[Terminé - L-1] Il est pas beau mon sweat ? | Seito

Lou secoue doucement la main. Seito n’a pas rien fait. S’ils n’ont pas vraiment eu une séance d’études littéraires, il lui a permis de prendre un peu plus confiance en elle. Il a été patient, présent, à l’écoute. Et rien que ça, c’est important pour Lou. Mais elle ne le lui dira jamais de cette manière, ce serait un peu trop intime, trop personnel, alors elle préfère se contenter de :

« Peu importe. Comme ça, j’ai un objectif pour réussir la littérature. »

La carotte marche bien mieux que le bâton sur la jeune lycéenne. Elle a vraiment envie de faire plaisir à son colocataire, pour que leurs relations puissent rester en paix, le plus longtemps possible. Elle sait qu’elle peut s’avérer un peu collante, et bruyante, et si elle peut l’amadouer avec un peu de fraises, et rendre Seito plus patient, deal.

Ses doigts pianotent sur son livre de littérature. Peut-être qu’elle va rester un peu plus longtemps en la compagnie des exercices de poésie, finalement. A la question de Seito, la jeune Lou tourne la tête. Elle répond, le plus simplement possible :  « C’est ce que préfère ma maman. »

Elle lâche le livre de littérature, et se retourne de nouveau sur son colocataire. C’est une petite histoire qu’elle s’apprête à raconter :  « Je suis née en France, mais mes deux parents sont japonais. Pour le travail, ils sont revenus ici, mais les gâteaux, ça manquait à maman… » Elle hausse les épaules, comme si tout était d’une logique implacable :  « Alors j’ai appris à lui en faire. »

De petit loisir, c’est devenu une véritable passion. Maintenant, Lou ne fait plus vraiment de gâteaux pour sa mère. Mais elle a gardé les recettes françaises. La pâtisserie française est la plus renommée et luxueuse, et même au Japon les écoles de cuisine l’enseignent. Et puis, apprendre ces recettes lui permet de ne pas perdre son niveau dans sa langue natale.

«Que, quoi ? Un poème sur des tartes ? » La voix de Lou trahit son étonnement, ainsi que sa méfiance. « Dis moi ? » Elle n’en reste pas moins curieuse.

Elle écoute, patiemment, le poème. Ce n’est pas vraiment le genre de Lou, d’être patiente. Ni d’écouter, en fait. Elle ne connaît pas très bien la poésie. Elle en consomme, en chanson, clamée par ses artistes favoris. Ou peut-être qu’elle confond. Elle a tendance à imaginer les textes des musiques comme des poèmes. Même quand c’est un peu plus simple, et un peu moins littéraire. Sinon, la poésie, ça lui semble terriblement scolaire. Elle n’arrive pas à la trouver amusante. Certainement parce qu’elle n’est pas assez curieuse, elle se cantonne aux textes proposés - imposés - par ses professeurs.

Les histoires de cigales et de fourmis, c’était bien quand elle était petite, et L’Albatros, elle n’y a absolument rien compris !

Mais cette fois, elle comprend. Elle comprend tout et elle trouve même ça joli. C’est une recette de tarte, comme elle ne les a jamais lues, ni jamais entendues. Lou, elle adore les recettes. Celles écrites, sur les vieux livres de cuisine de mamie. Celles racontées, rapidement, devant le four par sa maman. Même celles regardées, sur des chaînes Youtube à la mode.

Mais jamais des comme ça.

Et c’est beau, vraiment beau, super beau ! Si beau qu’elle n’arrive pas à croire que c’est de la poésie. C’est pas ennuyant, et c’est pas non plus comme une chanson. C’est quelque chose d’autre, quelque chose à part. Et elle a du mal, la lycéenne, à comprendre comment ça pourrait être encore mieux dans la langue de son pays de naissance. Alors, elle réagit, innocemment :

« C’est déjà méga beau ! » Une réaction simple, presque un peu vulgaire « Je la lirai en français ! Maman et moi, on parle souvent. Alors, j’ai oublié des mots, mais des mots de cuisine, jamais ! » Il lui manquera le sens de “blondines” et de “troupelets”, mais rien de bien grave. Rien qu’elle ne puisse louper dans un dictionnaire.

