[TW +18] Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

■ Inscrit le : 27/02/2021

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

Un pas après l'autre. De tout petits pas qui s'allongent à mesure que le temps passe. La distance parcourue reste la même. Sans le savoir, la cour est devenue la prison de ses états d'âme. Elle assiste à son émoi mais ne fait aucun effort pour être moins bruyante. Il n'y a pas qu'elle d'ailleurs. Les gens s'en foutent. De lui, de l'angoisse qui lui étrangle la gorge, de cette tension qui l'anime alors qu'il se questionne sur la marche à suivre. Devrait-il appeler ? Prendre le train sur un coup de tête ? Débarquer à l'improviste alors qu'il n'a pas eu d'invitation ? N'est-ce pas bizarre d'en attendre une ? Un frère ne devrait pas avoir à se justifier de voir sa sœur. Il ne devrait pas non plus hésiter à lui souhaiter un joyeux anniversaire.

Six ans. Putain, six ans déjà. A nouveau les pas se raccourcissent, se font plus rapides. La cour tournoie. En long, en large et en travers, il la foule avec nervosité, la piétine de sa détresse. Seito attend un signe. Un je-ne-sais-quoi qui lui indiquerait la marche à suivre adéquate. Il ne demande pas une baguette magique, il sait bien que cette réalité en est dépourvue. Mais une solution, n'importe laquelle, lui irait. De celle où il pourrait rentrer chez lui, le temps d'un week-end, sans subir le courroux de ses parents. Début juillet, il y avait eu de nouveaux mots. Il se sait coupable mais cela n'apaise pas sa conscience pour autant. Le pire réside dans leurs regards. Certains soirs, quand il ferme les yeux, il revoit leurs regards.

Depuis rien, si ce n'est les tâches indélébiles sur son cœur. Les cailloux crissent sous ses semelles alors qu'il s'arrête brutalement. Sa vision périphérique chavire et il lui faut se concentrer sur le sol pour ne pas tomber. Fatalement, sa respiration tangue à son tour. S'il ne peut prendre cette décision seul alors il doit s'en remettre à son double. Que ferait un Rinbo dans son cas ? La réponse s'impose : il se pointerait à la fête. Seito se redresse. Son regard coule sur les gens au loin. Un groupe d'amis le dépasse, il s'y aimante. Si Pablo et Nolan savaient, il leur aurait demandé quoi faire. La faute à qui s'ils ne sont pas au courant ? La sienne, toujours sa faute. Quant à Mathéo, il pourrait se réfugier dans ses bras pour ne plus se poser de questions existentielles. Il pourrait mais il ne le fera pas.

Fierté mal placée ou masochisme conscient, le résultat est le même. Seito est une fois de plus seul face à ses démons. Et le plus fou vient de décréter la guerre. C'est donc armé de tout son courage qu'il vire à cent-quatre vingt degrés et se rue sur la porte du bâtiment des dortoirs... pour en percuter Yulian. Aussitôt il s'exclame :

« Oh putain mec, pardon, j't'avais pas vu ! Ça va ?! »

Le choc a dû lui griller les neurones car dans la foulée, il demande :

« T'sais quoi, tu tombes bien ! Ça te dit d'aller à la salle d'arcade ? »

■ Inscrit le : 11/01/2019

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Yulian poussa un léger soupir, cherchant à trouver le sommeil pour une petite sieste réparatrice, sans grand succès. Les cours ont reprit depuis un mois maintenant et le Russe n'arrivait pas à reprendre un rythme un minimum adéquat pour les études. Bien qu'il prenait toujours régulièrement ses somnifères, son corps commençait à lui jouer un sale tour en s'accoutumant à la dose habituelle. Par conséquent, n'ayant pas accès à une dose plus forte en raison de sa dépression, le traitement n'était plus efficient et Yulian se retrouvait à faire le hibou dans son lit, le fantôme sur le toit et le zombie en classe ou dans la chambre. Heureusement, sa passion pour le foot lui permettait de rester suffisamment en alerte sur le terrain, pour l'instant du moins, mais il ne fallait pas que les entraînement trainent en longueur.

Cela lui arrivait de temps en temps de réussir à caler une petite sieste ci et là mais aujourd'hui, c'était bien impossible. Ses pensées divaguaient beaucoup trop et il lui était impossible de se détendre. Il allait devoir attendre que son corps cesse de lutter et finisse par s'écrouler de fatigue. Peut-être cette nuit, qui sait ? Le jeune homme finit par se redresser et rejoindre son bureau. Il tira de son tiroir une lettre de son cousin que son père avait ramené lors de son dernier voyage en Russie. Le jeune homme la parcourut une nouvelle fois, il la connaissait presque par coeur à présent mais toujours aucune once de réponse. Il ne savait pas comment répondre ni même s'il avait réellement envie de le faire. Alors, une nouvelle fois, il se contenta de la ranger avec un soupir.

Ennuyé par les pensées qui l'envahissaient dans cette chambre, il était temps pour lui de prendre l'air, il n'avait pas encore fait ses devoirs mais Yulian savait pertinemment qu'il serait incapable de se concentrer tout de suite. Il attrapa son portefeuille avec une bonne résolution en tête, acheter de la boisson énergisante et refaire son stock pour les prochains jours si le sommeil continuait à jouer ainsi à cache-cache. Alors qu'il sortait d'un pas décidé du bâtiment, sa marche fut brutalement interrompue par une collision non désirée, le jeune homme s'apprêtait à lancer une réplique cinglante mais reconnut son ami qui s'excusa précipitamment.

"Non, ca va.Tu..."

Le jeune homme n'eut même pas le temps de lui demander si ça allait que le garçon lui propose d'aller à la salle d'arcade. Le russe observa un instant Seito, quelque chose semblait le chiffonner. Il n'avait pas l'air dans son assiette. Yulian n'hésita pas plus longtemps à repousser son achat de boissons et donner un bon coup de pied dans l'idée de faire ses devoirs pour l'envoyer loin dans son esprit. Au pire, il les ferait cette nuit. Seito avait été là pour Yulian et le jeune homme souhaitait vraiment que son ami puisse se reposer sur lui à son tour. Après tout... Ils gardent un oeil sur l'autre, non ? C'est ainsi qu'il reprit sa marche pour sortir du campus.

"Ok, jpaye la première partie."

Les deux garçons sortirent du campus et Yulian prit le temps de s'assurer que son camarade ne se soit pas fait mal. Concernant son état plus global, il prendrait le temps de le questionner plus tard, pour l'instant, le russe devait le mettre en condition pour se confier.

"Et toi ? Tu ne t'es pas fait mal ?"

Seito

Awful

■ Inscrit le : 27/02/2021

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

« Pfff, et puis quoi encore ? »

Finalement, tout son cerveau n'a pas complètement pris l'eau. Il parvient encore à surfer dans les courants de gentillesse sans trop se mouiller. C'est une bonne chose qu'il ait croisé Yulian. Une très bonne chose ! Pour un peu, il prenait un billet pour Kawachinagano. Et il ne le saura jamais mais sûrement qu'il se serait fait bouffer tout cru. Avalé, digéré par la panique que sa présence impromptue aurait suscité. Pourtant, impossible de gommer cette pointe de regret en ne faisant qu'imaginer leurs têtes scandalisées.

Et la cerise sur le gâteau aurait été de venir les mains vides. Qu'offre-t-on à une petite fille de six ans ? Seito ne sait rien de ses goûts, pas même sa couleur préférée. Leur rapprochement est si succinct qu'il a encore bien du mal à l'appeler sœur. Mais si elle n'est plus une Chose et qu'elle n'est pas encore une sœur, alors comment la définir ? Plus important, pourquoi lui accorder de l'importance ? Si elle venait à grignoter son espace trop sévèrement, il court le risque d'être désarmé par son absence. Le japonais n'a pas besoin de ce manque dans sa vie. Non, c'est décidément une excellente chose d'avoir croisé Yulian.

« Moi quoi ? Oh non, t'inquiète, mes supers muscles ont tout absorbé ! »

Maintenant qu'il a reporté son attention sur lui, il lui sourit. Son regard demeure cependant instable alors qu'ils franchissent la grille. Et la nervosité le rend bien bavard.

« J'ai vu que tu galérais à dormir hier. Franchement, tu devrais essayer d'lire. P't'être que ça t'aiderait à t'endormir si tu te projetais dans un autre monde. Parce que c'est clair que tu vas pas te projeter très loin avec tous les devoirs qu'on a. Même en histoire, c'est devenu un peu chiant. Si tu veux, j'peux te prêter certains de mes livres. Ou j'peux t'en recommander. J'en ai lu des biens récemment. Le village aux huit tombes était fou. Y'avait des morts dans tous les sens qui suivaient une sorte de schéma chelou. En plus ça s'passait dans un vieux village dans les montagnes avec un cimetière bien flippant qu'avec des samouraïs assassinés. J'aurais pas aimé m'retrouver là-bas la nuit, moi j'te l'dis. »

Bien trop bavard.

« Et puis j'ai fini Monsieur Ripley. C'est aussi un roman policier mais pas du tout dans le même genre. Déjà le héros est américain. Et le gars c'est un ouf parce que, pour avoir la belle vie, il va décider de buter un mec riche et de prendre sa place. T'imagines toi, choisir un mec blindé au pif et te dire : Oh allez, j'le tue vite fait et personne s'apercevra qu'il est mort parce que je ferai croire qu'il est toujours en vie, juste en vacances pour toute sa vie ? Même si c'est tentant, j'pourrais pas tuer un mec. Même si j'arrivais à le tuer, à cacher l'corps et tout, j'suis sûr que j'finirai par faire une gaffe. Genre je serai trop suspect. C'est méga dur de faire genre tout va bien alors que t'as tué quelqu'un. »

Si dur qu'il est actuellement incapable de faire croire que tout va bien alors qu'il manque l'anniversaire de sa sœur. Ils arrivent au métro quand il conclut :

« Bon, c'est deux policiers et t'aimes p't'être pas ce genre-là. Mais y'a plein d'autres genres, c'est ça qu'est bien avec la lecture. Même que si t'aimes pas trop lire, genre lire du texte, y'a aussi des mangas à la bibliothèque. Y'a pas tous les derniers, c'est sûr mais y'en a quelques uns des sympas quand même. T'en penses quoi ? Tu penses que ça pourrait t'aider à t'endormir ? »

■ Inscrit le : 11/01/2019

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

A l'entente de la remarque de Seito, le jeune homme ne peut s'empêcher de pouffer légèrement. "Supers muscles", rien que ça ? Et bien, il ne s'embêtait pas le Mori. En tout cas, ce qui le chiffonnait ne faisait pas sauter son humour. Il s'agissait là, sans aucune doute, d'un masque pour faire du visible, l'invisible et de l'instabilité, la stabilité habituelle. Toutefois, le russe n'était pas dupe et encore moins lorsque son ami monta à bord d'un Train Grande Vitesse pour déballer plus vite que son ombre des mots dont le jeune homme devait se battre pour se raccrocher et saisir le sens.

