[Terminé] Ne me déteste pas, encore une fois, s.v.p.

En vrai… Encore aujourd’hui je me demande ce qui m’a poussé à accepter son offre. Je me trouve juste COMPLÈTEMENT débile de l’avoir fait. En plus, je me dis que c’est une mauvaise idée. Je ne sais pas comment ça va se terminer, mais voilà.

Ça fait quelques jours que je dors mal. Non pas que mes études ou les exams me stressent… Si ce n’était que ça… Non, je suis stressée à cause de ce stupide rendez-vous avec le cousin débilos de Meyuki (je t’aime Meyu, mais ton couz’ sérieux). Bref. La journée même, je n’ai pas trop eu le choix de me mettre jolie. Il m’a « imposé » un code vestimentaire. Un truc un peu chic. Il veut m’amener où celui-là (wesh) !? En même temps, pour un rendez-vous, j’allais pas mettre n’imp’ non plus, faut pas exagéré.

Sauf que je ne savais pas quoi mettre. Ça été l’enfer avant de m’entendre pour ce que j’allais porter pour cette soirée. Pire encore, j’ai pris des photos pour les envoyer à Meyuki et Sumire, me disant que ça m’aiderait. J’ai longuement hésité entre deux outfits. Le premier était une jupe noire satinée, avec un pull jaune moutard (j’aurai pu être la colonelle Moutarde !) Sauf que finalement, j’y suis allée un peu plus sobre au final… Enfin, les filles y sont allées avec un ensemble plus sobre. Un chandail à manche longue moulant, une jupe grise assez chaude des collants transparents avec de petits pois noirs. Ensuite, pour sortir à l’extérieur avec ces temps assez frais. C’est pas les -30 degrés des hivers canadiens, mais ça reste assez froid pour que je veuille mettre un manteau bourgogne que j’aime trop et j’opte aussi pour un petit bonnet d’un gris pâle.

Me voilà enfin prête. Un petit sac à main noir et hop, me voilà partie en direction de notre lieu de rendez-vous, un peu d’avance. Je n’aime pas être à l’heure, encore moins en retard. Je n’aime pas faire attendre les gens et de toute façon, je suis tellement stressée, qu’il m’est impossible d’attendre plus longtemps.

J’comprends même pas pourquoi je suis stressée. Il n’y a aucune raison particulière pour l’être. C’est juste un rendez-vous, avec un mec chelou, qui m’offre de la bouffe gratuite ?

J’avais un ami avant qui disait FREE FOOD. Voilà, c’est tout. Il n’y a pas d’autres raisons. Ce n’est pas nécessaire qu’il y ait d’autres explications. Je vais seulement bien manger. S’il y a un problème… J’appellerais quelqu’un pour qu’il ou elle vole à mon secours. J’sais pas qui, mais je suis certaine que je trouverais quelque chose.

Je le vois qu’il arrive et je suis encore plus nerveuse. Genre mes mains sont moites. C’est trop nul quand ça arrive ! J’ai rien demandé, c’est juste un gars banal comme Lawson ou l’autre… Il arrive à ma hauteur et je fais un peu mine style que je ne l’observe pas depuis un bout, genre ah ! Ce qu’il est beau le sol ! Et le ciel aussi… Il est en mode qu’il veut déjà se coucher.

- Euh… Non pas tellement. J’suis juste arrivée plutôt.

Je trouve ça super malaisant. On dirait que je ne sais juste pas quoi lui dire. Le texter c’était plus facile finalement que de lui parler. Je passe une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille. J’suis partagée entre demander où on va ou poser une question débile.

- Ça va ?

C’est la deuxième option qui est sortie de ma bouche.

J’en ai marre de moi-même des fois.




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Lien vers l’ensemble d’Emma : https://i.pinimg.com/564x/cf/04/58/cf04589097ea9e0e7fe63bad69fc6c21.jpg

Naoki commence à aller en une direction et je le suis. Je fais de mon mieux pour être à sa hauteur, mais le vilain à de grandes jambes, ce qui n’est pas des plus facilitant. Je ne dis rien, parce que je ne veux pas passer pour une chialeuse.  

Je ne peux pas m’empêcher de ronchonner un peu dans mon coin quand il dit qu’il est en jolie compagnie. J’veux dire, ça va, j’suis pas le top modèle de KHS quoi ! Je suis juste une fille particulièrement banale. Sinon, ça veut dire qu’il ne voit pas trop souvent des blondes aux yeux dans les parages. En tout cas. J’ai mon teint qui vire légèrement dans le rouge, mais je m’épargne bien de le lui montrer. Non mais, je ne vais pas lui laisser ce mérite ! D’un autre côté, je suis méga prête pour du Free Food, comme une connaissance de jadis, naguère dirait. Pendant un moment, je me perds dans ma tête, me demandant s’il lui arrive encore de penser à moi.

À cause de ça, j’échappe légèrement sa question, enfin, ses questions. Je secoue la tête, me réveillant de ce moment d’inattention, clignant momentanément des yeux avant de réaliser tout ce qu’il vient de me dire.

- Oui ! J’ai plutôt hâte de voir où nous allons manger. D’ailleurs, où va-t-on ?

En même temps, c’est comme une façon subtile et bien efficace de s’informer à savoir où je vais. Je pourrais l’écrire aux filles, comme ça, si je ne reviens pas vivante de ce « rendez-vous qui n’est pas une date », elles sauront où chercher en premier.  

Genre dans la chambre du Harada, par exemple.  

J’ai des visions d’horreur qui me popent dans ma tête. Je m’imagine comme être momifiée et qu’il me garde caché. Finalement, ce rendez-vous n’était peut-être pas la meilleure des idées.  

Les allergies. Ah. Ouais.  

- Euh, non, je n’ai pas d’allergies ou intolérances… Quoi que le Natto ce n’est vraiment pas mon fort…

Non mais le Natto c’est comme la vegemite ou la marmite, c’est le genre de trucs que tu veux 1. Ne pas connaître 2. Ne pas sentir 3. Ne pas goûter. Parce que dans tous les cas, tout le monde sait que ce n’est pas bon. J’sais pas exactement pourquoi je sais ce genre d’informations, des fois, il vaut mieux ne pas se poser de questions, Je pense que c’était pour un défi complètement idiot avec une amie, il y a un moment.  

