiment payer alors qu'il sait que Pablo lâchera rien, dernier commentaire sur les étalages de livres, une courbette puis une deuxième. Puis l'air libre, enfin ! La nuit est tombée et il fait froid. Le japonais zippe la fermeture de son manteau jusqu'au col et enroule son écharpe autour du cou. Un pull n'aurait pas été de refus mais la chemise était non négociable. Son regard s'échoue sur Pablo, dévie sur le croisement au bout de la rue. Se peut-il que la suite annoncée soit une vaste blague ? La vraie blague. De sa bouche, la chaleur fume et s'évapore. Le japonais se sent obligé de dire quelque chose. N'importe quoi pour stopper la machine de son cœur après toutes ces péripéties.

« Tu sais, on peut rentrer au campus maint'nant. On est pas obligé de faire autre chose. 'fin, j'veux dire, c'était incroyable, hein. Vraiment. Mais, 'fin, tu fais c'que tu veux, c'est toi qui choisis de toute façon et moi je suis. Juste, te sens pas obligé de... »

Perdu dans l'embarras, sa main farfouille l'arrière de son cuir chevelu. L'air est glacé quand il inspire. Sûrement la cause de son gel de cerveau. Bien évidemment, Pablo ne change pas de cap. En bon capitaine, il se remet à la barre et leur marche les ramène au métro. Les arrêts défilent et les éloignent du campus. Bon, pas de panique. Que peut-il y avoir après un restaurant ? C'est qu'il n'a jamais fait ou eu de rencard finalement. Donc il ne sait pas à quoi s'attendre. Même si ce soir n'est pas un vrai rencard. Un rencard entre amis. Une sortie finalement. Le jour de la Saint-Valentin est un jour comme un autre. Comme les chocolats donnés ce jour-là précisément. Il n'y a pas à psychoter, juste à apprécier ce qui vient comme ça vient. Ils descendent ici, vraiment ? C'est bizarre, non ? A la sortie du métro, Seito ne peut s'empêcher de faire remarquer :

« Euh... t'es sûr pour l'arrêt ? Parce que la tour de Kobe, c'était y'a genre... 4 arrêts, truc du genre. »




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Mer 7 Fév 2024 - 19:49
Tel est pris qui croyait prendre

Rentrer maintenant ? J’regarde Seito avec des yeux ronds. Comment ça, rentrer maintenant ? Est-ce que j’ai jeté un froid en me barrant aux toilettes ou… ? J’hausse un sourcil et secoue la tête :

- Nan on a un dernier truc à faire, j’y tiens.  

Hors de question de changer de programme. J’crois que le plus dur est déjà passé en plus, y’a zéro raison qu’il se passe un truc de dingue encore. Non, ce dernier arrêt, il va être cool. Tout ce dont on a besoin après… après ça. Dans le métro, j’regarde les arrêts défiler avec une attention particulière sur les arrêts, faisant le décompte jusqu’au notre pour ne pas le louper. La question de Seito m’fait sourire alors j’lui répond, faussement choqué :

- Merde alors, j’suis vraiment tête en l’air ! J’me demande bien où ça mène du coup…

L’air mutin, je donne un p’tit coup de coude à Seito et me lève à l’arrêt suivant sans explication. On parcoure les marches qui nous séparent de l’extérieur et, une fois dehors, je regarde vite-fait autour de moi pour repérer la direction à prendre, puis avance l’air confiant.

- C’est par là !

Quelques entrepôts, mais aussi et surtout des entreprises. Voilà le paysage qui nous entoure et qui couvre l’odeur marine entourant la zone. On passe devant un centre vétérinaire, puis une entreprise dont je n’ai pas la moindre idée de l’activité. Quelques minutes plus tard, je m’arrête au pied d’une échelle de secours, regardant à gauche et à droite pour m’assurer que la voie est libre. Le parking est désert et je sais qu’il n’y a pas de caméra à l’horizon. Je jette un regard complice à Seito, et lui annonce avec une pointe de défi :

- On va monter là-haut. Mais attention, y’a UNE condition à respecter. C’est que tu regardes l’échelle tout le long, rien d’autre. Tu gardes la tête fixée vers le sol quand tu grimpes par-dessus le rebord, et tu fermes les yeux une fois que t’es debout là-haut ! Après ça, j’vais devoir te guider en te tenant pour éviter que tu tombes, tu penses que ça va le faire niveau contact ?

