Premiers pas dans l'antre Kristianov

Repérer la ligne de bus pour aller chez Yulian : check.
Mémoriser les rues où tourner pour trouver sa maison : check.
Faire le chemin jusque-là : check.

Mais y’a comme un petit problème, maintenant que je suis arrivé… C’est quoi ces maisons de riche ? J’me suis planté en prenant le chemin pour aller chez Nolan ou quoi ? Je fronce les sourcils et tourne sur moi-même pour faire demi-tour, revenant au début de la rue. Le panneau indique pourtant bien celle que Yulian m’a donnée… Je sors mon téléphone, ayant comme idée première de l’appeler pour savoir s’il ne s’est pas foutu de moi, mais blague ou non, autant sonner directement.

J’avoue que j’suis pas hyper à mon aise dans ce genre de quartier. De la même manière que la première fois que je suis allée chez Nolan d’ailleurs. Toute cette grandeur, cette richesse non dissimulée, cette opulence… C’est l’opposé direct du quartier ou j’ai grandi. L’image parfaite pour illustrer ce qui nous a séparé Seiko et moi l’an dernier. Deux mondes complètement différents. Et un monde dont j’ai aucunement envie de faire partie.

Ce que j’ai du mal à percuter, c’est ce qui amène Yulian ici. Parce que même si Nolan n’étale pas sa richesse, mais ça se sent qu’il est de ce monde-là. Ce sont de petits détails qui en témoignent. Mais chez Yulian, j’ai rien capté de tout ça et j’avoue que là, ça me perturbe. Je sais qu’il y a des riches chez les russes, mais… Enfin bref. Bon, de toute façon, va falloir y aller.

*Driiiiiiiiiing*

Dans quel bordel j’me suis encore fourré. POURQUOI j’me retrouve avec des potes qui ont ce genre de moyens ? Il suffirait qu’un de leur parent se renseigne pour qu’ils sachent que mon père est en taule, ou même pour avoir mon dossier, et j’suis que ça pourrait finir comme en juin dernier. Il vaudrait mieux que je leur en parle moi-même, de tout ça. Que j’leur en parle un jour… mais pas aujourd’hui. La porte s’ouvre sur la tête blonde de Yulian, me faisant cligner des yeux de surprise quelques une seconde.

Salut mec…

Alors c’était pas une blague. Accusant le coup, mes salutations s’évanouissent alors que je lève la tête pour observer la maison. J’hausse un sourcil, puis reprends mes esprits en revenant poser les yeux sur Yulian en rigolant :

Nan, pas de galère, mais j’ai vraiment cru me planter de rue et de maison !

Je fais deux pas pour passer la porte et frotte mes baskets sur le paillasson, m’imaginant voir débarquer une gouvernante russe bien stricte pour me faire frotter la moindre trace que j’pourrais laisser. Et un rapide coup d’œil dans l’entrée annonce rapidement le style de la maison, à l’image de l’extérieur.

J’veux bien un truc à boire ouais, bien frais. Et qu’tu me pinces aussi parce que j’ai du mal à réaliser qu’on est chez toi là !

Tenue de Pablo:

Quand Yulian m’a lancé, un sourire en coin, j'ai ri nerveusement. Mais dans ma tête, j'étais encore en train de digérer tout ce que je voyais. La cuisine était immense, et lui, il agissait comme si c’était normal de vivre dans une maison pareille. Le genre de truc qu’on voit dans les magazines, pas dans la vraie vie. Il a crié à travers la pièce toutes les boissons qu'il avait comme si c'était rien, et moi j'étais là à hésiter entre un simple soda ou un truc que je connaissais même pas.

Quand il m’a tendu le verre, je l'ai pris en le remerciant, mais j’étais encore en train d’observer tout ce qui m’entourait. Puis il a ramassé ses feuilles de croquis éparpillées, s'excusant du bazar. Franchement, si ça c’est du "bazar," je me demande à quoi ressemble cette maison quand elle est vraiment en ordre. L’idée d’avoir une maison aussi grande juste pour soi me dépasse un peu. Je ne peux même pas imaginer ça, d’autant que j’ai à peine de quoi dormir chez les vieux et que même si c’est petit, le désordre ne passe jamais inaperçu. L’idée qu'une femme de ménage ou une gouvernante ou j’sais pas quoi fasse ça travaille pour eux… ça me paraissait tellement lunaire. Chez nous, c'est moi qui nettoie ma chambre, pas parce que j’ai peur qu’on fouille dans mes affaires ou qu’on m’engueule, mais parce que sinon, personne d'autre ne le fera.

Quand il a refermé le couvercle du piano avec soin, j’ai capté que, même s’il s’en fichait de certaines choses, il y avait des trucs qui comptaient pour lui et qu’il restait lui-même. La question sur les vacances me fait sourire à moitié :

Ça va, tranquille…

Même si, franchement, ça n'avait rien de "tranquille". Mes vacances, c'était boulot, devoirs et soutien pour rattraper mes notes. Mais je voulais pas trop m'attarder là-dessus, ni envie qu’il me prenne en pitié. Et puis, les moments en dehors des révisions rattrapaient le tout. Alors, je lui ai renvoyé la question, histoire de ne pas trop m’enfoncer dans mes propres galères.

J’ai pu profiter un peu hors révisions, c’est déjà ça. Et toi, ces vacances ?

Tenue de Pablo: