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Seito Mori
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Dim 1 Sep 2024 - 22:01
VENDREDI 9 NOVEMBRE 2018




誕生日 おめでとう
(Joyeux anniversaire.)



Un souhait d'anniversaire dans son plus simple appareil. Aucune effusion de sentiments. Le but est atteint. Un jour trop tôt mais peut-il blâmer la poste pour son efficacité ? Dans l'enveloppe, un billet de cinq mille yens accompagne le papier blanc.

Dix-sept heures cinquante, une conclusion s'impose. Une larme s'échappe, roule le long de sa joue. Ploc. Sur le papier, les kanjis se déforment. Sa main essuie la suivante et tamponne nerveusement l'encre diluée. Épié, Seito relève les yeux sur la secrétaire.

« C'est rien. »

Incapable de mentir, il préfère ranger papier et billet dans l'enveloppe et sortir du bureau. Il est rare qu'il reçoive du courrier. Si rare qu'il avait été impatient d'aller le chercher en fin de journée. Dès que la séance de foot s'était conclue, il avait filé plus vite que le vent jusqu'au secrétariat.

Tout ça pour ça, à deux doigts d'en rire... jaune. Seito ne s'attarde pas dans le couloir. Il rejoint son dortoir, prend de quoi se laver et disparaît sous un jet d'eau chaude. En sortant, l'odeur de son maillot l'interpelle. Un aller-retour dans sa chambre, les fringues sales dans ses bras, direction la laverie.

Il n'y a pas un chat et c'est tant mieux. Le linge atterrit dans le tambour, la lessive est ingérée, la bête tourne. Mince, il aurait dû mettre le pantalon qu'il porte à laver aussi. Ses doigts se faufilent dans ses poches, en ressortent l'enveloppe. Il accuse le coup. Lentement, ses pieds reculent jusqu'à ce qu'il bute contre une chaise dans le coin et s'y assoit.

Joyeux anniversaire n'est pas le vrai message de cette enveloppe. Des jours et des jours qu'il attend un appel. Entendre la voix de sa mère l'inviter à rentrer ce week-end à la maison, manger une part de gâteau, lui parler de sa vie, comme il aimerait partager son bonheur malgré ses notes fluctuantes et ses mots de travers.

L'enveloppe tremble ou ce sont ses doigts, il n'est plus sûr de rien. Tout comme ses épaules qui soudain tressautent, emportant son cœur dans un grand huit douloureux. Peu de temps après, sa vue se brouille. Ses mains en essuie-glace suffisent dans un premier temps mais très vite, elles se mélangent aux larmes.

Seito quitte ses chaussures, ses talons grimpent sur l'assise. Ainsi recroquevillé, ses bras enserrent ses cuisses contre lesquelles il enfouit la tête et ses sanglots étouffés.

Le message est clair : il ne sera plus invité à aucun anniversaire. Le sien y compris.



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Lun 2 Sep 2024 - 2:13

In her shoes

ft. Seito Mori

Silence environnant, et pourtant les mots défilent sous ses yeux. Conversation légère qui évoque le temps qui passe, les émotions qui fleurissent et la fin d’année qui approche. A force de questions sans détours, elle avait finalement : sa senpai fêterait la nouvelle année aux côtés de sa petite amie. Une surprise qui lui pinça étrangement le coeur, lui qui était pourtant si sûr de se réjouir de son bonheur. Tsuni semblait de plus en plus pétillante à mesure que sa relation perdurait, et bien évidemment qu’il aimait la savoir heureuse et épanouie. Alors, si la petite voix triste et égoïste dans sa tête voulait bien se taire, il apprécierait.

Portable rangé un instant, il avait rejoint sa chambre à la fin du club de cuisine comme un personnage suivait le chemin programmé dans ses lignes de code. Deux mois s’étaient écoulés depuis son arrivée dans cet établissement, deux mois chargés d’émotions et de rencontres, et indépendamment de tout cela, il avait commencé à trouver ses repères, ses habitudes. Et en temps normal, il attendait le dimanche pour se rendre à la laverie. Il y avait certes du monde, mais en se levant tôt, il évitait généralement les ruées et les embouteillages. Il en aurait fait de même cette semaine s’il n’était pas justement pris ce dimanche en question. Une nouvelle séance de cinéma qui commençait un peu plus tôt qu’à l’accoutumée alors.. Il allait devoir trouver un créneau différent pour son linge.

