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Seito Mori
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Lun 11 Mar 2024 - 12:14
SAMEDI 18 AOÛT 2018



Kobe est avalé sous les rails. La ville s'étend sans discontinuer jusqu'à Osaka où ils changeront de train pour Nara. Seito n'en revient toujours pas. Que ce soit de la proposition d'un week-end tous les deux ou d'avoir accepté cette escapade. Il en avait été terriblement gêné dès l'instant où il avait réalisé ne rien pouvoir payer. Cela avait renforcé son sentiment d'inutilité et l'avait immanquablement ramené à sa condition d'adolescent mineur. En quoi Mathéo le trouvait attirant malgré tout, cela demeurait un mystère. Mais la perspective d'un énième week-end chez ses parents avait eu raison de sa décision finale. Il avait remballé son orgueil et accepté timidement, non sans avoir grandement épilogué dessus en amont.

S'étant rejoint à la gare de Kobe, ils n'avaient pu montrer leur affection qu'à travers un jeu de regards. Et très vite, la parole avait pris le dessus. Six ans qu'il n'était pas allé à Nara. Après l'annonce fatidique. C'était étrange d'y retourner avec Mathéo. Tant d'eau avait coulé sous les ponts. Seito se demande à quoi ressemble la ville sans le spectre de la colère. Tout lui avait paru idiot. Les cerfs, les temples, les touristes. Tant de souvenirs amers qu'il ressasse, le regard fuyant à travers la vitre du train. Cela lui remue le cœur et presque instinctivement, il recherche du réconfort. Son genou s'écarte et cogne gentiment contre celui de Mathéo. Puis lentement il tourne la tête et lui sourit. Et, comme si rien ne l'affectait, son enthousiasme reprend le dessus et il affirme :

« Si tu te concentres assez longtemps, tu peux inverser le sens du train et avoir l'impression qu'il va dans l'autre direction. Vas-y, essaye ! »

En arrivant à la gare d'Osaka, la connexion leur échappe de peu. Mais l'attente n'est que de trente minutes avant qu'ils embarquent pour Nara. Cela n'empêche pas Seito d'aller regarder par curiosité les livres exposés dans une des grandes vitrines proches des écrans pour l'annonce des voies. Un titre attire son regard. Atama ni kitemo aho towa tatakauna ! – Ne luttez pas contre les idiots même s’ils sont énervants !.

« J'me demande c'que raconte ce livre, le titre est marrant. »

Quand il revient porter son attention sur les affichages, la voie est annoncée et il ne leur faut pas longtemps pour trouver leurs places dans le train. Seito se remet contre la fenêtre et scrute les voyageurs encore sur le quai. Quelques minutes après que le train ait démarré, Seito demande à Mathéo :

« Ça te dérange si je lis un peu ? »

Ne recevant pas de refus, il sort le livre de son sac et cale son dos entre le siège et la fenêtre pour se mettre à l'aise. Le marque-pages échoue entre ses cuisses et il poursuit sa lecture des Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas que Mathéo lui avait conseillé. Par moment, il commente ce qu'il lit et détourne les yeux pour regarder le paysage. C'est aux alentours de 17h30 qu'ils arrivent finalement en gare de Nara. Après avoir profité de la climatisation du train, la chaleur leur tombe dessus plus écrasante que jamais. Mais Seito ne s'en montre pas perturbé outre mesure. Il est même particulièrement impatient de rejoindre le logement que Mathéo a réservé. Et le ryokan se révèle être au-delà de ses attentes dès l'instant où il pose les yeux sur la petite devanture.

Ce n'est qu'une fois seuls dans la chambre, son sac à dos encore sur les épaules, les yeux posés sur les deux futons au sol, qu'il réalise l'étendue de ce week-end. Mais bien vite, il chasse les milliers de pensées qui le traversent et déclare, tout sourire :

« Ce soir, on est colocs ! »

Les lanières glissent sur ses bras, le sac s'échoue contre le mur. Ses pieds nus parcourent les tapis tressés alors qu'il pose un regard curieux sur tout ce qui l'entoure. Mais une envie bien précise se rappelle à lui. Qui s'était manifestée à la gare de Kobe alors que Mathéo marchait vers lui. Et qui avait ressurgi quand leurs genoux s'étaient touchés. Seito pivote pour faire face à son petit-ami et comble rapidement la distance entre eux. Sans donner d'indice sur ses intentions, il se contente d'un simple :

« Maint'nant j'peux l'faire. »

Puis ses doigts fondent sur la nuque de Mathéo qu'il attire à lui pour déposer un baiser tendre sur ses lèvres.



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Sam 13 Avr 2024 - 23:33
Le monde ne tourne rond qu'à l'intérieur du cercle de tes bras


18 aoüt 2018

Le paysage défile et Mathéo sourit. Il s’inverse si facilement, en miroir, sous ses yeux désireux d’en contraindre l’espace-temps que ça en est déconcertant. Seito ne mentait pas, la réalité ne tient qu’à un semblant de perception. C’est aussi stupéfiant qu’inquiétant. En est-il de même pour la vie ? En contemplant le sourire de son petit-ami, il lui semble que oui.

Il y a un an, à cette même période, il déprimait seul chez lui. Le japon lui semblait être une terre désolée friande de son âme et de ses regrets, il n’en jouait le jeu que pour mieux s’y désintégrer. Ce n’était pas grave, qu’avait-il d’important à conserver de lui-même ? Tout était à jeter. Son masque et sa lâcheté, ses silences et ses souffrances entrecroisés, son désir pour la main de Midas, incarnée dans ces corps masculins qui le comblaient seulement de désespoir et que parfois il haïssait de vouloir tant toucher. Tant pis s’il en disparaissait, figé dans l’or de sa décadence. L’amour n’était pas même un rêve, la vie terrestre lui semblait bien cruelle. Il ne tenait que par entêtement, celui de croire qu’en feignant l’impossible il pouvait réussir à être heureux lui aussi. La vie, c’est comme les études : il suffit de travailler dur pour en surmonter toutes les épreuves et en sortir diplômé. Il s'en était persuadé et devait donc essayer, encore et encore, plus et d’avantage, tant pis s’il étouffait. Essayer jusqu’à la dernière respiration, mourir en ayant tout tenté. Il y a un an, il ne connaissait pas encore Seito. Du moins, pas vraiment. Ombres de passage au club de littérature, ils n’avaient pas encore pris la peine de se détailler ni d’échanger. Aujourd’hui, il se demande encore comment tout a pu changé. Il avait suffit d’un Seito Mori pour que toutes ses perceptions s’inversent.

Certes, la transfiguration avait été vertigineuse. En y repensant, il en avait encore de sombres palpitations parfois. Mais qui aurait cru qu'il aurait suffit de quelques bonbons échangés et d’une seconde de liberté offerte dans l’espace de leur imaginaire pour que la monochromie terrifiante de son cœur ne se colore et se pare des couleurs de l’arc-en-ciel ? Surement pas lui.

Dans le train qui les mène à Nara, Mathéo a bien du mal à détourner les yeux. Ça ne le dérange pas que Seito tue le temps en lisant, ça ne lui offre que mieux le loisir de l’effleurer avec les yeux. Il ne laisse rien échapper à sa tendresse, ni les mimiques que portent ses joues, ni les commentaires qu’il lance dans les airs, ni la beauté que gagne le paysage lorsqu’il le contemple. Quelques fois au cours de leur trajet, il ose un rapprochement physique. Un genou qui vient cogner contre lui, une main qui se pose près de sa cuisse, il se rapproche une ou deux fois en prétextant vouloir vérifier de quel passage il parle dans ses commentaires spontanés. Juste le temps d’une bouffée de son odeur, d’un échauffement corporel passager. Le temps lui semble long à tant désirer le toucher.

La chaleur de Nara est écrasante. Mathéo descend au goulot le reste de sa gourde. Il ne se fera jamais à la chaleur étouffante des étés japonais. Heureusement, le Ryukan qu’il a réservé n’est pas très loin de la gare, il leur faut à peine marcher 15 minutes pour s’y retrouver. La devanture tout en bois anime son cœur d’une douce satisfaction. Il lui avait fallu révéler tous ses talents d’enquêteur pour trouver un Ryokan confortable tout en restant dans un style traditionnel et dont le prix serait raisonnable sous peine que Seito ne refuse finalement son invitation. Heureusement, la perle rare se trouve désormais devant leurs yeux et maintenant qu’ils y sont, Mathéo réalise comme il est fou que Seito ait accepté sa proposition de week-end en amoureux. Comme il était encore plus fou qu’il n'ait eu le courage de l'invité. Lui qui craignait toujours les qu’en dira-t-on se surprenait à les laisser de côté. En enfilant les chaussons que la gérante leur offre avec bienveillance à l’entrée, Mathéo se remercie d’avoir osé. Il s’est rarement senti si heureux et enthousiaste. Pour une fois, les vacances le font rêver.

La chambre qu’on leur a attribuée est sobre mais charmante. Un tableau tressé décore l’un des murs, il y a peu de meubles : un petite table basse sur laquelle repose un ventilateur et un petit meuble à étagères vides. La penderie est insérée derrière une porte coulissante et en réalité seuls les deux futons posés au milieu de la pièce l’orne vraiment. Le cœur de l’étudiant vrombi en les découvrant. Dormir avec Seito... c’était là quelque chose de l’ordre de l’inimaginable et pourtant... ces deux futons sont bien là. Son sac à dos tombe de ses épaules, Mathéo le dépose sur la table basse. C’est le poids du monde qui lui en tombe également. Pour la première fois depuis bien longtemps, il se sent en sécurité et en paix. Ici, il n’y aurait que lui et Seito. Sans crainte d’une quelconque intrusion, sans colocataires de qui se cacher, sans angoisses à garder sous le coude. Juste eux et la liberté dont ils ont besoin.

« Oui... » répond l’étudiant, sourire timide aux coins des lèvres. Cette nuit, ils seraient bien plus que de simples colocataires. Ils seraient ensemble. Dans l’espace infini de leur amour, dans un cocon rien qu’à eux. Cela mérite peut-être d’être soulevé mais Mathéo hésite, intimidé par ce que cela pourrait induire une fois cette intimité recouverte d’obscurité pour les protéger. Du reste, son petit ami prend les devant en l’embrassant. Alors, la question ne se pose plus. Elle s’efface, son encre s’évapore contre les lèvres de Seito. Ne reste plus que la chaleur qui envahit son coeur et son corps qui réclame la tendresse du sien. Son bras passe dans son dos pour l’attirer tendrement contre lui tandis qu’il lui rend la douceur de son baiser. Ses doigts libres survolent sa mâchoire, frôlent sa joue avant que sa main n’en épouse les lignes. L’électricité qui les traverse soulève les poils de ses bras et lui courre délicieusement sur le dos. Mathéo pose son front contre celui du lycéen, un instant, le temps de se remettre de ce baiser qui lui picote encore les lèvres. « Merci… j’en mourrais d’envie aussi » murmure-t-il, yeux encore fermés. Son coeur profite de l’impulsion pour lui arracher les mots qu’il retenait : « Ce soir, on est enfin tous les deux. Rien que tous les deux. ».

Ses lèvres s’étirent, il rouvre les yeux. « J’espère que tu ne ronfles pas » souffle-t-il sous le ton de la plaisanterie. Le nez de Seito se voit gratifié d’un baiser lui aussi et Mathéo s’éloigne, prétextant s’intéresser à la longue mais basse fenêtre coulissante de leur chambre. Sous sa peau, sa chair est en ébullition, s’ils continuaient, qui sait ce qu’il tenterait ? Il s’accroupit et tire avec prudence sur la fenêtre. Le bois grince un peu et ce qui sert de « vitre » , opaque, se met à trembler. Dehors, la vue vaut le coup d’oeil : de la végétation à perte de vue et le centre ville de Nara un peu plus au loin. Assis, on peut même y voir le ciel. Il referme, satisfait,  et branche le ventilateur. Pour l’instant, il fait trop chaud pour aérer.

« La porte derrière toi, ça doit être la salle de bain. » soulève-t-il en la pointant du doigt. Sur les photos, elle n’avait rien de grandiose : toute carrelée et blanche, des toilettes, un lavabo à l’étroit et une petite baignoire. Il s’était dit que ce serait toujours mieux que les bains publiques. Attiré comme un aimant, il revient néanmoins réduire la distance entre eux. Dans son dos, ses bras passent autour de sa taille pour l’enserrer et son menton trouve sa place dans le creux de son épaule. « On a un peu de temps avant de manger, qu’est-ce que tu aimerais faire ? D’ailleurs, tu préfères manger ici ou en ville ? »
 
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Jeu 18 Avr 2024 - 16:55
SAMEDI 18 AOÛT 2018



Rien que tous les deux. Cette affirmation fait le tour de sa tête sans qu'il n'ose la saisir en plein vol. Seito relègue au second plan ses implications et se concentre uniquement sur son corps pressé contre celui de Mathéo. Qui se décale les yeux rieurs alors qu'il rétorque :

« Même si je ronfle pas, je ferai exprès de ronfler juste pour que tu dormes pas. »

Pommettes gonflées, il gomme d'une main rapide le baiser sur son nez et s'étire comme s'il voulait toucher le plafond. Il extirpe son portable du fond de sa poche et sélectionne sa conversation groupée avec Nolan et Pablo. La salle de bain ne reçoit qu'un simple « OK » avant qu'il ne reporte son attention sur l'écran où il tapote son message. S'interrompant à nouveau quand les bras de Mathéo l'enserrent. Son sourire s'agrandit et il envoie son message. Puis il abandonne son portable dans sa poche et s'appuie contre son petit-ami.

« Mmh... en ville. »

Il a bien une envie mais il hésite à la communiquer à Mathéo. Parce que c'est un peu bête comme activité et pas foncièrement utile. Ses doigts courent maladroitement sur la peau de ses bras tandis qu'il incline la tête pour coller sa joue à son visage. La chaleur ne l'ennuie pas, il la recherche et accueille chacun de ses rapprochements avec soulagement. Il lui avait fallu plus d'une semaine pour  être touché à nouveau. Sans que son visage se crispe de cette angoisse sourde qui empoisonne son épiderme. Mathéo ne l'avait pas pressé et, une fois de plus, le japonais lui en était reconnaissant.

« Ça t'ennuierait de trouver un purikura ? »

L'honnêteté éteint ses doutes. Il décroche doucement les mains de Mathéo de sa taille et se retourne pour lui faire face. Ses yeux pleins d'espoir s'accrochent à lui alors qu'il tente une justification.