L’autobus pointe le bout de son nez et s’ouvre devant nous au moment où j’ai terminé de lui donner ma réponse. Je m’engouffre dans le bus pas trop bondé et je vais m’installer où le Harada pourra s’installer à mes côtés.

C’est ce genre de moment où je me sens plus ou moins à l’aise. Je me dis qu’il pourrait toujours se passer des tonnes de trucs chelous. Mais j’essaie de me raisonner. Surtout qu’on est au Japon, ce qui est beaucoup moins pire que les rues de Montréal. Je crois que c’est surtout la nervosité qui me gagne et qui me fait surtout penser au pire alors que je sais bien qu’il ne se passera rien du tout.  

Anyway, s’pas une date.

Je regarde l’extérieur et j’ai un élan de nostalgie. Je me dis que la grosse neige canadienne me manque… Même si je me passerais bien des -30 degrés Celsius.

Bon, visiblement, il ne lâchera pas le morceau. Je ne suis pas à veille de savoir où on va aller manger. J’ai à un certain moment donné un petit haussement d’épaule, bien que ça m’intrigue, j’admets que ça m’importe peu au final. Le plus important, c’est qu’il ne se pousse pas en courant au milieu du repas et que je reste pognée avec la facture à la fin. Parce que s’il me fait ça, clairement qu’il va m’entendre pendant un esti de moment. Non mais ça ne se fait pas ses affaires-là.  

Bref. Je ne crois pas que ce soit son genre. Je pense qu’il est quand même assez ratoureux, mais pas au point de partir sans payer. Ça ne me rassure pas pour autant, je dois quand même l’admettre.  

Je suis dans ma bulle et j’entends un peu trop son « hey » qui me fait sursauter. Non pas qu’il était particulièrement fort, c’est surtout qu’il était doux et chaleureux. Je ne peux pas m’empêcher de rougir bien malgré moi. Je ne sais pas pourquoi. J’veux dire, c’est juste un « hey » comme les autres. J’suis bizarre aujourd’hui.  

J’étais juste dans ma bulle, c’est probablement que pour ça.  

Il m’annonce le trajet qu’on a à faire. Rien de bien compliqué. J’hoche de la tête en guise d’accord, tout simplement. Je ne sens pas que les mots sont nécessaires pour l’instant. En même temps, je commence à me sentir un peu mieux, plus que le trajet est parcouru. Le silence n’est pas vraiment gênant… Je suis juste bien. C’est difficile à expliquer.

Je me suis sentie un peu bousculée dans le métro, mais rien de bien méchant. Ce n’est pas le transport en commun dans lequel je me sens la plus à l’aise, bien que je l’ai pris de nombreuses fois quand j’étudiais à Montréal.  Bref. Je suis bien soulagée de respirer de l’air frais et je pousse un bon soupir de contentement.  

Harada m’interpelle une nouvelle fois, me demandant si je vais bien. J’ai un nouveau sursaut, comme si je ne réalisais pas tout à fait que je n’ai pratiquement rien dit du trajet. Je m’empresse de lui répondre :

- Ah non, tout va bien ! Pour cinq minutes, ça ne vaut pas la peine qu’on s’assoit. Je me disais juste que les grosses bordées de neige me manquent. Je te suis.

Je pensais à tellement d’affaires différentes qu’il est bien difficile de lui énumérer le tout sans que ça soit embarrassant. Mais c’est vrai que la neige de Montréal me manque beaucoup.  

Pas vraiment le choix de le suivre. Je vois pas mal où nous sommes dans Kobe. J’ai eu le temps de réexplorer un peu la ville depuis mon retour. Il y avait des trucs que je me souvenais, des choses qui ont changé, mais je dois admettre que les bonnes adresses restent bien souvent les mêmes… Sauf quand elles ferment. Ça c’est triste.  

Je me trouve idiote de ne pas savoir quoi lui dire. Je me dis que si je faisais exactement la même chose avec Meyuki, avec Sumire, je suis certaine que la conversation serait interminable… Ou même avec d’autres garçons. Je trouverais très certainement un moyen pour les embêter, leur lancer des piques. Mais là, en ce moment, avec le Harada… J’sais pas.  

J’suis presque drôlement calme. Assez que ça pourrait presque faire peur. Il va probablement me trouver hyper bizarre à ne pas parler plus qu’il faut. Chaque chose en son temps.

- Meyuki m’a dit que ça faisait pas hyper longtemps que tu étais arrivé à KHS, c’est seulement parce que ta couz’ y est ? Ou il y a une autre raison qui t’a poussé à venir ici ?

En même temps, KHS a quand même une réputation qui va jusqu’à l’internationale. C’est peut-être ça qui l’a poussé. Vouloir rencontrer des gens d’un peu partout dans le monde.  Ça peut être une raison assez valable pour y aller. En même temps, il est japonais, choisir une université ce n’est pas quelque chose de trop difficile… Après en trouver une bonne, c’est un tout autre sport. J’me demande il vient de quel coin le Harada.

Finalement, j’ai peut-être une couple de question pour lui.  

Le Harada peut être un vrai moulin à parole des fois. Je le laisse parler sans l’interrompre… de toute façon, ce n’est pas particulièrement poli. Donc, c’est en partie à cause de Meyuki. Je me demande ce qui ne l’a pas poussé à venir plutôt à KHS. Je veux dire, ça fait quand même assez longtemps que Meyuki y étudie. Je suis quand même intriguée de savoir ce qu’il va faire avec des études en musique ou le théâtre.

- Tu sais ce que tu vas faire après tes études ? Tu as raison quand tu dis que ce n’est pas facile de percer dans la musique ou le théâtre. Genre tu voudrais faire des comédies musicales ? Puis faire des concours comme American Idol ou juste faire parti d’un groupe

Genre, en fait, il est peut-être le prochain Adam Lambert et on ne le sait pas. Je ne suis pas hyper sérieuse en lui disant tout ça… Mais d’un autre côté, je me demande sincèrement ce qu’il va pouvoir faire dans un domaine artistique. Trouver du travail dans ça, c’est tellement difficile ! J’aimerais tellement devenir une danseuse pro’ mais les probabilités sont tellement faibles – même si je suis nulle en math, je suis capable de comprendre ça assez facilement – que j’ai préféré mettre mes œufs dans un autre panier.