Un détail sans doute. Il aurait pu s’y rendre du samedi bien sûr, ou même un peu plus tard dans la soirée, mais pourquoi reporter ce qu’il pouvait accomplir maintenant ? Lessive spéciale rangée avec soin dans un sac, en compagnie de son linge sale soigneusement plié, il avait passé une tenue plus décontractée que ses chemises et pantalons de toile stricts, les laissant rejoindre le tas organisé. Et il avait reprit sa conversation.

Paroles plus timides. Distantes. Il n’arrivait pas à passer outre son malaise et, comme trop souvent, il laissa la discussion s’éteindre devant lui. Tsuni avait mentionné vouloir passer un week-end sur Kobe. Il n’avait pas relancé. Plus tard, oui. Il y penserait à un autre moment, quand son esprit serait plus disposé à coopérer. A oublier qu’il finissait toujours au second plan. Ca n’avait pas d’importance.

Profonde inspiration. Le ronronnement d’une machine manqua de le faire soupirer, mais il devait le savoir. A cette heure, un vendredi, c’était même étonnant que toutes ne soient pas déjà prises d’assaut. La porte est ouverte, comme à l’accoutumée, une manière de laisser s’évaporer la chaleur humide dans laquelle baigne toujours ce genre de lieu et- Sur le pas de la porte, son regard se pose malgré lui sur la silhouette recroquevillée dans un coin. Épaules agitées. Corps tremblant, réprimant et gardant enfermé contre lui des sanglots qui résonnaient malgré tout. L’inconnu n’est qu’une masse informe, agrémenté d’une tignasse brune.

C’était plus simple de l’ignorer.

Se penchant sur une machine libre, il déplia soigneusement son linge, évitant de faire du bruit à défaut de pouvoir atténuer les bruissement du plastique de son sac. Il essaye de se hâter. Malaise croissant. Ce n’était pas ses affaires. Enfin si, celles qu’il mettait dans la machine bien sûr. Mais… Regard bref par dessus son épaule. Mordillement de lèvre. Il versa un bouchon de sa lessive dans le tiroir de la petite laveuse et abandonna le bidon et son sac vide - à l’exception d’un livre - sur le banc.

« … Est-ce que tu veux un thé ? »

Question maladroite. Il n’avait pas l’aisance de son aînée pour intervenir dans ce genre de situation mais… c’est ce qu’elle aurait fait, non ? C’est ce qu’elle avait toujours fait quand il pleurait.

« Il y a un distributeur à côté, je peux te prendre un truc en passant, si tu veux ? »

KoalaVolant

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Sam 7 Sep 2024 - 13:02
VENDREDI 9 NOVEMBRE 2018



Flou de mouvement, tristesse envahissante sur ses joues rougies par les assauts répétés. L'écume picote ses yeux mais rien ne semble pouvoir endiguer le flot incessant de ses larmes salines. L'environnement s'est effacé derrière la cachette de ses bras, protection bancale face au monde extérieur. Il lui faudrait gravir des montagnes pour qu'enfin, on lui fiche la paix. Pour qu'enfin il goûte à cette absence totale de vie, de celle qui file, liquide, entre ses doigts rongés par le stress. Elle le quitte comme on quitte un navire, les deux pieds sur la planche. Par-dessous tournoient les requins. Leurs ailerons se découpent entre les vagues intermittentes, tranchent la cohue marine, silhouettes sombres à la surface de l'eau. Pris de panique, le cœur s'emballe. Il galope hors de soi et s'écorche battement après battement contre les barreaux de sa cage. Tambourine sa liberté jusqu'à perdre haleine et frémit de détresse en comprenant que personne ne l'attend.

Personne ne t'aime.

Alors il se jette plus violemment encore. La douleur résonne, percute les parois de cet espace restreint. Aucune échappatoire dans ce corps gangrené, les échos se brisent contre sa trachée et leurs fantômes larmoyants traînent leur carcasse évanescente dans les limbes de son esprit déchiré. Ses bras se resserrent, maigre illusion d'un fort impénétrable. Le bois sous ses pieds craque, ses orteils dépassent dans le vide. Cercle parfait que ce ballet de requins dessine, inlassablement. L'eau l'appelle de ses chants de sirène, rencontre entre une crête téméraire et sa peau. Dans son dos, on le presse, on le pousse, on le chahute. Plus vite, lui souffle ses démons.