« Y'a pas assez de photos de nous deux sur mon mur. »

Ce n'est pas la moitié de l'explication. Mais il se souvient du mur dans la chambre de Mathéo et avec quelle envie il avait souhaité le même. Exposé au grand jour, ce bonheur ne pouvait qu'avoir existé. Seito veut en garder les preuves au cas où, plus tard, il aurait à enquêter sur les causes de sa mort. En poursuivant il sait qu'il s'expose à l'imprévu mais il aimerait que Mathéo accepte alors il ne s'arrête pas là dans son plaidoyer.

« Et puis c'est la première fois qu'on m'invite... que je fais tout ça. » Il englobe la chambre de ses bras. « Que je suis avec quelqu'un que j'aime... »

Un vent de panique souffle soudain dans ses iris.

« Beaucoup, que j'aime beaucoup. » insiste-t-il avant d'ajouter précipitamment, pour noyer le poisson : « Et avec qui j'me sens bien et... j'aimerais bien avoir un souvenir de ça. »

Le visage consumé par l'embarras, son regard fond sur le sol.



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Dim 21 Avr 2024 - 22:07
Le monde ne tourne rond qu'à l'intérieur du cercle de tes bras


18 aoüt 2018

« Un purikura ? » demande Mathéo, surpris. Il laisse son petit ami rompre son étreinte et tenter de l’amadouer de ses beaux yeux. Un coup habile, son cœur de sucre fond devant l’espoir brillant qu’ils lui soumettent. «Tout ce que tu veux » répondent les siens, esclaves de son amour. L’idée serait pourtant à mesurer sur une balance du pour et du contre. La petite voix de sa conscience le lui soumet, mal à l’aise de devoir lui rappeler que chaque preuve affichée de leur amour pourrait un jour se retourner contre eux. C’est un véritable tribunal qu’il lui faudrait en réalité convoquer, d’un coté la partie civile défendrait ses droits : n’est-il pas normal de souhaiter figer dans le temps des souvenirs heureux partagés avec cet homme qu’il aime ? L’idée l’intimide mais ne lui déplaît pas. Il a toujours adoré ses séances photos avec Anna et il aimerait partager avec Seito les fous rires que peuvent donner les montages que la cabine les contraint à faire à grande vitesse. Néanmoins, l’avocat de la défense crierait sûrement au loup : quelle utilisation en ferait le lycéen ? Comptait il afficher au grand jour ce qui ne pourrait plus passer pour une simple photo entre amis ? Qui aurait la naïveté de ne pas voir la proximité entre les deux jeunes hommes maintenant que l’amour avait grandit entre eux ? Mathéo pensait il pouvoir s’en cacher ? Impossible. Devant Seito, il déposerait le monde.

Sa pauvre conscience se fait balayer. Qu’en a-t-il à faire ? Il n'a pas envie d'y réfléchir pour le moment. Tout ce qui lui importe, c’est que son petit ami soit heureux. Et s’il lui faut frôler l’impudence pour rendre cela possible, ainsi soit-il. C’est amusé et attendrie qu’il reçoit le plaidoyer de Seito. Ne sait il pas qu’il a déjà gagné et qu’il n’y a aucune bataille à mener ? Mathéo le contemple, la tendresse au fond des yeux. Comment fait-il pour être si adorable ? Ses lèvres s’entrouvrent, prêtent à donner sa sentence : un oui qui devrait le rassurer. Elles s’empêchent néanmoins de libérer le son de son accord, se retiennent, juste encore un peu, Seito ne semble pas avoir fini son argumentaire. Il lui reste de quoi dire pour se justifier et cela fait sourire Mathéo que de l'écouter.

C’est innocent et naïf qu’il se croit maître du monde, patient et prêt à saisir l’occasion et le plaisir d'offrir à son amoureux ce que celui-ci lui demande. Il ne s’attend pas au dernier coup de maître que lui prépare le lycéen à son propre insu, ses mots le désarçonnent complètement. C’est un échec et mat. Il en est détrôné.

« Que j’aime »

C’est là tout ce qu’il retient. Deux mots qu’il se prend en plein cœur et qui lui coupe le souffle.  L’ouïe le quitte, il n’entend rien de ce que Seito prononce à la suite. Ça n’a pas d’importance. Seul ce « j’aime » compte. Combien de fois s’était il imaginé l’effet qu’il ressentirait si un jour Seito pouvait le surprendre en lui glissant un simple « moi aussi » à tous les Je t’aime avec lesquels il cherche à lui caresser le cœur ? Le choc est plus violent qu’il n’aurait pu le prévoir. Son corps n’est pas fait pour encaisser un tel ouragan d’émotions. Il lui semble que la Vie se met à chanter.

L’une de ses mains se pose sur l’épaule de son petit ami, il a besoin de s’assurer qu’il est toujours bien éveillé, les deux pieds fermement plantés dans la réalité. La déception serait insupportable s’il se réveillait tout d’un coup. Heureusement, Seito est bien là, tangible, plus vrai que jamais. Mathéo le tire contre le lui et l’emprisonne dans ses bras, tout contre sa poitrine. Il ne sait plus quoi dire, ses cordes vocales se noient dans l’océan que déverse son cœur. Il a peur que sa voix ne déraille s’il tentait de les échauffer. Ses battements, lourds et irréguliers, lui donnent bien du mal eux aussi, il lui faut faire un effort pour ne pas s’essouffler. Il enlace son petit ami un peu plus fort. Bon sang... Ca ne devrait pas être permis d'aimer autant quelqu'un. Il en est persuadé: on peut mourir d'amour.

« Moi aussi » souffle-t-il à voix basse. Son japonais s’enfuit le temps d’une nouvelle phrase et il répète, parce que les mots lui viennent plus facilement en français : « Moi aussi je t’aime, Seito. De tout mon cœur». Ses bras se desserrent et il se penche pour déposer un baiser sur le haut de sa pommette. Heureux comme tout, il se surprend à être d'humeur joueuse.

« Un peu... »

Ses lèvres viennent chercher le creux de sa mâchoire tandis qu’il retrouve son japonais.

« beaucoup... »

Elles effleurent sa peau jusqu’à son cou et y dépose un troisième baiser. Un énième atterrie plus bas, près de sa clavicule et Mathéo reprend son décompte :

« passionnément... »

Son cœur accélère davantage lorsqu’il remonte la ligne de son cou jusqu’à sa mâchoire, dans un demi tour plus humide. Ses mains trouvent ses joues, elles l’obligent à relever la tête pour le regarder. Ses yeux baignent d’un amour bien plus grand que lui. Un amour dont il ne sait plus que faire.

« A la folie... » murmure-t-il en s’approchant de ses lèvres. Ses yeux se ferment, il l'embrasse délicatement.  «… On peut faire toutes les photos que tu veux » souffle-t-il entre deux baisers. L’une de ses mains quitte sa joue pour descendre rejoindre une des siennes et entrecroiser leurs doigts. Il s’éloigne légèrement pour pouvoir le regarder. Son visage rayonne de bonheur. « et pas seulement au Purikura, créons nous plein de souvenirs ce week-end ».

Le rose sur ses joues marquent tout de même son embarras lorsqu'il ajoute :  « Mais... on devrait y aller maintenant... je ne suis pas sûr de réussir à te laisser sortir de cette chambre sinon... ». Il baisse timidement les yeux.
 
KoalaVolant

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Mer 24 Avr 2024 - 12:54
SAMEDI 18 AOÛT 2018



Mathéo s'engouffre si vite dans la brèche que Seito est submergé. Ses pensées sans dessus dessous, il aimerait lui dire qu'il a mal entendu. Qu'il y avait des mots après et que ces mots ont leur importance. Mais rien de tout ça ne sort de ses lèvres alors que son corps se fait broyer par cet amour disproportionné. Il encaisse chaque caresse, chaque baiser, vague après vague. Les émotions tourbillonnent et inondent chaque fibre de son corps.

Un peu. Beaucoup. Passionnément. A la folie.

Ses joues se marient au rouge du drapeau japonais. Il n'a que ses bras pour nager et qu'un endroit où se réfugier. Ce n'est pas Mathéo qu'il craint, c'est lui. Ce qu'il pourrait faire ou dire s'il relâchait à nouveau son attention. Le regard un peu fuyant et un sourire gêné aux lèvres, il choisit la fuite. Bien que temporairement.

« O-oui, je- j'arrive. Je vais juste aux toilettes avant si ça te- J'arrive ! »

Et il disparaît derrière la porte de la salle de bain sans demander son reste. Le souffle court, il s'assoit sur le rebord de la baignoire où sa tête échoue dans ses mains. Bon sang. Pourquoi une telle affirmation provoquait-elle chez lui une telle angoisse ? Les mots étaient sortis si naturellement qu'il aurait été incapable de les retenir. Mais se pouvait-il qu'ils soient vrais ? Il apprécie Mathéo. Là n'est pas la question. Il l'aime bien. Beaucoup, s'était-il rattrapé. Car le mot aimer est vaste. Il aime aussi les dorayakis, il aime les kakigôri, il aime lire et écrire. Ainsi, il peut facilement affirmer aimer autant les bonbons que Mathéo. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle ils s'étaient rapprochés. Mais le mot aimer est vaste, il se répète. Se peut-il que cet amour dépasse ces préférences ? Il n'en a aucune idée. Car il ne sait pas ce qu'il est sensé ressentir. Il voit bien comme son cœur s'affole à chaque fois que Mathéo l'étreint ou qu'il lui exprime ses sentiments. Mais comment différencier la gêne de l'amour ? Comment peut-on poser des mots sur un sentiment qui nous échappe ? Ses doigts tirent sur ses mèches, il prend plusieurs longues inspirations. Seito ne résoudra pas ce mystère aujourd'hui. Alors il se relève, utilise les toilettes puis se lave les mains. Il en profite pour s'asperger le visage d'eau froide. Arrête de te prendre la tête abruti, se sermonne-t-il dans le petit miroir avant de sortir de la salle de bain.

« Tu peux y aller aussi si tu veux et après on y va. »

Son sourire est encore timide lorsqu'il repose les yeux sur Mathéo. Il s'accroupit devant son sac pour y prendre son porte-feuille – inutile pour payer mais sa carte d'identité s'y trouve. Et dès l'instant où ils sont tous les deux prêts à partir, Seito gambade jusqu'à la porte.

Dehors, il fait toujours aussi chaud. L'humidité les enveloppe sans que cela n'empêche le japonais d'apprécier prendre l'air. Il gonfle ses poumons et expire en souriant. Oust, foutue pression. Sans réellement savoir où aller, Seito choisit une direction et espère qu'elle les mènera au centre-ville.

« Mon radar à purikura me dit que c'est par là. » plaisante-t-il.

Et il n'avait pas complètement tort. A mesure qu'ils s'approchent du centre, les bars affluent et le monde aussi. De quelques badauds, ils finissent par croiser plusieurs groupes aussi bien japonais qu'étrangers. Seito ne les observe pas avec le même intérêt qu'avant. Il peut se targuer d'avoir des amis internationaux maintenant ! Parvenus à un croisement, il repère une enseigne lumineuse qui retient toute son attention. Ses yeux s'illuminent.

« Trouvé ! »

Trop enthousiaste, ses doigts glissent sur l'avant-bras de Mathéo et dévalent jusqu'à sa main dont il s'empare avant de la relâcher bêtement, les yeux hagards.

« Oh... euh... pardon. C'est... Là ! On peut aller là. »

C'est qu'ils ne sont pas seuls dans la rue. Ses joues roses et lui font signe à Mathéo de les suivre et il pénètre dans la petite salle d'arcade. Dedans, il n'y a que des machines à pachinko qu'il ignore en passant derrière les joueurs. Car tout au fond, il les voit : deux purikuras ! Rideaux entrouverts, les cabines sont vides. Malgré ça, il chuchote à l'adresse de Mathéo.

« Encore pardon pour- J'espère que tu m'en veux pas. Je- J'ai pas réfléchi. »

Comme il n'avait pas réfléchi en parlant d'amour. Décidément, ce week-end lui monte à la tête. Seito malmène ses cheveux d'une main embarrassée et demande d'une petite voix :

« Tu veux toujours prendre des photos ? »



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Mer 24 Avr 2024 - 20:51
Le monde ne tourne rond qu'à l'intérieur du cercle de tes bras


18 aoüt 2018

La porte de la salle de bain se referme derrière Seito, Mathéo s’assoit sur un coin de leur table basse. Ses coudes atterrissent sur ses genoux, son visage entre ses mains. Il essuie les restes du contre-coup. Ses mains lui paraissent rafraîchissantes comparées à la chaleur brûlante de ses joues. Seito vient de dire qu’il l’aime….

Ses paupières s’abaissent sur ses yeux, il lui faut couper tout élément visuel pour se concentrer sur l’essentiel. C’est son monde entier qui se transforme et prend un air nouveau, repeint de couleurs étrangères. Elles sont si belles qu’il craint pour son acuité visuelle. Doucement, l’étudiant écarte les paumes. Il se tapote les pommettes, une façon de s’obliger à rester ancré à la réalité. Seito a eu beau disparaître dans une autre pièce, il ne s’en remet toujours pas. Jamais une salle de bain n’aura eu autant de présence. Sous l’émotion, son coeur fait encore des siennes. Il grésille dans sa poitrine, bondit si fort que son cerveau a du mal à suivre le rythme de cet afflux sanguin déchainé. Le temps semble ralentir et l’espace se distordre. C’est un bonheur incommensurable qui lui mord le corps.

