Je voudrais un bonhomme de neige ft. Mathéo Takahashi

Tsumugi, ayant l’impression d’avoir dit une énormité en voyant l’air étonné de son senpai, se mordille nerveusement la lèvre inférieure et joue avec le bord de son écharpe. Peut-être est-elle allée trop loin en parlant d’amitié, Takahashi-san ne la considère peut-être que comme une kohai. Une de ses kohai parmi tant d'autres. Elle hoche doucement la tête, un peu hésitante lorsqu’il répète ses paroles. Elle se sent bête de le lui avoir proposé. Jouer dans la neige, ne n’est peut-être pour lui que des jeux d’enfants. Peut-être qu’à son âge, bien qu’il ne soit pas beaucoup plus âgé qu’elle, il préfère laisser les jeux là où ils sont. Dans son passé, dans ses souvenirs. Comme ces films pour enfants que l’on adorait et que l’on craint de visionner à nouveau pour ne pas être déçu. Alors elle est surprise, Tsumugi, quand après un instant de flottement Mathéo accepte. De plaisir ses pommettes rosissent et elle hoche vigoureusement la tête à la timide interrogation de son aîné.

« Bien sur ! Sinon je ne te l’aurais pas proposé ! »

Passant de son senpai à l’extérieur, son pétillant regard se perdit à nouveau dans la contemplation des délicats flocons et la couche de neige devant le bâtiment. Il ne lui paraissait plus aussi désagréable de sortir à présent. Elle qui craignait le froid, la voilà toute excitée à l’idée de pointer le bout de nez dehors. Elle, qui craignait de paraître trop gamine, trop immature aux yeux de Mathéo, se laisse encore une fois surprendre par le jeune homme quand ce dernier lui propose de créer un bonhomme de neige. Elle sourit.

« Oui ! Et on l’appellera Olaf ! »

Elle rit légèrement et s’avance pour enfin pousser la porte et sortir. Finalement, Mathéo est un peu comme ça. Comme l’hiver. Il souffle le froid, force à se couvrir en sa présence, sûrement très énervant pour certains, ennuyeux pour d’autres. Mais si on se rapproche assez, on découvre joueur et chaleureux comme un feu de cheminée.

« Allez, viens ! » L’invite-t-elle, joyeusement, en lui tenant la porte.

Une fois dehors, Tsumugi réprime comme elle peut un frisson désagréable. Elle avait beau s’être préparée mentalement à sortir, les effets du froid n’en sont pas moins indésirables. Surtout après avoir fait quelques longueurs dans la piscine, mais elle n’y pense pas plus que cela, l’esprit déjà bien trop occupé à imaginer leur bonhomme de neige et rire sous les suppliques de son sempai.

« Va pour Bigorneaux ! Qui sait ? Ça fera peut-être venir l’été plus rapidement ! » Répondit-elle, hilare.

Et peut-être que Bigorneaux s’amuserait, lui aussi, à imaginer sa vie de bonhomme de neige en été. Amusée, par son propre trait d’esprit, elle repense à la chanson d’Olaf et résiste à l’envie de la chanter, la meumeumer, devant Mathéo, prise de pitié pour lui et, semble-t-il, son esprit traumatisé par la Reine des Neiges. Tsumugi peut comprendre son aversion, même si pour sa part, elle a adoré le dessin animé et n’est pas encore lassée des chansons. Combien de fois les avait-il écoutés pour que le simple prénom d’Olaf lui fasse tant d’effet ? Il faudrait qu’elle pense à demander à Lou si elle n’a pas un peu forcé sur le visionnage d’Elsa au collège…

Se dirigeant vers l’endroit pointé par Mathéo, Tsumugi ne peut s’empêcher de jeter un œil vers les terrains. Par habitude, sûrement, elle parcourt rapidement du regard la piste d'athlétisme avant de se tourner vers Mathéo à sa question, puis baisse les yeux vers ses mains nues.

« Ah … Euh… » Commence-t-elle, incertaine. Un détail qui lui a échappé. La jeune fille finit par hausser les épaules. « Bah, ça va aller. Au pire, si ça devient trop désagréable, on pourra toujours enrouler nos mains dans nos écharpes ! Je t’avoue que j’ai un peu la flemme d’aller récupérer les miens dans ma chambre… »

Se baissant, Tsumugi plonge ses mains dans la neige et forme une petite boule compacte qui garde la forme. Elle sourit, contente que la neige ne soit pas trop poudreuse et leur permette de la modeler. Ne laissant plus le choix à Mathéo de fuir, elle l’agrandit assez vite pour ne pas que ses mains, déjà rougies par le froid, restent trop longtemps en contact avec la glace qui lui mord la peau.