Saute Seito.

Cette voix... il la reconnaîtrait entre mille. Elle s'était tue, écrasée par l'amour de Mathéo, reléguée tout au fond de sa tête dans l'espoir – quel idiot d'y avoir cru – que jamais elle ne ressurgisse. Mais la voilà qui pointe le bout de son nez, assoiffée de désespoir elle se repaît. De sa bouche effrayante, les murmures s'amplifient. Sous ses griffes effilées, les plaies suppurent. Elle a raison, pourquoi hésiter ? Sur cette planche, il n'est plus que l'ombre de lui-même, ce même enfant de onze ans confronté à l'absurde réalisation qu'il ne restera pas unique. Les pleurs redoublent. Quitte à se noyer, autant plonger franchement.

Je ne t'abandonnerai plus.

Elle serait bien la seule à tenir sa promesse. Un pied dans le vide, Seito déglutit. Tant de larmes lui brouillent la vue. Il n'a jamais pleuré autant. Peut-être parce qu'il n'a jamais autant pris conscience de ce que cela signifie. L'enveloppe se tord dans sa paume contractée. Qu'ils s'étouffent avec leur pot-de-vin ! S'ils ne veulent plus avoir affaire à lui, il refuse de toucher à leur argent sale quand bien  même il se sent terriblement dépendant. Demain il aura dix-neuf ans. Mais de lui ne ressort que cet amas de chair tremblotant. Les requins s'impatientent, leur tourbillon l'hypnotise. Il se jette en pâture, volontairement. Les larmes le font siennes, en elles il se dilue.

Est-ce que tu veux un thé ?

La voix est tout aussi douce mais plus colorée. Seito redresse la tête nerveusement et dépose ses larmes couleur d'yeux sur l'inconnu. La gorge encombrée de sanglots, sa voix est rauque quand il prend la parole :

« J'ai l'air d'avoir besoin d'un thé ? »



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Lun 9 Sep 2024 - 7:52

In her shoes

ft. Seito Mori

« Oui. »

Réponse au tac-au-tac, sans l’ombre d’une hésitation. Du thé. De l’aide. De l’attention. On en avait tous besoin, éventuellement. Qu’on le veuille ou non. Bien sûr, on avait le droit de se recroqueviller sur soi, d’ignorer la canette ou la main qu’on nous tendait, de la craindre, de la repousser. On pouvait décider de se priver de tout et de plonger la tête la première dans les eaux glacées, pour se laisser couler au fond des abysses. Sans respirer. Silence oppressant. Le besoin ne disparaissait pas pour autant.

Les yeux noirs se détachent du triste spectacle et, sans rien ajouter de plus, Kotai s’esquive de la laverie. Il avait sa destination et un but. Un moyen d’occuper son esprit tout en ayant la vague impression de se rapprocher d’elle. Il ne le faisait pas pour ça. Pas consciemment en tout cas. A vrai dire, il ne savait même pas ce qu’il lui avait pris d’adresser la parole à ce visage flou, boursouflé de larmes. Miroir vers un passé pas si lointain. Soupir au bord des lèvres, ses pas se hâtent. Dans les couloirs résonnent des brides de discussions qu’il n’écoute pas.

Contre un billet, la machine recrache une, puis deux canettes fraîches. Bref moment de flottement alors qu’autour de lui, les murs sont différents. Il entend les rires moqueurs de son camarade et de sa bande, tandis qu’il abreuve le distributeur du reste de ses étrennes, pour des boissons qu’il ne pourra même pas goûter. Mais de la bouche ouverte de la créature de métal, il ne récupère que du thé glacé au lieu du café froid que les autres affectionnaient tant. Un changement. Pourquoi en avait-il deux par contre ? Fouillis capillaire. Visage dénué de traits mais qu’il se remémorait… presque. Humidité.

La laverie.

Un pas dans la salle et il se souvient. Amas de peine perché sur une chaise. Le malaise étouffe en grande partie sa compassion, ou la perception qu’il pourrait en avoir. Alors, toujours en silence, il s’approche juste et tend l’une des canettes à l’inconnu. Nul nécessité d’en dire plus. Ou même de dire quoi que ce soit. Qu’importe si l’autre acceptait ou rejetait la boisson. Qu’importe ses raisons. Il allait de toute manière resté planté là, jusqu’à ce qu’il la prenne ou que son refus soit suffisamment évident pour le faire se rétracter.