A la mention de ses difficultés d'endormissement, le corps du russe se tendit imperceptiblement. Il espérait simplement qu'il ne l'ait jamais vu quitter le dortoir en pleine nuit, il faisait pourtant bien attention à ce que les autres soient endormis avant de partir. Toutefois, peut-être qu'un soir, sa vigilance ait été impactée. Le jeune homme n'avait pas spécialement envie de se confier au sujet de ses balades nocturnes, là où le réel faisait place à l'irréel, la réalité, aux rêves et au visage de marbre, les larmes.

"Je..."

Toutefois, le jeune homme n'a pas vraiment le temps d'en placer une, il essaye pourtant. Néanmoins, la nervosité de Seito transparaissait dans son regard, dans son comportement. Son flux de paroles ne pouvait être aisément coupé alors Yulian attend. Il attend patiemment que Seito termine son discours tout en marchant vers la salle d'arcade, hochant de temps à autre la tête. Il écoutait, il assemblait tel un puzzle les idées qui s'enchaînaient en silence. Jusqu'à ce qu'un coup de poignard lui transperce le coeur violemment sans qu'il ne puisse se préparer à l'impact. C'est méga dur de faire genre tout va bien alors que t'as tué quelqu'un. Oh oui... Il n'avait que trop raison dans cette remarque et Yulian en était douloureusement conscient. Son coeur lui rappela alors violemment sa douleur et la voix moqueuse et culpabilisatrice dans son esprit refait son apparition dans son esprit. Son poing se serre violemment, ses ongles imprègnent la paume de sa main et ses dents triturent sans aucune forme de clémence sa lèvre inférieure. Seito semble enfin épuiser son stock de mots pour la minute et semble attendre une réponse du Russe. Il lâche enfin sa lèvre et essaye d'assembler ses pensées, ses mots pour donner une réponse convaincante.

"J'en sais rien. Je... Mes pensées ne décrochent pas, elles m'entraînent et..."

Yulian tente de se concentrer mais il a besoin d'un temps, d'un peu plus de temps pour s'extraire de la douleur qui l'étouffe. Il jeta de nombreux regards autour de lui pour trouver des toilettes et s'excusa auprès de son camarade.

"J'ai besoin d'aller aux toilettes, jreviens tout de suite !"

Le jeune homme prit la poudre d'escampette vers les toilettes et s'y enferma, il essaya de calmer sa respiration, son coeur au bord des lèvre, les larmes menaçant de franchir la barrière de ses yeux. Il se passa un peu d'eau fraîche sur le visage pour s'éclaircir l'esprit et se calmer. Il observa un instant la trace des ongles dans sa paume qui disparaissaient progressivement. C'était douloureux mais ainsi, il restait ancré dans la réalité et la douleur de son coeur, dans sa tête ne l'envahissaient pas au point de le noyer et de le mettre à terre. Yulian inspira calmement et murmura à lui-même.

"Ca me poursuit toujours, quoi que je fasse..."

C'était son fardeau. Il ferma un instant les yeux pour faire de profonds cycles de respiration. Doucement, le jeune homme sentit son esprit se calmer, la sensation de son coeur comprimé s'estompait. Yulian finit par sortir des toilettes et rejoindre Seito pour éviter qu'il ne s'inquiète. Une fois arrivé là-bas, Yulian ne lui laissa pas le temps de prendre la parole.

"Je peux essayer mais je ne pense pas que ça fonctionne. J'espère juste que j't'ai pas empêché de dormir."

Le jeune homme passa une main dans les cheveux de Seito et les ébouriffa dans un élan amical.

"En tout cas, t'inquiètes pas trop, j'ai l'habitude. Allons vite nous détendre à la salle d'arcade."

Et commencer ton interrogatoire en règle mon cher Seito...

Seito

Awful

■ Inscrit le : 27/02/2021

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

Seito ne voit rien, ne remarque rien. Il enchaîne les mots sans discontinuer quitte à noyer son interlocuteur d'un monologue inintéressant à souhait. Pas besoin de réaction du moment que l'autre est toujours là à écouter. Mais ce n'est pas suffisant car aucune de ses propositions ne fait mouche. Il aurait dû savoir que son ami n'aime pas les policiers. Peut-être qu'il devrait lui proposer de la fantaisie ou de la science-fiction ? Oh mon dieu, et s'il aimait les romans à l'eau de rose ?!

La bulle éclate quand Yulian disparaît. Hein ? Aller aux toilettes ? Mais il aurait pu y aller à la salle d'arcade, ils ne sont pas si loin. Ou alors il a dit quelque chose de mal ? Lui proposer de l'aide lui semblait pourtant gentil. Mais qu'est-ce qu'il raconte ? Que sait-il de la gentillesse ? Il s'est juste imposé en le traînant avec lui et il recommence en le gavant avec ses livres. Bon sang, est-il seulement capable de ne pas traîner dans les pattes de qui que ce soit ?

Sûrement que Yulian avait d'autres plans mais il a accepté par politesse. Il ne veut pas réellement traîner avec lui. Si ça avait été le cas, ses parents l'auraient appelé pour l'anniversaire de Megumi. Et il serait actuellement dans le jardin avec elle à jouer le grand-frère bancal mais présent. Oh... Le geste le surprend au point que le japonais se fige sur place, biche effarouchée. Il lui faut trois bonnes secondes pour redémarrer son système neuronal et trois autres pour réenclencher jambes et bouche. Un sourire maladroit se dessine sur ses lèvres, ses pupilles vaquant entre Yulian et son environnement.

« N-nan mais j'm'inquiète pas tant qu'ça hein... Je- Ouais, on est où là ? »

Gauche droite rapide de la tête et il s'exclame :

« Ah ! Pff n'importe quoi moi ! On y est presque en plus ! »

Un rire nerveux accompagne cette fin de trajet pendant laquelle il ne fait plus de proposition hasardeuse mais se contente de commenter le beau temps qu'ils ont pour la fin du mois de septembre. Ce qui n'est évidemment pas du tout suspect. La salle d'arcade apparaît enfin dans leur champ de vision et avec elle s'accompagne une vague de soulagement. Parler ne lui réussit pas, il faut vite qu'il zigouille des trucs sur des écrans. C'est donc avec bien trop d'enthousiasme qu'il enfonce les portes. Et qu'il se tourne vers Yulian avec un regard pétillant.

« Ça t'dit de défoncer des zombies ? »

■ Inscrit le : 11/01/2019

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Le sourire qui se peint sur le visage de son camarade après ce simple geste amical perturbe Yulian, il ne semblait pas réellement à l'aise. Il suspendit son geste et fourra ses mains dans ses poches. Cela évitera qu'il ne fasse une nouvelle bourde tandis qu'une petite voix hautaine lui soufflait qu'il ne savait peut-être plus agir avec des amis à force de rester seul. Une légère grimace se peint sur son visage sans qu'il ne s'en rende compte à cette idée entêtante. Il fallait qu'il se rassure... Peut-être que Seito n'aimait pas les contacts ? Ou tout simplement qu'ils ne sont pas encore suffisamment proche pour se permettre ce genre de gestes. Après tout, ils étaient d'origines différentes, les moeurs différaient alors. Il savait les japonais plus... "pudiques" voire même carrément coincés à son humble avis.

"Scuse."

Seito semblait monté sur des ressorts et la nervosité transpirait de chacun de ses pores. Le russe pourrait presque croire qu'ils sont tout deux suivi par des malfaiteurs prêt à leur sauter dessus pour leur soutirer argent et vie. Toutefois, il aurait apprécié si c'était le cas que Seito le prévienne s'ils étaient ainsi menacés, histoire qu'il puisse rédiger ses dernières volontés.

Yulian continua à suivre d'un pas calme son camarade jusqu'à la salle d'arcade. A la vue de la pancarte d'entrée, un sourire fit son apparition sur le visage dur du garçon. Sincèrement bien que le Japon soit un pays de coincés... Le fait d'avoir des salles d'arcades partout suffisait à oublier ce petit détail. Ca valait au moins 100 points sur l'échelle de la coolitude.

"Va pour les zombards."

Le jeune homme alla d'abord échanger un billet contre des pièces avant d'en glisser une dans la machine. Il prit le pistolet et soupesa le poids un instant avant de positionner correctement ses mains. Toutefois, Yulian souhaitait pimenter un peu le jeu, y donner un petit goût de suspens, d'enjeu. A la recherche d'une idée, il regarda rapidement autour de lui avant que ses yeux acérés ne tombe sur un endroit maudit à ses yeux. Une horreur à s'en brûler la rétine.

"Prêt, Mori ? Celui qui perd devra faire des photos version kawaii au photomaton, partant ?"

Seito

Awful

■ Inscrit le : 27/02/2021

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

Seito ne fait pas de scandale et se laisse offrir cette partie. Ça l'arrange dans un sens, mais il ne l'avouera pas à Yulian. Les yeux rivés sur l'écran, ses doigts nerveux s'impriment sur le pistolet. Il veut oublier cette journée. Oublier pourquoi il est là ici et maintenant, pourquoi il veut dégommer du zombie. Simplement tenir un flingue et se battre pour sa vie. Se battre... Le japonais ne fait que ça bien que les propos de sa senpai de kyudo ne l'ait jamais quitté. Même virtuellement, il préfère continuer à appuyer sur la gâchette plutôt que de mourir déchiqueter par un zombie. Trop sordide comme fin. Quitte à choisir, il préfère que ce soit définitivement la fin plutôt que de rester suspendu à la vie, vidé de toute essence. Non pas qu'il s'en rendrait compte mais l'idée d'ôter la vie à d'autres le répugne. Enfin bref, il a une partie à gagner et oh ! Seito tourne vivement la tête vers son ami et lui offre un sourire narquois.

« J'me suis préparé toute ma vie pour ce jour. Tu vas être super kawai sur les photos, promis. »

Revigoré par ce duel, le japonais reporte son attention sur la télé et lance la partie. Après une petite cinématique, la première vague de zombies accourt sur lui. Qu'est-ce qu'ils sont bêtes et lents ! Ils tombent, une balle après l'autre. Le plastique de la gâchette couine à n'en plus finir et ce n'est qu'au début de la troisième vague qu'il perd ses premiers points de vie. Non sans laisser un « Merde ! » appuyé. Mais il se reprend vite et retend ses deux bras correctement pour viser le plus stablement possible. Un bref regard sur le score de Yulian lui met la pression et un zombie le frôle d'un peu trop près.

« Rha mais meurs toi ! » s'écrit-il.

Au coude à coude, Seito se concentre davantage. Chaque balle compte et plus les secondes défilent, plus les ennemis affluent. Parvenu enfin à la cinquième et dernière vague, il vide tous ses chargeurs dans le boss de fin. Le zombie est énorme, répugnant à souhait et, en temps normal, il en aurait été dégoûté. Mais là, il a juste envie de l'atomiser. Ce zombie devient son problème personnel. Ce zombie n'est autre que cet après-midi gâché à angoisser pour un acte manqué. Qu'il crève ! BAM ! Le boss se désagrège derrière des éclaboussures de sang pixelisées. Et le scoreboard s'affiche : 84/100. Son premier réflexe est évidemment de regarder celui de Yulian. Puis, en constatant avoir gagné, il dégaine son humour tranchant.