Il rouvre les yeux,  son regard se dresse sur la porte. Ce n’était pas un « je t’aime » et Seito semblait gêné, cette « confession » lui avait de toute évidence échappée. Mathéo n’en est pas dupe mais il ne peut s’empêcher d’en entendre plus. La spontanéité du moment ne faisant que renforcer son interprétation. Pourtant, que Seito l’apprécie et ressente quelque chose pour lui, il n’en doutait pas. Il y a ce « quelque chose » entre eux qui parle pour eux. Comment pourrait s’expliquer cette résonance insaisissable et complètement irrationnelle autrement qu’à l’orée de sentiments ? Entre lui et Seito, cela dépasse la simple compatibilité, c est plus qu’une entente de caractère ou qu'une histoire d’affinité.  Et si cela n’en était resté qu’à la théorie, il aurait pu continuer à se questionner mais Seito lui avait fourni suffisamment de preuves pour que Mathéo s’y conforte : ses efforts pour protéger leur relation malgré l’aspect contre-intuitif de ce qu’il lui demandait pour, ses efforts pour lui accorder sa confiance, toutes les fois où il s’était abandonné à exister contre lui, toutes les craintes et la colère qu’il lui avait confié, ses rêves aussi… et puis son corps. Quelque soit leur nature, Mathéo ne peut douter des sentiments de Seito. Seulement, l'entendre l’associer à ce qu’il aime vient ajouter de l'huile sur son feu déjà ardant, cela renforce la validité probable de son hypothèse principale: celle d’un amour partagé. Et bon sang... qu'est-ce que ça le rend heureux. Seito n’avait jamais eu besoin de mettre des mots dessus, Mathéo se comblait de ses actes. Pourtant, il se surprend à en être assoiffé maintenant qu’une goutte lui est tombée dessus.

Il se le répète : Seito l’aime.

Ses mains se retrouvent pour recouvrir à nouveau son visage. Il faut qu’il arrête d’y penser et que son coeur se calme. Maintenant que ses sentiments montrent le bout de leur nez, il ne doit pas les acculer. Ils sont beaucoup trop précieux pour prendre le risque de les effrayer. Mais bon sang… il l’aime…

D’un coup de talon, il se relève pour aller fouiller dans son sac à dos. On a compris Mathéo, stop ! Pour tenter de se calmer, il se dresse un ordre du jour :
maintenant qu’ils sont arrivés à l’hôtel – bon sang, il va dormir avec Seito – ET QUE la chambre semble convenable – ils seront seuls toute la nuit... – IL LEUR FAUT trouver un endroit où dîner. Sans doute que Nara regorge de spécialités qui n’attendent que d’être découvertes ! - ce n’est pas une spécialité qu’il veut manger – SI SEITO SOUHAITE TROUVER UN PURIKURA  cela leur permettra de se balader un peu en ville aussi – il veut des photos, des photos avec celui qu’il aime – CE QUI LEUR PERMETTRAA de se construire quelques repères en vue de leur journée de demain ! La soirée sera courte alors il espère qu’ils trouveront facilement une cabine – il va dormir avec Seito – HEUREUSEMENT qu’ils ont une salle de bain dans la chambre, cela leur fera gagner le temps qu’ils auraient perdu à devoir se rendre aux bains publics. - Seito dans le bain.

Il se jette la tête dans son sac et essaye de... s'étouffer contre ses vêtements ? Chuuuuuuuuuuuuuut. Concentre-toi bon Dieu Mathéo !

Il attrape son portefeuille et se relève pour faire les cent pas. D’un ton sévère, il se réprimande mentalement : « Calme toi. Tout de suite. Non. NON. Aucune image mentale. Tu n’as pas honte ? D’où est-ce que ça te vient ?! NON. Nooooon. D’accord. Pitié. Je sais très bien d’où ça te vient. Calme toi.». La tête posée contre un des murs de la chambre, il soupire. Ses yeux tombent, presque défaitistes, sur son entre-jambe. Seito a dit qu’il l’aime.

Haaaaaah… D’accord. Il admet sa défait. Il est bien trop heureux pour que sa raison ne reprenne le dessus. Combattre ne rendra les choses que plus difficiles à canaliser. C’est normal qu’il en soit tout émoustillé, non ? La porte de la salle de bain couine un peu, le sortant en catastrophe de ses pensées. Il a tout juste le temps de s’éloigner du mur que son petit ami réapparaît.

« J-e. O-oui. » bafouille-t-il avant de s’engouffrer dans la salle de bain. Il n’a pas du tout besoin d’utiliser les toilettes et d’ailleurs, même si c’était le cas il ne pourrait pas : la physiologie masculine est assez mal bricolée en la matière. Il profite de ce temps seul pour se rafraîchir les idées à grands coups d’eau froide. Ce n'était vraiment pas le moment d'une manifestation biologique, il espère que Seito n'a rien remarqué. En s’épongeant le visage avec une des serviettes propres à disposition, il prend un instant avec lui-même.

Depuis la soirée passée chez ses parents, son désir pour Seito ne faisait que s’amplifier. Il lui faut être prudent, surtout lorsque ses émotions s'enflamment. Un excès d’amour trop grand et qui sait ce qu’il pourrait entreprendre ? Ce n'est absolument pas le moment de débloquer. Il lui faut être à la hauteur s’il veut prouver à son petit ami qu’il n’a pas tord de lui accorder cet amour. Pensif, il dépose la serviette sur le bord du lavabo en expirant, ses yeux croisent son reflet dans le miroir. D’un commun accord, il signe l’acte de paix entre lui, son reflet et ce qui vit dans son pantalon : il faut que ce week-end soit parmi les plus chérissables que Seito puisse avoir. C’est ce qui compte, avant toute envie, avant toute idée. Avant son propre contentement. La responsabilité que ses ambitions finit de le calmer. Ouf.

« On peut y aller » énonce t-il, en sortant timidement de la salle de bain.

Dehors, la chaleur tue dans l’oeuf tout élan possible de rébellion corporelle. L’humidité de l’air met à mal ses poumons. Sans doute son corps a-t-il besoin d’économiser ses ressources pour survivre car il ne pense plus qu'à elle. Heureusement qu'il est en bonne compagnie et que le quartier du Ryokan est relativement calme. S'il avait été seul, il serait rentré illico-presto dégouliner devant le ventilateur.  Les ruelles du quartier sont étroites et bordées de petites maisons et de leurs jardins charmants. Le calme ambiant est reposant, sans chemin pentus, cela aurait été parfait. A mesure qu’ils se rapprochent du centre ville, le paysage devient néanmoins un peu plus urbain et le nombre de personnes qu’ils croisent augmente. Entre tout ce beau monde, Mathéo se laisse guider religieusement par Seito. Il le trouve adorable à jouer les explorateurs inspirés.

« Où ça ? » demande-t-il en cherchant des yeux le st graal promis par le lycéen. Il n’a pas le temps de poser les yeux sur la devanture de la salle d’arcade, toute son attention se focalise frontalement sur la main que Seito lui prend. Le rouge lui monte au visage et son coeur le secoue de grandes élancées brutales. Qu’est-ce qu’il… ? La panique le saisie rapidement. C’est qu’ils sont dehors, exposés aux yeux de tous ! Pourtant, il ne retire pas sa main, ses réflexes le laissent tomber. Ce constat le fait paniquer davantage. Les doigts de Seito mettent sa peau en joie. Heureusement, son petit-ami est plus vivace que lui et rectifie son erreur avant que quelqu’un ne les voit. Mathéo observe sa main en le suivant à l’intérieur, un pincement lui pique le coeur et ses doigts se referment contre sa paume.  Devant les cabines, les excuses de Seito en creuse la douleur. Instinctivement, il vient lui frotter le crâne. « Ce n’est rien, ne t’en fais pas » répond-t-il avant de s’engager vers l’une des cabines. Un « Tu viens ? » lancé par dessus son épaule lui signifie que leur projet tient toujours.

Dans la cabine, le visuel agressif de l’écran et la musique de fond les accueillent, Mathéo veille à ce que le rideau soit bien fermé derrière eux. Dans le cas contraire, cela pourrait nuire à leurs photos mais surtout: il ne pourrait pas s’autoriser à tirer Seito contre lui, comme il le fait, pour l’embrasser.

« Je t’aime » chuchote-t-il, en français par prudence, en plantant son regard dans le sien. Il voudrait lui avouer comme il aurait aimé pouvoir lui tenir la main dans la rue. Lui dire qu’il a apprécié son geste malgré l’embarras et la panique qu’il a pu susciter mais... il ne le fait pas. Il espère que ce baiser parlera pour lui. Prononcer ces mots lui font plus peur que d’être surpris par des inconnus. S'ils...

Il se tourne vers l’écran pour jeter un rapide coup d’œil aux instructions.

Peu importe, ce n'est pas le moment d'y penser. Ils ont un temps limité dans la cabine. Il commence par sortir de son portefeuille de quoi nourrir la machine et effectue les premiers réglages. Il doit sélectionner le nombre de personnes qu’ils sont ainsi que le type de photos qu’ils désirent faire. Il choisit le format classique du Purikura, celui qui leur permettra de modifier les photos avec des stickers plus tard. Viens ensuite le moment de choisir le background, il lance un regard complice à son petit-ami. « Quel fond tu aimerais ? »

En réalité, il est un peu anxieux. Prendre la pose avec sa sœur Anna est chose facile, il n’a pas peur de perdre la face devant elle.
Alors qu'avec Seito, une part de lui craint de passer pour un idiot et de le gêner plus qu'autre chose. Il n’ose pas non plus lui demander quel type de photo il souhaiterait avoir. D'ailleurs, il ne sait même pas tout à fait ce qu'il aimerait lui-même. Du moment que Seito est dessus, il lui semble que tout convient ? Lorsque son petit ami a fait son choix, ils s’installent correctement devant le capteur en suivant les instructions de la machine. Pour tenter de se détendre, Mathéo choisit comme toujours l'option de la plaisanterie : « J’espère que j'aurais l'honneur de pouvoir admirer ta pose de super-héro à la fin ».

Le compte à rebours apparait et dans la précipitation qu'il amène, Mathéo se rapproche de Seito. Deux de ses doigts s'élèvent au dessus du crâne du lycéen: c'est tout ce qu'il a trouvé à faire dans la panique, des oreilles de lapin. Au travers de l'écran, il lui tire la langue.
 
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Mer 1 Mai 2024 - 13:13
SAMEDI 18 AOÛT 2018



Le monde reprend des couleurs, Mathéo ne lui en veut pas. Seito acquiesce et s'engouffre dans la cabine à la suite de son petit-ami. Il y est accueilli par un baiser dans lequel il s'investit tout autant. Son cœur remue dans sa cage thoracique. Mathéo ne lui en veut définitivement pas et il en est heureux. Ses yeux pétillent sous la caresse du français et il se surprend à souhaiter l'embrasser une nouvelle fois. Plus improbable encore, à souhaiter qu'ils n'aient pas quitté la chambre du ryokan. Mais le lieu où il se trouve se rappelle à lui. Au même titre que la raison lui intime de faire profil bas pendant qu'ils sont dehors à la vue de tous. Sans se détacher pleinement de Mathéo, il le laisse appuyer sur les boutons de la machine. Jusqu'à ce que ce soit son tour de choisir. Le japonais parcourt rapidement le choix qui s'offre à lui et presse le fond jaune pâle tapissé de petits cerfs.

« Celui-là ! »

Puis le reste des instructions défile et son cerveau fuse à vive allure. C'est qu'ils ont six photos à faire donc six poses à trouver. Rien de bien sorcier pour Seito mais il se demande si Mathéo le suivra dans ses bêtises. A sa remarque, le japonais tourne vivement la tête et son sourire s'agrandit.

« D'accord, mais que si tu fais ta pose de super-vilain. »

Ça leur fait donc une idée en commun. Oh ça y est ! Seito se retourne vers l'écran sans intention particulière à part celle de rayonner. Son petit-ami le devance de par sa proximité et aussitôt il l'imite. Il sort lui aussi sa langue et lève sa main gauche dans les airs, les doigts en V.

Clac !

Pas le temps de réfléchir trois plombes, il leur faut déjà se mettre en pose pour la photo suivante. Seito glisse derrière Mathéo qu'il enserre de ses deux bras. De sa main droite il lui fait à son tour des oreilles de lapin tandis qu'il se hisse sur la pointe des pieds pour faire dépasser sa tête au-dessus de son épaule, tout sourire.

Clac !

Maintenant qu'il est lancé, pas moyen de l'arrêter. Après tout, c'est lui qui a demandé cette activité alors il n'a pas d'autre choix que d'assurer. Le japonais se décale sur le côté, de profil par rapport à l'écran, et indique à l'étudiant de lui faire face. « Tu veux la guerre l'Amoureux ? » le défie-t-il. Il prend alors un air faussement vindicatif et lève ses deux poings devant lui.

Clac !

Mais il ne peut pas rester sérieux bien longtemps. Et puis il n'a aucun raison de lui en vouloir. Alors il se redresse et  se rapproche de Mathéo pour qu'ils se retrouvent épaule contre épaule face à l'écran. « Un Rinbo dit jamais non à un bon combat. » poursuit-il. De là, sa tête oblique à l'opposé, le port haut et le regard inspiré, et il cale son poing gauche sur sa hanche.

Clac !

« Bon j'me dessinerai une cape et un R dessus et ça l'fera grave ! » rigole-t-il en quittant la pose. Pour l'avant-dernière, le japonais a l'idée d'approcher sa tête de la caméra et place son pouce et son index au premier plan pour former un cœur.

Clac !

Vient la dernière. Son regard agrippe celui de Mathéo. « On fait quoi pour la dernière ? » le questionne-t-il. Le compte à rebours défile sans qu'il ait un éclair de génie. Jusqu'à ce qu'une lueur maligne illumine le brun de ses yeux.

Trois.
Seito s'approche de Mathéo.
Deux.
Il lui attrape doucement le menton pour pencher sa tête.
Un.
Il plante un bisou sur sa joue.

Clac !



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Lun 3 Juin 2024 - 18:43
Le monde ne tourne rond qu'à l'intérieur du cercle de tes bras


18 aoüt 2018

Mathéo se redresse, le dos bien droit. Le souffle de Seito qui lui chatouille la peau, son bras qui l’enserre, sa présence derrière lui… cela suffit à faire rougir son pauvre visage teinté de gêne. Bien que ce soit Seito qui soit sur la pointe des pieds, c’est lui qui se sent soudainement minuscule. Son cœur chante doucement au centre de sa poitrine alors que ses yeux dévisagent la scène sur l’écran. Un sourire timide s’esquisse sur ses lèvres avant que leur image ne puisse être capturée par la machine. Son petit ami à l’art et la manière de le déstabiliser. Mais... tant que c’est lui qui s’y essaye, l’étudiant accepte de laisser ses boucliers reposer contre le sol. Seul son sourire importe et bon sang, il pourrait vendre le monde pour le voir sourire comme ça tous les jours. Le temps est éphémère, rien de ce qui se passera dans cette cabine ne sera éternel. Il entend en profiter un maximum. Il a le reste de sa vie pour tenter de supporter un ciel bien trop lourd pour lui. Ce Week-end, il laisse son fardeau à Atlas.