Harada me demande ce qui m’a poussé à étudier au Japon. Sur le coup, j’ai envie de dire beaucoup de choses, mais je me permets d’y aller un peu plus dans les détails.

- Mmh. Beaucoup de choses. J’avais déjà étudié ici il y a quelques années et ça me manquait. Et j’étais déprimée. J’avais besoin de changer d’air et me retrouver ailleurs. Mes parents m’ont fait ce beau cadeau, de pouvoir revenir à Kobe. Enfin… À condition de repasser les examens et tout ça.

Et que mes notes s’améliorent, mais ça, honnêtement, ça n’a pas été quelque chose de difficile. Je « pète » des scores depuis que je suis revenue au Japon. Ça me fait un bien fou. Ok, j’admets aussi que j’ai encore un peu de mal avec mon japonais par moment, mais pour l’essentiel, je m’en sors fort bien et je suis somme toute assez fière de moi.

J’ai passé outre l’histoire du copain toxique qui voulait me pourrir la vie, je n’ai pas trop envie d’en parler au Harada. J’veux dire, il n’a pas besoin de le savoir… Sauf si Meyuki lui a déjà raconté. Mais je ne crois pas que ce soit quelque chose qu’elle aurait fait.

- J’fais histoire-géo, psycho et danse.

Et à chaque fois que j’y pense, je me dis que mon choix de cours est juste vraiment étrange et que j’aurais dû prendre des choses qui vont mieux ensemble. Mais ça, c’est mon problème… Puis, j’aime ça à vrai dire.

Bon, il est plus team théâtre que musique. Bon. Sauf qu’il doit quand même casser les oreilles lorsqu’il se met à jouer. J’dis pas qu’il joue mal, j’en sais absolument rien anyway. Mais disons que bon voilà quoi. Ça doit faire du bruit et tout. Le théâtre c’est moins pire, ou mieux. Personnellement, ça me donne la chaire de poule. Je n’aimerais pas m’exposer devant tout le monde pour dire un texte que j’aurais trop peur d’oublier. C’est vraiment mieux avec la danse, c’est beaucoup mieux. C’est certain que je dois me souvenir de tous les mouvements, mais au moins, ce n’est pas parler. Et puis, si je me trompe, c’est un peu plus subtil disons que si je suis seule, il y a moyen de me rattraper.  

Mais faire des représentations, ce n’est pas forcément ce que j’aime le plus. Ce que je préfère avec la danse, c’est lorsque je suis seule dans une salle et que je peux bien faire tout ce dont j’ai envie, avec la musique que j’ai envie. Danser comme je l’entends au rythme qui me plaît et tout, c’est vraiment du pur plaisir.  Même si j’aime aussi créer, faire des choré avec des personnes du cours ou du club.

Harada me dit que je suis aussi une artiste. C’est vrai. Je n’y avais plus ou moins pensé. C’est vrai que c’est un art… Mais je ne me considère pas tellement comme une artiste. Je me considère juste comme un humain normal, c’est déjà bien assez. C’est pour ça que je lui réponds, mais plutôt pensive, parce que je ne suis pas convaincue :

- Euh oui, quand même, je suis un peu un artiste.  

Au moins, on n’a pas besoin de meubler plus longtemps la conversation, nous arrivons au restaurant. Je dois admettre que j’ai quand même un petit creux et ça va me faire bien plaisir de manger un morceau, ou deux, ou plein. Je ne dis rien pendant que Harada s’arranger avec sa réservation. Il était assez sérieux pour bien vouloir prendre une réservation dans le resto. C’est quand même bien. J’veux dire, il ne fait pas ça à l’arrache. Je suis l’hôtesse et Harada par le fait même et on s’installe à une petite table. Je regarde le menu. Des sushis.

Classique. J’vais pas cracher sur des sushis en vrai, c’est somme tout très, très bon.  J’aime bien les sushis. Je me lasse pas encore de la nourriture japonaise… Même si certains trucs québécois me manquent quand même. Genre une journée comme aujourd’hui, manger un bon pâté chinois, ou une poutine ça fait toujours du bien. Surtout le fromage.

Mais pas de fromage en grain sur des sushis ou dedans. Jamais.

Harada capote vraiment trop pour rien. Il insiste pour qu’on change d’endroit si je n’aime pas les sushis. En vrai, si t’aime pas le poisson, t’es vraiment triste au Japon. C’est juste une réflexion niaiseuse qui me passe par la tête.  Je roule légèrement des yeux avant de lui dire :

- Non mais ça va, relax. C’est bon des sushis. Pas besoin de bouger.  

Je regarde les sushis, mais en vrai, il y en a tellement que je ne sais pas ce que je vais prendre. Je sais que ça va être bien et tout, mais euuuh. Avec une bonne carte, je ne sais pas ce qui me plaît le plus.  

Je me déteste parce que je suis une éternelle indécise lorsque vient le temps de prendre des trucs à manger.  Je me gosse. Ça me rend nerveuse de devoir

- Toi y’a des trucs qui te tente ? C’est la première fois que tu viens manger ici ?

J’serai pas surprise s’il me dit qu’il y amène toutes les filles qu’il date en vrai.  

J’opine doucement de la tête aux paroles d’Harada. Je comprends que ce n’est pas la première fois qu’il vient ici et je me dis qu’en effet, c’est quand même mieux d’inviter quelqu’un dans un restaurant qu’on connait déjà plutôt que d’y aller dans le total inconnu, parce que si le service est vraiment mauvais, ça peut scrapper quand même une rencontre avec quelqu’un. En tout cas, c’est mon avis. Je lisse doucement ma jupe grise, écoutant tout simplement les paroles. Je me dis qu’il est quand même un peu plus rassuré, ça l’air de moins le stresser.

Je regarder un peu le menu, me demandant bien ce que je vais prendre. Je déteste parfois aller dans des restaurants parce que je suis vraiment une indécise dans les plats que je souhaite essayer. Et au final, je finis souvent avec des valeurs sûres. C’est toujours beaucoup plus simple comme cela.

- Un plateau de sushis, c’est pas mal comme idée. Je pourrais en prendre un également et on pourra faire des échanges si ça te dit. Tiens, je vais prendre… le… Mmhh… Celui-là, le plateau de spécialité.