« Bah alors princesse Peach, on a eu peur des zombies ? »

■ Inscrit le : 11/01/2019

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Et c'est que ce jeune Seito est confiant, qui plus est ! Yulian émit un léger rire à sa provocation et d'un check scella ce gage dans les règles de l'art avant de provoquer à son tour son ami.

"Je me ferai un plaisir de l'envoyer à Pablo et Nolan."

Le jeu débuta et Yulian commença à tirer sur tout ce qui bougeait voire même... Un peu trop, si bien qu'il tira aussi sur les civils du jeu, se prenant des petites pénalités ci et là. Toutefois, il comprit très vite son erreur et évita à présent, femmes, hommes et mamies avec caniches du jeu qui ne trouvaient rien de mieux que se balader parmi les zombies. A la fin du décompte, Yulian resta satisfait de son score jusqu'à ce que son regard tombe sur celui de Seito. Son visage resta interdit un instant, le temps que son esprit décante l'information tandis que Seito se foutait de lui.

"Non mais sérieux ?! A trois points ?!"

Yulian reposa le pistolet et dût se rendre à l'évidence, il s'était fait avoir à son propre jeu.

"Bien joué... Peachette. Bon. Allons faire cette stupide photo !"

Le surnom de Peachette était une petite attaque. A son sens, Peachette était une version low-cost de Peach. En tout cas, il avait lancé cette idée de gage, il allait l'assumer. Le jeune homme se dirigea vers la cabine photo.

"Bon, j'ai quatre photos pour briller un max... Non mais regarde ces propositions, ça me.... Eurk."

Dès qu'il prit place sur le siège, sa tête apparut sur l'écran, son teint déjà pas bien bronzé passa à un pâle à la limite cadavérique et ses joues prirent une teinte rosée.

"Allez Seito, je te laisse choisir les accessoires et les effets de la première photo."

Seito

Awful

■ Inscrit le : 27/02/2021

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

Seito lui offre son plus beau sourire, incapable de rester sérieux face à cette défaite improbable. Mais c'est le jeu et la faute revient à Yulian pour avoir voulu l'épicer. Et il est plutôt satisfait que le russe aille jusqu'au bout, même s'il lui aurait clairement dit que ce n'était pas très grave s'il s'était dégonflé. Parce qu'il ne tient pas particulièrement à l'humilier. Déjà qu'il est bien gentil de l'avoir suivi à la salle d'arcade sans le questionner à outrance. Bon sang, à peine quelques secondes de répit et voilà que l'averse inonde à nouveau sa tête.

Dès que Yulian se retourne, Seito grimace et chiffonne ses cheveux d'une main fatiguée. Il devrait appeler, c'est la meilleure chose à faire. Lui souhaiter un joyeux anniversaire ne va pas lui arracher la bouche. Et si son père ou sa mère l'en empêche ? Fais chier... Le japonais rattrape son retard vers Yulian en quelques longues enjambées avant de se planter bêtement à côté de la cabine. Il acquiesce mollement à la remarque du blond, regardant distraitement l'objet de son dégoût.

Devrait-il s'excuser auprès de ses parents ou leur demander pourquoi il n'a pas été invité ? Mais ne vont-ils pas en profiter pour lui reprocher de ne pas avoir donné des nouvelles ? Puis ils pourraient embrayer sur ses notes et alors, il se sait foutu. Parce qu'il a beau faire des efforts, ça ne sera toujours pas assez. Alors il va s'énerver et raccrocher sans avoir sa sœur au téléphone alors que ce serait justement le but de son appel. Arg, ça l'énerve !

Seito se fiche de ces photos, de cette compétition débile et il le fait savoir de la plus surprenante des façons. D'un mouvement vif, il tire sur la manche de Yulian pour le faire sortir de la cabine.

« Nan mais laisse tomber. Fais pas ça. On s'en fout. »

Un haussement d'épaules, le regard fuyant, il repère les jeux de course plus loin. Et sans transition, il demande :

« T'es plus moto ou voiture ? »

■ Inscrit le : 11/01/2019

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Seito est bizarre. Pendant un instant, il semble être le garçon habituel, qui sourit, s'amuse et l'instant d'après, il semble déconnecté comme... Englouti dans ses pensées. Yulian avait beau lui parler, il avait l'impression d'effleurer que la surface de la conscience de son camarade. Comme si autre chose lui emplissait tellement le cerveau que rien ne semblait pouvoir y faire sa place. Peut-être qu'il surinterprétait trop ce qu'il voyait, ce qu'il ressentait. Mais... Le jeune homme connaissait parfaitement cet état de stase. Cet état où l'intérieur, les pensées prennent tellement de place que l'extérieur n'existe presque plus, qu'il faut se battre pour espérer comprendre, garder le contact avec les autres.

Toutefois, Seito semble reprendre le fil de son corps, de ses pensées et le voilà qu'il tire sur sa manche pour l'extirper de la cabine en arguant qu'ils s'en fichaient des photos. En effet, il n'avait pas tort. Yulian avait simplement souhaité pimenter le jeu pour apporter du baume et un sourire aux lèvres de son ami mais... Il n'était clairement pas déçu d'échapper à ces minutes d'humiliation. Toutefois, le comportement de Seito l'intriguait et l'attristait dans un sens. Il avait cette impression que Seito courait partout pour inonder son esprit d'informations, d'occupations et ne pas avoir à penser à quelque chose qui lui pesait.

Yulian devait absolument trouver ce qui semblait autant étouffer son ami. Pour une fois... Il voulait être là pour les autres. Seito ne méritait pas d'être dans cet état de souffrance dans lequel il semblait être. Seito était son ami et en tant que tel, Yulian devait se bouger le cul pour lui apporter un peu de lumière dans ces ténèbres. Une lumière aussi furtive et faible soit-elle peut être celle qui éblouira le reste du monde, ensuite.

"Moto."

Yulian se dirige avec son ami vers les motos et plus particulièrement vers celles à l’extrémité, les plus éloignées des utilisateurs de la salle. Seito semblait être sur le point de la rupture, Yulian devait aborder le sujet, d'une manière ou d'une autre. Il glissa une pièce dans chacune des deux motos et se jucha dessus. Une fois que la partie se lança, Yulian attendit quelques instants avant de prendre la parole et peut-être signer la fin de leur amitié ? Si Seito n'était pas prêt, ça pouvait tout foutre en l'air. C'est donc d'une voix calme, douce et dénuée de tout jugement qu'il demanda :

"Qu'est-ce qui te pèse si lourd ?"

Yulian n'avait pas choisit ce moment par hasard. Il sentait que s'il attendait trop, Seito risquait d'exploser, ou pire, passer en mode pilotage automatique, ce que Yulian ne lui souhaitait pas. Ensuite, par le jeu, Seito se sentirait sans doute plus à l'aise de se confier car le regard de Yulian est tourné vers l'écran et non sur lui. Ainsi, il se sentirait peut-être moins acculé ? Le russe savait pertinemment qu'il était souvent bien dur de se confier sous le regard de son interlocuteur, de peur d'y lire de la déception, de la colère... Du dégoût. Au final... En Seito, Yulian se projette et il ne voulait pas que son camarade s'enfonce comme lui aussi bas. Garder un oeil sur l'autre, c'était leur promesse et Yulian n'allait pas faillir à celle-ci.

Seito

Awful

■ Inscrit le : 27/02/2021

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

« Bon choix. »

Une virée en moto, même virtuelle, ne peut lui faire que du bien. Avaler des kilomètres lui paraît être un meilleur compromis que des couleuvres. Son regard papillonne sur les joueurs à mesure qu'ils les dépassent puis se concentrent sur les motos dès lors qu'ils sont assez près. Il n'a pas remarqué que Yulian l'avait attiré dans un coin. Et il est loin de se douter que ce choix est réfléchi, si bien qu'il enfourche sa moto avec impatience. Remarquant que le russe paye à nouveau, sa bouche se déforme.

« La prochaine partie, c'est moi qui paye. »

Tant pis s'il se prive plus tard, Yulian a accepté de l'accompagner, il lui est redevable. Sans sa présence, il serait sûrement déjà un train à commettre la pire connerie de sa vie. Mais merde ! Son cerveau ne peut-il pas changer de disque ?! Son regard se durcit. Ses mains agrippent le guidon, fermement au point que ses phalanges blanchissent. Les deux bornes attendent un coup d'accélérateur pour confirmer le mode 2 joueurs. Et voilà que la partie se lance. Seito accélère aussi sec, se souciant peu de déraper, ignorant savamment les autres participants, Yulian et PNJ compris. Seul lui importe ses deux bandes de décors qui défilent sur les côtés, emprisonnant sa vision d'un cadre délimité où rien, pas même son agitation cérébrale, ne viendra le déranger. Ce qui aurait fonctionné s'il n'y avait pas eu de facteur extérieur.

Sa bulle éclate dès le premier assaut de Yulian. Une question suffit à tendre chacun de ses muscles jusqu'à ses doigts qu'il contracte violemment. La moto, son conducteur, tout fout le camp.

« Putain de virage ! »

A qui croit-il mentir ? L'écran se recharge et la moto est tractée jusqu'à la piste où il ne perd pas une seconde pour ré-appuyer sur l'accélérateur. Un bref coup d’œil à la mini-carte lui indique sa position, détachée du cortège. A l'image de sa vie. Ses dents aspirent la chair de sa joue et l'écrasent sauvagement. L'espace de quelques secondes, il poursuit la course paupières plissées. En rouvrant les yeux, il remarque avoir accumulé encore plus de retard. De but en blanc, il finit par répondre :

« J'devrais pas être là. »

Cette information est vague, sans que cela soit réellement voulu. Elle questionne sa présence plus profondément qu'elle ne le devrait. En ces lieux, c'est une certitude. Plus globalement... Seito barricade sa petite voix intérieure.

■ Inscrit le : 11/01/2019

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Yulian haussa légèrement les épaules lorsqu'il lui indiqua que c'était un bon choix comme s'il cherchait à dire "Je fais toujours le bon choix, moi" avant de s'installer, hochant automatiquement la tête à la revendication de paiement prochain de la part de Seito. Soit. Il comprenait la position de Seito. Lui, il s'en fichait bien de payer chacun des jeux de ce jour ou autre. L'argent, il en avait alors s'il pouvait s'en servir pour essayer de tirer un sourire à son ami, c'était la meilleure manière de le débourser. Un regard jeté vers son visage, vers son corps et les signes de tension qu'il transmet. L'espace d'un instant, Yulian ne peut s'empêcher de se projeter en lui. Lorsque le monde le rendait malade, qu'il était en colère contre lui-même, contre tout le monde et qu'un rien pouvait suffire à le faire s'effondrer ou exploser.

Le signal sonore annonçant le début de la partie le fait détacher son regard de Seito et se concentrer un minimum sur le jeu. Pourtant son esprit est tourné vers son camarade, vers la question qu'il venait de lui balancer à la figure comme une peau de banane dans le jeu mario kart ce qui conduit à un écart de langage et un éclat de colère du Mori. Yulian aurait pu s'attendre à ce que cet éclat soit dirigé vers lui mais Seito avait fait le choix de le préserver et s'en prendre à la map du jeu. Yulian, lui, n'aurait certainement pas eut cette délicatesse, envoyant valdinguer son prochain sans merci lorsqu'il se sentait acculé.