KoalaVolant

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Mer 18 Sep 2024 - 17:13
VENDREDI 9 NOVEMBRE 2018



Ainsi donc il est démasqué. La peine qu'il s'oblige à cacher ressurgit plus violemment encore. Seito observe l'inconnu disparaître sous un rideau de perles. Savoir que de l'aide arrive ne lui fait ni chaud ni froid car rien ne saurait calmer la cohue interne qui brûle sa gorge et malmène son souffle. L'air s'infiltre par à-coups, entre deux hoquets de détresse. Incontrôlable, la tristesse ravage tout sur son passage. Ses crocs mordent profondément sa chair, attirant d'autres sombres prédateurs dans son sillage. Comme cette petite voix moralisatrice dont les paroles se brisent par écho contre la voûte de son crâne.

Tu te croyais fort, invincible, détaché, libre de toute responsabilité, porteur d'un vent nouveau, conquérant d'un bonheur retrouvé. Mais te voilà à nouveau seul, paniqué, plus bas que terre, contraint à exposer tes faiblesses au plus offrant, tiraillé entre laisser tomber et tout faire éclater. Au grand jour, tu t'imagines soulagé d'un poids sans réaliser qu'éclabousser les autres de tes tourments résultera en leur éloignement. Tu n'as rien à leur offrir à part tes défauts et tu as eu beau tenter les vendre, t'en vêtir comme d'une cape héroïque, personne ne souhaite plonger dans les ténèbres dont tu t'habilles.

Dans son champ de vision, le métal l'éblouit. La vue délavée, le monde s'ébauche sous une palette de gris si bien que les couleurs chatoyantes de la canette l’écœurent, l'effraient même. Derrière son chagrin d'enfant, la vie continue. Il n'est rien, il s'en doutait. Pour autant, cette évidence érode sa sanité. Qu'y a-t-il après le rien ? La mort lui paraît soudain un bien meilleur destin. Ne plus penser, ne plus ressentir est une douce promesse face aux turpitudes de l'oubli.

Tu n'es pas assez courageux, tu ne l'as jamais été. Téméraire et idiot, c'est indéniable mais en aucun cas courageux. Seul ton imaginaire te permet cette prouesse. T'enorgueillir d'exploits factices, te cacher derrière un super-pouvoir équivoque, soulager ta conscience en répandant le bien. Au bout du compte, c'est pire. En ouvrant les yeux, tu n'as pas à observer longtemps avant de t'apercevoir que tout ce qui t'entoure n'est que désolation. Les murs du campus ne te préservent pas de la réalité qui, traître, vient te sauter au visage quand tu t'y attends le moins. Rouge ou bleue, la pilule ne passe pas et seule la majorité te libérera de ces chaînes.

Le métal est froid dans sa paume et lui soutire un frisson désordonné. Seito prend soin de ne pas effleurer les doigts du garçon. Ses bras se replaquent contre ses jambes. Les murailles qui le ceinturent rient de cet assaut réussi. Et elle aussi.

Tu es si faible. Jamais tu n'aurais dû te livrer. L'existence de la Chose était notre secret. Dès l'instant où tu as fait le choix de le révéler, tu t'es condamné aux reproches, au jugement et, plus que tout, tu t'es détendu. Ici réside tout le drame. Si tu étais resté confiné derrière ces murs, tu ne te serais pas exposé à l'horreur de cette déconvenue. Non pas que cela ne t'aurait pas touché, le mot serait resté le même, froid et mécanique, mais tu y aurais réagi avec moins d'emphase. Tes joues ne baigneraient pas dans les larmes, tu ne te ridiculiserais pas devant un inconnu. Maintenant que tu as pris son offrande, bois-en une gorgée.

Le regard mort, ses doigts pressent l'opercule. Seito relève à peine la tête pour accueillir la canette pressée contre ses lèvres. La gorgée est fraîche mais pas rafraîchissante. Le sucre que le thé glacé contient pique son palais mais ne déride pas son visage buriné qu'il enfouit entre ses bras. Poignet cassé, la canette pend mollement. Plus de secousses dans ses épaules, les larmes coulent à présent silencieusement.



