[Terminé] Que la lumière soit ! | Nissa

Bientôt la fin des vacances. Le temps est passé si vite, surtout aux côtés de mes meilleures amies à Nagoya ; aucun regret ne vient entacher le temps passé ensemble et les bonnes expériences partagées agréablement. Pourtant, j'aimerais qu'elles soient là.

Mais bref ! Pas le temps de ruminer, un rendez-vous d'initiation m'attend en ce lundi matin. J'ai demandé Kawaguchi-san de m'inculquer une partie de son savoir, et c'est avec une certaine excitation que je me prépare. J'enfile une tenue simple : un short noir sous une chemise grise.

Je m'autorise cependant un peu d'excentricité avec les chaussures. Après tout, je dois m'habituer à porter des talons aussi hauts malgré une semelle compensée. ; pour l'instant je les gère assez bien, et c'est sans de difficulté que je marche avec – même si ça penche un peu.

Le sac est jeté sur mon dos alors que je sors de la chambre, toute guillerette. Les élèves ont commencé à revenir par petits paquets, et j'en croise certains que je connais – un sourire est destiné à leur attention. J'arrive bien vite au parc, et je cherche la professeur.

Après quelques déambulations à l'aveuglette, je la trouve assez vite, assise sur un banc, sous un magnifique ciel bleu. Un petit signe de la main, tout en pressant le pas, et j'arrive face à elle. La professeure est toujours aussi diablement belle.

« Bonjour Kawaguchi-sensei ! Vous allez bien en cette belle matinée ? »

Je lui souris gentiment sous mes lunettes.

La professeure me salue, vers laquelle je me rapproche, et arrivée à son niveau, je m'incline à  ce qu'elle dit ensuite, contente d'être là :

« Et ça me fait plaisir d'être votre élève. Merci de m'accorder de votre temps ! »

Kawaguchi-san me fait signe d'approcher, et je m’exécute timidement malgré l'excitation. Elle ouvre le sac sur le côté ; on peut y apercevoir un appareil Reflex, avec quelques objectifs de différents gabarits. Tout ça fait très professionnel, gonflant mon enthousiasme.

« Oui, vous ne vous êtes pas du tout trompée ! »

Avec une hâte mal camouflée, je la regarde préparer le matériel tandis que je gigote d'excitation sur mes semelles compensées. Elle me demande alors qu'elle est mon niveau en photographie, et je mets un doigt sur mes lèvres alors que je réfléchis.  

« J'ai dé-déjà utilisé l'appareil photo hybride de ma mère... C'était pendant un mariage, elle me l'avait prêtée p-pour que je passe le temps. Mais je n'ai pas touché aux réglages, et j'ai pris qu-que des photos de fleurs et quelques portraits. Donc on peut dire que j'ai un niveau p-proche de zéro et que j'ai tout à apprendre »

Je fais la moue, gênée d'être une inculte.

Kawaguchi-san conteste ce que j'avance en hochant négativement la tête. Malgré les maigres bagages que je possède, c'est déjà un bon point – des bonnes bases - pour progresser ensuite. Tout en l'écoutant, je la regarde préparer le matériel.

Il lui faut peu de temps, pour tout associer, et me tendre l'appareil photo. Je passe cérémonieusement la corde autour du cou, avant de regarder l'objectif ; le rectangle a une teinte assez bleutée alors que je le dirige vers le visage de Moon.

Celle-ci parle de la balance des blancs, m'explique rapidement ce que c'est en se mettant à côté de moi, et me montre comment le régler en passant par le menu. Puis, elle sort une feuille blanche vers laquelle je tourne l'objectif pour qu'il se régularise automatiquement.  

« En fonction de l'éclairage, on a une dominante de couleur qui v-varie et la balance des blancs, la corrige ? L-là, on est dans une couleur froide, je crois. 6000 Kelvin – je sais p-plus trop - pour la lumière du soleil le matin ? »

Si ça se trouve, je raconte n'importe quoi

Attentive, j'écoute la professeur me corriger sur les kelvins ; ce n'est pas 6k mais 4k le matin. On peut même régler nous-même la balance des blancs, mais ça a l'air d'être trop pointu même pour Kawaguchi-san, alors je vais évidemment éviter.  

Elle enchaîne en me parlant des ISO. Sur ce sujet là, je suis une totale inculte alors je dresse l'oreille, concentrée. Si j'ai bien compris, vu qu'on est en matinée, il ne faut pas beaucoup d'ISO, peut-être juste une centaine ferait l'affaire.