« Mais… » Et une question la turlupine. S’il sait, lui, que c’est plus beau en français : « Tu parles la langue toi ? »

Le regard de Lou s’illumine. Qu’il ne parle pas français ? Peu importe ! De toute manière, elle ne s’y attendait pas vraiment. Rares sont les japonais qui apprennent la langue. Et même si Kobe est international, si Mori avait le goût de la baguette, Lou l’aurait certainement déjà appris. Mais qu’il ne parle pas bien anglais ! Ça, ça met la lycéenne en joie. Elle s’exclame, le plus naturellement du monde : « Moi aussi je suis nulle en anglais ! » Genre : « Nulle, nulle, nulle ! »  Et elle ne se fait aucune illusion. Ce n’est pas demain la veille qu’elle va devenir bonne. Non, non non non ! Elle fait des efforts pourtant, mais son cerveau refuse cette langue. Elle rattrape ses mauvaises notes en anglais avec ses résultats en sport.  

« Je fais de mon mieux, hein. Mais ça veut pas... Monsieur Stoker est vraiment, mais genre, vraiment pas content de mes résultats. »

Pourtant, il n'est pas si nul, comme professeur, et elle aurait bien envie de lui faire plaisir. Mais même les devoirs sur lesquels elle prend du temps, ça ne donne rien. Alors, autant ne plus les faire ? Lou a décidé que ce ne serait pas une langue pour elle.

« Je comprends. C’est pour ça que j’aime bien la pâtisserie. Tout le monde la comprend, peu importe d’où il vient. Un japonais qui va en France goûter un opéra peut le comprendre, tout autant qu’un français qui achète un Melon Pan. » Elle se reprend néanmoins : « Même si les goûts peuvent surprendre... »

Lou est très touchée par l’universalisme de la cuisine. Elle a l’impression que ça parle un peu de son histoire, et de celle de sa famille. Son père, qui ne parle pas un mot de français, et qui fait ses preuves dans un pays étranger, où il peut travailler.  

Aux conseils de Seito, Lou tique : « Mais, c’est pas des films, ça ? » Charlie et la Chocolaterie, Lou l’a vu lorsqu’elle était plus petite. Ils l’avaient vu en japonais, sans les sous titres, alors que la fraterie était encore jeune. Elle s’en souvient pas du tout. Les Delices de Tokyo, elle l’a vu avec mamie, quand il est sorti en 2015. « Je savais pas que c’était des livres... » Le monde de l’adaptation lui est grand ouvert. « Tu sais où je peux les trouver ? »

Peut-être pas pour tout de suite. Sûrement pas avant les examens. Mais on ne sait jamais, Lou pourrait aimer lire, finalement. Surtout si ça parle de douceurs. La bibliothèque, elle n’y pense même pas : c’est un lieu pour travailler, pas pour s’amuser.  

Erg. Lou a envie de râler. Bien sûr qu’il est bon en anglais. Il est genre, prof. Mais c’est bien là le souci. Lou, elle l’a en cours. Et lui, il aimerait bien qu’elle se sorte un peu les doigts de... Qu’elle arrête de reculer devant l’adversité, enfin ! C’est vrai qu’elle a bien un devoir maison à lui rendre. La belle affaire ! Un devoir maison, avant les examens. Lou ne comprend pas bien le but. Pourquoi rajouter du travail à un moment où il y a déjà tant à faire ?  