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Lun 14 Oct 2024 - 18:57

In her shoes

ft. Seit Mri

Ses doigts se replient, s’éloignent, se crispent, alors même que ceux de l’inconnu sont loin de pouvoir les effleurer. Métal froid pour seul contact interposé. Il réprime une grimace, entre dégoût et malaise. Une réaction instinctive qu’il peine à maîtriser. Le silence se prolonge un instant, à peine secoué par les sanglots discrets et étouffés de l’âme en peine. Une seconde de trop, peut-être, il reste planté devant l’amas informe de cheveux et de chagrin, mannequin quasi désarticulé, perché sur cette chaise tel un oiseaux aux ailes brisées. Les mots ne viennent pas. Il entend les paroles de son aînées résonner sous son crâne, mais sans parvenir à en comprendre le sens. L’empathie était une langue aussi étrange qu’étrangère, et pris ainsi sur le vif, il ne parvenait pas à focaliser son attention dessus, au delà de ce geste. De cette canette.

Bruissement de tissu alors qu’il se détourne et s’assoit sans un mot près du bidon et du sac qu’il a délaissé plus tôt. Entre ses mains trop fines, le petit réceptacle de métal tournoie un instant. Ils avaient passé l’âge de pleurer ainsi en public, grinça une petite voix dans son esprit, sur un ton qui faisait étrangement écho à sa mère. Regard en coin qu’il lutta pour ramener devant lui, l’accrochant à la vision fade d’un hublot entrouvert sur une machine creuse. Un manque d’éducation… ou un ras-le-bol qui le poussait à se montrer ainsi vulnérable face au premier venu. Le tas chevelu avait de la chance. D’autres n’auraient pas hésité à le lacérer à coup de verve aiguisée, à planter les crocs de leur méchanceté dans toutes les faiblesses qu’il laissait dépasser en cette instant. Une fêlure suffisait.

Pincement de lèvres.

Entre les murs humides et chauds de la laverie, le claquement d’une canette qu’on ouvre résonna bruyamment. Clairon. Canon. Il baissa la tête par réflexe et fixa le sol quelques secondes.

L’envie de boire lui était passée, mais après avoir fait autant de boucan, il s’obligea à au moins prendre une gorgée. Thé noir. Bien plus amer que la marque générique et sucrée qu’il avait pris pour l’autre. Nouveau coup d’oeil dans sa direction. Tableau figé.

« Tu… hhh… »

Début hésitant qui se perdit dans un souffle. Il n’avait pas besoin d’insister, ce n’était pas son ami, pas même une connaissance ou un camarade de classe. Rien qu’une silhouette qu’il ne reverrait sans doute jamais.

« Tu ne devrais pas… »

Pleurer. Être triste. Être là. Se donner ainsi en spectacle. Faire honte à ses parents. Sa famille. Sans doute. Ses camarades. Peut-être. La tristesse était quelque chose de secret, de personnel. Même Tsuni cachait la sienne, il y avait sans doute une bonne raison derrière cela, non ?

« … être seul si t-tu v-vas mal. »

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Dim 27 Oct 2024 - 18:00
VENDREDI 9 NOVEMBRE 2018



Ainsi donc, même ici, il est la cible d'un énième reproche.

A quoi tu t'attendais ? Au jeu des chaises musicales, tu es le grand perdant. Car ta place, tu l'as cherché en vain. Tu as tourné en rond, mais c'est ta tête qui tourne à présent. Ou ton cœur, tu ne sais pas bien comment ça marche, en biologie tu n'écoutes pas beaucoup mais toujours est-il que tu as la nausée et qu'en définitive, tu ne t'es pas assis à temps.

Scruté, décortiqué, analysé dans le seul but d'être pointé, piqué et transpercé. D'autant que la gêne enrobait les propos du garçon au point qu'il aurait pu, s'il l'avait voulu, s'abstenir de délivrer une constatation aussi idiote. Lentement, Seito relève les yeux. Ses pupilles charbonneuses se braquent sur le brun. D'ordinaire vindicatives, elles cherchent simplement à déterminer si cela vaut la peine de s'insurger. En ne trouvant pas l'énergie dans son corps affaibli de tristesse, elles se contentent de l'observer mollement tandis qu'il émet un constat.

