Ah que c’est bon, d’enfin se retrouver en tête à tête avec un livre. La bibliothèque, havre de paix, est d’autant plus agréable en période de vacances. Pas un rat. Pas un mot. Pas un cri. Et même si la bibliothécaire est plutôt du genre intransigeante avec le silence, Nobu ne peut pas s’empêcher de détester chaque bruit parasite à sa lecture.
Lire, c’est sacré.
Alors, il supporte assez mal les petites bandes de lycéens qui se retrouvent au détour d’une table pour préparer leurs exposés. Ils ont bien des ordinateurs, et un accès à internet ! Qu’ils s’en servent et qu’ils laissent les bibliothèques aux lecteurs ! Depuis quand c’est devenu un tiers lieu où tout le monde entre et sort comme il le veut ?
Depuis toujours ? Oups… Nobu n’est pas d’accord. La lecture, c’est dans le silence.
Le voilà, attablé, droit comme une règle, à tenir un recueil de poésies. Charles Baudelaire. Un classique ! Mais voilà que Nobu, habitué aux textes japonais, a eu envie de découvrir un peu de la littérature française. Il paraît qu’ils ont de beaux poèmes, là-bas. Et la lecture de l'Albatros est un régal.
Ce serait peut être encore mieux en français. Qu’est-ce qu’il aimerait pouvoir lire le poème avec les mots de son écrivain.
Mais il se régale. Le temps est bon. Rien ne pourrait noircir ce beau mardi de janvier. Sauf, peut-être, une rupture dans le silence.
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[Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le mardi 2 janvier 2018
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Mais elle ne savait par où commencer... Elle ne connaissait aucun poète français, ou en tout cas elle ne les avait pas retenu si on lui en avait parlé... Du coup, elle avait pianoté sur son téléphone le "top des meilleurs poètes français" histoire de trouver l'inspiration. Elle n'espérait pas trouver la réponse à toutes ses questions, mais elle aurait au moins une piste. Au final, le premier nom qui sortit fut "Charles Baudelaire" et à force de recherches, elle s'était aperçu qu'elle aurait difficilement pu trouver poète français plus représentatif et plus reconnu. C'était un bon début !
Décidée à prendre des notes et à étudier dans le calme pour cette lecture qui n'allait pas être reposante, elle avait prit la décision de se rendre à la bibliothèque. Elle n'y avait jamais passé plus de quelques minutes, mais c'était l'occasion de se familiariser avec cette pièce qui allait devenir un de ses repères dans les années à venir. Bientôt, elle allait en connaître tous les recoins. Mais pour l'instant, elle avait cette odeur de nouveau et cet effet de grandeur qui lui donnait l'impression qu'elle allait se perdre.
Une fois qu'elle réussit à trouver l'allée de littérature étrangère, elle fit des allers-retours sur les étagères à la lettre B puis, L comme "les fleurs du mal" son œuvre la plus connue, puis juste la lettre F. Bredouille et un peu déçue, elle se rendit au bureau de la bibliothécaire. Après une rapide recherche, elle confirma à la brunette que l'ouvrage n'avait pas été emprunté, il devait être quelque part ici...
Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle, il n'y avait pourtant personne à part un jeune homme très concentré et un groupe de lycéen... Clairement, ce n'était pas eux, car ils n'avaient aucun livre donc...
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le mardi 2 janvier 2018
Oh fracas !
Quelques paroles, qui rompent le silence. Quelle horrible voix. Elle s'immisce au milieu du poème, alors que Nobu s’en délectait. « Je ne veux pas te déranger » rime affreusement mal avec « Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux ». Et c’est qui cette lycéenne ? Elle aurait pu attendre que Nobu finisse son poème. Rien que sa strophe ! Qu’il tourne la page, qu’il soit libre mentalement pour lui répondre !
Mais non.
Elle le coupe, le plus simplement du monde. Et tous les poils de l’étudiant se hérissent.
« Bien sûr que si, ça me dérange.»
Il est froid, brut, glacial. Il lui suffit de peu, trop peu, pour devenir désagréable. D’habitude, il se contrôle. Il n’aime pas se disputer, ni faire de vagues, mais il est si profondément plongé dans sa lecture qu’il ne se rend même pas compte de son air méchant.
« Et oui. » Une pause. « C’est Les Fleurs du mal. »
Il ferme l’ouvrage, et redresse le regard vers Hariaya. La pauvre gamine a l’air mal à l’aise. Alors, Nobu se mord la joue. Il y est peut-être allé un peu fort, cette fois. Il lui permet de s’excuser avec un simple : « Pourquoi ? » Avec une bonne raison, il pourra peut-être la comprendre.
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Au moins elle avait la confirmation qu'il lisait bien le recueil qu'elle recherchait. Elle n'avait plus qu'à se faire toute petite jusqu'à ce qu'il aille le remettre à sa place... Et s'il partait avec elle n'aurait qu'à revenir tous les jours jusqu'à ce qu'elle l'y voit. Oui voilà, c'était ça la solution. Ce qu'elle aurait du faire avant d'embêter un étranger. Elle allait s'incliner pour lui présenter ses excuses et s'éclipser quand il tourna son regard noisette vers elle. Elle se senti s'enfoncer dans le sol de plusieurs centimètre.
Oh c'était l'occasion de s'excuser ! Mais allait-elle réussir à aligner 2 mots, ça, s'était toute la question... Déjà qu'elle n'était pas d'un naturel très à l'aise avec les gens qu'elle ne connaissait pas, cette situation était une des pires qu'elle pouvait imaginer. Elle sentait en plus qu'au moindre bégaiement, l'étudiant serait agacé et elle aurait perdu sa chance.
En avalant sa salive le plus discrètement possible et en prenant une bonne inspiration, elle se lança en croisant les doigts pour articuler convenablement.
Petite inclinaison polie.
Elle n'osait plus le regarder, elle ne savait pas du tout quel effet auraient ses explications et elle son cerveau moulinait à 100 à l'heure pour imaginer tous les scénarios.