"Serré, en effet."

Yulian préfère ne pas l'enfoncer davantage et lui laisse cette barricade pour se cacher derrière. Cacher ces émotions qui semblent l'envahir et qui débordent sous forme de colère. Le jeune homme souhaitait vraiment qu'il puisse se confier mais il ne veut pas que ce soit au détriment de sa sécurité affective. Finalement... La bombe tombe telle une énigme. "Il ne devrait pas être là" ? Cette réflexion faisait douloureusement écho à son propre vécu.

"J'ai souvent pensé la même chose.. Et je le pense encore, parfois."

Le russe inspire doucement, par cette confession, il voulait créer le lien entre leurs deux psychés. Le jeune homme continue la course, cette fois, il arrive en haut de la montagne, dans les hauteurs. En haut, là où tout avait basculé, là où tout aurait pu basculer une seconde fois, un endroit où il se sentait, étrangement... Bien. Un endroit où il était un peu plus proche des étoiles, de son frère. Finalement, Yulian reprend la parole dans une question simple. Une question où Seito pouvait choisir entre la douloureuse vérité ou le mensonge à double-tranchant.

"Tu devrais être où, dans ce cas ?"

Seito

Awful

■ Inscrit le : 27/02/2021

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

Si Seito voulait revenir dans la course, c'est fichu. Les paroles de Yulian l'interpellent au point qu'il lâche complètement l'écran en face de lui. Sa tête panote vivement vers le russe, analysant de son regard trouble la possibilité qu'un message se cache derrière le parallèle apparent. Il n'a jamais été doué pour les sous-entendus alors il n'est pas sûr de saisir toutes les subtilités de cette révélation. Mal interpréter serait un désastre. Mais une partie de lui ne peut s'empêcher d'y déceler le rapprochement bien qu'il se refuse à alimenter une telle discussion. Cela reviendrait à avouer qu'il est prêt à tout abandonner à nouveau.

La situation n'est pas comparable, les règles du jeu ont changé depuis. Pour autant, le résultat est le même. Seito est coincé dans un cercle vicieux duquel il n'a pas su s'extirper malgré toute l'aide de ses amis. Au moindre obstacle, il replonge immédiatement dans ses travers et s'enfonce dans un puits sans fond de mensonges. La chute est toujours plus lourde que la précédente et, bien que la douleur lui soit connue, il en souffre avec la même intensité si ce n'est pas pire. Car plus le temps passe, plus il remarque la distance qui se creuse alors qu'il n'a eu de cesse de nager pour la combler.

Et il est épuisé. Il l'ignore, se débat encore plus fort, sans remarquer que les vagues qu'il soulève se fondent dans l'infini de la mer. La seule surface que la tristesse parvient à rider est son visage affligé par les affres qui transpercent son cœur de milliers d'aiguilles. L'important n'est pas de savoir où il n'est pas mais de savoir pourquoi. Son regard revient s'échouer sur l'écran où sa moto est au point mort. A quoi bon avancer si la motivation manque ? Gravir cette montagne semble être un effort surhumain sans récompense à la clé. Et puis, quel intérêt de gagner s'il n'a personne avec qui partager sa victoire ? Sa voix est dénuée d'émotions quand il daigne répondre.

« Là où on veut pas d'moi. »

Seito repositionne ses mains sur le guidon et enfonce l'accélérateur. La moto réagit au quart de tour et bondit dans le décor. Parvenu en haut du sommet, il ne ressent pas la joie de la réussite. En lui gangrène ce sentiment défaitiste, de savoir qu'après chaque ascension n'attend qu'une énième chute. Et avec elle surgit l'appréhension. A la lisière entre énième et dernière, sa mortalité frémit.

■ Inscrit le : 11/01/2019

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Il ne pensait pas être aussi rapidement celui qui doit écouter, comprendre et rassurer. Celui qui doit voir les rayons du soleil pour l'autre afin de lui tendre la main et le tirer vers la lumière. C'était un rôle bien compliqué, bien lourd que celui d'accueillir la douleur de l'autre pour que l'espace d'un instant, ce soit moins lourd à supporter. Pourtant, il en est là aujourd'hui, sur cette moto en plastique à écouter son camarade, à gratter la surface de la barrière érigée par Seito afin de pouvoir pénétrer dans les ténèbres qui l'entourent. Toutefois, Yulian n'a pas peur, il est prêt. Il se sent suffisamment en équilibre pour pouvoir soutenir son ami sans risquer de s'écrouler, s'effondrer. Il se peut qu'il chancelle... Mais à deux, ils tiendront plus facilement debout, non ?

Le russe arrive au sommet de la montagne et entame la descente. Celle que beaucoup imaginaient comme la libération, une montée lente, angoissante comme dans un grand huit et enfin, la chute, le vent sur le visage et ce sentiment un instant de pouvoir tout faire, tout réussir. Cette descente, pour lui, a plutôt un attrait pour les ténèbres, pour la douleur qui revient à chaque fois par vague. Il a beau gravir à chaque fois les difficultés, ses mauvaises passes, la libération ne dure qu'un instant et il le sait qu'à un moment ou à un autre, la chute sera douloureuse, violente. Mais... C'était normal. La guérison prenait du temps. Le deuil aussi. Et à présent, il était accompagné. Même si ses amis ignoraient la portée, la raison de son mal-être, leur présence suffisait à alléger son coeur.

La douleur de Seito était différente de la sienne. Il devrait être là... Où on ne veut pas de lui. C'était une constatation déchirante, douloureuse. Le jeune homme se sentait désolé pour lui, il inspire légèrement et dépasse la ligne d'arrivée, bien avant son ami, la discussion avait plus qu'été difficile pour que ça ait autant impacté son jeu. Yulian descend de la moto, s'adosse contre et l'observe terminer sa course. Une fois celle-ci terminé, le russe prend une légère inspiration et pose une énième question. Simple mais douloureuse question qui lui est nécessaire pour comprendre la situation. Il n'était pas des plus délicats mais il se devait d'avoir le puzzle complet du labyrinthe en tête pour pouvoir aider Seito à trouver la sortie.

"Qui sont les idiots qui ne veulent pas de toi ?"

Seito

Awful

Dim 1 Sep 2024 - 18:25

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

Le mot résonne comme une insulte. Parce que c'est ce qu'il est dans la bouche de Yulian. Le russe ne peut pas savoir qu'il vient d'insulter les parents de Seito. De ça, le japonais n'en parle jamais ou l'évite dès qu'il le peut. Mentionner ses parents engendre des questions auxquelles il ne souhaite pas répondre, auxquelles il aimerait ne plus jamais être confronté. Mais il a beau courir à perdre haleine, son passé lui colle aux basques. Tant qu'il ne s'en sera pas détaché, sa respiration sera toujours entravée par l'angoisse de ne pas être assez.

Au bout de la course, l'arrivée se dessine. Il la franchit sans plaisir et regarde bêtement les scores s'afficher sur l'écran. En bon dernier, il ne s'insurge pas, c'est sa faute s'il est à la traîne. Lentement, il incline la tête vers l'arrière. Paupières fermées, ses cervicales craquent. Quelques secondes de battement pour calmer la houle qui soulève sa cage thoracique. La pluie battante menace de mouiller ses joues mais il retient la tempête. Ses lèvres s'entrouvrent, le souci agite ses sourcils. Froncés, défroncés, il cogite sur quoi dire. En embarquant Yulian, Seito n'avait pas prévu de s'épancher et encore moins de souquer pour se maintenir à flot.

Ses doigts relâchent les poignées de la moto puis il consent à descendre de la sienne. Son regard croise celui de son ami, grossière erreur. Aussitôt il regarde ailleurs, en partie de peur que Yulian ne puisse lire en lui comme dans un livre ouvert. Car il se sait perméable et, malgré ses efforts, il n'est toujours pas parvenu à colmater toutes les brèches. Kintsugi boueux d'une vie à présent morcelée par l'évidence d'être le coupable d'une immense farce. Ses parents ne sont pas idiots. Seito leur a reproché beaucoup de choses mais la bêtise n'en fait pas partie. L'inverse, par contre, s'est répété à plusieurs reprises. Et il leur avait prouvé avec ardeur avoir raison. Si bien qu'il lui est facile de répondre :

« C'est pas eux le problème, c'est moi. C'est moi l'idiot dans tout ça. »

Son corps se détache de la moto alors que son regard arpente les bornes d'arcade autour d'eux. Aucun jeu ne lui fait foncièrement envie. S'il est là, c'était simplement dans le but de focaliser son esprit ailleurs. Tomber sur Yulian n'était pas prévu, lui proposer quoi que ce soit était stupide. Ses choix font de la peine à tout le monde mais il ne fait rien pour redresser la barre. La tristesse s'empare de ses mains. Toutes deux font naufrage sur son crâne puis glissent sur ses yeux qu'il appuie de ses doigts. Le visage enfoui, il ne trouve rien de mieux à faire que de s'excuser. Comme si ça allait changer quoi que ce soit...

« Pardon de t'avoir traîné là. J'suis vraiment un pote de merde. »

Jeu 5 Sep 2024 - 19:41

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Seito ? Idiot ? Cette réponse fit légèrement froncer les sourcils du Russe. Comment ça ? Yulian ne pouvait décemment pas le laisser penser ainsi, ce n'était pas vrai. Seito n'était pas idiot, loin de là même. Il était attentif, observateur et un putain de bon pote. Alors, il était hors de question qu'il le laisse se fustiger ainsi. Car il n'y avait pas d'adolescent idiot, il y a des actions stupides, des idées idiotes. Mais l'idiotie ne caractérisait pas un être humain, derrière, il y avait des raisons, des souhaits, des peurs, de la colère. Mais jamais de l'idiotie pure.

"Tu n'es pas idiot Seito. Retire toi cette idée de la tête. Ce que tu fais, ce que tu dis provient de quelque chose de plus profond que de la simple idiotie. Une peur incontrôlée, une colère refoulée, j'en sais rien, jsuis pas psy. On fait des choses idiotes mais on n'est pas des idiots. Et encore moins toi, Mori."

La douleur déchire son coeur lorsque le désespoir semble submerger Seito et ça le tue de le voir combattre ainsi ses pensées, sa tristesse pour ne rien montrer. L'espace d'un instant, il se voyait à travers lui et cette vision était tout bonnement horrible. Devoir supporter, masquer, ne pas craquer. Jamais. Yulian connaissait ces mécanismes de défense et surtout... Leur faiblesse. Au bout d'un moment, le corps, l'esprit ne suivent plus et ils ont besoin de déborder pour survivre.

Yulian n'a qu'une envie, c'est de pénétrer dans l'esprit de Seito et serrer contre lui la version de lui, blessée, recroquevillée dans un coin avant de briser une à une les noires pensées qui l'habitent. Pourtant, il ne peut rien faire de cela. Il n'est pas dans un jeu-vidéo, il ne porte pas d'épée, ni de cape. Il est loin du héros héroïque. Alors, il se contente d'approcher et d'attraper délicatement les poignets de Seito pour qu'il arrête de se presser les yeux.