« Comment tu dis « Bonhomme de neige » en français ? » Demande-t-elle avec curiosité. 

Il est gentil son sempai. Et, avide, Tsumugi l’écoute avec attention. Elle apprécie la façon dont il lui explique les choses et c’est tellement plus agréable que de juste cherche une traduction sur le net ou trouver une page barbante d’expressions à apprendre sans comprendre.

« Bonhomme de neige » Répète-t-elle plusieurs fois, incertaine, au départ, avec son accent japonais qui lui fait parfois honte quand elle n’y fait pas assez attention lorsqu’elle parle une autre langue, puis plus assurée, se promettant de l’écrire dans son journal pour ne pas oublier.

Elle sourit encore, ravie en continuant de tasser la neige sur sa boule jusqu’à ce que le jeune homme se baisse à son niveau pour lui prendre les mains pour les enrouler avec douceur dans son écharpe. D’abord trop stupéfaite pour pouvoir esquisser un geste, elle le laisse faire, fixant l’étoffe, encore chaude contre sa peau.

« Oh ... Je… M-merci… » Balbutie-t-elle, rougissante, touchée par son attention et n’osant lui dire qu’il aurait pu garder son écharpe, qu’elle en a une et qu’elle aurait pu utiliser. Il lui rappelle Alarick et sa façon de toujours vouloir montrer que c’est lui le plus âgé, que c’est lui qui doit se sacrifier pour ses cadets. Mathéo s’offusquerait-il si à son tour, elle tient à faire un geste vers lui ? Avant qu’elle n'ait eu le temps de vraiment réfléchir avant la question, il relance la conversation.

« Je me demande si ça n’a pas un rapport avec les poupées Durama. Tu sais les poupées moches à l’effigie d’un moine bouddhiste avec laquelle tu fais un vœu en fin d’année en dessinant un œil et si le vœu se réalise, on dessine l’autre œil… »

Allez savoir pourquoi, elle n’avait aimé ces figurines et ne comprenait pas vraiment pourquoi on appelait les bonhommes de neige des « durama de neige ». S’il y a une autre explication que « la posture », elle veut bien l’entendre.

« Mais c’est vrai que j’y avais jamais pensé ! C’est une bonne idée de pousser les recherches ! Tu me diras si tu trouves. » Dit-elle en souriant, levant les yeux vers Mathéo. « En tout cas, merci pour ta traduction et les explications qui vont avec ! Tu ferais un bon professeur. » Dit-elle en rigolant.

 

Hochant doucement la tête, Tsumugi sourit. Son sempai ne s’était pas contenté de lui donner une traduction. Il l’avait expliqué, précisé chaque terme de façon à ce qu’elle puisse comprendre. Ajouté à cela, Mathéo est un jeune calme, patient, travailleur. Cela lui donnerait presque envie de passer plus de temps à réviser en sa compagnie et profiter de son aura. Baissant les yeux sur les mains du jeune homme, elle se mordille la lèvre avant de finalement se rapprocher de lui en hochant la tête.

« Oui ! Je compte devenir traductrice littéraire. »

Ôtant l’écharpe qu’il a enroulée autour de ses mains, elle frotte ses paumes l’une contre l’autre avant de les presser sur celles de Mathéo et à son tour souffler dessus pour les réchauffer. Au moins un peu. Incertaine quant à son utilité dans l’entreprise, elle retire l’écharpe qui lui couvre le cou, tiède et sèche en comparaison de celle de l’étudiant qui a déjà été plongé dans la neige.

« Du coup, je pense faire un cursus littéraire. Langue vivante Anglais et Japonais comme matières principales et littérature en secondaire. J’hésite encore entre philo ou cinéma/théâtre, peut-être les deux si c’est possible… Mais bon, tu vois un peu… »

Comme lui, elle enrobe ses mains tout en lui laissant l’espace pour pouvoir bouger avant de renfiler l’écharpe de Mathéo et de commencer la boule pour la tête de leur cher Mr Bigorneaux. Elle hésite un instant puis finit par se confier un peu plus à son sempai au sujet de ses envies, de son avenir.

« J’aurais aussi aimé prendre le français en langue vivante, mais vu que part de zéro, j’ai peur de totalement me planter et plomber ma moyenne, mon année… Enfin… Voilà, à part  « bonjour », « au revoir », « merci »   et grâce à toi « bonhomme de neige »   je n’y connais pas grand-chose ! »

Elle relève les yeux vers lui.