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le mardi 2 janvier 2018
Eh mince. C’est qu’elle a vraiment l’air désolée. Même un peu apeurée. Mais dans quelle situation s’est-il mis ? Nobu se sent tout bête, maintenant. Alors, oui, la littérature, c’est super important, mais ce n’est pas une raison pour mettre en boule des lycéennes. Surtout une lycéenne qui s’intéresse à la littérature.
Soudain, Nobu commence à se faire toute une histoire de cette pauvre pette. Peut-être qu’elle profite des vacances, pour dévorer tout ce qu’elle n’a pas pu lire dans l’année ? Un peu comme lui ! Qu’elle avait très envie de découvrir la poésie française, et qu’elle rêvait de se délecter de Baudelaire. Alors, dans ce cas, peut-être qu’ils pourraient se partager le recueil, et parler rimes et métaphores.
Il y a tant à dire de Baudelaire.
Nobu n’a pas beaucoup d’amis. Surtout pas beaucoup d’amis littéraires. Alors, il s’ose s’imaginer des rendez-vous réguliers, dans le coin de la bibliothèque. Peut-être qu’ils pourraient s’échanger leurs trouvailles ? Le dernier livre qui les a chamboulés ?
Mais quand elle s’explique, c’est une déception. Non, ce n’est pas une croqueuse de romans. Juste une lycéenne qui fait ses devoirs. Nobu jette un œil sur le recueil. Tant pis pour son après-midi lecture, elle en a davantage besoin que lui. Il va se jeter sur quelqu’un d’autre. Japonais, ou anglais. Y’a tant de choses à lire. Il pousse alors l’ouvrage sur la table, vers la jeune fille.
« Tiens, tu peux le prendre. J’ai fini avec lui. » Pieux mensonge.
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Hariaya Dantōri a écrit:Hariaya Dantōri & Nobu Yoshimoto - Dans la bibliothèqueCe voyageur ailé, comme il est gauche et veule !Une fraction de seconde, elle eu l'impression que le garçon en face d'elle s'était un peu détendu, mais ce devait avoir été le fruit de son imagination car un clignement de cils, il avait l'air encore plus saoulé que jamais. Décidément, elle ne savait pas comment s'y prendre avec lui... Au moins il n'avait plus l'air énervé...
Quel dommage tout de même ! Il avait l'air de lire ce livre par plaisir et par passion, un vrai amateur de poésie comme elle aurait aimé avoir été. Il devait en connaitre un rayon. Si elle l'avait abordé correctement, elle aurait peut-être pu lui demander son aide pour son projet... Parler de poésie avec un passionné, cela devait être intéressant, et cela aurait pu lui rendre la lecture et l'interprétation un peu plus facile. Surtout qu'elle n'y connaissait absolument rien et qu'elle craignait la difficulté des textes...
Elle soupira intérieurement, une belle occasion ratée. Elle releva les yeux sur son visage pour découvrir si les traits de son visage ne laissaient pas apparaitre une quelconque ouverture pour poursuivre le dialogue, un semblant d'espoir... Mais non. Il regardait déjà de loin les étagères en se demandant surement quel serait son prochain livre. Devait-elle lui demander ? Elle avait été égoïste une première fois en interrompant, n'allait-elle pas trop loin en lui accaparent son temps ?
Oh et puis de toute façon, elle n'avait plus rien à perdre, non ? Quand elle le vit préparer un mouvement pour se relever. Elle s'empressa de lui répondre en s'inclinant un peu plus bas que la dernière fois.« Merci beaucoup de me laisser l'utiliser ! Je sais que j'ai mal débuté cette conversation et je m'en excuse encore. Mais j'avoue être absolument novice en poésie et j'apprécierais grandement l'aide d'un amateur pour m'aiguiller pour des textes si pointus. Désolée du dérangement, j'accepterais évidemment ton non si tu n'étais pas d'accord. »
Elle avait lâché sa tirade d'une traite, sans respirer et en fermant les yeux. Allez savoir pourquoi, c'était plus rassurant de fermer les yeux dans un moment de stress.
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le mardi 2 janvier 2018
Poésie, poésie, poésie. Nobu glisse son regard sur les différents recueils. Il ne sait pas ce qu’il peut lire. Enfin, non. Il ne sait pas ce qu’il veut lire. Il a terriblement envie de se replonger dans l’esprit tortueux et torturé du poète français. Et ni Shakespeare, et ni Blake, encore moins Pope, ne pourront le contenter.
Pourtant, Nobu est assez friand de littérature anglaise. Il lit parfaitement la langue. Il la parle un peu moins bien, néanmoins. Honteux de son accent japonais, il préfère éviter toute situation embarrassante et ne discute pas en anglais. De toute manière, la langue, il l’a appris par l’écrit. A travers une correspondance. Ah ! Parfois il se demande ce que fait son correspondant, aujourd’hui. Est-ce qu’il pense à lui, parfois ?
Perdu dans ses pensées, et dans ses souvenirs, il ne choisit aucun livre sur l’étal. Peut-être qu’il va sortir de la bibliothèque, finalement, il a encore des romans à finir dans sa chambre d’étudiant.
Mais une petite voix, toujours la même petite voix, l’interpelle encore.
« Euuuh… »
Alors, ça, il ne s’y attendait pas ! Et Nobu souligne la pugnacité de la demoiselle. Jamais il n’aurait osé demander de l’aide à un inconnu dans la bibliothèque. Encore moins un inconnu plus âgé que lui ! Beaucoup plus âgé. Il hésite, quelques instants : d’une part, il n’est pas le meilleur professeur. Il s’impatiente vite, et il peut parfois être désagréable. D’autre part, il n’a rien d’autre à faire, et il avait envie d’encore lire un peu de Baudelaire. C’est l’occasion.
« Je suis d’accord. Je ferai de mon mieux. »
Et puis aider un kohai, c’est pas le propre de tout sempai ?