La professeure se recule, me laissant l'appareil en main. Si je me souviens bien, la distance focale, les mm sont les millimètres de la distance qui sépare le centre de l'objectif d'un sujet. Ou un truc comme ça. Je lève l'appareil et le cadre sur Kawaguchi-san.

Un grand angle. Sûrement plus propice à la capture de paysage, ou à créer des perceptives spectaculaires. Ou alors... C'est bien pour les stalkers pour prendre des photos dans le vif, et anonymement de leur cible. J'appuie finalement sur le déclencheur.

« C'est dans la boîte !»

Je fais signe à la professeure que c'est bon.

Kawaguchi-san, la photo prise, retourne à son sac. Elle en sort un objectif de 50mm, et s'approche de moi. Je suis étonnée de la fragilité du boîtier, mais je note cette information dans un coin de ma tête, si un jour, ça pourrait me servir.

La professeure échange les objectifs, en créant de l'ombre avec sa stature, puis me laisse l'appareil photo. De nouveau, je le lève et le pointe vers l'adulte. Elle me conseille de jouer avec la bague de mise au point pour les zones de flous.

Je me déplace d'abord un peu, pour trouver un bon angle afin prendre le portrait de Kawaguchi-san. Puis, je m’exécute, la faisant rouler à tâtons, jusqu'à trouver la bonne mesure, celle où le décor est flou, et la professeure est nette.

Clic. La photo est prise, sans plus de chichis. Je regarde le résultat, et je trouve que l'objectif met vraiment en valeur l'adulte qui m'accompagne. Elle est toute resplendissante sur la photo, je suis vraiment contente du rendu pour mes débuts.

« On en essaye un autre ?»

Avec Moon comme modèle, ça donnera forcément un beau résultat.

Des fois – même souvent, je suis un peu bête. La preuve, je prends précieusement un seul cliché depuis le début, alors que je pourrai tout aussi bien la mitrailler à loisir.

Je la regarde, un peu en retrait, installer un trépied. Elle le règle à ma hauteur, avant de récupérer un autre objectif. Celui-ci est plus gros, plus imposant que les autres essayés plus tôt.

Quand la professeure m'a dit vouloir se mettre un peu plus loin, je ne m'attendais pas du tout à ce que ce soit aussi loin. Bien un demi-kilomètre me sépare désormais de la professeure... Mais je la vois, comme si elle était juste à porter, sur le viseur.

J'appuie doucement sur le déclencheur à plusieurs reprises, s'emparant ainsi du sourire éclatant de Kawaguchi-san. Sur la dernière photo, une brise s'est engouffrée dans la chevelure de la professeure donnant un peu de vivant, de vitesse au cliché.

Quelques signes de la main pour la rallier.

Voir la professeure se transformer momentanément en fusée à quelque chose de cocasse. D'où je me trouve, j'avise les grandes enjambées dont l'adulte fait preuve. Celle-ci arrive hâtivement jusqu'à moi, dans un petit dérapage digne d'une compétition de Mario Kart super serré.

« Oui ! C'est bon ! »

Je la laisse tranquillement récupérer son souffle tandis que je m'écarte de l'appareil. Elle finit par regarder mes clichés, et j'essaye d’interpréter ce qu'affiche son visage afin de savoir ce qu'elle en pense. Sauf que je suis complètement une bille alors je ne peux me la jouer mentaliste.

« J'aime beaucoup le gr-grand angle du 25mm ! On peut prendre des photos de paysage... Alors ça pourrait être top pour photographier les fleurs dans leur élément ! »

C'est celui qui me plaît sûrement le plus.

« Je ne suis p-pas très fan du 50mm. »

J'ajoute ça en faisant un peu la moue, lui trouvant rien de particulier.

« Par contre, le 100mm ! Ça doit être géniale pour capturer d-des animaux ou des insectes. Ou la rosée du matin sur une fleur...   »

Je m'imagine à crapahuter à la recherche du bon angle pour prendre des photos inoubliables digne de national geographic.  

Je lève les yeux quand elle s'excuse. Pas certaine de ce qu'il se passe, jusqu'à ce qu'elle s'explique. Je hoche négativement la tête, pas du tout gênée. Je lui souris gentiment, pour la rassurer.

« Vous inquiétez pas, ça ne me dérange pas du tout »

Ce ne serait pas la première à me tutoyer.