J’attends sa réponse et prends les devants pour commencer à monter. On pourra toujours trouver une solution une fois là-haut pour qu’il n’avance pas trop, mais j’crois que niveau contact, vu ce qui s’est passé pendant le dessert, c’est rien à côté ! J’enchaîne les échelons avec habilité et attention, trahissant mon aise dans ce genre de vagabondage et pour cause, j’suis déjà venu ici plus d’une fois en douce, seul.

Une fois là-haut, je souris en regardant l'horizon, simplement heureux. C’est mon petit coin de « paradis » à moi. Je me tourne pour tendre la main à Seito quand il arrive en haut de l'échelle, prêt à l'aider à passer le rebord si besoin. J'sais pas trop dans quel état d'esprit il est.

- T'es prêt ?

Ca paie pas de mine quand on est en bas, alors j’ai hâte de voir sa tête devant le paysage qu’il s’apprête à découvrir. La mer couverte de ce ciel dégagé et étoilé, c'est un spectacle dont j’arriverai jamais à me lasser.

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Sam 10 Fév 2024 - 16:11
MERCREDI 14 FÉVRIER 2018



Ha. Ha. Très drôle. Seito lève les yeux au ciel mais suit quand même l'espagnol sans rechigner. Après le restaurant, il est à peu près sûr que Pablo ne l'attire pas dans un coupe-gorge. Même s'il n'y a aucun commerce là où ils déambulent et seulement quelques badauds. Des ouvriers qui travaillent le jour de la Saint-Valentin ? C'est rude. Les entrepôts défilent sous ses yeux sans qu'il saisisse le sens de leur itinéraire. Jusqu'à ce que son regard se pose sur l'échelle. Très vite, sa tête s'élève pour inspecter où elle mène mais n'est pas plus avancé alors il repose son attention sur Pablo dont les indications l'interpellent. Encore des cachotteries ! Ses pupilles charbonneuses sondent, vibrent quand l'espagnol se soucie de son bien-être et s'adoucissent quand il répond :

« Avec toi, ça ira. »

Et ce n'est pas pour le flatter qu'il le précise. La réalité est telle que Pablo fait partie du peu de gens avec qui il se sent à l'aise au point de repousser ses limites. Le japonais regarde une fois de plus vers le haut puis saisit le premier barreau à sa portée. Un à un, le vide se creuse sous ses pieds. Mais il respecte sa promesse et ne regarde ni au-dessus ni en-dessous. Concentré sur ses mains qui soutiennent son ascension. Ce qui lui permet de ne pas laisser ses pensées bouillonnantes prendre l'ascendant. Parvenu au dernier barreau, il n'a pas d'autre choix que de tendre la main pour monter tout en gardant les yeux fermés.

Le contact de leurs paumes crée des étincelles. Les poils de ses avant-bras se hérissent et il doit lutter pour ne pas ouvrir grand les yeux. Car la main de Pablo est chaude dans la sienne. Accueillante, il sait qu'il peut lui faire confiance. En cet instant, il oublie ses peurs. Il les jette dans le vide derrière lui. Peu importe ce que l'espagnol a en tête, il est prêt à le découvrir. Alors il hoche la tête et la pression sur sa main s'accentue. Quelques indications lui parviennent par moment : attention à ta tête, lève le pied gauche, maintenant le droit, on est sur une marche sois pas surpris de redescendre. Un jeu de piste porté par la voix patiente de son ami. Et toujours leurs mains, l'une contre l'autre.