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Elle s'installa à la table tout en sortant ses affaires. Elle avait déjà griffonné quelques feuilles de ce qu'elle avait pu trouver en ligne. Les spécificités de la poésies française, par exemple, pour pouvoir les confronter aux textes de Baudelaire. Ensuite elle sortit une page sur laquelle avait été ébauché un plan sur l'étude de 3 poème de Baudelaire. Ceux-ci devaient à la fois être représentatifs de son œuvre personnelle, mais aussi des standards (ou non) de la poésie française. Il restait évidemment à retravailler... Elle ne savait même pas si seulement trois textes allaient suffire. Pourtant la quantité de travail lui semblait déjà folle.
À vrai dire, elle n'avait pas encore eu cours, ces devoirs lui avaient été transmis par une liste de choses à rattraper avant la rentrée, elle n'avait donc pas vraiment eu l'occasion de demander plus de précisions à ses professeurs.
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le mardi 2 janvier 2018
Il hoche doucement la tête. Il tâchera de se souvenir du nom de sa kohai. Dantori, Dantori, Dantori. Il essaye de trouver des mnémotechniques. Il mémorise les caractères. Dantori. Pour le prénom, il n’essaye même pas. Il ne compte pas se montrer familier avec la jeune lycéenne. Aider, oui, devenir amis, il ne faut pas exagérer.
« Nobu Yoshimoto. »
Se contente-t-il de dire, avec un ton un peu froid, monocorde, simple. Il n’enjolive même pas sa présentation d’un petit “enchanté”. Il est comme ça, Nobu, direct. Installé sur la petite table de travail, Nobu attrape le livre et le feuillette. Quand Hariaya lui tend ses brouillons, il regarde un instant, interdit, avant de les prendre et de les lire. Elle semble investie. C’est un bon point, elle devrait être attentive.
« C’est bien, trois poèmes, ça permet de montrer la diversité de l’écrivain. Je choisirai, pour introduire, peut-être l’Albatros. C’est une de ses plus belles œuvres, une de ses plus connues, aussi. »
Nobu glisse les pages sous ses doigts jusqu'à retrouver le poème. Il se permet de réciter, à voix douce, la première strophe :
« Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers. »
Puis, il redresse le regard vers Hariaya pour lui demander : « Qu’en penses-tu ? »
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Okay donc son idée générale était bonne. Bingo. Elle récupéra ses feuilles pendant que le brun s'emparait du recueil en le feuilletant rapidement. L'Albatros, elle avait déjà entendu ce nom mais elle n'était même pas sur d'en avoir un jour entendu le nom. Soudain, Hariaya se fait surprendre par la voix de Nobu.
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers. »
Sa voix était posée, douce. Il se laissait bercer par la ponctuation pour rendre sa diction presque mélodieuse. Elle n'avait rien à voir avec la voix dure et froide à laquelle elle avait eu droit jusque là. Il avait l'air complétement pris dans sa lecture, même en ne lisant que 4 simples strophes.
La poésie lue n'avait rien à voir avec l'écrit, en tout cas pour Hariaya. Autant la lecture était laborieuse et parfois même pénible, autant écouter quelqu'un réciter était très agréable. C'était un peu comme une chanson mais chuchotée à l'oreille, sans musique. Cela avait quelque chose de très reposant. Et même le sens semblait plus simple à saisir de cette manière.
Ou qu'il continue à lui lire. Mais il ne fallait pas abuser. Il avait déjà été gentil de lui lire cet extrait.
D'un coup elle se souvint que pendant ses recherches, elle avait vu un titre qui lui faisait penser à ce qu'il venait de lui lire, et dont la critique était dithyrambique.
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le mardi 2 janvier 2018
C’est beau, un poème. C’est beau, quand c’est lu. Encore plus quand c’est raconté, ressenti, comme vécu. Nobu adore lire à haute voix. Il le fait parfois, lorsque son colocataire lui laisse la chambre pour lui tout seul. Certains ramènent des filles, lui il ramène des livres. Il avait entendu un jour, au détour d’une émission radiophonique, que Gustave Flaubert criait ses phrases dans le fond de son jardin pour s’assurer de leur mélodie.
Nobu aime quand les phrases sont comme des musiques. Baudelaire, c’est comme de la musique.
Mais il n’ose pas proposer à Hariaya de continuer à lire. Il ne sait pas si c’est de trop. Après tout, ce n’est pas un récital, juste un peu d’aide aux devoirs. Alors, il se contente de fouiller dans sa poche, sortir un petit marque page marketing - le genre donné par les librairies -, et le mettre à la page.
« On va mettre de côté tous les poèmes susceptibles de t’intéresser, puis tu les liras tous pour faire un choix. D’accord ? »
A la mention de L’Homme et la mer, Nobu cherche au sommaire. Il existe bien. Et Nobu ne le connaît pas. C’est qu’il venait de commencer sa lecture quand Hariaya l’a dérangée.
« Je ne le connais pas. La mer… L’Albatros… Ce sont des thématiques qui se ressemblent et font écho. Ta problématique peut être centrée sur ce sujet, je vois qu’il existe aussi des textes intitulés Les Phares, Brumes et pluies et même Le Beau Navire.» Mais Nobu s’arrête. N’est-ce pas un peu en dehors des clous ? « Tu peux me rappeler l'énoncé de ton devoir ? Le souci si tu choisis une approche thématique, c’est que l’on risque de passer à côté de la diversité des Fleurs du mal, et passer à côté de poèmes et de thématiques très importantes comme Le Poison, ou Le Spleen… Tout ce qui est un peu plus… Crasseux ? »
Mais aussi ce qui est un peu plus lié à l’imaginaire que l’on a de Baudelaire.