Je jubile intérieurement en entendant la professeure dire que j'ai tout juste ! C'est une petite victoire en soi, étant une parfaite néophyte de cet art. Elle parle plus en profondeur des différents objectifs, et je suis appliquée, concentrée même à l'écouter en parler. Le 100mm est son préféré... Et j'aimerai bien voir les clichés qu'elle a pris avec.

Kawaguchi-san me parle ensuite d'un documentaire français sur les insectes. Intriguée, j'opine du chef :

« Oui, je veux bien, m-merci ! J'adore regarder des documentaires ! »

D'aucuns pourraient dire que c'est barbant. Mais quand je comate chez Momo tôt le matin, je regarde toujours la chaîne des reportages animaliers. C'est fascinant tout ce qu'on peut apprendre et découvrir, sur la faune et la flore du monde entier. Et ce, même si c'est une vidéo muette.

« Je peux p-prendre une vidéo avec le 25mm et une autre avec le 100mm ? »

J'aime les deux en photo même s'ils sont à l'opposé de l'un l'autre, mais je ne sais pas du tout ce que ça va donner en vidéo. S'il y a des changements, ou si ça reste similaire. C'est à tester !

« Vous voulez que je p-prenne quoi comme plan ? J'ai quartier libre ? »

Je suis toute ouïe mais surtout excitée.

À l'air emballé de Kawaguchi-san, je me dis d'avoir bien fait d'accepter la proposition. Je prends note du « beaucoup » de documentaires à fournir, si jamais je suis en mal de nature et de découvertes.

La professeure me laisse changer à ma guise l'objectif  et me donne quartier libre, à condition de rester dans le parc. Elle me rajoute un petit challenge, qui me semble difficile à réaliser, en prenant de l'architecture dans mes vidéos.  

Je commence simplement avec du 25mm en capturant des jeunes gens assis dans l'herbe encadré par des buissons et un arbre. Je pivote sur quelques fleurs parsemées qui offrent une symétrie au cadre, brisée par le passage d'une élève.

Puis vient la vidéo sur l'architecture... Tout d'abord, je m'empare d'un plan panoramique de bâtiment pour montrer les fenêtres entr'ouvertes. Puis, je prend le nom de lycée en vidéo, avant de coulisser sur... comment ça s'appelle déjà ? Un travelling, je crois, vers l'avant jusqu'à l'intérieur de bâtiment.

Je trottine jusqu'à l'adulte pour lui montrer ce que j'ai déjà pris en vidéo.

« C'est beaucoup moins intuitif q-que la photo... J'étais un peu perdue »

J'espère que le rendu ne soit pas trop nul.

Kawaguchi-san appuie mes propos sur la différence entre la vidéo et la photographie. Ce n'était donc pas juste une sensation, mais un fait avéré : La vidéo est bien plus difficile à prendre en main qu'une simple photo. Je suis d'autant plus impressionnée par les documentaires en apprenant cela.

Je répond à l'invitation de la professeur en m'asseyant à ses côtés. Elle m'explique les points positifs, comme le cadre que j'ai choisi pour prendre ma première vidéo, ou encore la découpe en trois partie d'une vidéo, chose que je connais vaguement de l’art plastique.

Puis elle passe aux mauvais côté, et je me fais d'autant plus attentive à ce qui est dit. Mes mouvements laissent à désirer... Ce qui est assez évident, vu que je n'ai pas de stabilisateur ou tout simplement, pas l'habitude de tenir un appareil photo entre les mains.

Elle m'invite à utiliser le trépied... Et je reste paumée. Je ne sais pas si je dois juste poser l'appareil photo dessus, le laisser là, ou le prendre avec moi. Le tenir par la poignet comme si c'était l’appareil photo ? Déjà, je place l'appareil sur le trépied, puis je demande, gênée :

« Comment j-je fais ? Je déplace le tout, ou juste l'appareil p-par la poignée ? »

C'est un peu bête comme question mais je ne sais vraiment pas comment m'en servir.

Oh non, je peux lire la gêne sur le jeune visage de Kawaguchi-san  ; j'aurais mieux fait de me taire, et d'aviser moi-même le maniement du trépied. Je me sens un peu honteuse d'avoir dû réclamer l'aide de l'adulte.

La professeure me rejoint, et je lui laisse la place devant le trépied. Elle prend le temps de m'expliquer comment les mouvements fonctionnent, avec une petite démonstration des possibles. Moins la vis est serrée, moins le support est fixé, c'est noté !