« A-Ah. Attends. Q-Qu’est-ce que je suis censé faire ?? » demande-t-il, paniqué alors que Seito se décale pour lui faire la guerre. Les poings levés du lycéen le feraient rire s’il savait quoi faire de lui-même. Que ferait l’Amoureux, grand méchant de leur univers alternatif, dans une telle situation ? Cela aurait le mérite de se réfléchir... on n’invente pas un tel personnage en quelques secondes. Malheureusement, le temps lui manque. Alors, dans la précipitation, il construit un coeur avec ses doigts et souffle à l’intérieur en direction de son Héro. Clac, c’est dans la boite. L’appareil enregistre ce moment de malaise absolu. Mathéo porte une main devant ses yeux pour tenter de masquer sa honte. Pourvu que cela puisse rendre mieux avec quelques effets spéciaux…

Un rire nerveux lui échappe tandis que son petit ami l’emporte déjà dans une nouvelle aventure. Mine de rien, il s’amuse. Plus encore lorsque Seito lui offre sa magnifique pose de super-héro. Hah… il ne donne plus cher de l’Amoureux désormais. Qui pourrait résister à ce Rinbo ? Pas son pauvre coeur qui fond comme une barbe-à-papa plongée dans un seau d’eau. Il pourrait passer des heures à le contempler jouer le héro... mais le compteur tourne, il lui faut trouver de quoi lui faire honneur. De sa main gauche, il désigne son bien-aimé, la paume bien à plat pour être en mesure d’y ajouter un effet ou un mot au photomontage plus tard. Puis, il prend la pause, la tête haute et le regard sérieux – lui dirait arrogant- comme le lui a appris Anna en lui faisant imiter les mannequins de ses magasines de mode pour rigoler. Tant d’heures passées à se moquer de lui n’auront finalement pas été vaines puisque le regard braqué sur le capteur, il arrive à être convainquant. Même un peu trop à son goût. Faute de pouvoir assumer ce super-pouvoir insoupçonné, il finit par y ajouter un clin d’oeil de derrière seconde. Heureusement, la suite du plan de Seito lui demande moins d’extravagance. Mathéo l’imite en s’approchant de l’objectif et vient compléter du bout des doigts son cœur à moitié formé. Un doux sourire illumine son visage.

Ces photos deviennent de plus en plus dangereuses, il en a bien conscience mais tant pis. Pour une fois, juste une fois dans sa vie, il consent à l’oublier : cette conscience qui l’étouffe de ses angoisses en prônant sa sécurité. Il ne laissera personne gâcher ce moment, pas même lui et ses craintes. Le futur ne manque pas de temps pour s’en s’inquiéter plus tard. Pour l’instant, il ne s’agit que d’eux. Le reste du monde n’est plus permis d’exister.

« Je ne sais pas… » répond-t-il, songeur, lorsque Seito lui demande quoi mettre en scène pour leur dernière photo. La dernière est toujours la plus précieuse, comment lui faire honneur ? Le compte à rebours défile mais rien ne lui vient. Ou plutôt : tout se bouscule, il n'arrive pas à choisir. Ils pourraient prendre une pose amusante: il a un catalogue entier de grimaces possibles en tête. A force de faire des photos avec sa sœur, il est rôdé en la matière. Il en est de même avec les bouilles mignonnes mais il aurait sûrement plus de mal à les assumer que de grimacer... Mieux vaut donc s’abstenir. Il y a des mystères qu’il vaut mieux préserver. Peut-être pourraient-ils faire simple ? Ou bien… Non. Non, Mathéo. Cela changerait complètement le statut de ces photos, elles ne seraient plus seulement dangereux, elles deviendraient mortelles.

« On pourrait juste- »

Il n’a pas l’occasion de terminer sa proposition. Seito choisit pour eux en lui collant un baiser sur la joue. Clac.
Plus aucun retour arrière n’est désormais possible. Le coeur de Mathéo loupe un battement avant de s’élancer dans tous les sens. Sa cage thoracique se transforme en flipper, son coeur en est la balle. C’est la surprise qui serait à l’honneur sur cette dernière photo.

« … faire ça. » complète-t-il en un souffle, tournant complètement la tête vers lui. Ses yeux brillent d’un amour impossible à mettre en mots lorsqu’il vient chercher ses lèvres pour l’embrasser. A l’extérieur de la cabine, des rires résonnent pourtant. Un groupe d’amis attend derrière le rideau que vienne son tour mais Mathéo n’y prête aucune attention. Ses doigts plongent dans les cheveux bruns de Seito, l'un de ses bras l’enserre contre lui. La première invitation de la machine à valider leurs clichés ne l’arrête pas non plus. Il lui en faut une deuxième pour qu’il accepte de relâcher les lèvres du lycéen. Elles atterrissent sur sa joue, faute de pouvoir se contenter d’un arrêt total. Puis, échouent sous son oreille. « … J’espère que tu as déjà des idées, le montage est limité en temps aussi » y murmure-t-il.

Un simple bout de tissu les sépare de l’enfer mais l’odeur de Seito le lui fait complètement oublier. Il dépose un petit baiser dans son cou avant de consentir à le relâcher complétement. En deux clics, l’envoie vers la seconde machine est validée et les éloigne du pire. Mathéo ouvre le second rideau qui les conduit sur la mini passerelle qui fait la jonction entre les deux cabines. En Gentleman, il laisse l’honneur à Seito de découvrir la deuxième partie de leur expérience le premier. A peine a-t-il refermé le rideau derrière eux que le nouveau groupe entre pour prendre leur place.

Sur le nouvel écrant apparaît leur première photo et une multitude d’options : stickers, outils de couleur, filtres, textes… Les choix sont si nombreux qu’ils ne pourraient en faire le tour avant la fin du temps imparti. Heureusement, Mathéo est un habitué. Si tous les purikura ne proposent pas exactement la même chose, ils fonctionnent relativement tous de la même manière. Il trouve aisément ce qu’il cherche au sein du menu. Sur leur première photo, Seito reçoit une petite truffe et des moustaches de lapin. « Maintenant, tu es crédible » plaisante-t-il.

Il laisse son petit ami s’amuser avec l’interface, échangeant regards complices et sourires. A vrai dire, il est si gêné de découvrir sa tête sur leurs photos qu’il ne peut dire non à une tonne d’effets pour tenter de la cacher : il ajoute des étoiles et du rose sur ses joues déjà rouges de leur deuxième tirage. Grâce à tous les dieux du monde, il trouve de quoi faire un rayon laser d’amour pour le combat entre l’amour et Rinbo bleu, rendant sa pause moins stupid. Celle-ci gagne en logique. Il est désormais connu que l'Amoureux peut souffler un rayon de cœurs lumineux. Mathéo aide aussi Seito à trouver rapidement de quoi rendre crédible sa super-pose, avant d'ajoute le mot « amour » en rose fushia bien flashy sur sa main. C’est d’un ridicule sans nom mais l’Amoureux mérite bien au moins ça. Pitié, que personne ne tombe sur ces photos...
Subtilement, il glisse d’ailleurs : « Je comprends comment l’Amoureux est devenu l’ennemi du Rinbo bleu. Il est vraiment beau, moi aussi j’aurais envie de le suivre partout pour attirer son attention ». Il ajoute une ribambelle de coeurs autour d’eux et lâche l'interface pour lui coller un bisou sur la tempe.
 
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Dim 9 Juin 2024 - 16:27
SAMEDI 18 AOÛT 2018



Ses lèvres contre les siennes, le monde s'évanouit. La gêne sur les joues de Mathéo, son ébullition créative, les murs de la cabine, plus rien n'a soudain d'importance puisqu'ils sont ensemble. Peau contre peau, les frissons grignotent son cuir chevelu et dévalent dans son dos sans qu'il ne fasse un seul mouvement de recul. Depuis qu'ils ont pris ce train pour Nara, Seito se sent incroyablement vivant. Comme libéré du poids des responsabilités qu'Osaka et Kobe représentent. Ici, ils sont deux inconnus, deux garçons attirés l'un par l'autre, deux petits points dans ces rues traditionnelles que rien, pas même le vent, ne pourrait dévier. Et quand bien même il y parviendrait, ils s'envoleraient avec la même passion que leurs lèvres scellées.

Le souffle court, la chevelure de Mathéo lui chatouille les joues, le cou. Seito le repousse doucement, mi-amusé mi-sérieux. Il apprécie ce lâcher prise et pourtant, il en est toujours autant estomaqué quand il intervient. Ce souffle de folie lui brûle les joues alors qu'il rétorque :

« Bien sûr que j'ai des idées. »

Un semblant d'aplomb avant qu'il ne secoue ses cheveux, aggravant le méli-mélo. Il ne se fait pas prier et bascule dans l'autre cabine avec un soulagement tout relatif en réalisant l'étroitesse de cette dernière. Mais cela n'a plus d'importance quand il pose les yeux sur l'écran. Car la magie créative opère et dès lors que les stickers et autres éléments graphiques s'affichent, il devient un vrai bricoleur de l'extrême. Aidé par Mathéo, il pouffe de rire devant leurs créations. Se faisant surprendre par un nouvel élan de tendresse, il plisse les yeux et rentre légèrement le cou.

« C'est pas un super-pouvoir d'être beau, ça vaut rien. Mais ça aide un peu. Il a d'la chance ce Rinbo, surtout que l'Amoureux est un méchant coriace. »

Ce compliment l'effraie au point que, l'espace d'un instant, le multivers retient son souffle. Dans cette réalité, l'Amoureux n'a aucune raison de vouloir suivre le Rinbo bleu. Sans le réaliser, il maintient une dizaine de centimètres entre eux. Puis, massant distraitement sa nuque, il se concentre sur la dernière photo. Ce baiser sur la joue était osé. Il ne le regrette pas. Cependant, il ne voit pas l'intérêt de le décorer. Peut-être parce que, ce faisant, cela l'inscrirait dans une dimension plus pailletée que leur dimension actuelle. Et il refuse de croire que leur réalité ne suffit pas. Prévenant tout mouvement de la part de Mathéo, il déclare :

« Celle-là, on la laisse comme ça. »

Seito valide le tout et ne quitte pas la machine des yeux tandis qu'elle imprime leur planche de photos en deux exemplaires. A peine tombées dans le réceptacle qu'il les réceptionne, en tend une à Mathéo et saute hors de la cabine. Et là, ses yeux se posent dessus. Il les imagine sur son mur, il se voit les contempler régulièrement, il sent son cœur vibrer dans sa poitrine de cette joie enfantine d'avoir capturé leur affection au travers du prisme de l'imaginaire. Quelques secondes de silence avant que ses lèvres ne se fendent d'un sourire timide et qu'il murmure :

« Elles sont parfaites. »

Il relève la tête, croise les yeux bruns de son petit-ami mais n'ajoute rien. L'émotion du moment le saisit et le rend parfaitement inutile. Alors, plutôt que de s'empêtrer dans un rapprochement publique, il sourit.

« Maintenant, on peut aller manger. »

Non pas qu'il ait particulièrement faim mais il lui faut une échappatoire pratique face aux battements de son cœur et à la brillance de sa cornée. N'ayant pas de quoi ranger la photo, il la garde à la main mais s'applique à ne pas dévoiler leur teneur à la face du monde. Finalement, ce n'est pas plus mal qu'ils soient les deux seuls au courant ici et maintenant. Dehors, Seito constate que leur quête de nourriture est partagée par bon nombres de touristes. La chaleur n'est pas retombée. Cependant le japonais retrouve ses marques dans la moiteur.

« Interdit d'utiliser le téléphone. J'suis sûr qu'on peut trouver un truc cool et pas trop cher. »

La question du prix demeure importante puisqu'il n'a pas les moyens ni de payer ni de rembourser quoi que ce soit actuellement. Mais cela n'implique pas nécessairement de mal manger. Il est convaincu qu'un restaurant correspondant à ses critères n'attend qu'eux. Il suffit simplement de le trouver ! Dommage qu'il n'ait pas les yeux bioniques de Nolan, l'affaire aurait été dans le sac en moins de deux. Mais il ne baisse pas les bras et, après avoir fait le tour du quartier, s'être arrêté devant la carte de certains restaurants, avoir jugé si le lieu n'était pas un attrape-touristes, avoir commenté l'architecture de plusieurs vieilles demeures, ils trouvent leur bonheur. Derrière le rideau rouge, le doux fumet des okonomiyakis enchante les narines de Seito.

« Ça sent méga bon. Ici, ça te va ? »

L'odeur est encore plus alléchante à l'intérieur. Ils s'assoient l'un en face de l'autre sur des coussins. La plaque au centre de la table basse irradie sa chaleur sans se soucier de l'été. Dans un coin de la pièce, deux familles les encerclent mais c'est à peine si Seito leur jette un regard. Il faut dire que le service est rapide. A peine le temps de cligner des yeux qu'okonomiyakis et boissons sont servies. Le goût est à la hauteur de l'odeur. Et l'endroit, bien que restreint, délie les langues. Très vite, Seito envahit l'espace de paroles. Il avoue être déjà allé à Nara mais ne pas en avoir apprécié les trésors. Il se surprend à dévoiler son ressentiment face à tous ces cerfs qu'il avait jugé hâtivement stupides.

Mais surtout, ce dont il se souvient particulièrement est de toute cette mascarade de purification. Sans animosité, il explique à Mathéo avoir dû endurer les offrandes, les prières et la tradition de l'hitogata. Mais que, malheureusement, aucune impureté ne s'était transférée dans la poupée de papier malgré avoir rédigé correctement son nom et son âge sur le papier, l'avoir remué de gauche à droite et avoir soufflé dessus. Pour le narguer, l'hitogata n'avait pas pris l'eau de suite une fois jeté dans le ruisseau. Bloqué par d'autres figures de papier, il avait entendu sa tante pointer du doigt cette anomalie comme un rejet du temple. C'est alors que, touchée en plein cœur, la poupée s'était imbibée.

Ressasser le passé lui permet la comparaison. Avec Mathéo, il peut briser ce cycle de violence. Et même s'il a parfois du mal à lui montrer, il lui en est reconnaissant. La discussion se fait plus légère et accompagne la fin de leur repas puis leur retour jusqu'au ryokan dont ils retrouvent le chemin sans l'aide de la technologie. Une victoire que Seito célèbre lorsqu'ils bifurquent finalement dans la bonne rue.