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Crasseux ? »
Hariaya prit un air mi-songeur, mi-concentré en tapotant son criterium contre son menton. D'un côté rester dan le même thème lui permettait de garder une ligne directrice, c'était rassurant. Cela rendait la confrontation plus simple et moins hasardeuse. Mais effectivement, c'était clivant. Baudelaire ne parlait pas QUE de la mer, la poésie française non plus, il ne fallait donc pas rester que sur ce sujet... En tout cas pas si elle voulait conserver le plan qu'elle avait réalisé.
Oui, peut-être que rester sur la thématique de la mer
c'est trop réducteur... »
Elle note les nom que Nobu lui avait cité, Le Poison et Le Spleen. Ce dernier elle en avait entendu parler aussi. Cela semblait être un sujet très important quand on parlait de Baudelaire. Mais elle n'avait aucune idée de ce qu'il se cachait derrière ces termes. En quoi était-ce des thèmes crasseux comme le disait son ainé ? Elle sentait ses lacunes la freiner. Etait-ce normal ? Ou n'importe quel lycéen de cette école avait des notions sur l'oeuvre et la vie de Baudelaire ? Bonne question...
Le mieux était de lire directement le poème. Mais s'il pouvait le lire ce serait tellement plus simple... Non. Elle ne pouvait pas être aussi demandante. Il en faisait déjà beaucoup, elle devait lui laisser le choix de le faire ou non. En plus, il lui avait dit que pour sélectionner les prochains poèmes, le mieux était qu'elle les découvre elle-même.
Elle avait l'impression de répéter qu'elle ne savait rien, c'était un sentiment très désagréable, surtout face à quelqu'un de si passionné. Mais en même temps elle n'avait pas menti en disant qu'elle avait besoin de son aide...
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le mardi 2 janvier 2018
Nobu acquiesce. C’est bien ce qu’il pensait. Le sujet de l’exercice délimite le champ d’études. Si la thématique de la mer est très intéressante, elle ne répond pas à la consigne. Le jeune étudiant ne le trouve finalement pas si simple, ce devoir. Il est très difficile de représenter l'œuvre d’un auteur par un échantillon de poèmes, et il l’est encore plus pour représenter la poésie d’un pays.
« Elle est quand même un peu vache, c’te prof. » Marmonne-t-il dans sa barbe. Nobu n’aime pas quand les professeurs de littérature proposent des sujets aussi peu précis. Comment ça, Baudelaire, significatif de la poésie française ? C’est un auteur très important, évidemment, mais il est restreint à son époque. « Je pense qu’en plus des trois poèmes de Baudelaire, il faudrait que tu trouves des passerelles avec des auteurs plus contemporains… Ou différents. Baudelaire est représentatif de l’image des “poètes maudits” du dix-neuvième. Mais y’a plein de poèmes avant lui… Et après lui.»
Nobu réfléchit quelques instants. La question des œuvres autour de la thématique de l’eau, c’est vraiment râpé ! Il faut trouver quelque chose de plus pertinent. Et il a une idée, qu’il propose tout de suite à la lycéenne :
« Je pense qu’il faut choisir trois poèmes de Baudelaire très différents, les uns des autres. En forme comme en sujet ! Et faire des parallèles thématiques, ce sera plus simple que formel, avec d’autres poètes de d’autres époques. Par exemple, l’Albatros parle de liberté. Et y’a un poème super connu en France sur le sujet ! Liberté de Paul Eluard. » Un auteur du vingtième siècle, très différent. « Ca fait un truc comme : sur mes cahiers, sur mon pupitre, sur le sable, “j’écris ton nom”… et y’a plein de strophes comme ça qui finissent par “j’écris ton nom”, jusqu’à la dernière où on comprend que le nom c’est pas une femme, mais c’est “liberté”. »
Nobu a l’air complètement allumé. Il est passionné et ça se sent. Il prend à cœur ce devoir, comme si c’était le sien. Et il s’en rend compte, alors, il se racle la gorge, et reprend son calme.
« Pardon, je m’égare, d’abord Baudelaire… Donc Le Spleen…» Il ouvre la page sur le poème et le tend vers Hariaya. « Lis le, dis moi ce que tu ressens, et on en discute ensemble. La poésie, c’est pas qu’une histoire de savoir ou pas savoir, c’est une histoire de sentiment. »
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Elle ne savait pas trop si elle avait le droit d'évoquer d'autres auteurs... Logiquement, c'était elle qui s’était fixée Baudelaire, et le sujet ne précisait pas particulièrement de se concentrer sur un auteur unique donc... Pourquoi pas ? Après tout le thème principal était surtout la poésie française. Mais si ils devaient à chaque texte faire une passerelle vers un nouvel auteur, cela voulait dire qu'il fallait sélectionner... 6 textes ? D'époques différentes en plus ? Au fond c'était une bonne idée mais allait-elle réussir à finir le projet en une semaine ?
Elle réfléchissait tout en continuant d'écouter Nobu. Paul Eluard ? Pour le coup lui elle est sure de ne jamais en avoir entendu parler. Elle note son nom en grand et l'entoure plusieurs fois pour le retrouver plus facilement. Elle note à côté Liberté et fait une flèche pour le relier à l'Albatros. Okay, déjà deux textes à comparer. Plus que les autres à trouver. Elle verrait bien une fois cela fait si elle s'en sentait capable ou pas.
D'un coup l’attitude de l'étudiant change un peu. Il se calme et semble comme se refermer un peu. Hm, dommage, il avait l'air heureux quelque minutes plus tôt, ça avait fait chaud au coeur à Hariaya, elle s'était dit qu'il ne la detestait pas au final.
Oh non, encore de la lecture. En plus il voulait qu'elle lise devant lui... Elle allait se ridiculiser avec sa lecture d'escargot. En plus pour comprendre elle devait facilement le relire plusieurs fois. Elle se mordit la lèvre en regardant le livre qu'il lui tendait. Est-ce qu'elle jouait le coup de l'honnêteté ? Est-ce qu'il allait la trouver vraiment trop embêtante avec ses demandes de confort ?
La honte...