Pendant tout ce temps, Seito ne dit pas grand chose. Fermer les yeux est sa mission principale et il prend soin de ne pas gâcher la surprise. Mais sa curiosité s'intensifie à mesure que les secondes passent. Pablo vient-il souvent ici ? Comment a-t-il connu cet endroit ? Pourquoi lui montre-t-il ? A-t-il déjà emmené d'autres gens ici avant lui ? Et si c'est le cas, doit-il se sentir honoré ? Privilégié ? Est-ce le déroulé normal d'une sortie entre amis ? Si ça n'avait pas été la Saint-Valentin, se poserait-il autant de questions ? D'ailleurs, pourquoi s'en pose-t-il alors que l'espagnol a clairement établi qu'ils ne sont qu'amis ? Ce que Seito recherche aussi. Son amitié, indéfectible et unique. La question le ramène sur Terre.

« J'suis prêt. »

Ses doigts pressent sa nervosité bien qu'il ait tenté de répondre de la manière la plus neutre possible. Libérée de son soutien, sa main pend alors le long de son corps. La fin du chemin est donc au bout de ses pieds puisque Pablo lui a intimé de ne pas s'avancer davantage. Le japonais prend une grande inspiration. La lumière qui filtrait à travers ses paupières fermées ne l'aveugle pas quand il les rouvre. Pourtant elle est présente sous forme de milliers d'étoiles sur les bâtiments de la ville à leur gauche. La mer s'étend sur le reste de la vue. Miroir scintillant d'un ciel découvert. L'émotion lui saute à la gorge. Subjugué par la vue, Seito entrouvre les lèvres mais se retrouve à court de mots. Alors, une fois n'est pas coutume, il se tait.

Il ne saurait dire pendant combien de temps l'écho des vagues est sa seule source sonore, la houle son seul objet de contemplation, la brise marine le seul toucher sur son visage rougi par le froid. Le sel tapisse ses narines, encrasse ses poumons et il en redemande en respirant profondément. Puis, tout doucement, il prend conscience d'où il se trouve vraiment, de la présence de Pablo plus bas. L'espagnol s'est assis. Avec prudence, il le rejoint sur le rebord en béton. Seuls quelques centimètres séparent leurs épaules. Merci lui semble ridiculement simple à dire et pourtant c'est le premier mot qui lui vient en tête. Mais il se connaît. Après le merci viendrait d'autres mots, chaotiques et honnêtes. Alors il se contente de tourner légèrement la tête vers Pablo et lui demande, à voix basse :

« Tu viens souvent ici ? »




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Mar 20 Fév 2024 - 16:04
Tel est pris qui croyait prendre

Lorsque Seito prononce les mots magiques, j’lui relâche la main, lui intime d’ouvrir les yeux, puis fait un pas de côté. Accompagnant son regard, je souris, m’asseoit sur le rebord et contemple la vue également.

Les mains de part et d’autre de mes cuisses, je les détaille longuement, tour à tour. Les vagues qui grapillent du terrain sur le sable après s’y être échouée, se retirant comme des doigts trop près d’un brasier. Le ciel parsemé de points lumineux, sans un nuage à l’horizon qui miroitent sur la mer. Un mélange d’agitation et de calme qui cohabite sans exploser, un paysage d’une certaine sérénité…

Assis sur le toit, les yeux vers le ciel
J'observe les étoiles, scintillantes et belles
Leur reflet dans la mer, un miroir infini
Un tableau paisible, mon coin de paradis…


Je cherche dans mes poches, en sort mon téléphone dont l’écran reste noir, vidé de sa batterie. Les paroles me viennent toutes seules, et évidemment j’ai rien pour les noter. Je soupire et abandonne, reposant mes mains sur le bord, derrière mon dos pour continuer de profiter du moment.

- Pas très souvent, mais ça m’arrive.

J’imagine les questions qui vont suivre et continue avant même qu’il n’en pose, finissant par tout lui raconter :

- Je l’ai trouvé l’été dernier, quelques jours après que Seiko m'a laché… J’arrêtais pas de ressasser ce qu’elle m’avait dit, et j’avais vraiment du mal à les effacer de ma tête alors un soir après les clubs, j’suis parti en ville essayer de me changer les idées. J’sais pas pourquoi, je n’ai pas pu décoller mes fesses du métro. J’avais le cafard et… en arrivant jusqu’ici, avec les bâtiments et tout, ça m’a rappelé des souvenirs. C’est seulement là que mes pieds se sont décidés à bouger. J’suis sorti du métro, j’ai laissé mes pieds faire le boulot, et j’me suis décidé à grimper vu que j’arrivais pas à voir derrière le bâtiment. Je sentais l’odeur de la mer tout près, et j’sais pas… j’avais besoin de la voir j’crois…