« Ah-aah ! J't'avais dit qu'on pourrait pas se tromper une troisième fois ! »

Clairement enjoué par leur petite aventure en territoire inconnu, Seito ne percute pas que l'hôtel implique une chambre pour deux, un futon pour deux, une nuit entière tous les deux.



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Lun 22 Juil 2024 - 1:12
Le monde ne tourne rond qu'à l'intérieur du cercle de tes bras


18 aoüt 2018

« Oui… Elles sont parfaites » souffle Mathéo, yeux plissés sous le poids de la tendresse qui lui pèse sur le regard. Elles sont même plus que parfaites, elles dépassent tout ce qu’il n’aurait jamais pu vouloir, tout ce qu’il n’aurait jamais su espérer à l’aube de ses rêveries. Dans ses mains, il a l’impression de tenir tout le bonheur du monde. C’est donc à cela que ressemble l’amour lorsqu’il est immortalisé… Son cœur en chante une ode, douce et mélodieuse, un chant à la beauté de leur complicité capturée. « Je te suis » s’amuse-t-il de sa proposition. S’il savait comme il le suivrait jusqu’au bout du monde s’il lui demandait de tout laisser ici, à Nara, pour s’en aller ensemble vers un inconnu qui main dans la main ne lui ferait plus peur. Lui qui a toujours été si raisonnable, lui qui avait toujours été si peureux… Pour Seito, il était prêt au plus déraisonnable des lâchers prises. A un peu de folie. Hah… S’il savait comme seule son ignorance sur ce pouvoir suprême les en protégeait encore.

Dans les rues charmantes de la ville, animée de ses touristes, Mathéo se laisse guider, étals après états ; Yotai après Yotai, de restaurants en restaurants. Ils migrent d’une senteur à une autre, dépassent différentes ambiances, dévorent des yeux les menus. A vrai dire, tout lui conviendrait. En nourriture, il n’est pas très difficile tant qu’on ne lui demande pas de la cuisiner. Rares sont les choses qu’il n’apprécie pas manger. Il n’a donc aucune objection à lancer lorsque Seito lui propose de manger des okonomiyakis. Au contraire, l’exiguïté du lieu choisit le rassure même. S’il aime tout manger, il se sent néanmoins toujours mal à l’aise dans un restaurant. La faute à ceux qui en lieux voraces avaient dévoré le temps de ses parents, avalant au passage ce qu’il restait de leur lien.

En face à face avec Seito, il n’a cependant pas le temps de penser à ses parents. Il l’écoute, attentif et heureux qu’il se sente suffisamment à l’aise avec lui désormais pour se confier sur son passé et ses lourdes réminiscences. Du regard, il le soutient, l’enveloppant d’un cocon bienveillant et protecteur. Combien de souvenirs désagréables le lycéen gardait-il dans la gravité de son coeur ? Pourquoi cette tante s’était-elle donné le droit d’un commentaire si méchant ? Combien de personne avait appuyé vilement sur ses écorchures ? Sur les épines douloureuses qu’il supportait déjà, plantées sur son corps ? Il ne sait pas s’il aura l’occasion de les rencontrer un jour mais Mathéo se dit qu’il aurait bien du mal à apprécier les parents de Seito. Comme les siens, ils étaient de toute évidence incapables de protéger leur enfant de leur plus ultime échec : être parents.

L’amertume qu’il ressent ne peut s’installer pour autant. Savoir que Seito espère construire de meilleurs souvenirs avec lui ce week-end suffit à l’en apaiser. Doucement, la colère s’estompe, jusqu’à disparaître. C’est promis, ils forgeraient des souvenirs inoubliables et heureux. Etapes par Etapes, il comptait bien remplacer tous ceux qui été tâchés d’ombre, jusqu’à ce qu’ils n’aient plus la moindre importance. Ce repas n’en est qu’une prémisse.

De retour dans les rues du centre ville, Mathéo cède à nouveau les rennes à Seito, pour retrouver le chemin et rentrer au Ryokan cette fois. C’est reposant quand il y pense, de ne rien chercher à contrôler, de simplement se laisser porter. Qui aurais cru qu’il y arriverait si facilement ? Un sourire s’esquisse sur le coin de ses lèvres. Non. Ce n’est pas lui, c’est son petit-ami. Avec Seito, il se sent suffisamment bien et en confiance pour laisser tomber tout le superflu qui d’habitude lui écrase les épaules et le dos. C’est sûrement là tout le secret : avoir quelqu’un sur qui il peut compter lui aussi, pour une fois.

« Tu viens de donner tord au proverbe français qui dit « jamais 2 sans 3 » » souffle-t-il, amusé.

« Ou peut-être que c’était simplement un coup de chance » le taquine-t-il en passant l’entrée du Ryokan. De retour dans leur chambre, il réalise alors : ils sont rentrés… ça y est. Eux, lui et Seito, tous les deux. Ils sont rentrés dans la chambre, la leur. Celle dans laquelle ils allaient devoir passer la nuit, seuls, sans personne autour pour les déranger. Seuls, dans l’intimité du noir. Le silence tombe alors qu’il en redécouvre les murs. Voilà qu’il ne sait plus quoi faire de lui-même.

Pas à pas, il se dirige vers le ventilateur pour le rallumer. Une première bonne chose de faite, il fait bien trop chaud dans cette chambre pour qu’ils y survivent sans, c’est donc une première étape nécessaire. Néanmoins, il a beau tenter le pragmatisme, son coeur palpite sous le stress et l’adrénaline. Il ne sait plus s’il est heureux ou inquiet. Peut-être un peu des deux ?

« Est-ce que ça te dérange si je vais à la douche en premier ? » demande-t-il en attrapant son sac à dos, déjà prêt à s’exiler dans la salle de bain pour gérer sa gêne en solitaire. Une fuite que Seito lui accorde, grand heureusement. Dans la salle de bain, il dépose ses affaires de toilettes sur le lavabo  et se laisse tomber les fesses sur le rebord de la baignoire, son pyjama dans les mains. C’est ridicule, il n’y a pas de quoi paniquer… Il peut dormir avec Seito sans que cela ne pose problème. Pourquoi y aurait-il un problème d’ailleurs ? Hahaha...ha.

Il engouffre son visage dans ses mains. Ce n’est pas d’être seuls dans la même chambre le soucis, ni d’avoir à dormir sur des futons rapprochés, c’est lui le principal problème ici. Lui qui s’imagine tout un tas de choses qui n’ont pas lieu d’être ! Il ne va rien se passer Mathéo. Ce n’est qu’une simple nuit entre… aaaaah ! Il se redresse, expirant un bon coup. Allez hop ! Il va prendre une douche, ça lui changera les idées. Il commence à se déshabiller mais fait un demi tour sur lui même  en retirant son T.shirt. Un bain ! Oui, un bain froid, ça lui fera le plus grand bien ! Il jette son t.shirt plus loin et règle la température de l’eau afin qu’elle reste tiède. Il fait si chaud qu’un bain tiède devrait avoir toutes les vertus d’un bain froid. L’eau se déverse, appaisante et sereine. Le reste de ses vêtements quittent son corps mais son monologue intérieur s’amplifie : il ne peut décemment pas laisser Seito pendant que lui fait trempette bien pépère dans l’eau. Et s’il croit qu’il cherche à l’éviter ??  Ses yeux oscillent entre la baignoire et la douche. Raaah. Il est incapable de trancher. « Le plus simple, c’est de lui demander » se dit-il. Quoi, comment, pourquoi, il n’en est pas encore sûr mais il lui faut bien commencer quelque part. Comment lui demander si ça le dérange qu’il prenne son temps pour prendre un bain sans passer pour un énergumène étrange ? Comment ne pas le mettre mal à l’aise avec sa question idiote ? Tant pis, il lui faut trancher avant de s’angoisser sur un niveau supérieur ! Préoccupé, il sort de la salle de bain pour demander, en boxer : « Seito ?... Est-ce que tu veux prendre un bain avec moi ? ».

….
….
….

Qu’est-ce qu’il vient de dire ?????? Ni une ni deux, il se renferme dans la salle de bain. Que. Quoi. Comment. Pourquoi ? A quel moment ?! Oh... par tous les dieux... mais pourquoi est-ce qu’il est TOUJOURS obligé d’empirer sa situation ?! Quel idiot ! Paniqué, il rouvre la porte, s’en laissant sortir que sa tête, rouge de honte. « Je. C’était pas. Enfin, je me disais que… J-Je me demandais si je pouvais prendre un bain et… je... »

Solitude ô solitude.
 
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Sam 3 Aoû 2024 - 21:34
SAMEDI 18 AOÛT 2018



« Tu doutes de mes capacités ? » soulève Seito d'un sourcil inquisiteur.

La chance n'a rien à voir dans cette histoire, seul son excellent sens de l'orientation les a sauvés de la perdition. Faussement outré, il pénètre dans le ryokan à la suite de Mathéo et retrouve la tiédeur de leur chambre. Le ventilateur lui caresse le dos tandis qu'il vide ses poches sur la table d'appoint. Il détourne à peine la tête en répondant :

« Non non, vas-y. »

Un clignement de paupières et il se retrouve seul. Son regard arpente la pièce en cherchant quoi faire en attendant et s'accroche à la fenêtre où la végétation s'épanouit. Il comble la distance avec nonchalance et se glisse contre la vitre depuis laquelle il observe les arbres osciller faiblement. A cette distance, ils ont l'air épanoui. En est-il de même pour lui ? D'apparence heureux, mais sous l'écorce, n'est-il pas percé de vers ? Si Mathéo venait à gratter, n'en serait-il pas dégoûté ?

Le japonais soupire et sort son portable. Rapidement, il répond aux SMS de Nolan et Pablo puis en profite pour recommander chaudement l'okonomiyaki qu'ils ont dégusté. Pas de photo à l'appui mais ils n'auront qu'à aller à Nara pour vérifier. Son regard glisse de son écran à la porte de la salle de bain pour finalement échouer sur les deux futons. Il aura fallu du temps pour qu'il percute. Mais soudain, le déclic. Cette nuit, Mathéo et lui dormirons dans la même chambre.

En vérité, ce n'est pas ce qui le perturbe le plus. Non, c'est de se savoir si proche l'un de l'autre. A portée de mains, à portée de bouche. Entre ces quatre murs, leur amour peut être flamboyant. Mathéo a-t-il des attentes pour cette nuit ? Devrait-il lui demander ? Et s'il s'avérait que c'est le cas, sera-t-il à la hauteur ? Se sent-il capable de réitérer l'exploit de se détacher de ses plus grandes craintes pour briller sous l'affection démesurée de son petit-ami ? Subtils, les battements de son cœur s'accélèrent.

Et frôle la crise cardiaque lorsque le battant de la salle de bain s'ouvre sur un Mathéo presque nu. La mort l'attend pourtant à la fin de cette question diabolique. La stupeur fige ses traits et, pendant plusieurs secondes, aucun son ne franchit la barrière de ses lèvres. La faute à ce corps qu'il ne peut s'empêchait de détailler, naviguant librement sur son torse jusqu'à grignoter du terrain sur ce boxer où il devine le souvenir de leur découverte pour laquelle il s'était montré frileux.

« Euh... »

Puis Mathéo disparaît. Interloqué, Seito quitte aussitôt son poste d'observation pour se précipiter sur la porte.

« Mathéo, c'est pas que- »

Surpris par le visage rougi de Mathéo, il s'interrompt. S'il n'était pas aussi gêné par la situation lui-même, il aurait explosé de rire. Mais il est incapable de rattraper les bégaiements de son petit-ami tant ses pensées s'entremêlent. Si bien qu'une solution radicale s'impose à lui : réduire Mathéo au silence. Sans tarder, il plaque ses lèvres sur les siennes espérant ainsi stopper le massacre de leurs joues échauffées. Ce faisant, la porte coulisse et dévoile à nouveau ce corps défendu. La pulpe de ses doigts brûle au contact de ses pectoraux sur lesquels il s'appuie pour reculer. Ses poings se referment en effleurant sa peau, la baignoire se moque de sa pudeur. Doucement, Seito rompt le contact et peine à maintenir le regard de son petit-ami.

« Tu peux prendre un bain. Mais je... »

L'angoisse de ne pas suffire lui compresse la gorge et aucune justification ne lui paraît viable alors qu'il s'apprête à refuser. Mais ses réflexions précédentes lui reviennent en tête. Et si Mathéo comptait juger de l'état de leur relation via cette soirée ? Et s'il parvenait à la conclusion que Seito ne vaut pas la peine d'insister ? Ses pupilles brunes transpercent soudain Mathéo.

« Est-ce que ça te plairait que je dise oui ? »

Cette question peut sembler idiote mais Seito a besoin de l'initier pour saisir l'enjeu de la situation. Il regrette l'absence de Pablo et Nolan qui ont pris l'habitude de répondre à ses questionnements enfantins. Sous sa cornée flotte l'ombre d'un échec tonitruant. Et il se sent si petit face à ce choix. Même si la petite voix dans sa tête lui souffle qu'il est trop tôt pour se remettre à nu, que la lumière est trop intense, que la chaleur est trop pesante. Tant d'excuses face à l'effacement de sa personne au profit du bonheur de l'autre. Son avis n'a que peu d'importance s'il peut faire plaisir à Mathéo.



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Dim 11 Aoû 2024 - 21:44
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18 aoüt 2018

Contre les lèvres de Seito, Mathéo se sent de nouveau respirer. Sa honte s’atténue sous l’élan de son petit-ami, son baiser en défait toute emprise. En face à face contre l’excès d’amour qui jaillit de sa poitrine, celle-ci ne fait pas le poids. La porte de la salle de bain coulisse loin d’eux et l'emporte avec elle. Son coeur vrombi follement dans toute sa cage thoracique. La main de Seito génère une vague de frissons sur sa peau. C’est tout ce dont il avait besoin, la seule réponse qu’il voulait : savoir que dans sa maladresse, il n’avait pas encore tout gâché. Rassuré, il rouvre les yeux pour le regarder. Le pauvre semble tout aussi gêné que lui. Après la honte, c’est la culpabilité qui l’assaille. Que va-t-il penser de lui désormais ? Comment rester serein dans cette chambre s’il croit que tout ce qu’il attend est de l’avoir nu dans son bain ? Hah… Tu es vraiment le roi des idiots, Mathéo. Peut-il lui demander de tout oublier et de ne pas prêter attention à lui ? Peut-il s’enfermer dans la salle de bain et se noyer dans son bain froid afin qu’on n’en parle plus ? Non… Il aimerait surtout le rassurer mais comment faire ? Quoi dire sans que ça ne paraisse encore plus étrange ?