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le mardi 2 janvier 2018
Nobu, interdit, regarde Hariaya avec des yeux ronds. Comment ça, elle prend longtemps à lire de la poésie ? C’est comme de la musique, pourtant, et ça file tout droit. Ce ne sont que des mots, rien que des mots, toujours des mots. Mais Nobu préfère ne pas l’interroger dessus. A tous les coups, ça la mettrait mal à l’aise. Il préfère simplement lui dire :
« Je vais la lire, alors, tout en entier. Après, tu me diras si tu veux que je répète certains passages que tu as moins saisis.» En finissant sa phrase, il se redresse, et se rapproche d’Hariaya. Il tend le livre, vers elle, de manière à ce qu’ils puissent tous les deux lire les mots. « Essaye de repérer, en même temps, les mots qui sont difficiles. »
Et puis, il se prépare. La poésie est longue, et il ne souhaite pas s’interrompre pendant. Alors, comme un interprète, il bouge légèrement sa mâchoire pour la débloquer, craque son cou, et commence :
« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;»
Qu’est-ce qu’elle est belle, cette première strophe. Du genre à te prendre tout de suite dans ses bras. Dès les premiers mots, Nobu est conquis. C’est de la grande poésie.
« Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;»
Le poème est très différent du premier. Plus noir, plus dur, plus organique, aussi. Nobu fait attention à appuyer les consonnes. La traduction japonaise n’est pas parfaite, mais le traducteur a pris soin de conserver les allitérations.
« Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,»
On y arrive, au cœur du Spleen. Le cerveau, l’être, le soi. C’est drôle, la poésie parle vraiment à Nobu. Ces derniers temps, il a bien du mal à voir le monde en rose. A Osaka, il a vécu de drôles d’histoires. De celles qui s'ancrent dans le cerveau et te tordent la tête. Depuis qu’il est à Kobe, ça va mieux, mais il est sans cesse dans l’expectative du retour de bâton. Il ne peut pas être heureux bien longtemps.
« Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.»
Sa voix devient plus faible, sur cette dernière strophe. D’abord, parce qu’il manque de souffle. Même s’il fait attention à respirer à chacun des vers, il ne sait pas bien déclamer. Et aussi parce que le poème le traverse, et qu’il a du mal à cacher ses émotions.
« - Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.»
Terminé. Nobu prend une pause, pendant laquelle il se remet de ses émotions, et reprend sa respiration. Elle est si forte, elle est si belle. Si vraie aussi. Quand il est un peu plus calme, une trentaine de secondes plus tard, il ponctue par : « Alors ? »
- InvitéInvité
Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Après avoir acquiescé, il se prépare comme un comédien sur le point de réciter son monologue. Elle trouve cela passionnant. Jamais elle n'aurait pris autant de précautions avant de lire, mais maintenant qu'elle le voyait ça lui semblait évident. Quand il s'élance sa lecture, elle décroche le regard de l'étudiant -elle n'avait même pas remarqué qu'elle le fixait- pour suivre sur le livre qu'il lui avait tendu.
Le premier vers était très imagé mais il avait beaucoup parlé à Hariaya qui ne quittait plus le texte des yeux. Il lui semblait beaucoup plus porteur de sens que le précédent. Peut-être parce qu'elle s'y identifiait plus ? En tout cas elle n'eut presque pas besoin d'y penser pour en saisir la signification des images.
La deuxième était plus singulière. Elle n'avait pas l'habitude de voir du langage familier dans une oeuvre de cours, surtout aussi réputé. Ça l'avait un peu sortie de son expérience mais avec quelques instants de réflexion, elle comprenait que l'utilisation de tels mots était justement faits pour provoquer une réaction chez le lecteur; très furtivement elle note deux mots-clefs sur un de ses brouillons avant de rediriger ses yeux vers le livre.
Elle sentait le timbre de Nobu changer. Vu le contenu du poème, cela devait être réfléchi. Elle sentait qu'ils s'enfonçaient dans quelque chose de plus en plus sombre. Elle ne savait pas trop ce qu'il voulait dire par "les cloches" mais et le nota également sur son papier pour pouvoir poser la question plus tard.
La dernière strophe aurait pu lui donner envie de pleurer. Elle ne savait pas si c'était les mots ou la diction de Nobu mais quelque chose la retournait. Et, à vrai dire, elle n'aimait pas trop ça. Mais en même temps, qui aimait remuer de sombres souvenirs, rouvrir de vieilles plaies ? Un silence s'était d'ailleurs installé entre les deux jeunes gens. Il n'était pas gênant et ils n'avaient pas vraiment dû y prêter attention, occupés qu'ils étaient par leurs pensées respectives.
Haria revint à elle. Elle essaya de chasser les images de sa mère de sa tête en relevant le regard vers le jeune homme. Elle commença par hocher doucement la tête, pour montrer son approbation. Finalement elle put enfin articuler quelques mots.
Pour ne pas s'attarder plus longtemps sur ses difficultés de compréhension écrites, elle dirigea sa main vers le brouillon qu'elle avait rapidement annotée et vit le mot "cloches" entouré.
Elle n'arrivait à penser qu'aux grelots des temples shinto qui sonnaient au vent, ou alors aux cloches des vaches, mais elle doutait fortement que Baudelaire connaisse le shintoïsme, ni qu'il se soit pris mi-poésie d'une passion pour les bovins
- InvitéInvité
Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le mardi 2 janvier 2018
Il sert un peu sa mâchoire, pour ne rien laisser transparaître, mais au compliment de Hariaya, Nobu ressent une drôle de chaleur envahir sa poitrine. Un peu comme de la fierté. Le jeune homme n’a que très rarement pu s’exercer à l’exercice de la diction. D’abord, à l’école, un peu comme tout le monde, il a surtout pris plaisir à lire à voix haute une fois en étude. Le problème, c’est qu’il faut pouvoir trouver du temps pour le faire. Son camarade de chambre, à Osaka, n’était pas un fier littéraire, et trouvait ces tirades plutôt désagréables. Nobu se réfugiait, entre midi et deux, dans sa petite chambre étudiante pour profiter de l’absence de son colocataire. Il faut bien trouver des solutions.
