[Terminé] Tant qu’il y a du chocolat!

Les cernes de Lou touchent le sol. Elle a veillé toute la nuit, pour s'assurer d'avoir assez de chocolat. Il y a ceux pour remercier les aînées. Ceux pour les amis de l’école. Et puis ceux pour Maka. Il ne restent plus que ces derniers dans son casier. Elle a couru partout, toute la journée, pour pouvoir tout distribuer. Et entre ça, et la nuit quasi-blanche, Lou n’en peut plus. Elle a hâte que la journée se termine.

Penchée sur son casier, elle regarde les chocolats qu’elle a fait pour Maka. Il y en a plus que dans les autres ballotins. Et puis, ils sont plus gourmands. Plus difficiles, aussi. Pour ses amies et ses aînées, Lou s’est contentée de quelques carrés simples, avec des confettis pour comestibles. Mais pour Maka, elle n’a pas pu se contenter de peu.

Au coeur d’une coque de chocolat noir, le meilleur qu’elle a pu piquer à ses parents, une petite ganache au caramel. C’est coulant, c’est gourmand. Elle n’a pas trouvé de moules en forme de cœur, mais les petits bonbons sont ronds et brillants. C’est certainement les plus beaux qu’elle n’a jamais fait. Comme quoi, quand il y a des sentiments en jeu…

Lou regarde le dernier paquet, prête à le mettre dans son sac. Elle ne sait pas du tout où se trouve Maka. Dans sa course, elle ne l’a pas croisée. Et pourtant, elle aimerait que ce soit une surprise, que le destin lui tombe dessus. Elle ne veut pas la prévenir par téléphone, ni lui donner un point de rendez-vous. Elle a l’espoir de vivre comme dans un conte de fée.

La lycéenne range soigneusement le paquet dans son sac et claque la porte de son casier. Elle va devoir se résoudre au coup de téléphone. Le destin, ce n’est pas pour aujourd’hui. Ou alors, ne jamais lui donner de chocolats ! Elle est un peu superstitieuse. Rien qu’un peu. Pour elle, c’est comme si le ciel lui faisait signe de ne pas chercher davantage.

Parce qu’il y a un gros obstacle, à leur amour. Enfin, amour, si jamais Lou ne se fourvoie pas. C’est que Maka est une idole. Directement après que Maka le lui ait dit, Lou a cherché les photographies officielles, les chansons, les danses. Et elle a trouvé Maka magnifique. Aujourd’hui, une vente spéciale de son agence : des photos de la Saint Valentin. Lou a hésité, mais finalement, elle n’en a pas acheté. Ce serait trop bizarre d’avoir une photo de Maka chez elle. C’est une amie, pas son idole.

Une amie passe, Lou la salue. Elle pensait partir des couloirs, et chercher Maka dans le parc. On ne sait jamais, qu’elle profite de la fin de l’hiver ! Elle reçoit des chocolats de sa part. Lou les accepte, un peu gênée de n’avoir rien à lui offrir en retour, mais son amie la rassure, ce n’est rien de grave. Elles se saluent, et Lou range le petit paquet. Elle s’apprête à refermer son casier, et à partir, quand une petite voix l'interpelle.

« Maka-chan ! » alias, “Le destin”.

Elle n’en croit pas ses yeux. Elle voit Maka. Elle est là. Elle est devant elle. Même pas besoin de la chercher ! Alors, tout à coup, le cœur de Lou bat la chamade. Elle a l’impression que c’est enfin possible. Que les voyants sont au vert ! Elle glisse une main dans son sac.

Elle est trop mignonne, Maka, à s'emmêler les pinceaux. Elle est peut-être crevée, ou peut-être mal à l’aise ? Lou aime à croire qu’elle est surprise et gênée de la voir. Surtout que ses joues la trahissent. Tout ça, ça conforte ses espoirs. Elle aimerait vraiment plaire à Maka.

Elle s’apprête à sortir le chocolat quand… Maka fuit. Maka part. Maka n’est plus là ! Mais où est-elle et que fait-elle ? Mais pourquoi ? Et surtout comment ? Lou se sent bête, et surtout ne comprend plus. Est-ce que c’est de l’amour ou de la haine ?

Elle hésite, d’abord, avant de la pourchasser. Pas question de terminer la Saint Valentin sur un vent ! Plutôt qu’un film d’amour, on préfère alors un film d’action, et Lou court, court, court jusqu’à arriver aux toilettes. Elle voit Maka, la tête toute trempée.