Je dois quand même dire que j’ai fait attention à ce que le prix soit équivalent à celui du plateau qu’il voulait prendre. Je ne trouve pas ça du tout poli de prendre quelque chose qui est méga cher, juste parce que c’est quelqu’un d’autre qui paie. Je n’ai pas trop regardé ce qu’il y avait dans le plateau, je me laisse quand même la surprise, mais je suis certaine que ça va être une bonne pioche.

Quand il me parle d’alcool, je dois admettre que je suis tentée. Je veux dire, ce n’est pas la première fois que je touche à de l’alcool, j’en ai déjà pris… Au Québec… Parce qu’au Japon, on ne peut pas vraiment en prendre avant 20 ans. Je trouve ça complètement nulle et je ne peux pas m’empêcher de faire une moue, un peu déprimée.

J’aurais bien voulu prendre du saké, j’en ai déjà bu avec des amies, mais dans un contexte d’un restaurant, je préfère ne pas jouer avec le feu et que ça me retombe dessus par la suite. Si c’était dans un autre contexte, là j’aurais probablement beaucoup plus cédé. Ça me gosse. Ça veut aussi dire qu’il est plus vieux que moi. Je me demande il a quel âge. Je demanderais à Meyuki pour avoir la réponse.

- J’aurais bien aimé t’accompagner dans l’alcool, mais j’peux pas vraiment. Pas encore en tout cas. Ça me gosse parce que chez moi, ça ne poserait pas problème. Je vais y aller avec du thé et c’est pas grave. Mais si tu veux boire de l’alcool, ne te gêne pas.

Je suis quand même gênée de lui avouer ça. Ça donne l’impression que je suis encore juste une enfant. J’ai l’impression qu’on devient adulte plus rapidement au Québec qu’ici. Meh.

Harada est juste bizarre en fait. Il pouvait bien se payer la traite et genre boire autant qu’il le souhaite, mais non, il décide plutôt d’y aller avec du thé comme moi. Je ne suis pas certaine que mon ex aurait fait la même chose… OK c’est pas une date. Mais genre, je ne l’ai pas forcé à quoi que ce soit. J’ai un sourire un peu timide au serveur qui vient prendre ma commande. Je lui donne mon choix, ensuite Harada fait la même chose.  

En vrai, pour le thé, ça m’importe peu. Tant que c’est bon et un peu chaud, question de donner un peu de chaleur après cette marche en extérieur, je n’ai pas à me plaindre.  Je me demande quelle variété le serveur va nous apporter. Perso, juste du thé vert bien normal fait amplement la job. Mais avoir quelque chose d’un peu plus « fancy » ça ne fait pas de mal non plus.  

Harada me pose quelques questions sur mes études. Mmh. Ça me demande un petit temps de réflexion avant de lui répondre.  

- Je pense que ça se passe plutôt bien en ce moment. Je travaille vraiment très fort pour être à la hauteur et rendre fiers mes parents. Je sais bien que ça ne leurs dérangeraient pas que j’aie des notes moyennes, mais pour moi, c’est ma façon de les remercier pour m’avoir permis de revenir ici… J’avais oublié à quel point je me sentais bien à KHS.  Ce qui est le plus difficile, c’est que j’ai un cours de danse à rattraper à chaque semaine parce qu’il tombe en même temps qu’un autre de mes cours. Mais je pense que je suis assez douée pour gérer et bien souvent, je ne pense pas que le professeur voit une grande différence. Je passe pas mal de temps au club de danse justement pour me perfectionner. Et pour Histoire-géo c’est quand même bien cool.

Mine de rien, je bosse quand même assez fort. Je ne veux tellement pas les décevoir et je sais que je suis loin d’avoir des parents méga exigeants comme certains parents ici peuvent l’être. Ils veulent seulement mon bonheur et c’est pourquoi ils m’ont envoyé ici.  Je veux seulement qu’ils soient fiers de moi, de mon chemin, que je sois capable de me relever malgré toutes les erreurs que j’ai pu commettre.  

- Tantôt tu disais que tu étudiais en musique et théâtre… Ça doit pas être si simple, non ? Genre tout le monde doit vouloir se faire remarquer et prouver à quels points ils sont encore plus meilleurs que les autres ? J’sais pas… Genre être la méga star du projet...

Ce gars est assez brillant pour être le meilleur de sa promo. Quand même. Je crois qu’en réalité, je m’attendais pas à une telle chose. Je dois admettre que je ne sais pas comment, mais j’ai réussi à y exceller moi aussi, mais je n’avais pas envie de le crier sur tous les toits. Je n’ai pas envie que tout le monde le sache. Même si c’est quand même une grande fierté. J’étais tellement contente de montrer ça à mes parents. J’aurais bien voulu célébrer cet événement avec eux.

J’écoute Naoki, quand même intéressée, même si je trouve que mes questions peuvent être plutôt nulles et que je devrais peut-être trouver des sujets de conversation plus intéressant. Non mais il doit quand même préférer parler d’autres choses que de l’école, non ? En même temps, je me trouve aussi encore plus idiote de lui avoir posé cette question parce que je me dis qu’en danse, c’est le même principe. Ou peut-être même que c’est le même principe partout. La société nous dit qu’il faut qu’on soit au top, toujours, tout le temps, on doit être les meilleurs. Meh. Ça m’encourage pas tant que ça en vrai toutes mes pensées. Je me dis aussi que je pense trop. Je préfère mettre tout ça de côté surtout quand le serveur fait une nouvelle apparition pour nous offrir notre breuvage.

Un thé rouge à la goyave… Mmh. Honnêtement, j’suis pas celle qui s’y connait le plus en thé. Mais ça me convient. Je remercie un peu timidement le serveur et lorsqu’il est parti, je prends délicatement le verre dans mes mains et je sens le thé. J’apprécie son odeur, je me dis que ça va être prometteur. Par contre, je préfère attendre avant de prendre une gorgée, je risque de me brûler sinon.

Sa question, j’y réfléchissais déjà avant qu’il ne la lance. Alors ma réflexion sort plutôt naturellement, sans trop y réfléchir.