Pourtant, il refuse de sourire, ou de montrer son excitation. Il ne demande pas, si sa diction n’était pas trop traînante, sur le dernier vers. S’il n’a pas manqué de souffle, entre deux strophes. Non. Il garde un visage de marbre, alors qu’il prononce un simple : « Merci. » Au fond, il pense que Hariaya aurait pu apprécier les mots tout autant si elle avait pris le temps de bien les lire. Mais ce n’est certainement pas par paresse. La jeune fille ne semble pas être paresseuse. Plutôt, peu confiante en elle.
Chacun ses forces, chacun ses faiblesses. Celle de la lycéenne n’est peut être pas la poésie. Nobu ne se risquera pas dans ce terrain glissant. Si elle n’est pas confiante en elle, c’est son problème. Elle aura bien le temps de s’endurcir avec les épreuves de la vie.
« Tu as quand même pu suivre le texte ? Pour pouvoir bien faire attention aux mots ? » C’est toujours la difficulté, dans les poèmes lus, on se rappelle de certaines impressions, mais pas toujours de l’ensemble. Et quand Hariaya se concentre sur les cloches, plutôt que sur le sentiment global, il a cette mauvaise impression. « Les cloches, surtout, elles sonnent “avec furie”. Pas comme dans les églises normales, en France. La cloche, qui sonne, c’est l’esprit qui se débat. En fait, c’est la volonté du poète, qui résiste face au spleen. Son dernier souffle contre la tristesse, avant d’être rattrapé par “les esprits errants”, les pensées noires. En tous cas, je le lis comme ça. » Et il a l’impression d’avoir cette explication comme souvenir. D’où ? Il ne sait plus. Peut-être d’un cours de littérature étrangère. « Mais, globalement, tu as compris ce que décrit comment sentiment ce poème ? »
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
À la remarque de son ainé, ses yeux se dirigèrent vers le texte. Il lui semblait qu'elle avait réussi à comprendre tous les mots, et le sens qu'ils leur était donné... Enfin elle pensait ? Elle n'était pas à l'abri d'avoir mal compris mais en tout cas tout avait semblé s'enchainer logiquement, elle n'avait jamais décroché en étant perdue en se demandant ce qu'il se passait dans ce texte. Même le moment qui l'avait un peu sortie avait semblé plein de sens malgré tout.
À sa remarque, elle fronce légèremnt les sourcils. Non pas par contrariété, mais dans un effort supplémentaire de réflexion. Ce sont dans les cloches des églises dont il parlait ? Elle ne savait pas trop à quelles occasions les cloches sonnaient ni leur signification, mais d'après ce que lui expliquait l'étudiant, ce n’était pas bien important. C'était des cloches mais cela aurait pu être n'importe quoi provoquant un son plus important que d'ordinaire, pour souligner son état d'esprit. En plus il lui offrait une de ses interprétation. Elle avait l'impression d'avoir compris plus ou moins la même choses, ça la rassurait. Elle devait doc plus se concentrer sur le sens général et pas se cantonner aux définitions strictes des mots. Noté.
Elle cherche sur la table ses notes des yeux mais au final elle n'en a pas besoin. D'ailleurs seuls trois mots y sont notés ce qui ne l'aidera pas vraiment.
et contre lequel on ne peut rien faire. À la fin je vois la résignation, quelque chose de plus desctructeur qui donne l'idée que Badelaire à perdu son combat et est abattu par son... Spleen du coup j'imagine. »
Quand elle eu finit de parler, elle jeta un oeil timide vers Nobu. Elle ne s'était jamais prêtée à l'exercice et espérait vraiment ne rien avoir dit de bête. En tout, c'est ce qu'elle avait ressenti personnellement, et en retourant les vers dans sa tête, elle ne voyait pas d'autre lecture, à quelques nuances près. Maintenant elle craignait d'avoir été trop superficielle. Elle n'en avait peut-être pas assez dit, n'avait pas assez creusé... ?
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le mardi 2 janvier 2018
Un petit sourire s’étend sur les lèvres de Nobu. Il trahit une certaine fierté. C’est bon, elle a saisi. Si le jeune homme est un piètre professeur, trop impatient pour pouvoir être bon, il aime beaucoup voir son élève d’une après-midi épanouir ses idées. Et même si ces idées sont dites avec beaucoup de timidité - et saupoudrées d’une bonne dose d'incertitudes -, elles ont le mérite d’exister. Mais Nobu n’est pas très expressif. Donc sauf ce sourire, aucun signe de son enthousiasme. Il se contente de dire, d’une voix douce :
« T’es dans le bon. » Avant de se reprendre. « Enfin, il n’y a pas un seul “bon”. C’est la beauté de la littérature. Elle te touche à différents endroits. Certains textes te parlent, et tu ne comprends pas pourquoi. Le Spleen, il est très fort, parce qu’on est beaucoup à ressentir cette forme de malheur. »
Et il s’arrête de nouveau. Il se rend compte qu’il a trop dit, sur lui. En fait, non, tout le monde n’a pas vécu “Le Spleen”. Il est bien naturel de ressentir un petit coup de mou, une déprime passagère, mais un état aussi dur qu’un Spleen ? Nobu l’a ressenti, à Osaka. Et depuis, il a du mal à se défaire de ce sentiment lourd et pesant. Même la littérature ne lui permet plus totalement de s’évader.