C’était étrange comme sentiment. Cette envie soudaine. Cette pulsion. Ce besoin. Et les sens qui étaient en ébullition. Je souffle du nez, souriant, les yeux perdus dans les vagues :

- J’aurai pu aller à la plage, tu me diras, mais là avec les bâtiments autour, c’est vraiment la nostalgie qui a pris le dessus. Ça a totalement balayé ses paroles et ça les a remplacés par mes souvenirs de l’Espagne avec mes parents. Avec ma mère surtout. Et avec le recul, à force de venir ici, j’comprends un peu plus. Elle me manque, l’Espagne aussi, mais c’est surtout le sentiment de réconfort que je trouve, quand je viens ici. J’ai l’impression d’être chez moi, à ma place, en sécurité. Qu’elle est là et qu’elle me dit que tout finira par s’arranger…

Je me tourne alors vers Seito, profitant d’avoir son attention pour planter mon regard dans le sien et en arrive là où j’veux en venir. Au point final de cette soirée. Mes propos seront surement maladroits, loin d’être très loquace ou de savoir choisir mes mots contrairement à d’autres. Alors j’fais ce que j’sais faire de mieux. Dire les choses comme elles viennent.

- C’est d’ailleurs en partie pour ça, que je voulais t’emmener ici. J’sais qu’on a mal démarré tous les deux, que ça a été compliqué plus d’une fois. J’ai agit comme un con avec plusieurs personnes, mais encore plus avec toi... J’sais que même si j’essaie d’faire gaffe, ça arrivera encore, j’ai un caractère de merde et j’suis trop impulsif pour toujours réussir à me contrôler.

Je soupire en repensant à ces moments-là. Ces coups de poings, ces coups de gueule. Mais même si je les déteste, je ne regrette pas entièrement. C’est étrange comme pensée, mais d’une certaine façon, avec le recul ce sont ces moments qui m’ont fait prendre conscience de ce que je m’apprête à dire.

- Au final tout ça à fait qu’on est devenus proches et j’ai pas envie que ça s’arrête pour ce genre de conneries. J’tiens à toi Seito. Alors même si y’aura encore des prises de tête, des coups de gueule et compagnie, comme il y a un an, j’veux qu’on se promette la même chose que ce que cet endroit signifie pour moi. Que même s’il se passe quinze mille emmerdes, tout finira par s’arranger.

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Mar 20 Fév 2024 - 21:55
MERCREDI 14 FÉVRIER 2018



Jamais Seito n'aurait cru que de cette simple question découlerait des révélations en cascade. Il n'a pourtant rien demandé. A croire que Pablo s'était douté qu'il ne resterait pas silencieux bien longtemps. Que ce lieu méritait des explications car on ne grimpe pas à une échelle si on ne cherche pas à fuir quelque chose. Et c'est comme si, en lui prenant la main, il l'avait entraîné dans sa fuite. Alors il court à perdre haleine. Il pourrait admirer la vue mais son regard ne parvient pas à se détacher de l'espagnol. Son visage revêt une sincérité qu'il ne lui a jamais vu. Et l'émotion qui se dégage de ses mots a tôt fait d'annihiler toutes ses craintes. Être proche de lui physiquement n'est soudain qu'un détail mineur face sa confidence.

Pourtant, il suffirait que sa main dévie légèrement sur la gauche pour que leurs doigts se touchent. Au lieu de ça, leurs regards se mélangent. Et soudain, leurs cœurs battent à l'unisson.