"Arrête, tu vas te faire mal."

Il finit par lâcher ses poignets, il ne recule néanmoins pas, comme pour lui montrer qu'au moindre signe de faiblesse, il serait là pour le rattraper et l'aider à se redresser.

"Je t'interdis de dire ça, Seito. Tu n'es pas un pote de merde, tu fais beaucoup pour les autres et pour moi."

Yulian prit une légère inspiration, repensant aux moments passés avec le Mori et surtout celui après l'examen de travaux pratiques en physique-chimie.

"Grâce à vous, grâce à toi, je reprends doucement goût à tout ça. Alors ne te flagelle pas. Après tout, les potes sont là pour les bons comme pour les mauvais moments, c'est ce qui fait la différence entre un ami et une connaissance, non ?"

Seito

Awful

Sam 7 Sep 2024 - 14:16

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

Les compliments de Yulian ne l'atteignent pas. C'est normal, il ne peut pas savoir. Il ne peut pas comprendre ce qui le tourmente au quotidien au point de déborder ici et maintenant, à l'apogée d'un nouveau tournant dans sa vie morcelée. Ours polaire esseulé sur son morceau de banquise, il se laisse dériver dans cet infini bleuté que seul l'horizon délimite. Au bout le vide, au bout la chute. En attendant, il n'y a que la faim et ses crocs insatiables plantés dans son cœur. Détourner la douleur par une autre, il en est réduit à ce subterfuge. Pression désagréable sur ses globes oculaires, ce n'est pas suffisant. Le déchirement est tel que tout autre maux fait pâle figure à côté. Mais il ne peut en supporter davantage, il a déjà tant souffert. Il ne devrait pas avoir à lutter indéfiniment, prouver sa valeur devrait être inné. Est-il à ce point incapable en plus d'être un idiot ?

Soudain ses poignets brûlent. L'alerte vibre jusque dans sa boîte crânienne, il en a le souffle coupé. Le japonais s'insurge mais déjà il est libre. Entraves invisibles que l'absence de ses doigts sur sa peau fragilisée par le chaos de ses émotions. Son regard perdu trouve un point d'accroche dans les pupilles orangées de son ami. Pour autant, la houle le fait tanguer, ses iris charbonneuses vibrent d'incompréhension. Se faire mal est tout le but de la manœuvre. Souffrir différemment pour oublier, ne serait-ce que temporairement, est l'unique solution. Ce n'est pas de gaieté de cœur mais c'est tout ce qu'il a à sa disposition. Alors tant pis si cela choque, il ne peut se résoudre à cacher ce subterfuge plus longtemps.

« C'est ça qu'tu comprends pas, il devrait pas y'avoir de mauvais moments. J'devrais être celui qu'est là pour vous, pas l'inverse. J'veux pas être comme ça, j'veux pas être un poids pour qui qu'ce soit et surtout pas pour vous. »

Rageusement, il se rassoit sur la moto sans la chevaucher. Un bouffon, voilà ce qu'il est. Le dindon d'une bonne grosse farce alimenté par le rire de ceux qu'il ose appeler amis. Tous ces gens qui tolèrent sa présence, les y a-t-il contraint ? Se sentent-ils forcés de lui accorder de leur temps ? Pendant encore combien de temps prétenderont-ils l'apprécier ? La tension s'accapare ses épaules, engourdit sa nuque. Ses mots dépassent sa pensée quand il crache :

« J'sais pas c'que j'fous d'ma vie alors comment tu peux dire que j't'aide ? J'fais rien du tout, j'suis juste là, j'sers à rien. J'serai pas là que ce s'rait pareil. »

Sam 7 Sep 2024 - 20:00

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Le Russe connaissait parfaitement cette manoeuvre, celle de se faire mal physiquement pour oublier une douleur plus abstraite, celle qui t'empêche de redresser la tête, de respirer. Une douleur physique qui lui permettait de ne pas se noyer, de rester accroché à la réalité d'une manière ou d'une autre. Ou parfois... Une douleur punitive, celle pour calmer la culpabilité. Yulian ne pouvait être sûr de la volonté cachée derrière ces doigts appuyés mais il se doutait que c'était un artifice, un subterfuge. Il y avait autre chose derrière, il en était certain, le corps, les mots de Seito criait son mal-être. Toutefois... Yulian peinait à agencer les morceaux du puzzle.

Ne pas vouloir être un boulet ? Tout garder pour soi pour protéger ses proches ? Yulian eut un sourire amer à ses mots, tout simplement parce que Seito avait beau dire qu'il ne comprenait pas, ça, il le comprenait très bien. Il savait ô combien il était difficile d'accepter de montrer ses mauvaises parties de soi aux autres, qu'on veut montrer que le soleil, l'apaisement et masquer la tourmente pour n'inquiéter personne.

"Crois-moi, c'est ce genre de comportements qui peinent plus les autres. Tu auras beau tout cacher, tout masquer, la douleur elle est là. Puis le jour où ton cerveau, ton coeur et ton corps ne supporteront plus tout ça. Tu craqueras, tes proches verront et ils s'inquiéteront encore plus pour toi. Ils s'en voudront de ne rien voir, ils s'en voudront de ne rien pouvoir faire, de n'avoir rien pu faire. Et là, tu te sentiras comme le plus... Misérable de cette terre. Parce que tu auras fait souffrir ceux qui croient en toi et qui t'aiment. "

Yulian l'observa se rasseoir sur sa moto et continue à l'écouter. Il comprenait Seito, à la différence où lui avait su s'exprimer là où Yulian s'était enfermé dans un profond mutisme et un rejet de l'autre. Seito avait raison de s'énerver, de parler. C'était un bon pas. Leurs vécus sont différents, leurs problèmes sont différents mais leurs souffrances au final... Elles étaient là. Et Yulian comprenait mieux que quiconque l'angoisse, la douleur que c'est de sentir son corps, son esprit se faire submerger à s'en étouffer. Lorsque le coeur est prêt à imploser, que l'esprit est au bord de la fracture. Toutefois, le russe espère et aimerait que Seito ne vive jamais le jour où son esprit perd la bataille, où tout s'effondre, ce jour où tout perd de son goût.

"Non, ce ne serait pas pareil. Car tu es unique. Tu es imparfait, comme tout le monde, mais tu es Seito Mori, celui avec qui je partage des choses. Pablo est Pablo, quelqu'un avec qui je partage d'autres choses. Si tu n'étais pas là, qui m'aurait ramassé à la petite cuillère après ce foutu TP à l'exam ? Si tu n'étais pas là, à qui j'apprendrais des trucs pour foutre un capitaine au sol sur le terrain ? Si tu n'étais pas là, qui honorerait notre promesse ?"

Yulian inspira doucement, il parlait beaucoup, trop. Mais il ne voulait pas que Seito garde profondément ancré dans sa tête cette idée. Yulian voulait y planter de force la graine du doute pour qu'elle germe et que plus tard, la fleur de la confiance en soi puisse s'y épanouir. Peut-être qu'à la place de tenter de démonter ses propos, il était temps de lui montrer qu'ils n'étaient pas si différents tout les deux ?

"Crois-moi, cette idée de ne pas savoir ce que tu fous dans ta vie, je le comprends. Je suis pareil... Tout simplement parce qu'il y a peu de temps encore, je me demandais s'il y aurait un lendemain, une suite, un avenir quelconque. J'avais perdu le goût de tout. Je me sentais à ma place nulle part, que ce soit chez moi, à l'école, au Japon ou en Russie."

Seito

Awful

Mer 18 Sep 2024 - 17:14

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

Le corps de Seito se détache de la moto et fond sur Yulian. Il l'enserre de ses bras, enfouit sa tête dans son cou, crochète ses mains dans son dos. Le monde s'évanouit dans la douleur quand, de sa peau, jaillissent des milliers de fourmillements. Chacune de ses terminaisons nerveuses s'insurge de ce siège improbable. Mais son corps serre davantage son ami. La douleur est préférable à l'abattement que ses paroles ont suscité. Sa gorge se comprime, ses paupières se ferment et il lutte, de toutes ses forces, inexorablement, contre le mal de mer qui fait tanguer ses pensées entre la peste et le choléra.

Malade mais bien vivant contre ce corps chaud, vivant lui aussi. Malade de ce rapprochement que son corps a réclamé sans le consulter. La faute à ses amis justement, à tous ceux qui ont placé un morceau de confiance en lui. L'espace d'une seconde, Seito leur en veut. A cause de leur patience, de leur bienveillance et de leur ténacité, il crève de leur présence. En attestant de son utilité, Yulian commet l'irréparable et le condamne à une vie dépendante. La flamme ne brille que dans leurs yeux, trop éloigné il s'essouffle et s'éteint. Mais il ne peut s'empêcher de lui en être reconnaissant car, par des raisons superflues, le russe justifie une raison d'être.

Seito a toujours revendiqué son unicité. Bec et ongles, il a défendu cette singularité jusqu'à réaliser, cinq ans plus tard, que ses efforts étaient vains. Alors, aussi étonnant que cela puisse paraître, il se fiche pas mal d'être unique, il en rejette la théorie fermement. Cela ne lui a rapporté que des ennuis. Dans cette société aplanie par les normes, la moindre sortie de route est réprimandée à défaut d'être fatale. Et s'il se retrouve dans cette salle d'arcade à enlacer son ami plutôt qu'à enlacer sa sœur, c'est justement parce qu'il est incapable de se remettre sur le droit chemin après une énième incartade. Les blessures de cet accident ont ravivé toutes ses angoisses.

Angoisses partagées dans cette étreinte impromptue, bulle d'oxygène éphémère que les picotements attaquent à répétition jusqu'à ce qu'elle éclate. En silence, Seito se détache. Ses bras gourds échouent de part et d'autre de ses flancs, son corps impose à nouveau un périmètre d'espace vital. D'ordinaire bavard, les mots lui font défaut alors il reste planté là, inutilement présent. Son geste mérite pourtant des explications. Soudain et brouillon, il se s'était jamais montré tactile avec Yulian. Et sans doute que le russe lui en veut à présent, de ne pas l'avoir prévenu, d'avoir été expansif. L'envie de le libérer de ces obligations imposées effleure Seito mais il ne veut pas être seul. Pas après leurs aveux avortés.

Sa langue humidifie ses lèvres alors que son regard balaye le sol nerveusement. Parler, peu importe la justesse du contenu, simplement briser ce silence abrutissant, ponctué par les musiques répétitives des bornes d'arcade autour d'eux.

« Viens. » souffle-t-il.

Ses doigts s'enroulent avec douceur sur le tissu du haut de Yulian afin de l'attirer à sa suite. Il le mène jusqu'au comptoir où il achète auprès d'un vendeur trop enthousiaste, avec le reste de ses économies, deux dorayakis en sachet et deux canettes de melon soda. Les bras chargés, il repère ensuite une banquette libre et dépose ses emplettes sur la table basse attenante. Une fois assis il décapsule la première canette et la pousse vers Yulian à qui il déclare :

« Tu pourras pas dire que ça, ça a pas d'goût. »

Une manière subtile de faire comprendre à son ami qu'en attendant de trouver une place quelque part, il peut au moins prendre place à côté de lui.