- Oui, c’est plutôt vorace et parfois je pense que ça dépend aussi du style de danse. Le ballet c’est ce qui est de plus intense, enfin, c’est seulement mon opinion. En même temps, il y a souvent des troupes ou des groupes où tout le monde ensemble forme une entité et personne ne se démarque parce que c’est l’ensemble qui est vraiment la réussite principale de tous. Je pense que c’est ce que je trouve de quand même beau dans la danse. Mais en réalité, j’aime danser, mais j’aime créer du mouvent, sans nécessairement avoir le professeur qui dicte la chorégraphie. Je ne dis pas que je suis douée à faire ça, mais c’est ce qui m’amuse le plus.

Je prends une pause, pendant un court moment, je me dis que je pourrais presque lui montrer. Peut-être un jour. J’sais pas. C’est… intimidant. Un peu trop personnel. Non, je ne lui montrerais pas. Je sens que j’ai besoin de changer de sujet.

- Alors sinon… Tu regardes des animes ? Ou tu es plus films ou séries télévisées ? Peut-être que tu es fan de Disney et que ta princesse préférée est Cendrillon, mais tu n’oses pas l’avouer.

Je dis cette dernière phrase avec un grand sourire amusé aux lèvres.

Je suis partagée par sa réponse. Gaston. GENRE QUI AIME GASTON DANS LA VIE. GENRE. PERSONNE… À part lui-même, je pense. Mes connaissances dans « la belle et la bête » sont un peu lointaines je dois admettre. J’ai regardé le film en dessin animé il y a fort longtemps et le « remake » du film avec Emma Watson (Emma Watson que j’aime beaucoup d’ailleurs, genre. OMG Hermione !) il n’y a pas si longtemps de cela. Mais quand même Gatson c’est un… c’est un… pas fin voilà.  OK GENRE LUMIÈRE QUE C’EST EWAN MCGREGOR LE DUDE DU MOULIN ROUGE, je ne pouvais qu’aimer ce film.

Mais ça fait quand même bizarre de faire un remake d’un film animé qui vient d’un conte. En tout cas. Disney. Ils sont bizarres des fois. MAIS GENRE QUI AIME GASTON DANS LA VIE ? Je sais qu’il me mène en bateau, mais c’est comme aimer un vilain (BRAD NE COMPTE PAS POUR UN VILAIN DANS DANS UNE GALAXIE, C’EST UN FAUX VILAIN, TOUT LE MONDE LE SAIT), c’est beurk un peu. Beaucoup.  Sauf s’ils deviennent gentils par la suite, ça peut, peut-être le faire. Je ne suis pas convaincue, mais ce n’est qu’un petit détail.  Il finit par rire et genre tout mon corps respire le soulagement. Je plisse légèrement des yeux, je juge Harada qui est bien fier de lui, je n’en doute même pas de me mener en bateau de la sorte.  

C’est vrai qu’elle est cool Merida. J’aime beaucoup aussi son côté indépendant. J’opine de la tête, complètement d’accord avec ce qu’il dit. Je m’intéresse également à ses autres hobbys. Voilà, monsieur aime les jeux vidéo.

- Tu as un jeu vidéo à conseiller à une fille comme moi qui n’y connait absolument rien ?

Je suis bien curieuse de voir ce qu’il pourrait me proposer. En réalité, je n’ai aucune console de jeu, j’ai jamais joué à quoi que ce soit, je n’ai jamais pris la peine de m’asseoir pour gamer. Alors ça m’intrigue ce qu’il pourrait me proposer.  

Il me demande quelle princesse je préfère et honnêtement, j’sais pas trop. Je veux dire. Je n’aime pas tant les classiques. Alors que je réfléchis à une réponse, voilà le serveur qui se pointe à nouveau avec nos plateaux de sushis. Je dois bien admettre que j’avais faim. Mon ventre hurle de temps à autre, mais dans le restaurant, ça passe quand même assez bien. Je prends les baguettes et j’analyse mon plateau avec des yeux brillants.

- Ouuaaaah ! Ça l’air excellent !

Ça m’enthousiasme et je ne sais pas par lequel commencer.  Délicatement, je prends le plus petit et je me laisse surprendre par son goût. Je ne perds pas de temps, une fois que je l’ai mangé de lacher un :

- Vraiment bon ! C’est vraiment super !

Disons qu’on peut m’attraper facilement avec le ventre.  Avant d’en prendre un autre, je ne peux pas m’empêcher de réfléchir à nouveau sur la princesse que j’aime le plus.  

- Mmh. Pour ma princesse préférée. Difficile à dire.  On dirait que je ne suis pas trop de type princesse. Par contre, j’ai toujours aimé Mulan, elle est quand même badass à se faire passer pour un gars et vouloir défendre son honneur. Sinon… Mmh… Je suis plus team Alice aux pays des merveilles, le livre de la jungle ou encore le roi lion. Il n’y a pas tellement de princesse dans ces films-là.

Je marque une pause, mais quand on parle de de séries et films, il arrive que je m’emballe et voilà que je lui déballe un peu tout.

- Sinon j’aime bien regarder des films et des séries en tout genre. Je regarde encore des trucs québécois, mais honnêtement, tant que la série ou le film est bon, sa provenance ne me dérange pas plus qu’il faut. Comme là, je regarde une série sur Netflix qui est allemande. C’est un truc de science-fiction et de policier. Et dans les films, je suis une fan d’Harry Potter, du Seigneur des anneaux ou encore d’Indiana Jones, même si le dernier était absolument beurk…  

Du moment que je pense à Indiana Jones, je me dis que je devrais écouter encore une fois en fin de semaine les aventuriers de l’arche perdue, le temple maudit ou la dernière croisade. Je trouve que ces films sont absolument incroyables ! Je suis peut-être du pour un marathon de tout ça prochainement. Même le Seigneur des Anneaux en version longue serait trop bien à regarder.  

- J’aime bien les animés aussi, c’est seulement qu’en ce moment, j’en regarde moins, parce que j’ai un peu moins de temps.

Harada me demande si c’est traduit en japonais ou encore en anglais. Mmh. Il faudrait que je fasse des recherches en vrai. Je me suis jamais réellement posé la question vu que c’est ma langue maternelle et que l’anglais c’est ma langue paternelle quoi. Je regarde aisément tout dans les deux langues, sans que ça me dérange plus qu’il faut. Des fois, il faut que je fasse un peu plus d’effort quand c’est en japonais et que je suis fatiguée. J’ai un peu de mal. Quand j’y pense je suis presque fière de moi de pouvoir parler trois langues comme ça. Je suis très fluide dans chacune d’entre elles, même si parfois, je me mélange ou j’oublie des mots.  