« Hey… » Lou reste dans l’encadrement de la porte, pour laisser de l’espace à son amie. « Ça va ? »

Lou n’a parlé à personne, de Maka. Elle a encore un peu trop honte d’avouer son homosexualité aux filles qu’elle connait. Elle a l’impression que ça pourrait briser une amitié. Et ça lui fait peur. Elle ne voudrait pas qu’elles commencent à penser que Lou les aime, qu’elle profitent du temps ensemble pour les mater, pour les toucher, pour autre chose que juste leur présence. C’est faux. Lou n’est pas amoureuse de toutes les filles. Loin de là ! L’amitié, c’est super important !

Alors, Lou, elle garde tout ça pour elle.

C’est pour ça qu’elle a peur, quand Maka part en courant. Elle a l’impression d’être un peu nulle, un peu à côté de la plaque. C’est une drôle de réaction, de la part d’une personne que l’on apprécie. Beaucoup. Beaucoup trop. Au point d’y penser toute la nuit et de cuisiner des chocolats spéciaux.

Sur la route jusqu’aux toilettes, Lou se demande si elle n’en a pas trop fait. Même si elle essaye de ne pas faire du rentre dedans, elle a envie que ça avance, entre elle et Maka. Pour la première fois de sa vie, elle a l’impression de pouvoir vivre un peu de romance !

Avant d’entrer dans la salle de bain, elle se promet de trouver un ami à qui elle peut parler de toute cette histoire.

Maka a l’air d’aller mal. Et son “ça va” ne rassure pas Lou. Elle reste loin, elle la laisse respirer. Elle a peur que si elle se rapproche, le cœur de Maka explose. Elle aimerait la rassurer, mais elle ne sait même pas quoi lui répondre. Elle ne la trouve pas idiote, elle a peur pour elle.

Le signe de Maka. C’est ce qu’elle attendait. Comme le top d’une course, il permet à Lou de se rapprocher. Elle avance, doucement, elle ne veut pas la brusquer, elle ne veut pas la prendre de court. La main de Lou est posée sur son sac. Elle aimerait sortir le sachet de chocolat, mais elle ne sait pas si c’est le bon moment. Est-ce qu’elle va fuir, encore ?

Le silence de la ventilation est assourdissant. Lou n’entend plus que son coeur battre. Qu’est-ce qui se passe, dans ces toilettes ? Elle a envie de prendre Maka dans ses bras, la serrer fort, lui dire qu’elle est là. Elle veut la rassurer. Mais elle n’ose pas. Bloquée par la pudeur des sentiments, elle reste droite, et interdite.

Et Maka brise le silence. Lou regarde les biscuits, quelques instants, avant de les prendre. Le rouge au joues, et l’humidité qui remonte aux yeux. Alors, il s’agissait de ça ? Aussi simple que des biscuits. Aussi difficile qu’une offrande. Elle se mord la joue, pour ne pas échapper une larme d’émotion. Elle est rassurée, de comprendre que Maka ne l’a pas évitée parce qu’elle la déteste.

Si elle la détestait, elle ne lui aurait pas offert de chocolat ? Et puis ils sont beaux. Ils ont l’air tellement bons. Ils sont irréguliers, mais ça prouve tout le temps que Maka a passé dessus. Ce sont les premiers chocolats que Lou attendait.

« Merci beaucoup… »

Elle veut les manger, les goûter, tout de suite. Goûter à cette attention que Maka lui porte. Mais d’abord, à son tour d’offrir. Ses chocolats attendent. Ces chocolats qu’elle avait hésité à ne pas lui donner. Ces chocolats qui attendaient le destin. Ce destin. Alors, elle sort le petit sachet de son sac, et le tend à Maka.

Dans la course, quelques chocolats se sont fissurés, mais la plupart des bonbons sont encore bien ronds, et encore bien lisses.

« Moi aussi, je voulais te donner ça… »

Elle est surprise. Au fond, Lou jubile un peu. C’est ce qu’elle espérait. Elle avait vraiment, vraiment, vraiment très envie que Maka soit surprise. Ou touchée. Enfin, quelque chose du genre. Alors, la joie monte jusqu’à ses joues, qui rougissent. Et il y a son cœur, qui bat très vite. C’est bon, elle le vit enfin, son moment de cinéma.