Dim 22 Sep 2024 - 20:38

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Il faut croire qu'il avait beau se montrer droit, fort, Yulian restait un adolescent brisé par la vie. La discussion le chamboulait plus qu'il ne souhaitait le montrer et lorsque Seito fond vers lui pour une étreinte, Yulian ne résiste pas, il ne résiste plus à l'affection qu'on peut lui montrer. Il reste immobile quelques secondes puis... Ses bras tremblants se lèvent pour entourer Seito et le serrer à son tour. Sentant le visage de son ami dans son cou, Yulian ferme les yeux et pose sa tête sur la chevelure de son camarade, inspirant profondément pour tenter de calmer les vagues de plus en plus hautes menaçant de faire chavirer son coeur.

Il ne devrait pas... Pourtant, les yeux fermés, il se laisse aller à imaginer son frère à la place de Seito. Pouvoir serrer Demyan contre lui, le rassurer, lui promettre qu'il serait là, toujours là. Sans doute à cause de ses pensées, Yulian resserre un peu plus la prise contre lui, le bord des cils humides, refusant de laisser cet étreinte s'envoler, refusant de voir l'image si rassurante s'effriter et se confronter à la dure réalité. Cette étreinte avait beau être réconfortante, Seito n'était pas Demyan et bien que le garçon apprécie son ami, cette constatation était horriblement douloureuse. Seito, aussi gentil soit-il, ne pouvait combler la part manquante de lui-même. Ni Pablo, d'ailleurs. Il serait à jamais... Un demi-être humain. Une personne incomplète.

Alors que son ami lui fait comprendre par son mouvement de corps qu'il souhaite se détacher, Yulian abandonne cette vision réconfortante et lâche prise, retombant douloureusement dans la réalité. Il ouvre de nouveau les yeux et son regard humide se pose sur son camarade. Gêné qu'il puisse remarquer son état, le russe lève le bras et essuie ses yeux. Pas qu'il ne se sente pas en confiance avec le Mori mais, ce n'était pas le russe qui devait afficher sa douleur aujourd'hui, il devait plutôt accueillir celle de son ami.

"Tu m'as surpris."

Cette réaction avait été surprenante, Yulian ne s'y attendait pas et pourtant, il l'avait accueilli à bras ouverts. Le jeune homme inspira doucement, ne sachant comment reprendre la conversation. Seito fit donc le premier pas et l'attrapa délicatement par le tee-shirt pour le mener à un vendeur. Le russe le laissa faire et le suivit, lui et ses achats, jusqu'à une banquette. D'une main fébrile, il se saisit de la canette et reste un instant surpris par la remarque de son camarade. Il eut alors un léger rire et se laissa tomber sur la banquette pour masquer les larmes qui tentent à nouveau de se faire voir. Il goûte une première gorgée et répondit.

"En effet, ça a du goût..."

Et il ne parlait pas véritablement de la boisson. Il parlait surtout de leur amitié, une amitié qui lui permettait de voir chaque jour, la lumière dans son monde de ténèbres. Sans ses potes, Yulian n'aurait sans doute jamais remonté cette fichu pente. Il glissait encore un peu parfois mais maintenant... Il sentait qu'il y avait des mains autour de lui pour empêcher sa chute jusqu'au sol.

"Seito... Quel est ton loup ? Ce truc qui te fait peur ou ... Te sentir plus bas que terre ?"

Le loup... Cet animal qui apparaît souvent dans les cauchemars enfantins... Ou alors, une figure de menace : "Si tu n'es pas sage, le loup viendra te manger !". Yulian associait même sa dépression à un loup menaçant dans sa tête, prêt à se nourrir de ses peurs, à lui grogner qu'il n'était... Rien. Un loup assoiffé, non pas de sang, mais d'espoir et de lumière, ne laissant que les ténèbres et la douleur au Russe.

Seito

Awful

Jeu 26 Sep 2024 - 22:01

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

« Mon loup ? »

Alors que Seito décapsule l'autre canette, il jette un regard interrogatif sur Yulian puis comprend ce qu'il entend par là.

« Oh... »

Aussitôt son regard s'abaisse et ses lèvres s'affinent. Plutôt que de s'enfoncer dans la banquette, il reste légèrement penché vers la table. Leur discussion est sensible et il détesterait que des oreilles indiscrètes les entendent. Son index circonvolutionne sur le dessus de la canette tandis qu'il cherche ses mots. La liste est longue, trop longue pour être énumérée. Mais surtout, il n'a pas un jour de repos. La peur stagne dans chaque recoin de sa tête et se manifeste dès l'instant où la réalité entame ses barricades. Sauf qu'il y en a bien une qui le maintient éveillé. Celle-la même qui a provoqué tout ce drame. Il est dans cette salle d'arcade à cause d'elle. La compagnie de Yulian est de son fait. Pour et contre s'amalgament, si bien que Seito choisit de l'évoquer sans détours.

« Disparaître... »

Sa respiration est lourde, comme si elle portait à elle seule le poids de cette révélation. La gorge soudain sèche, il boit une première gorgée de melon soda. Le sucre agresse violemment ses papilles, il repose la canette sans la lâcher pour autant. Ses sujets acclament son roi, lui donnent le courage de poursuivre ses confidences.

« Disparaître aux yeux des autres. »

Son regard reste rivé sur la table basse alors qu'un rictus moqueur, envers lui-même, lui fait souffler du nez.

« Toi aussi tu finiras par réaliser que j'suis qu'une putain de fraude. Et j'disparaîtrai de ta vie... »

Ils le feront tous, un par un, chacun à leur rythme. Seito en est convaincu, son cul sur cette banquette en est la preuve. Pour l'heure, ses amis demeurent mais quand ils connaîtront la supercherie, jamais ils n'accepteront de le garder proche. Mathéo est l'exception sauf qu'il finira par se lasser lui aussi. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il exige une réciprocité verbale de son amour. Et alors, qu'adviendra-t-il quand le japonais sera incapable de lui donner ? Ses doigts pressent le métal et il porte la canette à ses lèvres. Échange de regard incisif, c'est donnant-donnant.

« Et toi ? »

Sam 28 Sep 2024 - 14:21

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Disparaître ? Une réponse bien énigmatique pour lui qui n'avait souhaité que ça, disparaître de cette surface de la terre, effacer son existence. Si un jour on lui avait laissé la possibilité d'effacer la moindre trace de son existence sur cette terre, Yulian sans doute sauté le pas sans une once d'hésitation. Disparaître ? Il n'en avait pas eut peur, pour le plus grand malheur de ses parents, sentant leur second fils glisser entre leurs doigts à son tour.

Seito vint à rajouter quelques mots, à expliciter ses mots, ses pensées et Yulian comprend d'autant mieux. N'exister qu'au travers du regard des autres. Fût un temps, Yulian subsistait qu'à travers ces derniers, il n'était plus que l'ombre de lui-même et alors, s'il avait disparu aux yeux des autres. Comment aurait-il subsisté ? Les deux jeunes hommes n'ont pas la même problématique ni les mêmes peurs, pourtant, en ce moment, Yulian comprend cette crainte, lui qui reprenait goût à la vie grâce aux autres, si on le laisse tomber, comment pourrait-il remonter la pente ? Pour poser ses pensées, l'adolescent but une nouvelle gorgée.

Lorsque que Seito complète ses pensées, Yulian eut une soudaine envie de lui coller une légère tape derrière le crâne pour lui remettre les idées en place, pourtant, il se retient. La douleur, les pensées, c'étaient personnels, subjectifs, on n'a beau se battre contre, elles reviennent toujours te hanter, te rire au nez.

"Rassure-toi, vu qui je suis, il serait malvenu de ma part d'exiger de toi d'être meilleur."

Yulian tapota des doigts sur sa canette, il était bien difficile de trouver les mots justes pour extirper cette pensée de la tête de son camarade. Il n'avait qu'une envie, rentrer à l'intérieur de l'orage dans sa tête et serrer contre lui le Seito blessé.

"J'ai besoin de toi, de vous sinon... Je pense m'effondrer à nouveau. J'ai pas besoin que tu sois parfait, que tu sois le premier de la classe, le meilleur médecin de la terre à venir ou l'auteur du prochain best-seller. Ca, je m'en fous. Ta personne me suffit, Seito. Elle nous suffit, toi et tes qualités, toi et tes défauts, toi et tes réussites. Toi et tes peurs."

Yulian croise le regard de Seito et afficha un léger sourire amer quand il lui retourne la question. Yulian ne peut plus se défiler mais c'est ainsi, c'est le prix à payer pour que Seito se confie à lui. Un secret pour un secret, un aveu pour un aveu. Le jeune homme baissa le regard vers sa cannette, il la posa sur la table, joignit ses mains un instant et les serra à s'en faire mal aux doigts avant de poser ses coudes sur ses genoux. Ses jambes commencèrent à tressauter pour évacuer l'angoisse canalisée dans son coeur, dans sa tête dès qu'il se doit d'aborder le sujet.

"J'ai plutôt une meute dans ma tête, je dirais. Ou alors mon loup revêt plusieurs visages... J'en sais trop rien. Il y la dépression qui me bouffe la lumière. Une profonde colère. Il y la culpabilité aussi... Et le manque. "

Un douloureux manque qui se faisait sentir chaque jour, parfois plus ou moins douloureusement. Certaines journées, il avait l'impression qu'il ne serait plus jamais capable d'être pleinement heureux, à certains moments, il avait l'impression que son coeur allait exploser de douleur, que l'air lui manquait et qu'il s'étouffait. C'était douloureux. Difficile ET douloureux. Il avait beau sourire, rire, la douleur était toujours présente. Parfois, il aimerait que la douleur le fasse glisser dans la folie pour lâcher tout contact avec le monde, les autres pour moins souffrir.

Seito

Awful

Dim 13 Oct 2024 - 18:21

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

Qui il est, justement Seito ne le sait pas. Et maintenant qu'il peut entrapercevoir un bout de sa personne, il est curieux. Parce que Yulian est bien plus farouche que lui. Bien souvent il reste seul et silencieux et ne semble pas être affecté par ce retrait qu'il s'impose. Pourtant, derrière ces retranchements se cache forcément une sombre explication sinon jamais il ne s'isolerait de la sorte. Quelque chose pèse sur sa conscience et affecte son sommeil. Le japonais ne veut pas nécessairement connaître la raison mais s'il peut l'aider, il le fera sans hésitation. En écoutant dans un premier temps, même s'il a bien du mal à reconnaître les qualités qu'on lui prête. Et encore plus de mal à encaisser cet aveu fabuleux que sa présence suscite.

Seito est important aux yeux de Yulian. L'information circule et répand tous ses bienfaits dans son corps. Son ami l'accepte dans son entièreté, qu'importe ses erreurs, ses jugements et ses plaies. Et c'est tellement douloureux à entendre alors que ses parents ne semblent justement plus capables de supporter ses errements. C'est pourquoi il préfère diriger les projecteurs sur Yulian à la place. Parler trop longtemps de lui pourrait lui tirer les larmes et il se sent trop fragilisé pour espérer les retenir. Et ça marche car alors la peine se déporte. Elle blanchit les articulations du russe, agite son corps de cette nervosité familière. Pour autant, Seito ne fait pas un geste.