« … Est-ce que ça me ferait plaisir ? » répète Mathéo, interloqué par la question surprenante que Seito lui soumet en relâchant ses lèvres. Bon sang. C’est si gênant. Il se déteste de les avoir mis dans cette situation. Tout se mélange, se bouscule et s’enflamme dans sa petite tête. Qu’est-il censé répondre ?? Est-ce le moment de sortir le peu de charisme qu’il détient et d’en profiter pour le charmer ? Ou au contraire, devrait-il jouer la carte de l’humour et poliment détourner la conversation ?? Il ne peut rien assumer de tout cela. Le rouge lui remonte violemment au visage. Si cela continue, il va mourir, ici et maintenant. Le regard de Seito le désarçonne. Il baisse la tête pour échapper à ses yeux perçants. Il... il aurait pensé que la réponse brillait d’évidence. Tout embarrassé, il répond : « … O-Oui ?... ».

Dans cet océan d’inquiétudes et de gêne, mieux vaut être honnête. C’est bien trop important pour prendre le risque d’un mal entendu. Ses yeux, timides, osent se dresser sur lui. Il lui faut préciser :

« … ça me ferait plaisir ».

L’une de ses mains se pose sur son crâne. Affectueuse, elle le gratifie de ses caresses. « Mais c’était mal venu de te le demander. Excuse-moi. J-Je… Je ne sais pas ce qu’il m’a pris » avoue-t-il, laissant son visage s’engouffrer entre l' épaule et le cou de son petit-ami. « Désolé si je t’ai surpris... » murmure-t-il. « A vrai dire… je me suis surpris tout seul… Haha. Je… Je voulais te demander si ça ne te dérangeait pas que je prenne un bain parce que j’avais peur que ça ne soit trop long et… Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. »

Un rire plus franc s’écrase contre l’épaule de Seito, emportant avec lui toute la tension que le malaise créé faisait peser sur les siennes jusque là. Mathéo se redresse, sa main glisse sur les cheveux de son petit-ami pour atteindre sa nuque que ses doigts cajolent tendrement.

« Ne t’en fais pas, d’accord ? . »

Gentiment, il lui fait faire demi tour et l’éloigne de la salle de bain avant de rebrousser chemin et de s’y engouffrer tout seul. Dos à la porte, il lui faut prendre un instant, le temps que sa circulation sanguine ne retrouve un flux à peu près normal. Quelle honte mais quelle honte. Dépité par lui-même, il finit de se déshabiller et ouvre le robinet de la douche pour filer dessous. L’eau froide qui déferle le long de sa peau le soulage instantanément de la chaleur. Cela fait une difficulté en moins à gérer. Trempé des pieds à la tête, il a l’impression de revivre.

Il attrape son shampoing et s’en vide dans les mains pour se frictionner la tête. Comme la plupart des hommes, il aurait tendance à utiliser le même produit pour les cheveux et le corps – quelle différence ? - mais Anna avait tellement insisté toutes ses années pour qu’il achète un shampoing différent de son gel douche qu’il avait finit par faire l’habitude sienne. Il rince ses mains et troque sa bouteille pour son gel douche. Le corps recouvert de mousse, il finit par se rincer. L’odeur boisée qui lui reste sur la peau est agréable, il se sent frais. Ce qui n’est pas une raison pour ne pas profiter de la baignoire. Aussitôt propre, il saute dedans et s’immerge dans l’eau. Il est trop grand pour pouvoir déplier entièrement ses jambes mais ce n’est pas grave. Ce n’est pas le confort qu’il recherche mais la fraîcheur. Il rapproche ses genoux pour pouvoir glisser la tête sous l’eau.

Rester sous l’eau, se laisser embarquer dans cet autre monde où les sons sonnent si près et si loin à la fois, où la lumière dérive et la matière transporte… il en avait toujours aimé la douce sensation. Sous l’eau, il se sent en sécurité. C’est sans doute pour ça qu’il continue de nager, entre décharge et sécurité, la natation lui apporte sa stabilité. Il sort le nez de l’eau pour expirer et inspirer une nouvelle bouffée d’air. Il faudrait qu’il sorte de la salle de bain… Seito attend. Mais comment lui faire face avec ce qui lui travaille l’esprit et prend son corps en otage ? Avant de sortir, il lui faut régler le problème. Ce sera plus difficile d'être au clair une fois devant lui.

Il veut l’embrasser… il veut le toucher… il veut le voir… sentir son odeur et goûter sa peau. Partout, absolument partout. C'est là bien le problème, il ne devrait pas vouloir tout cela. Il n'en a pas le droit, il s'en est convaincu. Il avait déjà plus qu'outrepassé les limites de ses droits lorsqu'ils s'étaient arrêtés chez lui. Pourtant... perdu  dans sa quiétude aquatique, Mathéo se demande… N’est-ce pas normal ? La question fait lever tous ses boucliers. Hérésie. Milles et unes injonctions mentales l’accusent de se chercher des excuses, comme toujours. L’angoisse foudroie son corps lorsque la petite voix dans sa tête lui crie d’arrêter ses conneries et de penser au bien-être son petit-ami qui n'a franchement pas besoin qu'on lui soumette toutes les obscénités qui lui traversent l'esprit. Ce n’est pas parce qu’il a un copain, ce n’est pas parce que Seito et lui ont déjà été intimes et ce n’est absolument pas parce que leur relation se développe qu’il lui faut croire que tout lui est permis. Il doit toujours le protéger, le protéger de lui. Le protéger de ses désirs, ceux qui le terrifient déjà lui-même. Malgré cela...alors qu’il sort la tête de l’eau et essuie son visage de ses mains, son coeur lui chante une douce mélodie. Seito l'attend de l'autre côté de la porte et il l'aime comme ce n'est pas permis. Lui qui en est tant amoureux… n’est-ce pas normal de vouloir s'en rapprocher ? N’est-ce pas normal de vouloir partager plus ensemble ? N'est-ce pas normal de vouloir l'aimer tout entier ? Cette fois, il coupe court aux méchancetés qu’il s’inflige lui-même et sort de la baignoire. Si. C’est normal. Si Seito était une fille, il ne se poserait pas même la question. C’est normal, se répète-t'il. Normal... Hah... Il soupire contre sa serviette en s’épongeant le visage, un sourire se peint sur ses lèvres.  Oui. C’est normal, Mathéo.

Bien sûr, ce n’est pas parce que ça l’est qu’il faut en exagérer. Sa proposition pour le bain était de trop et il s'en veut toujours de l'avoir faite. Chaque chose nécessite son temps, Mathéo. Et tant qu’il peut passer son temps avec Seito, c’est tout ce qui compte, le reste peut attendre. Toute une vie même s’il le faut. Au fond, il s’en fiche. Tant que c’est normal… tant que Seito l’aime aussi… le reste n’a pas d’importance. Il s’empresse de s’essuyer cheveux et corps avant d'enfiler un boxer propre. Le débardeur qu’il comptait mettre en guise de pyjama lui fait de l'œil mais… Haah… Il sait que ça n’a pas très poli mais il fait si chaud. Il n’a pas le courage de se couvrir davantage. Et puis… Seito l’a déjà vu torse nu plusieurs fois, cela devrait aller, non ? Il sort de la salle de bain avec ses affaires sous les bras.

« J’ai terminé. Excuse-moi pour le temps. Tu avais de quoi t'occuper ? » demande-t-il en allant ranger ses affaires de toilette dans son sac. Il plie ses vêtements sales pour les laisser à côté, mieux vaut ne pas les mélanger à ceux qui sont propres. « Je t’ai laissé l’eau du bain, si jamais tu veux en prendre un aussi. Ça fait du bien, ça rafraîchit » ajoute-t-il avec un sourire.

Avant qu'il ne puisse disparaitre dans l'antre de la salle de bain lui aussi, Mathéo capture son petit-ami de ses bras. « … Je t’aime, Seito » souffle-t-il en lui embrassant la joue. Un baiser tendre mais rapide. Il le libère avant de ne plus pouvoir s’arrêter de l’embrasser. L'un des futons lui sert de refuge, il s'y allonge sur le ventre avec son livre de Phillipe Claudel entre les mains. Il l’a déjà lu plusieurs fois mais « Les âmes grises » est son préféré de l’auteur.

 
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Mar 20 Aoû 2024 - 22:41
SAMEDI 18 AOÛT 2018



Oui, Mathéo a bien entendu. Seito acquiesce timidement, le regard attentif à la réponse qui dictera sa conduite. En bien ou en mal, son petit-ami a toujours eu la réponse à tout. Il est donc évident qu'il l'ait dans un moment aussi crucial. Pourtant, le japonais appréhende. Car il n'est pas certain d'être capable d'un tel rapprochement. Tout est flou dans sa tête. Il aimerait le vouloir autant qu'il croit le vouloir. Mais son hésitation première a trahi l'effroi de son corps que l'on souhaiterait mettre à nu. Il n'est pas idiot, il discerne les raisons d'une telle envie mais il se questionne à nouveau sur les attentes de Mathéo. Est-ce le but de ce week-end ? Et voilà que d'autres questions fleurissent quand l'étudiant scelle son sort. Un tressaillement dans ses iris est le seul signe de sa surprise bien que son regard glisse aussitôt sur la baignoire où il s'imagine en compagnie de Mathéo.

Nu, il l'a déjà vu nu. En partie, à moitié, des morceaux de peau avalés par ses baisers, tout un pan englouti par sa main. Mais tout était resté secret, l'acte lui-même s'était étouffé sous le murmure de leur souffle chaud. Alors qu'ici, ils seraient à découvert, l'un face à l'autre, dans cette lumière trop franche, à peine camouflés par l'eau. Son expiration racle sa trachée, il n'a donc pas le choix ? Si cela plaît à Mathéo, il n'a pas d'autre choix que de lui faire plaisir. Cette illusion persiste jusqu'à ce que son petit-ami abdique et relègue ses envies spontanées derrière des excuses mal fagotées. Pour autant, le japonais n'ose le contredire. Soulagé de l'abandon de cette mission à laquelle il ne s'était pas préparé et à laquelle ses chances de survie étaient minces. Des frissons se propagent au contact de son cou mais il accueille ce substitut sans pression supplémentaire.

« Tu prends le temps qu'tu veux dans la salle de bain. »

Une évidence malmenée par ce rire qu'il est incapable d'interpréter correctement. Ne pas s'en faire lui est impossible. Se convaincre, jour après jour, que l'avis des gens ne l'affecte pas est un odieux mensonge qui érode ses convictions dès lors qu'il déçoit un être cher. Mathéo ne fait pas exception à la règle et bien qu'il soutient son erreur, Seito est persuadé qu'il masque la vérité. Tâches d'encre sur son cœur, goutte à goutte douloureux que rien, pas même la chaleur de ces doigts, ne peut dissiper. Il se laisse éconduire, la mort dans l'âme, et reste planté là quand la porte de la salle de bain se referme derrière lui. Inutile, autant par sa présence que par ses émotions. Le doute s'insinue, infiltre ses veines d'un poison d'amertume dont il accueille la morsure avec bienveillance. Presque rassuré par cette intrusion, il se love dans l'hostilité et s'échoue ventre à terre contre le matelas. La tête enfouie contre le drap, il suffoque mais retient son souffle jusqu'à l'asphyxie.

Tornade de sensations quand il sent ses poumons protester, coups de griffe contre sa cage thoracique. Seito relève la tête brutalement. L'air s'engouffre dans ses narines, goulûment, il toussote. Puis se retourne sur le dos, les yeux braqués sur le plafond dont il détaille toutes les aspérités. La moindre fissure, le plus petit trou, tout y passe et le temps défile sans qu'il n'ait à s'occuper plus efficacement. Il est presque surpris quand Mathéo réapparaît. C'est sa voix qui le sort de sa contemplation méditative. Ses paupières se referment, longuement comme un chat, puis il se redresse et se coule hors du futon.

« Oui oui. »

Il remarque alors la tenue dévêtue de son petit-ami. Ce torse dessiné qu'il a déjà contemplé, il l'évite. Sa lèvre disparaît entre ses dents alors qu'il se dirige vers son sac à dos. Mais il se fait rattraper par le garde-frontière qui appose sa joue d'un sceau de passage. Auquel il s'extrait comme une anguille, une moitié de sourire figé au coin de ses lèvres, le regard épinglé mais distant. Il fouille dans son sac, y prend ses affaires rapidement puis, avant de s'échapper derrière la porte, marmonne :

« Je- J'me dépêche. »

Seito n'a jamais été adepte des longues douches et le contexte ne l'aide pas à se détendre. L'eau roule sur sa peau sans qu'il n'y prenne plaisir. Trop obnubilé par ce qu'il aurait dû faire, ce qu'il aurait dû dire, choisir. L'idiotie lui colle à la peau et il a beau frotté, le savon n'en dégrossit pas la couche. D'un geste vif, il enclenche l'eau froide. Tout son corps se tend et frissonne sous cet assaut volontaire. Et il arrête tout quand ses dents s'entrechoquent. Preuve que son corps réagit encore, qu'il est vivant. L'épiderme aux abois, Seito s'enroule dans la serviette et vide l'eau du bain qu'il n'utilisera pas. Les gouttes s'évanouissent entre les fibres. Une fois sec, il revêt un caleçon, un short de pyjama lâche et un t-shirt. Discussion silencieuse avec son reflet tandis qu'il se brosse les dents. Le dentifrice s'écoule dans la bonde et l'eau le disperse. Combien de temps s'est-il écoulé, il n'en a pas la moindre idée. Tout ce qu'il sait est que l'heure est venue de se jeter à nouveau dans la gueule du loup.

La porte s'entrouvre, sa silhouette frêle s'y faufile. Il fourre ses affaires sales dans son sac et, après un bref regard sur Mathéo, de ses épaules à son fessier, il inspire et s'allonge sur son futon. Flanc contre le matelas, ses yeux se posent sur son visage, dévient sur le livre entre ses mains.