« Je suis plus seul. »

Clignement de paupières comme pour s'assurer qu'il ne rêve pas, mais non, il est toujours là devant lui. Alors Seito ajoute :

« Vu que t'es là. »

Et puis il ne croit pas aller mal. Aller mal, c'était avant. Quand il pouvait encore croire qu'il avait du poids. Non, là, il ne sait pas où il va. A part se rendre à l'évidence, il n'a nulle autre part où aller. Mal ou bien n'a plus d'emprise puisque la valeur de sa vie ne se résume qu'à un billet de cinq mille yens. Alors que c'est un bon début, cinq mille yens. De quoi payer plusieurs repas chauds et rembourser une canette gentiment tendue.

Mais tu n'as pas envie de le dépenser ce billet. Parce que le dépenser reviendrait à te dépenser toi. Comme si tu étais réellement consommable, la date de péremption gravée dans ton cou. Et tu en es effrayé comme tu ne l'as jamais été. D'ordinaire, tu t'en fiches. Tu joues au plus fort et jettes ça dans un coin de ton esprit. Mais la pile a grossi, elle encrasse tout le reste. Et tu ne vois plus que ça, cette montagne infranchissable qui vient de s'effondrer sous le poids de ce simple billet.

Tiens d'ailleurs. A défaut de rembourser, le japonais peut au moins la boire cette canette. Même s'il n'a pas soif du tout. La gorgée se mélange aux larmes, rien n'a de sens.




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Dim 27 Oct 2024 - 19:37

In her shoes

ft. Seito Mori

Regard levé vers lui, le sien prend immédiatement la tangente. Au travers des broussailles sombres, il ne pouvait que deviner les yeux qui le fixaient en retour, sans prendre la peine d’en deviner les émotions qu’ils renfermaient peut-être. Les mots qui suivent sont emplis d’un pragmatisme qui fait écho à sa logique naturelle, mais qui, étrangement, le désarçonne. Il n’avait pas anticipé de réponse de la part de l’inconnu, juste un silence hoquetant et peut-être son départ pour rejoindre quelqu’un de confiance, ou à défaut, une personne compétente. Mais la balle lui était revenue dans les mains, plus lourde et désormais ornée d’un cordon rongé par une flamme.

Muscles crispés, il finit par secouer légèrement la tête et reposer sur le banc sa canette à peine entamée.

« Je… Je ne peux pas t’aider… »

Murmure se perdant dans le ronronnement des machines. Ils n’étaient rien l’un pour l’autre. Mannequins sans visages évoluant seulement dans le même espace. Deux lignes qui se croisent et dont les chemins ne se frôleront sans doute plus. Écho d’une discussion dans un coin de son esprit, la communication n’était toujours pas son fort, quand bien même il cherchait à faire des efforts. Conseiller à quelqu’un de trouver l’aide nécessaire, cela lui demandait déjà tant d’énergie, mais être là pour autrui ? Pour une silhouette dont les contours se mélangeaient presque au décor qui semblaient vouloir l’engloutir ? Une montagne impossible à gravir.

Tout commence par un pas.

Qu’on le fasse dans la bonne ou la mauvaise direction, on ne le saura pas tant qu’on n’essaye pas. Un brin de courage tente de s’insinuer dans la panique qui envoie valdinguer son cœur dans tous les sens.

« … S-Si tu ne m’en dis pas p-pl… plus. »

Tentative misérable, sans doute. Que croyait-il pouvoir accomplir ? L’inconnu risquait d’être encore plus déprimé au terme de leur échange, mais il avait toujours l’occasion de se lever et de fuir le malaise croissant qui étouffait peu à peu la pièce. A moins que ce ne soit seulement l’humidité des machines qui s’accumulait petit à petit. Qu’importe. Les mots étaient lancés. Regard toujours fuyant, Kotai avait néanmoins serrés les poings, cherchant la force de continuer là où il le pouvait. Si ridicule. Ils l’étaient tous les deux.
KoalaVolant

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Seito Mori
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Dim 27 Oct 2024 - 22:54
VENDREDI 9 NOVEMBRE 2018



Bien sûr que non, il ne peut pas. Personne ne peut t'aider.
Et, à vrai dire, Seito ne sait plus s'il le veut. L'as-tu un jour voulu ?