- Mmh… Peut-être qu’il y a certains films ou séries qui sont traduites en anglais, mais je ne crois pas qu’ils puissent l’être en japonais, sauf si on peut les retrouver sur Netflix, là, il y a peut-être des chances. Disons qu’il n’y en a pas tellement. Si tu es bon en anglais, ça devrait être plus simple. Je sais qu’il y a un film qui est un peu en français et un peu en anglais.  

Mettons que c’est assez sélectif le Québec, dans le sens qu’on a même des fois des sous-titres pour les séries ou films qui sont amenés en France. Je veux dire quand des français, qui parlent exactement la même langue que nous doivent avoir de sous-titre pour comprendre ce qu’on dit… C’est quand même sad en esti. Pourtant, j’ai beau avoir un accent, les gens devraient être capable de comprendre ce que je dis, comme nous, quand on regarde un film français… Bah, on comprend tout. Bref. J’comprends pas toute cette différence culturelle, parce que supposément nous parlerions un vieux français. À chaque fois que je pense à tout ça, ça me déprime complètement. En tout cas, il vaut mieux ne pas y penser. Et moi aussi, des fois, j’ai du mal avec certains accents. Clairement que les français n’ont jamais entendu l’accent acadien, ils voudraient encore plus mourir d’incompréhension. Bref. C’est tellement un sujet sur lequel il y a beaucoup de choses à dire.

Harada me fait ensuite un exposé sur les jeux vidéos et pendant un moment, j’ai cru qu’il parlait dans une langue que je ne connais pas… genre du chinois ou du russe. Pour vrai… J’ai compris sans comprendre. Alors que je mangeais quelques sushis. J’ai capté au début qu’il parlait des « dating simulators » pis en vrai… Ma face à dit à ma place que ça me dégoutait un peu. Genre euh. Non pas des histoires de couples s’il vous plaît, je m’en passerais fort bien.  

- Pour être honnête… J’suis pas certaine d’avoir compris beaucoup de choses à ce que tu viens de dire. J’ai l’impression que… que c’était presque du chinois. Mais il y a vraiment des jeux de dating ? Je veux dire, pourquoi des gens payeraient pour zyeuter des BG alors qu’il y en a dans la vraie vie ? Meh.

Je fais une pause. Je suis pensive, je pense à pleins de trucs. En même temps, laisser tomber un personnage parce que tu ne veux plus sortir avec – peu importe comment ça fonctionne – c’est plus facile et moins blessant. Je pense que j’ai vu des jeux sur téléphone un peu niaiseux dans le même genre, mais j’ai jamais tant eu envie de faire l’essai. Je dois être bizarre.  

- Tu bosses quand quoi déjà ? J'ai un blanc... Je sais qu'on me l'a déjà dit...

Je lance ça de même, toujours intriguée par mon interlocuteur et toujours pas certaine de comprendre c’est qui ce drôle de moineau. Et c'est juste que l'info ne me revient pas...

J’ai envie de me facepalm, mais je me retiens. Je me trouve débile parce que lorsque j’entends la réponse, bah oui, c’est vrai. C’était évident. Je le savais, j’avais oublié Je me trouve idiote. Je noie mon quasi désarroi dans ma petite tasse de thé. Heureusement que ce n’est pas alcoolisé.

- Ah oui, c’est vrai. Tu bossais avec mon couz. Ça doit être quand même chouette pour bosser dans l’entreprise familiale. Tu dois quand même bon pour faire de la bouffe si tu es cuisinier. Y’a un plat que tu aimes particulièrement cuisiner ?

Je ne peux pas m’empêcher quand même un long soupir de découragement. Découragée parce qu’il a bossé avec mon cousin ou parce que je m’en souvenais pratiquement plus. Un peu des deux en toute honnêteté. Non mais sérieusement, ils ont clairement du faire les débiles tous les deux ensembles, j’en doute presque pas, à mater toutes les belles filles et surtout de dos… En tout cas.

Il me demande si j’ai un boulot. J’ai comme moyen envie d’en parler. Je me dis que s’il le sait, c’est qu’il va venir zyeuter ou un truc du genre – je suis certaine que c’est ce genre de mec, le Harada –. Il va me pourrir la vie, faire le client chiant et particulièrement difficile, j'en suis certaine.

- Je travaille dans une petite boutique de vêtement un peu perdue. Ce n’est pas tant beau ce qu’ils vendent, mais les proprios sont bizarres, mais sympas. Mes collègues sont cool. Ça le fait pour le moment.

Je mange un nouveau sushi. Celui-ci me plaît tout particulièrement. Je le savoure bien lentement.

- Mmhh…

Il s’est échappé bien malgré moi. Ce plateau de sushis, j’ai jamais envie qu’il finisse, surtout qu’il est gratuit. J’ai presque envie de proposer à Naoki d’y goûter. Sauf que je me dis que ça pourrait être mal placé ou un truc du genre. Je préfère restée prudente. On n’est pas un couple. De toute façon, ça n’arrivera pas. Jamais. J’sais pas il est juste trop meh. Trop bizarre. J’sais même pas pourquoi j’y pense. Non en fait, je sais exactement pourquoi j’y pense. J’y pense parce que c’est l’un des rares gars que ça va ok avec. À qui j’ai parlé plus d’une fois.

Je sais qu’il sait toute. Genre je sais qu’il sait que j’aime particulièrement les sushis et le repas. Je ne peux pas m’empêcher d’en sourire. Mais je ne vais pas me laisser faire non plus. Je détourne légèrement le regard. J’hoche doucement de la tête pour dire que j’apprécie, en effet le repas. Je trouve que Harada est difficile. Genre, il n’a pas de spécialité. C’est dommage quand même. J’aurais peut-être demandé qu’il me fasse essayer un jour… Quoi que j’ai pas tellement envie de finir empoisonnée. Ce pourrait être vraiment trop. Peut-être qu’il cache juste bien son jeu. Mmh. Faut que je réfléchisse un peu plus à cette question. Un jour. Pour l’instant je prends une gorgée du thé qui est à une température agréable.

Je suis pas contre le fait qu’il me demande dans quel club que je suis. Au moins, ça me permet de me détourner de quelque chose.