« Et toi ? Qu’est-ce que tu veux faire ? »
 

Attentive, elle l’écoute les conseils du jeune homme, sourit quand il parle de sa connaissance en filière artistique. Elle apprécie beaucoup Mathéo pour ça. Toujours prêt à aider ses kohai dans le besoin, à prêter son épaule, à souffler son avis dans la plus grande bienveillance. Comme il est plus aisé de l’écouter lui, noter ses remarques, réfléchir sur ses arguments plutôt que ceux des adultes qui l’entourent.

L’aspect philosophique, dans les œuvres, elle y a pensé, c’est bien pour ça qu’elle hésite parce que dans le théâtre et le cinéma, elle imagine qu’il doit y avoir un aspect plus émotionnel. Comment pourrait-elle bien rendre compte d’une émotion si elle ne la comprend pas ? Elle hésite, Tsumugi. Mais elle préfère de loin l’argument de Mathéo à celle de son père qui pense que le théâtre n’est qu’un prétexte pour s’amuser et que ça ne lui permettra pas d'avoir un « véritable métier ».

Pensive, un instant, elle tasse la neige, tapote dessus, en ajoute pour parfaire la boule. Et Mathéo reprend. Il lui parle de la matière qui lui fait peur. Et s’il la rassure, elle n’est pas encore pleinement convaincue. La tête du bonhomme de neige, avec leurs efforts combinés, rejoint le reste du corps et la jeune fille hausse des sourcils étonnés quand il lui propose de l’aider, et plus encore lorsqu’il parle de son projet d’avenir.

« Oh ! » S’exclame-t-elle avant de sourire, attendrie. « Ça ne devrait même pas me surprendre … Je suis certaine que tu seras un excellent professeur. »

Sourire toujours accroché aux lèvres, elle cherche de quoi faire le visage du bonhomme de neige. Des petits cailloux pour les yeux et la bouche souriante de Mr Bigorneaux. Elle le regarde, mais elle hésite, réfléchissant à la proposition de son sempai et se passe une main gênée dans les cheveux.

« Mathéo-san… Tu-Tu dis que… Enfin, ça ne te dérangerait vraiment pas de m’aider ? Je me dis… Que peut-être qu’une initiation au français avec toi… Pourrais m’aider à me décider pour l’an prochain… »
 

D’abord gênée d’ainsi déranger son sempai, Tsumugi se détend lorsqu’il accepte et la rassure. Mathéo est vraiment quelqu’un de gentil et dévoué aux autres lorsqu’ils lui montrent leur envie de progresser. Rassurée, elle s’autorise une longue inspiration et le regarde compléter le visage de leur bonhomme tout en l’écoutant et réfléchissant. Il est étrange, avec cette sucette en guise de nez, mais elle le trouve fantastique, Mr Bigorneau.

« Ce serait parfait ! Et quand… Eum… Dès que possible ? J’imagine que le plus tôt serait le mieux. Plus on tarde, plus on risque d’être coincés avec les révisions des examens… Et puis … C’est moi qui demande alors… Je me plierais à tes disponibilités ! »

Elle s’en veut un peu, Tsumugi, de ne pas faire preuve de plus d’assurance et lui donner des dates claires, nettes et précises, mais elle ne veut pas abuser de la gentillesse de Mathéo et préfère s’adapter à lui, plutôt que l’inverse. Pensive, elle regarde le « Z » gravé sur le front du sorcier de neige et pouffe de rire. Elle ne se serait pas attendue à une telle réflexion de la part du jeune homme. Lui si sérieux habituellement, plus « adulte » que certains adultes de sa connaissance, elle lui découvrait une belle imagination et une âme d’enfant qui ne demandait qu’à sortir. Loin de lui déplaire, cette constatation ne fait qu'accroître l’affection qu’elle porte à l’étudiant.

« Ce serait triste quand même qu’il ne puisse pas manger de chocolat à Noël ! Enfin... Son Noël à lui... »

À son tour, elle libère une main et gratte la surface du bonhomme bedonnant pour tracer un semblant de bras, plaqués contre le corps, les « mains » jointes sur son ventre. Qu’il a fière allure Mr Bigorneau Potter. Mais il manque quand même quelque chose. Ils ont fait de leur mieux pourtant. Se grattant la tête, la jeune fille sent ses barrettes fleuries et après une brève hésitation, elle en prend une et la place sur le torse de la créature de neige, là où se trouve normalement le cœur d’un humain.

« Quelle élégance Mr Bigorneau ! Vous voilà prêt pour votre bal de fin d’année ! Avec beaucoup beaucoup de retard cela dit… »

Elle grimace, espérant que son/sa cavalier(ère) ne se soit pas lassé(e) de l’attendre, puis elle sourit et après un frisson lève les yeux vers son ami, lui tendant en même temps l’écharpe qui l’a si bien aidée.

« Brr je sais pas pour toi, mais je prendrais bien un chocolat chaud moi ! »