Puisque ses parents ont décidé que ça n'en valait pas la peine alors quel intérêt de continuer à faire semblant ? Tu poses les bonnes questions, continue. Il y a des moments dans la vie où il est nécessaire d'admettre sa défaite. Je ne te savais pas si philosophe. Cuisante, elle ne peut décemment être ignorée. Tu étais pourtant si fort à ce petit jeu. C'est terminé, il a fini de jouer.

Pourtant c'est un début de rire qui remonte sa trachée. Un rire étouffé, grotesque dans ces circonstances. Le gloussement éructe nerveusement, brutalement haché par une respiration chaotique.

« Pour quoi faire ? »

Cela n'a rien de drôle, en témoigne son visage désabusé. Le coin de ses lèvres s'affaisse juste après que ses yeux mornes se soient fait happer par le tambour d'une machine. Et son roulement lui donne la nausée si bien qu'il ferme les paupières.

Magie, tu es seul à nouveau. Tes pensées se dessinent, tu hésites. La vérité blafarde est si abjecte qu'elle pourrait ne pas être crédible. L'inconnu pourrait encore te juger. N'oublie pas que tu pleures pour deux morceaux de papier. Qui te sont adressés de surcroît. De l'attention, tu en as.

Sans cesse, il doit parler, toujours parler. Empiler des mots pour tenter d'approcher l'essence de ses émotions et se ratatiner dès l'instant où il en effleure la surface. Alors il a créé des mondes où se réfugier. Tout un multivers d'aventures rocambolesques pour ne pas périr dans le monde des autres.

Mais ce soir, aucun ne lui ouvre ses portes. Les clés il a perdu, ses poches sont vides, son cœur aussi. Plus que vide, il se sent transparent. Le monde refait surface sous ses paupières qu'il entrouvre. Rien n'a changé, c'est à la fois rassurant et désolant. Son menton se cale entre ses genoux serrés et il renifle. Il en aura mis du temps mais il rompt à nouveau le silence.

« J'fais qu'ça de parler. »

Mais ce n'est pas suffisant. Il devait être unique, il devait être précieux, chéri, soutenu. Au lieu de ça, il n'est plus. Dépouillé de ses droits, ne lui reste plus que la parole. Et il en a épuisé des oreilles pour qu'en finalité, il ne soit pas entendu. Ainsi, personne ne lui en voudra s'il émet une hypothèse. Murmure presque fantasmagorique.

« Peut-être que j'devrais juste la fermer. »




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Comme un jour sans lumière | Ou un orage sans éclair | Emerger sans toi n'aura aucun sens.
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Kotai Kinzoku
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Dim 27 Oct 2024 - 23:36

In her shoes

ft. Seito Mori

Le rire de l’inconnu lui fait rentrer la tête dans les épaules. Il y a quelque chose de cassé chez lui, même Kotai parvient à le comprendre. Et il a envie de fuir cette fêlure béante, plaie infestée qui bourgeonne et menace de lui exploser au visage, de le contaminer. Tristesse contagieuse, mais il soupire, comme si cela pouvait lui faire gagner du temps.

« J’sais pas. »

C’est vrai que c’était idiot de parler. En plus d’être difficile. Mettre des mots sur ce qu’on ressentait, c’était parfois une tâche plus titanesque encore que dire bonjour aux gens qu’on croise. Alors il se contente de fixer le sol. Et de réfléchir. Son cerveau surchauffe déjà. Atmosphère oppressante. Humide. Il n’aime pas laver son linge. C’est nécessaire, et il avait pris l’habitude d’attendre dehors, sur un banc, ou de remonter dans sa chambre. C’était tellement plus simple de fermer les yeux et de tourner les talons pour ne pas voir qu’autour de nous, même les gens sans visage pouvaient souffrir.

Nervosité croissante. Il surprend son pied battre rapidement le sol. Reprend le contrôle et, le perd aussitôt puisqu’il se lève sans trop savoir pourquoi. Ne pas rester là ? Ne pas s’exposer davantage à ce nuage morose ? La porte est juste là, à quelques pas.