« Bref. C’est une bonne première approche. Pour ton devoir, tu peux garder cette structure, et l’appuyer avec des exemples précis dans le texte. Proposer ton interprétation pour quelques figures de style, quelques verres, afin d’étoffer ton ressenti par des arguments forts. Et maintenant… » Il reprend le recueil et regarde le sommaire. « Il faut trouver d’autres poèmes, en lire plusieurs pour que tu puisses faire ton choix. »
Les yeux de Nobu défilent sur les titres. Il y a en a un, qu’il n’a jamais lu, qui l’intéresse tout particulièrement. “Lesbos”. Forcément, ça lui parle. L’homosexualité, un thème qui est fort pour lui. Il se demande si c’était fort pour Baudelaire. Contrairement à Rimbaud et Verlaine, il ne lui connaît pas d’aventure gay. Mais dans Les Fleurs du mal il y a “Lesbos”. Et il y a “Lethée”. Et il y a tant d’autres textes saphiques. Est-ce que c’était pour choquer le bourgeois ? Très certainement. Mais il a très envie de le lire. Pourtant, il ne le propose pas à Hariaya. Il a trop peur de se griller, avec ce genre de thème. Depuis l’incident à Osaka, son homosexualité, elle reste pour lui, et rien que pour lui. Alors, il lui demande :
« Tu veux lire quoi, toi ? »
Après tout, la poèsie, c’est une question d’attraction.
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Elle hocha la tête. Il avait fini sa phrase un peu abruptement mais cela n'interpella pas Haria. Le sujet était délicat, il était normal de ne pas vouloir s'appesantir dessus. Elle n'allait pas lui parler non plus de son enfance catastrophique. Après tout la tristesse et la peine étaient des sujets intimes et souvent douloureux, le silence semblait assez propice à cette situation.
Nobu semble chercher des yeux les différents titres du recueil. Ses yeux s'attardent parfois mais il ne fait aucun commentaire, mais la curiosité d'Haria n'aura pas pris le dessus sur sa timidité, et elle ne dit rien jusqu'à ce que le jeune étudiant ne lui passe le livre en lui demandant ce qu'ELLE voulait lire. Elle prit l'ouvrage par réflexe et ne porta pas plus d'importance que ça au sommaire. Elle feuilleta plutôt le livre, observant les structures et les mots qui ressortaient le plus à ses yeux. Et c'est le 25e texte qui accrocha le plus son attention. Le Léthé. Elle ne connaissait pas le sens du titre, mais quelque chose l'attirait.
Elle tendit le livre ouvert à la bonne page à Nobu, espérant qu'il était encore partant pour le réciter encore une fois.
m'attire... »
Elle se mordit encore une fois l'intérieur de la joue, réalisant que sa phrase la faisait paraître un peu bête.
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le mardi 2 janvier 2018
Il continue de sourire, et hoche la tête. En fait, elle n’a pas du tout besoin d’aide, cette petite ! Nobu est persuadé que le plus important, c’est de se faire confiance. Il n’a jamais eu ce problème, lui. Il a toujours compris que l’école, c’était pour lui. Tout au contraire, il peut parfois montrer un peu d’excès de zèle face à ses camarades. Monsieur je-sais-tout n’a pas tout appris du ciel. C’est qu’il travaille ! Alors, parce qu’il travaille, il ne veut pas se cacher.
Il y a encore du progrès à faire, mais cette fois, elle manifeste même de l’envie. Elle pointe du doigt le texte “Le Léthé”. Nobu ne le connaît pas. Pas du tout. Mais il est curieux. C’est vrai que le mot est attirant. Sans doute de racine grecque, mais Nobu n’en connaît pas la définition. Et il espère pouvoir l’imaginer à la lecture du texte.
« Je comprends pourquoi il t’attire. »
Nobu n’aurait peut-être pas choisi celui-ci. Pas d’instinct, en tout cas. S’il souhaite lire chacun des poèmes du recueil, il est davantage attiré par les titres sales, les titres organiques, les titres qui sentent la poussière. Lethée, c’est plus lumineux ! Ça rappelle les grandes heures de la culture. Les statues de marbres, et les colonnades.
« Tu veux bien le lire, cette fois ? Comme un exercice ? »
Même si pour cet exercice, Hariaya n’a pas à réciter, elle pourrait avoir besoin de travailler son oralité pour d’autres occasions. Et maintenant qu’elle et Nobu ont fait connaissance, le jeune littéraire aimerait bien entendre sa voix.
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le ton plus doux et encourageant de Nobu n'eu aucune sorte d'effet atténuant sur la panique qui prit Haria en entendant cette phrase. Elle était restée le bras tendu, le regard crédule et la bouche entre-ouverte le temps de processer l'information. Timidement et non sans tremblement, elle ramena le livre à elle en regardant la page comme si le texte était écrit en russe, tous les caractères s'entremêlaient.
Allez, on souffle, le poème n'allait pas la manger, après tout. Elle secoua très discrètement la tête, d'un mouvement à peine notable, comme pour se signifier à elle même de se remettre les idées en place. Ce petit moment de panique n'avait dû durer que quelques courtes secondes mais elle avait l'impression que des minutes entières s'étaient écoulée, se montrant particulièrement ridicule devant son professeur du jou. Elle devait se rattraper. Enfin... Essayer, du moins.
Bon, on aurait dit que sa voix allait se briser à tout moment mais au moins elle avait articulé quelque chose. Essayant de paraitre la plus sérieuse possible, elle regarda le texte, qui avait récupéré ses kana et ses kanji, en diagonale pour ne pas être surprise dans sa lecture et se couper. Bon, elle allait surement s'interrompre de toute façon, mais elle espérait limiter les dégats.
Viens sur mon coeur, âme cruelle et sourde,
Tigre adoré, monstre aux airs indolents;
Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants
Dans l’épaisseur de ta crinière lourde; »
Pour l'instant, la jeune ado se concentrait plus sur sa diction que sur le sens du texte, même si elle sentait la direction que semblait prendre le texte. Elle préférait cependant ne pas trop y penser, elle espérait se tromper et ne pas avoir à lire ce genre de choses à voix haute devant son sempai.