Il encaisse les révélations, une après l'autre. Chacune soulève des montagnes de questions qui meurent entre ses lèvres serrées. S'il se lançait sur cette voie, ne serait-ce qu'une fois, il serait obligé de se livrer à son tour. Une transaction somme toute banale mais qui, dans cette situation, revêt une importance capitale. Il comprend la colère, il comprend le manque. Mais la dépression et la culpabilité lui sont inconnues. Le japonais lutte avec ses démons, en éprouve souvent de l'abattement mais il n'a quasiment jamais baissé les bras. Les quelques fois où le pire l'a traversé, il a trouvé une meilleure bêtise pour rebondir. L'excès plutôt que la fin.

Quant à la culpabilité, il n'est pas certain d'en avoir ressenti. Il en a pourtant dit des horreurs, il en a pourtant fait des idioties, mais aucune ne lui a valu des nuits d'insomnie tant il s'est toujours persuadé de la légitimité de ses actes. Même quand il repense à la dernière fois où il a vu sa sœur, il ne parvient pas à se sentir coupable. Il avait le droit d'être en colère. Après tout, elle avait osé le confronter à sa crainte la plus profonde. Ne pas être aimé par ses parents n'aurait jamais dû être une éventualité de son existence. Mais le fait est qu'il y est confronté de manière brutale en cette fin de septembre. Le regard vide, il acquiesce.

« Le manque, c'est le pire. Et la sensation de pas être assez... C'est... »

Une réalité avec laquelle il vit continuellement. Elle ressurgit à la moindre occasion et, autant elle passait inaperçue jusqu'à l'année dernière, autant maintenant elle est vivement réprimandée par Nolan. Ses doigts quittent la canette et s'entrecroisent nerveusement. L'ongle de son pouce attaque son confrère.

« Ça s'en va jamais quand on veut pas d'toi... »

Plus bas, il complète.

« ...surtout quand c'est tes parents qui veulent pas d'toi. »

Dim 13 Oct 2024 - 20:19

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

L'absence de Demyan était si douloureux, il avait tant besoin de son frère auprès de lui, cependant... Il n'arrivait parfois même plus à imaginer son quotidien avec son frère auprès de lui, comme si son cerveau avait décidé de cadenasser son imagination afin d'éviter que le Russe ne souffre d'un espoir impossible. Si son frère était là, auraient-ils continuer à être le miroir de l'autre ? Est-ce qu'ils auraient été dans le même dortoir ? Auraient-ils eut les mêmes amis ? Yulian inspira doucement tandis qu'il s'imaginait profiter des test du courage avec son frère, à se fiche la trouille, à rire à gorge déployée et à se protéger l'un et l'autre de chacun des dangers qui pourraient survenir. Le russe aurait aimé pouvoir profiter de tout ça avec lui ou simplement grogner à propos des examens, s'échanger les devoirs pour avoir moins à faire... Mais, à présent, il n'y aurait plus que des premières fois seul.

Un léger reniflement se fait entendre comme s'il ravalait ses larmes, ses pensées, sa douleur et le jeune homme releva la tête, sa canette légèrement déformée entre ses doigts sous la pression contenue dans sa tête, dans son corps. Il hoche distraitement la tête. Le manque était-il le pire ? Certainement car ce sentiment rendait concret l'abstrait. Si son frère ne lui manquait pas, il ne serait certainement pas tombé aussi bas. Mais son frère était son tout, son univers et lorsqu'une étoile vient à tomber, c'est toute la constellation qui se voit déséquilibrée et amputée.

Son esprit douloureux, malade continue néanmoins à accueillir les mots de son camarade. Et... Il y a quelque chose qui le surprend, quelque chose qui lui fait du mal. Surtout quand c'est tes parents qui veulent pas d'toi. Son ami semblait souffrir particulièrement à cause de ses parents. Mais qui étaient-ils pour ne pas vouloir de Seito ? De leur propre enfant ? C'était horrible à entendre et si les parents du Mori étaient là, ils auraient sans doute entendu une flopée de mots russes témoignant de la colère du jeune homme tant cette simple phrase le met en colère.

Les jumeaux avaient toujours été éduqués durement par leurs parents, voire même les oncles/tantes et grand-parents russes. Chaque ainé mettait la main à la pâte pour élever correctement les morveux. Toutefois, malgré les punitions et les engueulades peu agréables, Yulian et Demyan étaient sûrs d'une chose. Leurs parents les aimaient, les chérissaient de tout leur coeur. Pourtant... Après le décès de son frère, Yulian s'était demandé comment ses parents pouvaient encore le regarder, lui... Comment pouvaient ils encore l'accepter sous leur toit, s'inquiéter pour sa santé ? Pourquoi ne le rejetait-il pas ? Pourquoi ils continuaient de le consoler alors qu'il venait de leur faire perdre la moitié de leur coeur, l'un de leurs poumons ? Pourquoi ne le détestaient-ils pas autant que lui-même se détestait ? Pourquoi l'aimait-il... Encore ?

Il n'avait pas encore les réponses à ces questions mais après cet épreuve, il ne pourra plus jamais douter de l'amour que ses parents lui portent. Yulian se relevait pour eux... Et les gens pourront toujours critiquer son éducation, ses parents ont toujours été là pour lui et ça le rendait malade qu'un enfant puisse ne pas avoir le soutien qu'il mérite de la part de ses parents.

"Ce n'est pas normal."

Yulian posa sa canette et passa sa main dans ses cheveux afin de les repousser en arrière, attendant quelques secondes afin que son camarade ait le temps d'assimiler ce qu'il vient de dire avant de compléter.

"Un parent devrait être là pour son enfant, quoi qu'il arrive. Un enfant, ca fait des conneries, ca se construit et c'est la responsabilité du parent de l'accompagner et de l'aimer, qu'importe les difficultés."

Yulian jeta un regard circulaire dans la salle pour observer ceux qui s'amusaient sur les bornes comme si rien ne pouvait les arrêter, comme s'ils étaient intouchables. Yulian aimerait bien l'être. Au-delà de ses parents, le russe s'entendait très très mal avec les autres membres de sa famille, il sait donc à quel point ca peut être difficile de vivre avec des personnes qui ne s'intéressent pas à toi, à moins de pointer du doigt une erreur, une connerie, ou simplement ta présence afin de te dénigrer pour leur plaisir narcissique. Il apporte donc rapidement une nuance à ses propos.

"Mais on ne choisit pas sa famille. Mais au-delà du sang, il y a cette famille-là." dit-il en pointant du doigt le coeur de Seito. "Celle-là, tu peux la choisir. Parfois, il faut accepter de lâcher prise pour mieux rebondir."

Seito

Awful

Dim 27 Oct 2024 - 17:06

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

Qu'est-ce que la normalité ? On dirait un sujet de philosophie auquel il devrait sûrement répondre quand il entrera à l'université. Mais pour l'heure, il n'est pas certain d'avoir la réponse à cette question. Dans son monde la normalité veut que ses parents ne fassent plus l'effort de l'inviter aux fêtes de famille, qu'ils décident de lui retirer le titre de frère parce qu'après tout il n'en a jamais voulu, qu'ils rompent le lien qu'il a tenté de renouer. La normalité est un paysage grisonnant, des montagnes pelées et une bruine ambiante que le soleil ne parvient à réchauffer qu'au prix d'un effort surhumain. Il n'y avait peut-être plus que du noir en stock quand on a peint le tableau de son adolescence.

« Ça des conneries, j'en ai fait... »

Seito s'était montré créatif en la matière. Ce temps était révolu à présent, quelques sursauts mais rien d'équivalent à ce qu'il avait pu orchestrer dans son ancien lycée. Sauf qu'il avait brisé la confiance de ses parents, avait épuisé leur stock de patience puis avait délibérément piétiné son lien de filiation jusqu'à affirmer ne pas vouloir faire partie de cette famille. Saccagé par sa faute, il n'avait pas eu d'autres choix que d'accepter son sort. Tenter un rapprochement maintenant n'a plus aucun sens. Ses parents l'ont compris, il ne fait que rattraper le retard, aussi douloureux soit-il.

Son regard suit le doigt de Yulian. Le japonais observe son torse sans saisir réellement ce qu'il sous-entend.

« La famille du cœur ? »

Une moue lui barre le visage. Il se demande s'il est réellement possible de choisir. Parce qu'une famille, on n'en a qu'une. Un père, une mère, ce ne sont pas des rôles à la légère. Pièces maîtresses, Seito ne conçoit pas de les remplacer. Toutes les fibres de son être leur en veulent et pourtant, il ne parvient pas à se résoudre à lâcher prise, comme le suggère Yulian. Absolument tout le ramène inlassablement au jugement de ses parents et à ce bout d'adolescent en devenir qui ne demandait qu'à vivre au travers de leurs regards.

Au lieu de ça, il les a vus se détourner. Il a éprouvé la honte, il a senti la colère, il a emprisonné la logique pour ne plus éprouver que l'amertume. Il a bafoué la normalité pour se réinventer mais s'est perdu en chemin. Et les ronces ont griffé ses chevilles, et les orties ont incendié sa peau. Alors oui, peut-être que ses amis ont pansé quelques plaies, peut-être même que Mathéo a désinfecté certaines entailles dont la profondeur en aurait fait évanouir plus d'un, mais il n'est pas guéri pour autant. Car aucun d'eux n'a la pommade ultime.

« Rebondir, j'veux bien. Mais pour aller où, avec qui ? Je sais pas si j'suis capable de tout laisser tomber. »

Cette dernière affirmation a l'apparence d'un mensonge mais c'est la fragilité de la solitude qui s'exprime. Cependant, il ne peut cacher qu'il y a pensé. Partir très loin, pourquoi pas quitter le Japon sans regarder en arrière et vivre au jour le jour sans jamais plus se soucier de répondre à des attentes surréalistes.

« La fin du lycée me fait flipper de ouf. Je sais pas si j'vais rester ici, y'a trop d'inconnu, trop de trucs qui fonctionnent pas. J'veux un truc qu'on m'dit que j'peux pas avoir. Parce que c'est pas assez bien et que j'suis sans doute pas doué dedans. Et j'ai tellement envie d'aller leur dire de s'faire foutre. Mais de là à vraiment les envoyer se faire foutre... Nan, j'crois pas que j'peux. »

Dim 27 Oct 2024 - 23:48

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Cette journée n'était pas des plus faciles, Seito souffrait de sa situation et Yulian n'avait pas l'impression de pouvoir réussir à le tirer vers le haut. Il n'était pas capable de se protéger lui-même, comment pouvait-il prétendre pouvoir aider son camarade ? Sans doute que si Pablo ou Nolan se trouvait à sa place, ils seraient sans doute plus efficace. Ils étaient plus... Ils étaient meilleurs que lui, en tout cas. Pourtant, c'est Yulian qui se tenait aux côtés de Seito et il ne pouvait arrêter le temps afin d'échanger sa place avec l'un des deux autres.