« Tu lis quoi ? »

La curiosité n'est pas seulement audible dans sa voix mais se manifeste par un rapprochement. Qu'il opère en roulant sur lui-même. Un brin de réflexion en amont lui aurait évité le claquement de sa hanche contre le parquet. Il grimace. De sa main, il tente d'en gommer rapidement le choc et finit par se décaler en diagonale. Sa tête échoue entre ses bras sur le matelas de Mathéo tandis que ses jambes soutiennent son ventre hors du vide depuis son matelas. La joue contre son biceps, ses yeux s'ancrent à nouveau sur son petit-ami à qui il demande :

« Tu veux bien lire à voix haute ? »



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Sam 24 Aoû 2024 - 1:28
Le monde ne tourne rond qu'à l'intérieur du cercle de tes bras


18 aoüt 2018

1917. Première guerre mondiale et ses ravages. Une petite ville de province française. Une société bouleversée par un drame dont la guerre effacerait presque l’horreur en la laissant passer pour une banalité triste. Les âmes grises n’a rien d’un livre amusant, rien d’exaltant, rien de suffisamment intriguant non plus pour expliquer les battements rapides du cœur de Mathéo. Il en connaît déjà toute l’histoire. Le crime lui est résolue depuis longtemps, il ne relit le bouquin que pour le simple plaisir de laisser ses yeux se bercer sur la plume de Philippe Claudel, qu’il admire. Pourtant, perdu entre les lignes qui dépeignent soupçons et jalousies, suspendu aux mots qui tissent le fil conducteur du malheur de la petite Belle-de-Jour, Mathéo n’arrive pas à se concentrer. L’abominable ne l’atteint pas. Chaque désolation mise en scène s’efface au profit de l’attente et de son pouvoir fantasmatique. Oui, un meurtre a eu lieu mais ce n’est pas ce qui l’inquiète. Son cœur s’affole, son corps se tend, il essaye de ne pas commettre lui même de crime. Dans la pièce d’à côté, Seito est en train de se laver. Depuis son futon, il peut entendre l’eau de la douche couler. Les sons envahissent sa concentration, son cerveau les traduit en images. Très vite, le bruit de l’eau se transforme en tableau. Dans la pièce d’à côté, elle embrasse la peau de son petite ami, nu. Le maire, le juge, le procureur, le policier ou le médecin peuvent bien se battre et se débattre pour trouver l’assassin de la pauvre petite-fille… Mathéo aimerait surtout qu’on empêche les images mentales qu’il reconstruit de le tuer. Ce chef-d’œuvre littéraire ne suffit pas à le détourner de l’affreuse vérité : imaginer Seito sous la douche ne le laisse pas indifférent. Il se rappelle des parties dénudées de son corps qu’il avait effleuré des yeux chez lui, de la sensation de ses mains sur sa peau, de son odeur. Le visage écrasé contre son livre, il tente de se ressaisir. Il lui suffirait de ne pas y penser. N’est-ce pas ? Hah… si seulement cela était aussi simple…

L’odeur poussiéreuse de l’ouvrage se rappelle à lui et tente de remplacer ses souvenirs olfactifs. Il lui faut mobiliser tous ses réseaux neuronaux pour sortir le nez des pages et recentrer un minimum sa concentration sur leur lecture. Impossible de feindre l’indifférence maintenant qu’il est seul dans la chambre, son corps le trahit et l’empêche de se mentir : il aimerait terriblement être dans cette salle de bain lui aussi. Il doit redoubler d’efforts pour rester amarrer à cette histoire qu’il connaît déjà. La surprise n'y est plus mais il lui faut pourtant y trouver un intérêt suffisant pour que l’émoi qui lui ravage le corps ne disparaisse au profit de l’analyse littéraire. Heureusement, le temps joue en sa faveur ce soir. Il lui offre le répit nécessaire pour calmer les pulsations que ses veines peinent à contenir. Le temps de l'absence permet que la triste fin de Belle-de-Jour ne prenne sa place. Mathéo en oublie un instant la beauté qui doit couvrir son petit ami maintenant qu’il est immergé sous une eau ruisselante, effaçant toute trace de cette mousse savonneuse qu’il aurait tant aimé remplacer. Seito le surprend même lorsqu’il s’installe sur le futon de disponible. Concentré, il ne l'avait pas entendu s'approcher.

« Les âmes grises, de Phillipe Claudel » répond-t-il au questionnement de son petit ami, traduisant le titre en japonais. « C’est un roman français » précise-t-il tandis que ses yeux abandonnent le papier pour s’attarder sur le joli minois du lycéen. Son coeur loupe un battement. Il est encore plus beau les cheveux mouillés. Comme il aimerait l'embrasser... Si seulement il osait réduire la distance que le sol impose entre leurs deux futons... mais ses membres ne bougent pas, il a bien trop peur que son geste ne soit mal interprété. Aussi est-il des plus étonnés en observant le rapprochement maladroit de son petit ami.

« Est-ce que ça va… ? Tu ne t’es pas fait mal ? » s'inquiète-t-il en replaçant son marque page dans le livre pour l’abandonner un instant. La demande de lecture le surprend mais il y adhère d’un hochement de tête. Parler français lui est rare, en partager quelque chose plus encore. Pour ce moment privilégié, la compréhension et la pertinence attendront. Même s'il sait que ça ne servira pas à grand chose puisque Seito n'y comprendra rien, il lui donne sa confirmation.

« Oui, bien sûr… mais attends... »

L’un de ses bras passe sous le pont en lequel son petit ami s’est transformé, il en attrape le futon et le tire à la force du bras pour le coller au sien. Cette proximité nouvelle l’intimide autant qu’elle le ravie mais il se rassure en se disant que dans ces circonstances, un rapprochement reste acceptable. Du moins, l’était, avant qu’il n’en profite pour se retourner sur le dos et n’amène le lycéen contre lui. « On sera mieux comme ça » souffle-t-il gentiment. L’étreinte est rafraîchissante. L’humidité des cheveux de Seito vivifie l’air que le ventilo projette sur eux. Mathéo récupère son livre. Bras tendus, il le suspend au dessus de leurs têtes et se met à lire. A nouveau, il compte sur l’histoire tragique pour calmer son coeur qui s’anime brutalement. Jamais il n'aurait cru pouvoir profiter d'une soirée comme celle-ci avec lui. Moins encore qu'ils auraient pu dormir ensemble un jour. Rien que tous les deux. Sans personne d'autres autour. Cela lui semble complètement surréaliste.

Le ton sérieux, il tâche de se concentrer et entame la lecture des deux pages ouvertes sur eux. Chaque mot roule dans sa bouche, les tonalités françaises en arrondissent les angles. La prosodie de la langue sonne comme une douce berceuse comparé au rythme qu’impose celle du japonais. Elle l’apaise et le repose. Le français paraît sûrement plat pour des oreilles peu habituées, les projecteurs y mettent en lumière la fin des mots avant tout, le reste semble suivre un fil en parfait équilibre. Mathéo enrobe chaque phrase de son accent parisien, celui qu’il n’a pas l’impression d’avoir.

« (…) Dans sa bouche, il n'y avait plus de Belle de jour, pourtant lui aussi l'appelait ainsi jadis, je l'avais moi-même entendu. Il disait dorénavant la victime, comme si la mort en plus d'ôter la vie enlevait aussi les jolis noms des fleurs. »

La seconde page terminée, il marque une pause. Ses lèvres déposent un baiser tendre sur la joue puis la tempe de Seito. Taquin, il recouvre leurs visages de son livre. Sous leur mini-couverture de papier, son cœur recommence à chanter.

« … ça ne te gêne pas de ne pas comprendre ? Ce n’est pas ennuyant ? »

 
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Sam 24 Aoû 2024 - 17:23
SAMEDI 18 AOÛT 2018



Quelle force... Voilà bien tout ce qu'il est capable de penser après avoir acquiescé brièvement à l'inquiétude de Mathéo. Il a oublié sa hanche dès l'instant où il s'est focalisé sur ces muscles déployés dans le but de le rapprocher de ce corps à moitié nu. A deux doigts de s'oublier lui-même lorsque Mathéo efface complètement la frontière qui les séparait. Seito repense à leur conversation précédente, s'inquiète d'avoir à faire de nouveaux choix, se perd dans des conjectures alambiquées. Toutes annihilées par la peau de ce torse contre lui. Sa tête, à moitié sur son épaule à moitié dans son cou, affiche la surprise de l'audace. Pour autant, il n'attente aucun repli. Mieux, il ne saurait le dire. Confortable, très certainement. Protégé par son t-shirt, le japonais impose à son corps le relâchement. Ce week-end ne peut être source que de bonheur.

Tout doucement, sa main glisse sur les abdominaux de Mathéo et ses cheveux impriment leur empreinte mouillée dans son cou. Le livre s'érige en refuge de douceur et offre sous son toit le calme espéré. Dès les premiers mots, les battements de son cœur s'allègent. Sa main s'alourdit et très vite il se replace pour se caler correctement contre son petit-ami. Il ne comprend pas un traître mot de ce que raconte Mathéo mais cela n'a aucune importance. Toute langue étrangère ainsi déclamée suscite un intérêt suffisant pour justifier la beauté de l'instant. Il ne saurait mettre le doigt sur l'émoi que cela suscite en lui mais le fait est qu'il en apprécie chaque intonation. Les yeux bien ouverts, il écoute sagement, ne fait aucun commentaire. En japonais, il n'aurait pas hésité à poser des questions.

Mais ici, la prose découle de ces lèvres poétiques. Que Mathéo lui intime de redécouvrir alors qu'il incline la tête pour le regarder. Être ainsi recouvert le fait doucement rire. Son sourire étire le coin de ses yeux, ses yeux pétillent.

« Bah non. J'aime bien imaginer ce que tu racontes. Même si c'est sûrement pas du tout ça. Mais c'est pas grave, c'est agréable à écouter avec ta voix. »

Il l'observe longuement. Son sourire s'agrandit tandis que la taquinerie devient un moteur pour changer de position. Le japonais tourne son corps, ventre à présent contre le matelas, et se soutient à l'aide de ses coudes.

« A moins que ce soit toi qui t'ennuies et tu sais pas comment m'le dire ? »

Il approche son visage du sien. Tout proche au point que leurs nez se touchent. Ses dents se dévoilent, réellement amusé par sa provocation.

« Alors Mathéo ? »

Ses lèvres rieuses attrapent les siennes dans un baiser chaste. En s'approchant, ses doigts se décalent sur son pectoral.

«  Tu t'ennuies ? T'as quelque chose d'autre en tête ? »

Sans arrière pensée, il comble à nouveau la distance entre leurs lèvres. Cette fois-ci, son baiser est plus appuyé bien que toujours sage.



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Lun 26 Aoû 2024 - 1:04
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18 aoüt 2018

Ce sourire, tamisé par l’obscurité que leur offre le livre au dessus de leurs têtes, il en est dangereusement amoureux. Il le savoure des yeux, en retrace chaque ride d’expression du regard. Le temps lui semble s’être arrêté lorsqu’il se perd dans les iris charbonneuses de Seito. Il en oublie le compliment caché qui ferait rougir sa voix si elle le pouvait. Rien ne lui fait plus plaisir que cette étincelle qui pétille dans l’oeil de son petit ami. Son coeur en est surpris, il entonne une douce mélodie. C’est sûrement ainsi qu’ont été écrits les plus beaux des chefs-d’œuvre, à la ballade du coeur.

« Moi ? » demande-t-il, amusé par l’espièglerie soudaine dont fait preuve le lycéen. S’il pouvait décortiquer les notes qui s'inscrivent sur la partition que composent les battements de son coeur, la question qu’il lui pose ne lui viendrait pas même à l’esprit. L’organe musicien accélère terriblement lorsque Seito s’approche. Le voilà malmené.

Nez contre nez, Mathéo résiste, reste silencieux et garde précieusement le secret. Pas encore… il lui faut attendre avant de pouvoir sceller sa réponse contre ses lèvres. Le rapprochement de celles-ci l’envoûtent, le baiser que dépose Seito tout contre n’est pas assez. Il lui en faudrait un plus long. Il lui faudrait pouvoir mourir contre la chair de ses lèvres. En perdre tout souffle, frôler l’asphyxie et s’évanouir en ne gardant pour seul souvenir combien ils se sont aimés. C’est à son tour de découvrir les dents sous l’ouverture d’un sourire.

Sa peau brûle sous les doigts de Seito, elle agonise de ne pouvoir être touchée davantage mais il tient bon. Encore un peu, pour le simple plaisir de découvrir la malice dans le fond des yeux provocateurs dont le mitraille son petit ami. Un second baiser fait s’enflammer son ventre, l’inquiétude commence à le gagner, il sait que c’est un feu indomptable qui y naît.

« Hmm... »

La main dans ses cheveux, il laisse son livre tomber sur le futon pour mieux le voir. Yeux fermés, il continue de savourer la sensation de son souffle sur ses lèvres. Seito réalise t-il à quel point son jeu est dangereux ? Sait-il comme tout son corps lutte pour ne pas réclamer le sien ? Et lui ? En a t-il envie aussi ? Aimerait-il qu’il réponde à ses avances ? En est-ce seulement ? Il ne sait jamais comment interpréter les signes qu’il a l’impression de percevoir et le risque de se tromper lui semble toujours beaucoup trop grand, il ne veut pas lui faire peur, ni le brusquer. Depuis le moment qu'ils avaient partagé chez lui, il n’avait jamais osé en redemander. Pourtant, le souvenir de sa respiration endiablée sous ses caresses avait hanté plus d’une de ses soirées.

« Qui sait ?... » demande-t-il, d’humeur joueuse lui aussi. Sa main glisse sur sa nuque qu’il rapproche pour retrouver sa bouche. Malicieuses, ses lèvres frôlent les siennes, s’entrouvrent à peine pour en cajoler la chair. « Je ne m’ennuie jamais tant que tu es là... » murmure-t-il son secret tout contre. Il embrasse la commissure de ses lèvres, tendrement, de chaque côté. Ses dents en agrippent la chair inférieure, elles tirent gentiment dessus avant d’être relâchées. La sensation est grisante, le feu se répand sur la poudre que Seito a semée sur son corps, il en atteint directement son coeur, pris en otage par les flammes. La tension monte, il en veut plus mais il n’ose pas. Sous ses lèvres et ses doigts, à l'image de leur royaume, Seito lui semble fait de sucre lui aussi. Un sucre qui pourrait être plus fragile qu’il ne le pense. Ça ne vaut pas le coup d’y goûter s’il fond et se dissout sous l’humidité de ce désir qui fourmille depuis le bas de son ventre. Il tient beaucoup trop à lui pour prendre le risque d'une initiation.