Et elle aimerait que tout soit toujours aussi simple. C’est facile, avec Maka. C’est facile, et ce depuis le premier jour. Elle a l’impression de la comprendre, en un seul regard. Et qu’elle la comprend, aussi. Pas besoin de se cacher, ou de faire semblant, c’est juste, si si fluide.

Lou tient toujours le sac de chocolat. Elle a envie de les goûter, aussi. Mais son estomac est noué. Elle ne peut plus rien avaler. Il est noué par l’amour. C’est la plus importante des maladies. Elle tord les boyaux et plus possible de manger. C’est le meilleur des régimes.

« Oui, hier soir, pour toi. »

Hier nuit, plutôt. Lou a bûché dans la cuisine de ses parents. D’abord, parce qu’elle ne savait pas quoi faire. Au final, elle ne connaît rien du goût de Maka. Est-ce qu’elle préfère le chocolat doux et sucré ? Ou plutôt amer et fort ? Est-ce qu’elle l’aime fourré aux fruits ? Ganache ? Caramel ? Rien de tout ça ! Et si elle n’aime pas le chocolat, et qu’elle est plutôt biscuit. Elle a stressé, la pauvre Lou. Et dans sa cuisine, il y a un tas de tests ratés. Finalement, elle a opté pour ceux-ci. Heureusement que Maka les aime.

C’est aussi la première fois, depuis que Lou a parlé de sa passion, qu’elle a l’occasion d’offrir à son amie quelque chose qu’elle a fait de ses mains. Et une première fois, c’est important. Elle ne pouvait pas la décevoir. Alors, oui, il s’agit de chocolat, et non de gâteau, mais le travail de pâtissier n’en est pas très loin.

Lou serre de plus en plus fort le petit sachet de chocolat. Au fond, elle espère qu’ils ont la même signification que les siens. Maka, ce n’est plus une amie. En fait, Lou n’est pas sûre qu’elle l’ait été un jour. Elle est beaucoup plus que ça ! Lou a eu un coup de coeur, tout de suite. Elle aime sa bonne humeur. Elle aime sa simplicité. Et puis, elle est tellement belle.

Lou ne sait pas si elle peut parler d’amour, mais une chose est sûre, elle a un très gros coup de coeur.

Mais elle n’ose pas demander à Maka la signification du cadeau. Elle a peur, surtout. Elle a peur que ça change tout. Elle aurait trop mal au coeur si c’était juste de l’amitié. La tendresse, c’est bien, mais Lou attend un peu plus. Et en même temps, elle a peur de tout lui avouer. Alors, elle stagne. C’est qu’elles n’ont jamais parlé d’homosexualité.

Alors, quand Maka la lui pose, cette question, son coeur loupe un battement. Et c’est comme si elle ne pouvait plus respirer. L’air reste bloqué dans ses poumons et elle a peur. Elle a vraiment peur. Elle a l’impression que c’est le moment où tout peut se jouer. L’instant du choix ultime. Si elle se trompe, elle perd tout. Alors : tout lui avouer, et risquer de perdre son amitié ? Ou nier en bloc, et faire un trait sur une possible histoire de coeur ?

Elle hésite, Lou, et quand elle répond, c’est d’une voix étouffée, toute cachée par sa peur : « C’est pas… De l’amitié. »

Son cœur bat fort, fort, fort. Et puis, elle n’arrive toujours pas à respirer. Mais bon dieu, qu’est-ce qu’elle a dit ! Maintenant, Lou s’en veut. Au jeu des choix, elle choisit toujours le plus impulsif, celui qu’il ne faut pas. Parce que c’est très bien, l’amitié. C’est super bien. Pourquoi on a besoin d’amour, quand on a de l’amitié ! Pourquoi il faut toujours qu’elle cherche à vivre dans un film d’amour. Dans un livre à l’eau de rose. Le tranche de vie, c’est pas mal aussi.  

Et elle attend une réponse. Une réponse qui puisse la rassurer. Mais rien ne vient. Rien ne sort des lèvres de Maka. Alors, Lou essaie de retenir ses larmes. Elles sont prêtes à couler, le long de ses joues. Oh non, ce n’est pas possible. Elle n’a quand même pas fait ça. Elle ne s’est pas déclarée à son amie.... Qui ne l’aime pas en retour.