« T-tu veux aller au karaoké ? »

Question stupide en apparence, mais pour lui, cela sonnait comme une évidence. Pourquoi chercher nos mots quand on pouvait les piocher dans un catalogue déjà préparé ? Quand on pouvait simplement les hurler dans cette petite cabine isolée, sans personne pour épier notre mal être ? Il baisse la tête. Se tient le bras. La proposition avait jailli d’elle-même et il était à présent trop tard pour faire demi-tour. Mais était-ce si grave que cela ? Le garçon allait sans doute encore lui rire au visage, mais au moins il avait essayé, non ? Ce n’était peut-être pas la bonne direction, peut-être marchait-il tout droit vers un précipice, mais il avançait. Et lui là, avec sa tristesse plein la gorge et plein les yeux. Lui aussi, il avait besoin d’avancer.

« … C’est ce que je fais.. quand ça va pas. »

C’est ce qu’ils avaient toujours fait, Tsuni et lui. Un message et ils se rejoignaient après les cours, et ils ne se séparaient qu’une fois leurs gorges trop enflammées pour parler. C’était surtout vrai depuis ces cinq dernières années, parce qu’avant, il avait encore une raison de rentrer.
KoalaVolant

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J'ai cru que j'allais vous manquer Empty Re: J'ai cru que j'allais vous manquer

Sam 9 Nov 2024 - 16:26
VENDREDI 9 NOVEMBRE 2018



Ses pupilles vacillent sur la silhouette debout.

Ah ! Ce type est encore plus fou que toi. Tu te réfugies dans la laverie pour échapper à la folie et voilà qu'elle te retombe dessus. A croire que tu l'attires et qu'à force de t'étreindre, elle a créé le moule parfait où s'épanouir. Mais cet inconnu la fait hésiter. Soudain elle entrevoit la possibilité qu'il y ait plus fou que toi. Et pourtant, tu hésites.

Ses doigts se resserrent sur la canette, le métal froid craque. Lentement, ses lèvres s'entrouvrent mais il reste muet alors que le sel de ses larmes imprègne sa salive. La proposition est absurde. Et puis ils ne se connaissent pas. Dans sa tête, le karaoké a toujours été synonyme de partage et de joie. Alors il ne se voit pas y partager sa tristesse. Il serait bien incapable de chanter dans ces conditions. Mais ce n'est qu'une infime partie du problème.

Ne me dis pas que tu y crois ? Le karaoké n'est pas magique. Tu n'es pas une de ces magical girls qui résolvent tout par leur chant enchanté. Et sûrement que ce garçon non plus. Cette méthode marche peut-être pour lui mais tu n'es pas lui. Tu aimerais l'être. Pas lui particulièrement mais quelqu'un d'autre. Tout le monde sauf toi.

Le japonais secoue la tête négativement. Accepter reviendrait à croire qu'il y a un échappatoire, qu'il peut encore se rattraper aux branches sans craindre le vide. Mais ce serait signer sa mort. Car en-dessous plus une seule branche. Si celle à laquelle il se retient cède alors c'en est fini de lui. Mais la vérité est plus lourde encore.

Accepter reviendrait à admettre le fait qu'il ne va pas bien.

C'est idiot, vraiment. Puisque cela se voit et s'entend, que son visage en est maculé, que ses épaules en sont avachies, que son regard en est noyé. Mais tant qu'il n'a pas prononcé les mots, l'illusion tient. Il en est convaincu. Alors non, il n'ira pas au karaoké. Même si l'idée lui plaît, même s'il aimerait croire en la possibilité d'aller mieux après.

Tu n'as pas le droit d'aller mieux. Si tu vas mieux, tu n'auras plus aucune raison de les haïr. A qui reprocheras-tu tes insécurités, ton incompétence et ta bêtise ? Qui attestera de ton existence en invectivant ton inutilité ? Si tu guéris, quels seront tes combats ? Ton but ? Ton destin dans ce monde pour lequel tu t'es battu ? Si maintenant tu n'es rien, quand tu iras mieux, tu n'auras même plus d'identité.

« Je... J'ai pas trop envie de chanter... »

Dans un souffle, il donne une justification à son refus. Il n'a pas envie de chanter. Il n'a envie de rien en vérité. Il aspire au silence, mais même ça il ne sait pas s'il en a envie. Décider l'épuise. Vivre aussi. Respirer est une épreuve, sa respiration grelotte encore. Un battement de paupières dévie son regard. Et si l'inconnu avait terriblement envie de chanter avec lui ? A peine cette pensée lui a effleuré l'esprit qu'il s'entend ajouter :

« M-mais... tu peux... chanter... si t'as envie... »



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