- Je suis dans le club de cuisine et de danse. J’aime bien faire des trucs à manger. C’est à cause de Meyuki et de l’odeur de la bonne nourriture qui sortait du club que je l’ai rejoint. Et quand je suis revenue, je me disais que c’était bien d’y retourner. Parce que j’aime bien faire de la nourriture, apprendre de nouvelles recettes. Sauf que je ne suis pas tant bonne que ça. C’est aussi pour moi une façon de présenter des recettes québécoises que j’y suis.

Une pause. Je parle trop. Je m’emballe toujours quand je me mets à parler de trucs que j’aime. Je retiens mon soupir. Je préfère lui relancer la question plutôt que de me creuser la tête.

- Toi ? Tu as choisi quel club en arrivant à KHS ?

Je ne peux pas m’empêcher de lui retourner la question. Je trouve ça un peu curieux pour un cuisiner de ne pas être dans le club de cuisine. Enfin, peut-être pas. S’il n’aime pas tant faire à bouffer, ça pourrait être une éventualité. J’pense ça, parce que je n’ai pas souvenir de l’avoir vu une seule fois dans le club de cuisine. Peut-être que je me trompe. J’aime bien avoir un horaire bien établi et je vais à tous les jours au club de cuisine et tous les mêmes jours au club de danse. Peut-être qu’Harada passe à toutes les fois que je n’y suis pas. Ce serait vraiment bizarre par contre.

Plus que je parle avec, plus je me dis qu’il est correct. Genre un 1/2. C’est genre… C’est pas si mal. C’est juste un peu bizarre quand même. Comment le dude over too munch, peut être correct, genre voir, calme ? Il y a clairement une anguille sous roche. Il faudrait que je mène l’enquête un de ces jours. Il faudrait aussi trouver quelqu’un qui pourrait m’aider dans mon enquête. Faudrait aussi que j’interroge Meyuki, question d’en savoir un peu plus sur son cousin.

- Finalement tu préfères travailler plutôt que d’aller en cours ou de passer du temps dans les clubs…

C’est pas mal ce que j’en conclus au final. Il est au moins travaillant, c’est la moindre des choses. On peut au moins lui donner ça. Je me demande ce que ça lui apporte de travailler autant. Est-ce qu’il doit payer ses études ? Peut-être. Sinon, il n’y a pas tant d’intérêt d’investir beaucoup de temps dans son job. Personnellement, j’ai un petit travail à côté pour économiser des sous et être indépendante financièrement de mes parents, du moins en partie. Je sais qu’ils paient mes études et ici ce n’est pas donné non plus… Il aurait fallu que je fasse un comparatif entre ici et le Québec au niveau des prix de l’université, parce qu’au Québec, il y en a pas mal qui chialent parce que les études c’est cher… Genre la grève de 2012, en autre. Bref, peu importe. Pour le moment, ce qui est important c’est de profiter du free food que j’ai. De la bonne nourriture, de profiter d’un moment quand même cool… En tout cas, beaucoup moins décevant que toutes mes attentes ironiquement.

Il me demande comment j’ai rencontré Meyuki. Je dois admettre que j’ai l’impression que ça fait 1000 ans et 5 jours qu’on se connait elle et moi. On a partagé tellement de bêtises ensemble. On s’est très souvent écrit pour parler de CERTAINS garçons. Les garçons dont on ne doit pas prononcer le nom. Les garçons qui certains faisaient battre nos cœurs, alors que d’autre on leur aurait mieux la face dans le sable pour les étouffer – en tout cas, ça c’est surtout Meyuki, parce que perso, à part les gars bizarres, je n’ai jamais eu « trop » de problème avec eux… Sauf recevoir un coup de poing au nez par inadvertance – Bref. Les garçons, ils sont tous nuls, on se l’est toujours dit. Parce qu’ils ont toujours fini par nous lâcher d’une façon ou d’une autre. On n’a pas fait QUE de parler de garçons… On a parlé de TONNES de choses, de rp, de HP, de… Je ne sais plus. On partage beaucoup de choses en commun… Et c’est genre seulement maintenant que j’en prends pleinement conscience.

‘Faut vraiment que je lui écrive en rentrant.  

- On s’est connues… Parce que nous étions dans la même classe elle et moi.  On a sympathisées un peu, puis une fois, je l’ai aperçue au club de cuisine. Je ne sais plus ce qu’elle faisait… Peut-être des cookies. Puis ça a fini en bataille de mousse et on s’est fait prendre par un surveillant, lui racontai-je non sans pouffer de rire à la fin.

J’ai les yeux rêveurs, je revois quand même toutes ces scènes. Je me rappelle aussi que nous sommes arrivées à KHS environ à la même époque – je dis ça, comme si nous étions des mamies – et en plus nous avons la même langue maternelle, ça avait, je pense, quelque chose pour nous rapprocher. Et nous en avons vécues pas mal d’aventures après tout ça…

Ayant assez parlé, j’attrape un nouveau sushi. Le sushi qui me faisait honneur entre mes baguettes a décidé de faire un plongeon directement dans la sauce soya, pour mon plus grand malheur. Habituellement, c’est pas SI pire, c’est seulement que le plongeon faisait quelques centimètres… C’est que ça a revolé absolument partout.  

- Ah zût ! Je suis vraiment maladroite !

Ma maladresse me rattrape toujours – pour mon plus grand désespoir – et en ce moment, ça ne fait pas exception. Je ne peux pas m’empêcher d’avoir une moue particulièrement dégoûtée. Pendant un moment, je n’ose même pas regarder l’état de mes vêtements. C’est vraiment honteux. C’est pire que de manger un hamburger comme première date et qu’il y en a partout sur tes doigts et tout. Harada va finir par penser que je ne sais pas manger. J’attrape une napkin pour enlever le plus de sauce soya qui est tombé sur la table. Heureusement que mon chandail est noir, je m’en sors avec ça, par contre… Ma jupe grise, elle en a prise un vilain coup.

Mon visage cache très mal mon dégoût, je m’efforce de ne pas trop le montrer à Naoki… Fichu visage juste beaucoup trop expressif qui laisse peu de place à l’imagination.  Une fois le dégât en contrôle, je regarde mon sushi qui se baigne dans la sauce, en faisant une moue. Tout mon corps dit « meh ».  

- Ça n’a pas revolé sur toi, j’espère ?