Lou avait imaginé cette scène des dizaines et des dizaines de fois. Et jamais elle ne l’aurait pensé aux toilettes, comme ça, sur un coup de tête. Et même en faisant les chocolats ! Elle avait pensé à la joie, au dégoût, à la colère. Mais pas à rien.  

Cela dit.. Le visage de Maka n’exprime pas rien. En fait, Lou n’ose pas le regarder. Maintenant, elle a trop honte pour le confronter. Elle regarde le sol, et plus rien d’autre. Elle attend un petit mot. Elle attend quelque chose. Elle attend...  

Elle n’attendait pas les lèvres de Maka. Elle n’attendait pas à ressentir leur douceur, leur chaleur, leur tendresse. Elle n’attendait pas à ce que ce soit si agréable. Elle ne s’attendait pas à sentir son cœur battre encore plus vite, toujours plus vite, et à sentir le temps s’arrêter. Et pourtant, il s’arrête. C’est quelques secondes, mais c’est suspendu.  

C’est Maka qui lui offre son premier baiser.  

Et Lou garde les yeux grands ouverts, tout le long. Parce qu’elle ne s’y attendait pas, parce qu’elle veut la voir, aussi. Elle veut être sûre que c’est pour de vrai, et qu’elle ne rêve pas. Puis, Maka fuit. Elle part, encore. Trop vite, peut-être. Lou veut la prendre dans ses bras, elle veut sentir son odeur, et écouter le bruit de son cœur. Alors, elle ne lui laisse pas le temps de s’enfermer, elle la suit, tout de suite. Elle ouvre la porte et elle l’enserre.  

Au final, pas besoin de mots.  Les gestes, ils suffisent.

Et elle voudrait que ça dure toujours, parce qu’elle ne sait plus rien dire. Il n’y a sûrement aucun mot qui peut définir cet instant. Ces bras. Cette odeur. Lou rêvait de ce moment depuis si longtemps. Peut-être depuis toujours, en fait. C’est à cause des Disney, et des romances à la télévision. Tout ça, ça rentre en tête, et puis ça n’en sort plus. Lou, elle voudrait vivre l’amour à fond, complet. L’amour qui est plus fort que tout. L’amour dont l’on est fier, l’amour que l’on crie à tue tête !

Mais son amour, elle ne pourra pas le crier.

Quand Maka la lâche, Lou a peur, tout de suite. Son ventre se resserre et puis, elle la regarde. Elle a peur de ce qu’elle doit lui dire. Tout de suite, elle imagine le pire. Que c’est une erreur, qu’il faut plus jamais qu’elles s’enlacent. Que c’était pour une fois, que ce sera pas plus.

Que c’est secret.

Lou a peur de devoir garder le secret. Parce que Lou, elle a envie de vraiment vivre la romance à fond. Et parce qu’elle n’est pas bonne, pour être discrète. Et quand Maka lui demande de garder le silence, elle a le ventre qui se noue.

Mais à quoi elle pensait ? Sortir avec une idole ? Pire. Sortir avec une fille ? Déjà qu’elle n’est pas outée à ses parents, à ses amis… A personne en fait. Lou n’est pas sûre de pouvoir le faire, de toute manière. Elle regarde Maka, l’air un peu triste, et puis elle hoche la tête. En fait, garder le secret, c’est pour le mieux. Une idole homosexuelle ? Et puis quoi encore. Maka a un rêve, et il faut que Lou le préserve.

« D’accord, je dirai rien, je promets… »

Mieux vaut Maka rien que pour elle, que Maka plus du tout.

Lou aimerait être complètement heureuse, mais elle ne le peut pas. Elle sait qu’elle ne le peut pas. Il y aura toujours une petite déception dans son coeur. Malheureusement, les homosexuels n’ont pas le droit de vivre la romance jusqu’au bout. Et ça l’énerve. En fait, non. Elle s’énerve elle-même. Elle voudrait pouvoir être super contente, et donner à Maka l’impression d’être heureuse. Mais elle ne peut qu’un petit sourire un peu épris de malaise. C’est pas si rassurant ? Elle aimerait être rassurante.

Pourtant, de toute manière, même elle n’aurait rien pu dire. Et si maman l’apprenait ? Lou aimerait beaucoup qu’elle l'apprenne comme ça, à cause d’une histoire. C’est tellement plus simple de dire “Maman, j’aime Maka”, que “Maman, j’aime les filles”. Maka, c’est plus simple. Maka c’est qu’une seule. Maka, ça peut laisser l’espoir que Lou aime des garçons, que ce soit une phase, ça laisse un échappatoire.