« M-merci, c'est beaucoup plus clair ! »

J'embarque le trépied avec moi – avec la vis à peine desserrée, le place devant le nom de l'école, et fait un mouvement du haut vers le bas de l'intérieur de l'établissement. Puis je prends un autre plan, comme tantôt, panoramique des fenêtres où certaines sont entr'ouvertes.

Je reviens vers Kawaguchi-san en pressant le pas, le trépied dans une main. J'enlève l'appareil pour lui tendre.

« Normalement, le t-travelling et le panoramique devraient être plus fluides ! »

C'est bateau ce que j'ai fait, mais je voulais faire la même chose avec le gyroscope.

À nouveau, Kawaguchi-san m'invite à ses côtés où je m'y assois sereinement. On regarde toutes les deux la vidéo tournée quelques minutes plus tôt, et je vois un net progrès dans la fluidité du mouvement.

« Oui, je l'ai b-bien ressenti ! »

Elle m'explique la difficulté du 100mm, et de sa stabilité. Moi qui voulais prendre l'appareil à la main, je vois mes chances de crapahuter sur l'herbe s'envoler. S'il est déjà instable sur un trépied, mes mains tremblotantes n'ont aucune chance.

Je change d'objectif, du léger 25mm à l'imposant 100mm, en prenant bien soin de faire de l'ombre avec mon corps, pour protéger le boîtier. Avant de le réinstaller sur le trépied, j'ose demander à la professeure :

« C'est obligatoire le trépied ? Ou si je me p-pose dans l'herbe immobile, ça peut passer ? »

Maintenant, tout dépend de sa réponse.

Pas obligatoire, mais conseillé... Mes sourcils s'arquent en un simili d'accent circonflexe. C'est embêtant puisque j’espérais prendre en vidéo la routine des insectes. Alors quand elle me montre la vidéo de la feuille, je me sens complètement vaincue.

Heureusement, Kawaguchi-san m'offre un système D à l'aide d'un simple livre. Ravie, et de nouveau sur la bonne pente, je le récupère et souffle un simple « Merci ! » Mon sourire est de retour sur mes lèvres, alors que tout fringante, je me dirige vers la zone d'herbe.

Je repère rapidement un passage de fourmis où je viens me caler à proximité, sans pour autant les déranger. J'y pose le livre, l'appareil à plat avant de tourner la vidéo. Je joue avec la bague de mise au point, pour avoir un rendu plus net des insectes.

Ces derniers font leur train-train, trimballant des restes de je-ne-sais-quoi de leur mandibules. Je les capture pendant bien deux minutes, à les regarder escalader des bruns d'herbe, d'en tomber ou simplement sur le sol à la queuleuleu de leur chemin.

Une abeille me passe sous le nez, et va butiner un peu plus loin. Je pars vite récupérer le trépied, et le règle à la hauteur du buisson, et je suis le mouvement de l'abeille à l'aide de la poignée gyroscopique. Je continue jusqu'à ce qu'elle disparaisse du champ.

Je dérobe quelques autres prise de vue, çà et là où je m'amuse même à mettre de l'eau sur une feuille d'un buisson – comme pour imiter la rosée. Puis, finalement, je reviens vers la professeure. Je lui tends l'appareil, et met le trépied à proximité, et lui rend aussi le livre.

« Merci ! »

Je m'incline.

« C'était très enrichissant »

Je pense m'acheter un appareil, très vite.

Kawaguchi-san me remercie, et mes joues se piquent de rose. De ce qu'elle dit, c'est agréable d'avoir une élève comme moi. Ça me rassure un peu, ayant pris égoïstement pas mal de temps à faire des prises de vue dans mon coin.

Je découpe une petite feuille de mon sac à dos, et saisit un stylo. Je griffonne mon adresse mail d'une main assurée, puis tend le bout de papier à la professeure. Je demande un peu gênée :

« Est-ce que vous pourrez aussi m'envoyer d-des références pour que je m'achète un appareil et des objectifs, s'il vous plaît ? »

Ça m'a beaucoup trop plus pour que je laisse passer cette nouvelle activité. D'autant plus que, je vais retourner en cours bientôt, et ce sera un bon moment pour prendre des souvenirs, figés dans le temps.

Je rigole doucement à son clin d’œil. Mine de rien, ça m'a donnée envie d'étudier le cinéma.

« Peut-être l'année p-prochaine ! En tout cas, merci, j'ai beaucoup appris ! Bonne journée à vous. »

Je m'incline avant de m'en aller, la tête pleine d'images.