Si oui, je me sentirais particulièrement mal. Je me croise les doigts pour que ce ne soit pas du tout le cas et que tout soit parfait de son côté. Sinon, je vais particulièrement me sentir mal à l’aise.  

Je me suis tellement honteuse de cet événement, j’ai envie d’aller me cacher sous la tabl… aller me cacher fort loin d’ici. Heureusement, que ça n’a pas revolé jusqu’à lui. Sinon, ça aurait été encore plus la honte. Il me demande si j’ai rien. Si seulement c’était le cas, mais ce ne l’est pas, c’est à la fois un peu déçue et dégoûtée, je lui dis :

- Il y en a pas mal sur ma jupe, malheureusement.

J’essaie de retirer ce que je peux, mais ce n’est pas trop possible… J’ai aussi peur que ça s’étend un peu trop sur ma jupe en même temps. Je l’aime beaucoup et je trouverais ça pas mal dommage que je la perde à cause de la sauce comme ça. Je termine de manger mes sushis, approuvant totalement Harada qui a trouvé le tout délicieux. Il est fort simple d’être d’accord avec ça. Il me propose même un dessert. Personnellement, je n’ai pas trop envie d’aller ailleurs que dans ce resto-ci pour un dessert, c’est pour ça que j’approuve sa proposition.

- Oui, c’était vraiment délicieux. Je veux bien goûter au pain sucré frit ! C’est surtout par gourmandise, parce que je n’ai plus très faim. Merci beaucoup de m’avoir amené ici, clairement, si jamais je dois inviter quelqu’un au restaurant… Quoi que… C’est quelque chose qui n’arrive pas souvent…

J’ai un petit sourire désolé, mais je suis bien contente à l’idée de pouvoir goûter à ce pain sucré frit. En vrai, j’ai déjà mangé ça, c’est seulement que ça fait un moment et puisque Harada dit que c’est bon, j’ai bien envie d’y goûter. J’ai l’impression que je pourrais rouler pour rentrer jusqu’à l’école, mais je pense que je vais pouvoir rentrer tranquillement. Marcher pourrait faire du bien. Quoi que ce soit un peu long. Nous allons voir, je ne suis pas certaine de savoir comment cette soirée va se terminer. Enfin, ce ne sera aucunement rien de romantique. Quoi qu’une partie de moi voudrait bien que ça se termine d’une façon mignonne… mais pas avec Harada. N’importe qui d’autre pourrait être quelqu’un d’intéressant par contre.

Pendant un moment, je me dis que ma vie sentimentale est juste un long fleuve un peu trop tranquille qui est très déprimant en même temps. Je retiens une moue, parce qu’en vrai, j’ai seulement l’impression que je suis nulle et personne ne s’intéresse à moi, mise à part des gens un peu trop bizarre comme Harada… Pis c’est tout.

Pis même encore, je me doute bien que… En tout cas.

Ma vie est nulle quand même.

Le serveur passe et ramasse les plats, on lui demande un peu de dessert qui ne tarderont pas à arriver. Le serveur est impeccable dans son rôle.

- En tout cas, si jamais on se refait un resto, j’en connais un plutôt bien ! Enfin, s’pas une obligation non plus, je me dis juste que ça pourrait être intéressant.

Me rendant compte de mon enthousiasme et de mon envie de repasser du bon temps en sa compagnie, je ne me peux pas m’empêcher de rougir. C’est seulement parce que… parce que… parce que. Je détourne le regarde, parce que c’est juste gênant au final et que je me trouve noob niveau social, comme d’habitude.

J’aurais du me taiiiiire. Je me sens tellement idiote d’avoir dit une telle chose ! Je regrette chacun de mes mots, mais il est trop tard pour revenir sur mes paroles.

- C’est bon, pas besoin de te lancer des fleurs ou que ta tête devienne aussi grosse qu’un ballon de Kin-ball. Je regrette déjà ce que j’ai dit.  

Je lui fais une petite grimace parce qu’en vrai. MEH QUOI ! Mais finalement il finit par se reprendre. Je note son « entre amis ». Oui, voilà, il a bien compris. Entre amis c’est ok. Peut-être avec d’autres amis aussi ça pourrait être intéressant. Peut-être faire quelque chose avec Meyuki aussi, elle pourrait trouver ça chouette. Je ne sais pas. Ou juste pleins, pleins d’amis… Quoi que je n’en ai pas assez pour faire quelque chose d’aussi hot comme ça.

Nous mangeons notre dessert, je suis bien contente de goûter ou regoûter à cette petite sucrerie, même si j’ai le ventre bien plein et que je me suis un peu trop énervée niveau nourriture. Tous les deux nous sommes beaucoup trop heureux d’en manger et disons qu’on ne parle pas beaucoup avec ça. Après il me demande même si je veux autre chose. Je rigole doucement à sa demande, parce qu’en vrai, j’ai plutôt l’impression que je vais mourir parce que j’ai trop mangé qu’autre chose. Par contre, je le remercie tout de même de sa proposition.

Je le laisse régler la note du restaurant, mais juste avant de quitter, j’en profite pour piquer deux bonbons. Je le déballe rapidement et je mets l’emballage dans mes poches. Après avoir mit le bonbon dans ma bouche, je tends le second à Harada, me disant qu’il en voudrait peut-être.  

- Je veux bien marcher. Il fait quand même doux, la soirée est belle et on n’est pas trop pressés de retourner à l’uni.

C’est comme ça qu’ensemble on s’est mis à marcher, bavardant de tout et n’importe quoi pour continuer à faire connaissance, à en apprendre davantage sur l’autre. La soirée est agréable, la soirée était agréable. Une fois de retour à KHS je me permets de lui dire que j’ai passé une agréable soirée. Qu’on pourra remettre ça une autre fois. Mettre les gaz, y aller à pleine puissance pour vivre des aventures de toutes sortes. Ce n’est pas exactement ça que je lui ai dit, mais c’est un peu ce que je pensais lorsque je l’ai laissé.

Je n’ai pas perdu un seul moment pour ensuite écrire à Meyuki et Sumire – même si les deux partagent la même chambre – pour leur dire que je suis bel et bien en vie et que tout s’était drôlement bien passé… Ce qui peut avoir quelque chose d’assez effrayant lorsqu’on y pense pendant un court instant.