Même si c’est qu’une illusion.

Heureusement, Maka arrive à lui faire tout oublier. Suffit qu’elle parle des chocolats en forme de coeur, pour tout effacer. Oh, oui, les chocolats. Elle les avait presque oublié. Ces chocolats en forme de coeur ! Ce sont ses tous premiers. Elle a déjà eu des paquets pour la Saint Valentin. De la part de filles, de garçons, parfois d’admirateurs. Mais jamais des vrais chocolats pour elle, rien que pour elle, de la part de quelqu’un qu’elle apprécie. Qu’elle aime ?

Lou ne sait pas si c’est de l’amour, mais ça y ressemble.

Alors, elle sourit. Elle sourit, sincèrement, cette fois, et avec toutes ses dents. Elle sourit parce qu’après tout, merde, il faut en profiter, même si c’est secret, derrière une porte de toilettes, ou dans l’intimité de leurs chambres. « Merci. Ils ont l’air vraiment bons, tes chocolats. » Elle a tellement envie de les goûter. Et elle louche, sur les lèvres de Maka. Elles aussi, elle aimerait encore les goûter. Leur premier bisou, il était trop rapide.

Et quand Maka lui demande un bisou, Lou ne répond même pas. Elle profite de l’occasion pour glisser une main dans la nuque de Maka et de l’embrasser. Elle aimerait que ce soit plus qu’un smack, de pouvoir profiter de ses lèvres. Elle ne sait pas, si leurs bisous sont de bons bisous. Mais Lou s’en fout, de bien embrasser. C’est magique, ça explose dans le ventre. C’est ça, le plus important.

Alors qu’elles s’embrassent, cachées par la porte des toilettes à moitié fermée, un bruit : deux filles entrent dans les sanitaires.

Et alors qu’elle aurait aimé que ça dure pour toujours, le silence est rompu par deux filles. Deux ennemies nationales ! Deux filles qui n’ont absolument rien à faire ici ! Vous avez envie de faire pipi ? Eh bien, retenez-vous ! Ici, il y en a qui ont des choses bien plus importantes à faire. S’embrasser, par exemple.  

Lou le sait, elles sont dans une mauvaise posture, une très mauvaise posture. Elle ne veut pas que leur couple soit déjà démasqué ! Et pourtant, rien de plus désagréable que devoir faire semblant. Elle n’a pas honte, d’être avec Maka, et de ne passer du temps qu’avec elle. Pourtant, il faut respecter ce que Maka demande. La discretion.  

Et Maka, est vraiment beaucoup plus forte que Lou en la matière. A croire qu’elle est née en mentant ! Lou est surprise par la rapidité avec laquelle son amie a trouvé une solution pour justifier leur position. Lou rentre dans le jeu, tout de suite. Elle tousse, et fait quelques bruits de gorge, pour rendre plus crédible.  

« Je... Je crois ? » Elle tousse encore un bon coup. « J'aurai pas dû les manger, ces chocolats à la liqueur. »

Quoi de pire que les “Mon chéri” ? Après tout, il faut justifier la crise de foie. Après avoir tiré la chasse, Lou se laisse emporter par Maka jusqu’au lavabo. Que c’est agréable, elle est aux petits soins. Et même si c’est une maladie imaginaire, Lou a envie de profiter, de ces caresses et de cette tendresse. Elle a bien de la chance, d’avoir touché le cœur d’une fille comme celle-ci. Aux joues rouges, surprise par les filles ? Ou encore sous le choc de leur baiser.

Oh la la, leur baiser. Pour ne pas se laisser envahir par l’émotion - et par l’envie de rejouer l’expérience -, Lou s’asperge le visage d’eau. « Merci. Ça va vraiment mieux. » La blague. Ca va pire. Lou regarde les deux filles se maquiller dans le miroir des toilettes. Vraiment. Ennemies. Numéro. Un ! Si seulement elles avaient envie de faire pipi. Juste pour se faire belles ? Regardez Maka ! Elle est belle au na-tu-rel.

Lou se redresse et fait un petit sourire à son amie. Petite-amie ? Elle va avoir du mal à s’y faire, à ce qualificatif. « On retourne en cours ? » Ensemble, toutes les deux, jusqu’à que la cloche ne sonne.