Alors, Kristianov, remue-toi les méninges, réveille l'espoir et les cendres de l'optimisme en toi pour raviver l'éclat de malice dans les yeux du Mori. Sois un bon ami, pour une fois, à défaut d'avoir été un bon frère.

"On en fait tous. Moi le premier. L'une d'elle continuera à me hanter toute ma vie d'ailleurs."

Yulian prit une légère inspiration et releva la tête vers le plafond de la salle d'arcade, oui, il ne pourrait oublier ce jour, cette perte. Il y pensait à chaque réveil, se demandant si cela valait le coup qu'il se lève. Il y pensait le soir, espérant secrètement que les cauchemars laissent enfin place aux rêves pour qu'il puisse partager un instant de plus avec Demyan... Même si pour ça, il devait subir le réveil et sa disparition, sentant alors plus durement son absence.

Seito ne semblait pas vraiment convaincu par les mots de Yulian, ce qui ne le surprenait pas. C'était une étape difficile à passer que de dire adieu au sang, à ceux qui sont censés être nos mentors, nos protecteurs. Il lui fallait du temps, peut-être même qu'un jour, ses parents et lui-même sauront s'aligner et vivre plus paisiblement leur relation. Toutefois, le jeune homme lui répéterait encore et encore ces mots s'il le fallait afin de l'aider à réaliser les possibilités que son cœur pouvait ouvrir.

"J'en sais rien, jpeux pas savoir pour toi. Jte parle pas forcément de tout laisser tomber. Mais de saisir le positif qui s'offre à toi et laisser de côté ce qui te pèse. Enfin, c'est facile de dire ça, j'sais. Mais faut essayer."

Yulian cala son dos contre le mur et écouta attentivement la crainte de son ami, crainte qu'il partageait. Les fondements de celle-ci étaient différentes mais le résultat est le même. Plus le temps avançait, plus le jeune homme se sentait angoissé quant à l'idée de choisir ses études universitaires puis un métier... Tout cela signifiait trop de choses pour lui. Qu'il était en vie, qu'il avait un avenir et qu'il allait vivre. Lui pour qui, si longtemps, il avait eut l'impression d'être arrêté, de ne faire que survivre jour après jour. Comment pouvait-on d'un coup lui demander de se projeter ? Il en était encore incapable... Mais le temps filait entre ses doigts et ça le rendait malade d'avancer ainsi, de franchir les étapes... Seul.

"J'ai peur aussi. Peur de voir que je dois avancer alors que je voudrais simplement que tout s'arrête."

Courte et douloureuse inspiration qui ponctue cette phrase avant d'en amorcer une nouvelle.

"Je ne veux pas que le temps avance parce que je ne veux pas le voir s'éloigner."

Yulian déglutit et pour éviter que son camarade ne s'attarde sur ses mots, il enchaîna pour rebondir sur ses propos.

"Je pense que certains te l'ont déjà dit. Mais fais ce que tu aimes, on s'en fout de l'avis des autres, ce ne sont pas eux qui bosse, qui fournissent les efforts, qui traverse les difficultés. On m'a toujours dit que tout venait avec le temps, le travail. Alors défonce toi pour faire ce que tu aimes, devenir l'un des meilleurs et foutre ta réussite sous leur nez."

Seito

Awful

Sam 9 Nov 2024 - 21:44

DIMANCHE 30 SEPTEMBRE 2018

TW : évocation de suicide.

Yulian ne comprend pas, mais Seito ne fait rien pour l'éclairer. Parce qu'alors il avouerait qu'il craint plus que tout le changement maintenant que les relations sont cristallisées. La moindre poussière supplémentaire dans l'engrenage parfait le plan dans lequel il joue la victime d'une situation qu'il a provoqué. Y intégrer ne serait-ce qu'un grain de positif est une erreur qu'il n'a cessé de commettre depuis qu'il est sur ce campus. Puisqu'il n'y a pratiquement que ça à Kobe sans qu'il en saisisse la raison. Et ce positif le bouffe, lui ronge la couenne de cet espoir débordant qu'il pourrait, le moment venu, parvenir à se défaire des boulets qui l'ancrent fermement au sol.

Tous les visages de ses amis, de cette famille de cœur comme l'envisage Yulian, apparaissent. Un à un, ils ont fait sauter les verrous, libérant progressivement ses pieds et poings liés. Mais alors pourquoi n'a-t-il pas encore pris son envol ? Pourquoi a-t-il cette impression constante que ses ailes sont lestées de plomb ? D'ailleurs, il a parfois si mal qu'il se questionne sur leur existence. Peut-être les lui a-t-on arrachées et c'est la raison pour laquelle il plonge peu à peu dans la folie. Ce qui est complètement idiot puisqu'il a démontré depuis belle lurette qu'il n'est pas un ange. En y réfléchissant bien, abandonner tout ce qui lui pèse reviendrait à tout laisser tomber. C'est dire dans quel enfer il se trouve à présent...

Sauf qu'une silhouette connue semble errer sur les bords du Styx. Un écho de sa peine que Yulian lui renvoie de par sa peur réciproque jusqu'à ce qu'il décèle une faille. Un indice derrière le masque du quotidien qui, en temps normal, serait passé dans les mailles du filet mais qui, encouragé par les confidences, scintille dans le discours de son ami assombri par la futilité de la vie. De qui parle le russe, Seito n'ose pas de suite le demander. Mais la détresse qu'il perçoit est faite de la même matière que la sienne, poreuse et meuble. S'y embourber est une certitude, s'en sortir un coup du destin. Avant de plonger dans ce sable mouvant, il acquiesce aux dires de Yulian.

« Je sais tout ça. Mais ça m'fout tellement la pression que j'arrive à rater même c'que j'kiffe. Tout c'que mes parents ont à la bouche, c'est les notes. Faudrait que j'passe ma vie à étudier et même ça, ça suffirait pas parce qu'il faut tout réussir. Mais vraiment, à chaque fois que j'leur parle, la première chose qu'ils me d'mandent, c'est mes notes. Vu comment j'ai foiré les exams de juillet, j'vais devoir être parfait en décembre. Et toi comme moi, on sait que j'aurais pas cent partout... »

Le japonais secoue la tête de dépit. Il pourrait se mettre à travailler jour et nuit à partir de maintenant qu'il ne parviendrait pas à atteindre l'excellence attendue. Dans son for intérieur, il se doute que cela ne serait pas suffisant. Le simple fait d'avoir des bonnes notes ne gommera pas la défiance qui a repris pleinement ses droits entre ses parents et lui dès l'instant où on l'a cru capable de lever la main sur sa sœur. Un frisson de dégoût le traverse en repensant à l'étau des doigts de son père sur sa nuque. Pour en chasser l'arrière-goût, il s'empresse d'ouvrir le plastique du dorayaki. Au milieu du froissement, il interpelle son ami à voix basse :

« Yulian... »

Il finit de retirer l'emballage et plonge son regard charbonneux dans les iris orageuses du blond. Sans peser ses mots, la sincérité de la question fait tâche entre les dorayakis et les canettes.

« T'as souvent envie que tout s'arrête ? »

Dim 10 Nov 2024 - 16:58

Je les dirais pour toi. J'essayerais même d'y croire à ta place.

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

TW : évocation de suicide.

Les mots qui glissent hors de la bouche de Seito le griffent un à un tant Yulian trouve cette situation injuste. La souffrance de Seito s'entend dans ses mots, se sent dans son corps et brille dans ses yeux. Comment ses parents ne peuvent-ils pas voir à quel point ils détruisent leur enfant ? Ou alors pire, n'en ont-ils rien à faire ? Et cette perspective fait bouillonner une colère sourde en lui, Seito ne méritait pas de vivre une telle situation. Yulian savait à quel point le rejet des siens est difficile, douloureux pourtant lui, a encore le soutien de ses parents à ce jour. Qu'aurait-il fait s'il s'était retrouvé sans eux, le dernier rempart avant le gouffre ? Il ne serait sans doute plus là aujourd'hui pour partager sa douleur avec son ami et... Seito n'aurait eut personne à emmener à la salle d'arcade.

"En effet. Jpourrais te dire de faire de ton mieux et que ça passera mais on sait bien tous les deux que faire de son mieux, c'est que dans les histoires que ça arrange tout."

Le Kristianov posa sa canette sur la table basse devant lui et prend une profonde inspiration. Faire de son mieux... Aurait-il réussi à sauver son frère ? Qu'aurait-il pu faire de plus ? Aurait-il réussi à ne pas sombrer ? Ou alors à réussir à guérir en un claquement de doigts ? Non, ce n'était pas si simple, il avait beau essayé de rassembler ses forces pour combattre, il n'était qu'un soldat perdu au milieu du champ de bataille. Entouré des fantômes du passé, des échos douloureux mêlant accidents, espoirs, disputes et... Remontrances. Pourquoi êtes vous allé là-bas ? - C'était stupide. - Tu as tué ton frère. - Je l'ai abandonné.

"En tout cas... Qu'importe tes résultats, jpense qu'on sera, enfin... Nous, pas tes parents malheureusement mais les c*ns, ca change jamais. Nous, on sera fier de tes efforts et on t'apprécie tel que tu es."

Pourquoi était-ce plus simple d'être positif, d'apporter du réconfort à quelqu'un d'autre tandis que pour lui-même, Yulian sombrait dans les profondeurs sans jamais réussir à nager vers la surface ? Pourquoi ses mots si précieux lorsqu'il les prononçait pour un ami sonnait si creux à son propre coeur ? Peut-être que Seito était dans le même cas, que les mots de Yulian ne le touchaient pas non plus... Et dans ce cas... A quoi servait-il ? Si Yulian était incapable de soutenir un ami, de guérir pour ses parents, de se relever tout simplement. Alors, pourquoi es-tu encore là ?

Lorsqu'il entendit son nom être prononcé, Yulian s'efforça de s'extirper du brouillard pour se connecter à nouveau au moment présent. Son regard absent s'accrocha à celui de son ami avant de retrouver un peu de vivacité, écoutant cette question dont la réponse était malheureusement bien trop évidente à son goût. Yulian détourna le regard pour fixer devant lui sans vraiment observer. Il aurait pu mentir une nouvelle fois mais cette discussion sonnait sous le ton de la sincérité. Inclure un mensonge ferait voler en éclats ce moment... Pourtant, la réponse met du temps à venir, sa jambe commence à s'agiter de nervosité, de stress accumulé, envoyant des vagues dans son corps, tant la raison, le coeur et la douleur bataillent pour savoir que dire. Ses mains serrées l'une dans l'autre blanchirent sous la pression que Yulian exerçait sur sa prise avant de souffler sa réponse, dont on sentait y poindre la douleur puis une profonde colère.

"Oui, j'ai même essayé. Et j'en veux à ce putain de monde de continuer à tourner alors que mon univers s'est écroulé autour de moi... Et que je n'arrive pas à recoller les morceaux."

Seito

Awful

Recherche

Membre du mois

Top-sites

Les rps libres

Les demandes de rps

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus

Redis-moi les mots auxquels je ne crois plus