Ensevelir ma tête endolorie,
Et respirer, comme une fleur flétrie,
Le doux relent de mon amour défunt. »
Et là, elle se sent un peu destabilisée. Elle ne pensait pas, naïvement, avoir affaire à une histoire déçue. Cela partait comme un hommage à l'amour, un amour un peu malsain certes, mais certainement pas en rupture ou quoi que ce soit de se registre. En même temps, ils lisaient du Baudelaire, et de ce qu'elle avait vu de ses textes précédent, elle n'aurait pas dû s'attendre à beaucoup plus joyeux venant de lui.
Dans un sommeil, douteux comme la mort,
J’étalerai mes baisers sans remord
Sur ton beau corps poli comme le cuivre. »
Bon, rien ne servait de le nier, les eux derniers vers avaient été plus difficiles à sortir sans réfugier son regard plus profondément dansle papier en cachant ses joues rougies avec le recueil. Elle en oublierait presque le desespoire du début de la strophe. Elle n'avait jamais vécu de chagrin d'amour, d'ailleurs jamais d'amour du tout, elle se trouvait donc souven très surprise devant cette douleur qui semblait accabler les amoureux dépités. Elle avait du mal à concevoir que la douleur pouvait en amener certains à des extremités telles. Elle avait de l'empathie pour se pauvre Baudelaire, mais cela ne lui parlait pas, contrairement à la lecture très genante qui suivait.
Rien ne me vaut l’abîme de ta couche;
L’oubli puissant habite sur ta bouche,
Et le Léthé coule dans tes baisers. »
Bon, si elle avait été satisfaite de sa lecture au début, maintenant elle la trouvait désastreuse. Elle avait déjà lu des choses similaires, pourquoi minaudait-elle autant ? Surement la combinaison de lecture à voix haute de poésie (lecture tout court d'ailleurs) melé au fait qu'elle le lisait aà un inconnu avec qui l'échange n'avait pas été particulièrement facile au début... En tout cas sa lecture était trop saccadée, elle se reprenait et perdait même parfois sa ligne. Même si le texte ne l'y invitait pas spécialement, il fallait faire une pause pour se remttre la ête à l'endroit. Elle ferma rapidement les yeux en soupirant puis en inspirant profondément, la façon la plus efficace pour elle de se recentrer et reconcentrer.
J’obéirai comme un prédestiné ;
Martyr docile, innocent condamné,
Dont la ferveur attise le supplice,
Je sucerai, pour noyer ma rancoeur,
Le népenthès et la bonne cigüe
Aux bouts charmants de cette gorge aigüe
Qui n’a jamais emprisonné de coeur. »
La fin fut plus facile. Elle avait récupéré une tête plus froide et le texte était un peu moins... frontal. Et le côté fataliste et désabusé de l'auteur n'etait que plus visible au yeux de la jeune fille. L'amour semblait vraiment être quelque chose de douloureux pour lui, tout en le controlant totalement. Elle frissonna à l'idée que ce qu'on lui avait toujours vendu comme si beau dans les films et les chansons puisse être si destructeur.
Mais Nobu avait bien dû s'en rendre compte lui-même au vu de sa piètre performance...
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Re: [Terminé] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! | ft. Hariaya
Le mardi 2 janvier 2018
Elle a peur. C’est clair, c’est net. Elle a peur, et cette peur pourrait presque prendre forme tout autour d’Hariaya. C’est comme une masse grise, une masse épaisse, dans laquelle elle se noie. Une masse de laquelle elle s’échappe, mot après mot, phrase après phrase.
Et il sourit, Nobu, parce qu’elle semble prendre petit à petit plaisir à lire. Ou du moins, il lui semble qu’elle prend confiance. Et lui, il l’écoute, dire chacun des mots. Il ne la coupe pas, jamais. Il se contente de l’écouter. Il ne la regarde pas, non plus. Parce qu’il sait bien que c’est intimidant. Il se contente de lui laisser cet espace, rien qu’à elle, rien qu’au texte. Un moment de synergie entre les mots et les sons. Pour qu’elle puisse s'imprégner de toute la poésie.
Et puis il y a le texte. Oh, quel texte ! Et même si la voix d’Hariaya est parfois fragile, fébrile, et questionne les mots autant qu’elle les interprète, Nobu se délecte du sens de chacune des syllabes. Il se sent, parfois, un peu Baudelaire. C’est mauvais signe, il le sait. Ce n’est pas bon de se prendre pour un poète maudit. Mais il ne peut pas s’en empêcher. Il y a les hommes qu’il croise les nuits, tous ceux qu’il ne se permet pas de revoir, tous les amours qu’il s’empêche de vivre.
Pourtant il aimerait, comme Baudelaire, comme Rimbaud, comme Verlaine, comme tous les autres, vivre un jour un amour tellement fort, tellement beau, tellement dévorant ! Qu’il ne puisse plus penser à autre chose. Il aimerait se sentir épris. Se sentir aimé. Il aimerait pouvoir trouver une muse qui lui fasse écrire le plus beau des poèmes.
Et ça s’arrête. Et c’est le final. Un peu de silence, avant la remarque d’Hariaya. Nobu ne cesse de sourire. Toute cette littérature, c’est vraiment un plaisir.
« C’est bien toute la beauté de ces poèmes. Ils sont déroutants. Mais aussi très réels. »
Même organiques. Le jeune homme ferme finalement le recueil. Il aurait aimé le garder pour poursuivre la lecture chez lui, mais l’étudiante en aura bien plus besoin que lui. Il laisse le livre devant elle.
« Je pense qu’on a fait le tour. Je ne connais pas d’autres poèmes. Mais n’hésite pas à parcourir le reste, je suis certain qu’il y a encore beaucoup de bonnes surprises. » Il se lève de sa chaise. Et salue la lycéenne d’un geste poli de la tête. « Courage, pour ton exposé. Si on se croise de nouveau, tu me diras si ça s’est bien passé. »
Avant de sortir de la bibliothèque, Nobu récupère un autre recueil dans la bibliothèque. Pourquoi pas un peu de Rimbaud ?
#terminé
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