Le son de la mer s'efface. Les étoiles s'éteignent pour que seuls les yeux de Pablo ressortent dans la nuit tombée. Ceux du japonais se fondent dans le noir. Il n'y a plus qu'eux sur ce toit. Comme il n'y avait eu plus que Mathéo et lui sur ce banc. Tout fout le camp. Son cerveau prend les voiles. Au large la prudence ! Pablo le prend de court. Tant par son honnêteté que par son courage. De poser les mots justes sur une relation de plus d'un an à présent. De lui livrer enfin des bribes de sa vie, la vraie, celle en dehors du campus. De reconnaître ses torts ouvertement et de s'en excuser sincèrement. De lui accorder son temps, tout simplement. Et le plus important. Combler un vide dans le cœur de Seito qu'il ne croyait pas possible de remplir. Ses pupilles absorbent le choc, ses sourcils s'arquent. Une inspiration brutale trahit ses émotions. Il accueille ce chamboulement avec vénération.

Ses lèvres s'entrouvrent. Il en ressort tellement affecté qu'aucun mot ne parvient à braver sa tempête intérieure. Le ressac de son cœur s'accentue lorsque, enfin, la promesse tombe.

Le japonais ne regrette rien. Si on lui offrait la possibilité de retourner dans le passé, il est certain qu'il éparpillerait à nouveau de la sauce soja sur le dorayaki de Pablo. Comme une marque de territoire. Ce garçon est à lui. Sans savoir réellement ce qu'il attendait de lui. Ami, ennemi, la relation lui importait peu du moment que l'espagnol était dans sa vie. Il n'en avait jamais questionné les raisons mais avait suscité la perplexité de ses proches. Mitsuki et Nolan avaient exposé leurs doutes mais il les avait balayés d'un revers de la main. Cela ne l'avait jamais intéressé de comprendre. Lui souhaitait le vivre, l'expérimenter, quitte à perdre des plumes dans le processus. Pablo avait réveillé en lui un feu qu'il croyait à jamais éteint et pour cela, il lui en était éternellement reconnaissant.

Mais alors que son regard se perd dans le sien, son cœur lui fait un aveu : Pablo lui plaît plus que prévu, c'est un problème.

S'il s'écoutait, il réaliserait l'une de ses fantaisies refoulées. De celles qui le mettent mal à l'aise au point de se tenir régulièrement à l'écart pour ne pas enflammer le brasier de sa poitrine. Les choses auraient été tellement plus simples si Pablo avait été une fille. Il n'y aurait pas eu cette appréhension et ces pensées néfastes. Il aurait pu donner libre cours à ses envies, quand bien même elles lui paraissent complètement surréalistes. Le contact de leurs lèvres au restaurant était une erreur. Rien de mémorable. Rien qui n'aurait dû occuper son esprit de telle manière qu'il y repense maintenant. C'est idiot, il en a bien conscience. Et il lui faut faire tous les efforts du monde pour ne pas céder à l'inévitable. Mais son corps, aussi surprenant soit-il, réclame néanmoins un contact. N'importe lequel pour satisfaire ses désirs voraces.

Sans plus tarder, Seito pose sa tête contre l'épaule de Pablo. Les vagues, les étoiles, tout se rappelle à lui. Exacerbées par ce simple toucher. Comme une déclaration, il murmure :

« C'est avec toi que je m'engueule le mieux. »

La Lune sera la seule témoin de cet aveu étrange. Le sang cogne contre ses tempes. Il se sent bien et c'est tout ce qui importe. Bizarrement, il n'a pas grand-chose à répondre. Et pour une fois, il est content de ne pas être celui qui monopolise l'attention. Sur ce toit, Pablo en est le roi. Tout comme Mathéo est le roi de Satôkuni. Il trouve miraculeux qu'ils aient pu l'autoriser à fouler leurs terres. Sa respiration s'assagit progressivement. De biais, la mer est toujours aussi belle, le ciel est toujours aussi fascinant. Et son épaule est chaude contre son oreille. Plus calme, il reprend d'une voix plus affirmée :

« Je sais que j'ai jamais été doué pour garder une promesse mais celle-là, j'veux pas la briser. Même si putain... c'est sûr qu'on va encore se prendre la tête. Mais ça m'fait pas peur... Alors j'te promets. J'te promets que, malgré les emmerdes, tout finira par s'arranger. »

#terminé




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Tel est pris qui croyait prendre. 75366_s
Comme un jour sans lumière | Ou un orage sans éclair | Emerger sans toi n'aura aucun sens.
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