« … mais peut-être que j’ai bien autre chose en tête » souffle-t-il en relâchant la pression sur sa nuque pour l’autoriser à s’éloigner. Ses doigts chatouillent sa joue en glissant sur son visage, ils s’amusent à descendre sur son menton avant que son index ne s’aventure seul le long de sa gorge. Ses yeux ne le quittent pas, ils s’amarrent aux siens dans un silence qu’il rompt rapidement pour ne pas commettre l’irréparable. « Si tu arrives à deviner ce que c’est, je t’accorde un souhait, celui que tu veux... » énonce-t-il, sourire en coin. « Je te laisse trois essais. Si tu perds, c’est toi qui m’accorde quelque chose. Tu joues ? » demande-t-il, beaucoup trop confiant pour ne pas trahir l'arrogance fière qui s'installe sur son visage avec cette trouvaille.

 
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Mer 28 Aoû 2024 - 21:28
SAMEDI 18 AOÛT 2018



TW : érotisme

Elle est là, cette traînée de poudre, éparse et continue sur ce torse que Seito détaille du regard avant de replonger son regard noir dans l'éclairci brun face à lui. Il en a répandu chaque grain, Petit Poucet improvisé d'un jeu dont il n'aurait pas soupçonné les répercussions. Mais un jeu ne se refuse pas. Venant de Mathéo, c'est inattendu, rafraîchissant et diablement grisant. Le voilà conquis, aussi simplement que ça. Le japonais arque un sourcil, appuie sur l'évidence.

« Si je joue ? »

Sa bouche se fend d'un sourire tandis qu'il plante sa tête entre ses mains. Le monde se réduit au visage de son petit-ami. Dans cette tête se cache la promesse d'un souhait accordé. Et, bien que Seito n'a pas la moindre idée de quoi demander, il compte bien participer avec le même entrain que s'il avait su. Le souvenir des doigts de Mathéo court toujours sur la peau de son cou. Fantômes d'un désir dont il croit avoir décelé le dessein mais dont il a été incapable de donner suite. Maintenant qu'il y pense, il est trop tard. D'abord le jeu, puis ensuite... Mieux vaut ne pas trop se projeter où il pourrait être déçu, de lui, de sa pudeur excessive confrontée à ses éclats d'envie qui parasitent ses pensées depuis que ses lèvres ont effleuré les siennes. Plus pour confirmer sa participation que par réel oubli, Seito répète :

« Trois essais, c'est bien ça ? »

Ses pupilles s'envolent, signe d'une réflexion intense, légèrement surjouée, à laquelle s'ajoute un doigt songeur sur ses lèvres pincées. Le temps s'allonge sans qu'il ne brise le silence. A chaque inspiration, son ventre s'enfonce dans le matelas. Son souffle, lent et régulier, atteste du sérieux de l'entreprise et témoigne de son lâcher prise. D'un tourbillon d'angoisse à une avalanche de tendresse, Seito s'acclimate à la météo de Mathéo et se surprend à en apprécier les nombreux éclaircis qui clairsèment sa vie. Bourgeons de soleil, ses iris se braquent sans prévenir sur l'étudiant.

« Tu penses à comment t'aurais pu sauver les dinosaures si t'avais su qu'une météorite allait leur tomber sur la gueule et tu te dis que si personne veut se dévouer pour le faire, c'est toi qui va la construire la machine à remonter dans l'temps. »

Son sérieux s'évanouit derrière ses fossettes gonflées d'amusement. Ce premier essai est tout sauf gagnant et il le sait. Toutes ces secondes de réflexion l'ont amené à la conclusion qu'il n'a aucun moyen de découvrir ce qui se trame dans la tête de Mathéo. Et, quand bien même il serait télépathe, il se préfère mentaliste. Influencer le cours du jeu par ses suggestions lui paraît bien plus amusant que de résoudre une devinette insoluble. Le japonais se hisse sur ses poignets pour basculer en position assise, remarque la lampe de chevet derrière Mathéo. Sans prévenir, il s'étire au-dessus de lui pour attraper l'interrupteur et l'allumer. Son t-shirt baille, dévoilant son ventre, tout son corps se rapproche dangereusement. Puis il revient à sa place dans la foulée et adopte un tailleur temporaire.

« Mmh... tellement de choix, j'hésite. »

Et oui, le jeu n'est pas fini. Seito a encore deux essais à son arc et il compte les utiliser à bon escient. Le dernier en tout cas. Car il sait d'avance que le deuxième n'aura pas plus de sens que le premier. S'il hésite, c'est uniquement pour décrocher un sourire plus chatoyant à Mathéo. La proposition ne peut être validée que si elle est parfaitement idiote.

« Oh je sais ! Tu penses à tous ces zèbres qui sont obligés de courir pour leur vie non stop parce que tout le monde croit, enfin surtout les lions et les hyènes et les tigres, ah non y'a pas de tigre en Afrique, y'a des tigres en Afrique ? Bon, on s'en fout, tout l'monde croit qu'ils sont à bouffer parce qu'on leur a taggué un code-barres sur le corps. »

Ses dents aspirent sa lèvre inférieure, explosion de malice dans son regard agité. Seito se retient de rire mais échoue en laissant échapper un gloussement. Faussement surpris, il s'indigne :

« Ah non, c'est toujours pas ça ? Pff, il est trop dur ton jeu. Comment tu veux que j'trouve c'que t'as dans la tête ? T'as la tête trop dure l'Amoureux. Mes rayons X passent pas au travers. »

A ce stade, il n'y a plus de place au doute. Seito se fourvoie en pleine conscience. Échauffé par ce jeu, son esprit complexé a dessiné un plan. Les règles du jeu étaient simples, le voici à son troisième et dernier essai. Pour ce grand final, l'envie s'est imposée d'elle-même. De floue, elle a incendié son cœur d'une fièvre étrange pour mener la barque d'un jeu à présent pipé. A nouveau, il s'écoute. Quelque chose lui dicte de tamiser la lumière. Sa paume se plante dans le sol et il se lève. Le plafonnier éteint, ses yeux s'adaptent à cette semi-pénombre puis se posent sur Mathéo. Éclairé par la lampe d'appoint derrière lui, sa large silhouette se détache en contre-jour. Soudain, Seito se voit forcé de justifier son geste.

« C'est pour rendre le troisième essai dramatique. »

Deux choix s'offrent alors à lui. Faire exprès de rater pour accorder un souhait à Mathéo ou sombrer dans ce désir paradoxal que la mention d'un bain avait tué dans l’œuf. Ses pas se partagent fébrilité et impatience alors qu'il retrouve le futon. Ses genoux s'enlisent dans ce grand lit de lave, la chaleur lui monte aux joues, à la tête. Elle assoit sa dominance et dicte ses mouvements. Elle échafaude des paroles ardentes qui se meurent sur ses lèvres encore distantes. Ce que pense Mathéo n'a brusquement plus d'importance. Il lui faut suivre le tracé de ses propres pensées, cette traînée de poudre qui chemine de ces lèvres à ce torse dessiné. Incendiaires, elle l'incite à sauter le pas. Sa cuisse se soulève, enjambe le bassin de son petit-ami. L'espace d'une demi-seconde, il conscientise son geste et retient son souffle. L'instant d'après, l'espace est comblé. Son bassin épouse le sien sans retenue, apprivoise l'arrondi de son entrejambe.

Que Mathéo ait su le détendre avec un jeu est un mystère. Mais que Seito y réponde avec autant d'audace est une révélation. L'univers se réduit à nouveau à ce regard brûlant d'amour dans lequel il immerge avec appréhension, et une pointe de curiosité suffisante pour en supporter la  brûlure. Il lui semble être à court d'air. Le soleil décline, accentuant l'atmosphère électrique. Chuchoter s'impose comme une nouvelle règle du jeu.

« Tu penses à cette nuit avec moi. »

Parce que lui aussi y pense. Dès l'instant où son esprit s'y est focalisé, impossible d'y échapper. L'information tourne en boucle. Ils ne sont pas seulement dans la même chambre, ils sont seuls. Mathéo et lui... puis cet amour disproportionné qu'il repousse régulièrement mais face auquel il consent, dans le plus grand des secrets, quand il entrevoit la possibilité d'une réciprocité. Si ténue qu'elle brille intensément de sa rareté. Ses doigts se font volage, tracent de nouveaux chemins explosifs sur ce champ de bataille dénudé. De la poudre sous les ongles et le cœur dynamite.



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Sam 28 Sep 2024 - 0:29
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18 aoüt 2018

TW: Erotisme

Un rire s’échappe d’entre ses lèvres, Mathéo secoue doucement la tête à la négative. Les dinosaures sont bien là où ils sont : à des années lumières de ses pensées actuelles et de ses préoccupations les plus pressantes. Si on lui en donnait l’occasion, il n’irait d’ailleurs pas les sauver. Ces derniers ne sont mignons qu’en dessin animé, leur dangerosité n’est plus à prouver et s’ils avaient à cohabiter, les humains qu’ils sont ne feraient pas long feu. Pourtant, en cette nuit tranquille, les dinosaures lui semblent bien moins mortels que cette lueur espiègle qui le fascine et le captive dans les yeux bruns de son petit ami. Sous son influence, son cœur vrombit, pris de frissons lui aussi. L’amour s’élance dans sa poitrine et ensorcelle chaque battement de son rythme mystifié. C’est douloureux, mais douloureusement satisfaisant. Chaque pulsation s’enrobe et se dérobe sous un coulis de passion que l’humour de Seito contient encore. Sa remarque sur les zèbres ne manque pas de l’amuser, il n’y a vraiment que lui pour inventer de telles intentions à la Nature.

« Non plus... » ricane Mathéo. Un doux sourire lui reste sur les lèvres. Heureusement que le lycéen n’a pas la capacité de pouvoir sonder son esprit, pense-t-il. Si Seito savait les idées endiablées dont il est traversé, là, maintenant, tout de suite, alors qu’il le regarde se lever pour aller éteindre la lumière... Il ne s’en remettrait peut-être pas. Ses yeux en profitent pour parcourir son dos et descendre sur ses fesses, à moitié camouflées par son T.shirt. Sa gorge se serre à leur vue, comprimée par ce désir qui se faufile depuis son bas ventre et ne veut plus le lâcher. Il détourne le regard tandis que la lumière tombe dans l’oubli. Bon sang… comment peut-il survivre à cette nuit ?

Retiens-toi, s’intime-t-il. Ne fais rien, pas un geste, ordonne-t-il à son corps, déjà prêt à bondir hors du futon pour rejoindre Seito dans la pénombre. Mais lorsqu’il redresse les yeux sur lui, celui-ci est déjà de retour. Son souffle s'alourdit sous le rythme imposé par son coeur dont la cadence ne cesse d'augmenter en crescendo. Tamisée sous la nuit, leur chambre se teinte d’une toute autre ambiance. Le clair-obscur, lui, rend le lycéen encore plus beau. Mathéo dégloutie. Ce jeu est en train de se retourner contre lui et il ne réalise que trop tard à quel point. L’effervescence l’assiège lorsque Seito s’assoit à califourchon sur lui. Que… Q-Qu’essaye-t-il de faire ?… Pourquoi ??? Comment ?? Est-ce qu’il… Est-ce que lui aussi il… ? Impossible de réfléchir, il n’y a plus assez de sang pour irriguer son pauvre cerveau.

La troisième tentative du lycéen le laisse tout autant sans voix, elle touche au plus juste milieu de la vérité. Pourtant, elle n’en reste pas moins un énième échec. Tirant sur ses abdos, Mathéo se redresse jusqu’à pouvoir retrouver ses lèvres. Son pauvre corps se consume sous le poids de celui de Seito. A la chaleur de l'été s'ajoute la sienne, soudainement fiévreuse. Tout son être panique, pris des plus grands doutes, mais à quoi bon réfléchir davantage lorsque c’est Seito qui pour une fois mène la danse ? Indisciplinées, ses mains remontent le long de ces cuisses qui l’entourent dangereusement, elles ne s’arrêtent que sur ses hanches pour les empoigner et réduire le peu de distance qui aurait encore pu les séparer d'une collision totale. Sous les fesses de son petit ami, sa réaction est évidente. L’appuie qui en épouse les formes sous le tissu de leurs vêtements l’est tout autant. Il dévoile la courbe ferme qui soulève son boxer et ne peut plus être cachée. Aucun malentendu n’est possible lorsque ce sont les corps qui s’expriment. A-t-il le droit ? Est-ce pardonnable que de le vouloir avec tant d’appétit ? Ses lèvres s’éloignent lentement des siennes, laissant son souffle devenu brûlant s’échouer tout contre. Il l’aime tellement… si lui n’en a pas le droit qui pourrait l’avoir ?

« … Tu es impressionnant, Rinbo bleu… » murmure-t-il, la voix plus lourde. « Tu as perdu... et gagné en même temps. » annonce-t-il, amusé.  Ses lèvres échouent et traînent sur son cou, l’effleurant avec malice. « Ce n’est pas ce à quoi je pensais, tu me dois un souhait »

Ses dents saisissent doucement la peau de son cou. Seito en mérite la morsure pour ne pas avoir été capable de deviner l’inéluctable vérité. « Je t’aime... » l’énonce-t-il, entre deux morsures. Sa langue vient en apaiser la peau doucereusement torturée. Gourmande, elle ne peut néanmoins s’en contenter. Elle trace un chemin humide jusqu’à sa mâchoire. « C’était ça, ce à quoi je pensais » confirme-t-il en s’éloignant. Ses mains quittent les hanches de Seito  pour s’aventurer sur les terres dissimulées par son T.shirt. « … Mais tu n'as pas tout à fait faux, je pense aussi à cette nuit avec toi » est-il obligé d’admettre, plus timide, en plongeant son regard dans le sien.

« Alors… Disons que tu as le droit à un souhait aussi. Choisi le bien »

Ses doigts chatouillent la peau de son ventre de leurs ongles soigneusement coupés. En boucle, la même question fait encore des échos : il a le droit, n’est-ce pas ? Sa langue en signe un accord définitif sur les lèvres de Seito, taquine. « Je sais déjà le mien... » murmure-t-il. La joue échauffée de son petit ami se voit gratifiée d’un tendre baiser avant qu’il ne s’autorise à lui souffler à l’oreille : « Je veux t’embrasser… partout. Est-ce que je peux ? ».

 
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