Mais elle ne relève pas. De toute manière, elle préfère le sens dans lequel la conversation tend. La cuisine, la pâtisserie, ça c’est vraiment son dada. Pas besoin de toujours se lamenter sur ses échecs scolaires.  « C’est un gâteau avec des couches. » Elle se met à mimer ces dites couches. D’abord, elle tend sa main gauche. « D’abord, un biscuit. », Puis, elle pose sa main droite sur le dos de sa main gauche. « Puis, du caramel. » Finalement, elle retire sa main gauche pour la poser au-dessus de sa main droite. « Et du chocolat. » Contente de son explication, elle range ses deux mains sur sa taille avant de continuer : « Et souvent, on double : deux fois biscuit, deux fois caramel, et deux fois chocolat ! C’est un classique de la pâtisserie française, il paraît qu’il a été inspiré de l’opéra... l’opéra truc là... »

Et voilà qu’elle bug. Quand on parle de gâteaux, elle est là, mais quand c’est pour les opéras, introuvable ! Elle ne se souvient pas du nom de l’opéra Garnier. Elle essaye de le mimer, et fait des demi-cercles avec ses mains, mais le mot ne revient pas : « Le grand opéra de Paris, quoi... » Sa voix baisse. Elle est un peu déçue de ne pas avoir pu aller jusqu’au bout de son histoire.

La faim commence à creuser le ventre, à force de parler cuisine. Lou regarde l’heure, sur son téléphone portable. C’est bientôt le temps du repas. Elle ne va pas tarder à s’y élancer, histoire d’avoir une bonne place. Elle ne retrouve pas de copine, avant, elle préfère voir sur le coup. Lou est assez sociable et trouve toujours une table à rejoindre.  

« Bah... » Elle se sent bête, maintenant. « Je sais pas, moi, oui ? ‘Fin je savais qu’on adaptait des trucs importants, genre des grands livres et tout... Mais c’n’est quand même pas un grand livre, Charlie et la Chocolaterie ? » Lou est à mille lieux de la popularité de Roald Dahl. Elle commence à un peu fatiguer de ne rien savoir. Sa connaissance des bouquins s’arrête à ce qu’ils apprennent à l’école. De la littérature japonaise, principalement. Les grands auteurs, rien de plus. Maman et papa, ils ne lisent pas beaucoup, la cuisine, ça leur prend trop de temps. Mathéo, par contre, il lit beaucoup. Il lit tout le temps, même. Mais ça, ils n’en parlent pas. « Y’a pas que des livres pour travailler à la bibliothèque ? J’irai voir. »

Elle hausse les épaules. Et puis, ça se trouve, dans la chambre de son grand frère, elle peut trouver quelques livres. C’est plus simple. Il ne se rendra même pas compte qu’ils manquent, y’en a tellement ! Et à la question de Seito, elle répond, le plus simplement du monde : « Bah non. J’étudie, c’est tout. » La bibliothèque, c’est une salle pour travailler.  

Elle a envie de râler, maintenant, Lou. Pas parce que Seito l’énerve, mais parce qu’elle se sent complètement stupide. Elle n’aime pas du tout, la force des livres. Ils ont une puissance, quelque chose du genre “si tu lis des livres, tu es meilleur que les autres”. Lou a bien du mal à rester concentrée sur un roman. Finalement, elle tourne les pages sans vraiment lire les mots. Elle aimerait bien pouvoir faire comme tous ceux qui savent lire. Et se sentir intelligente. C’est juste, pas vraiment son truc.

Et puis, Mathéo, il le lui fait souvent sentir.

Les livres, c’est son truc à Mathéo. C’est même son seul truc, autre que les études. Et même si son rejet de la littérature n’est certainement pas uniquement lié au rejet de son grand frère, c’est sûrement lié, en tout cas d’une manière.

Alors, la voix un peu traînante, un peu vexée, aussi (Lou n’est pas capable de cacher ses émotions), elle répond : « Désolée, je pensais pas que c’était aussi grave, de pas emprunter de livres en bibliothèques. » Et même si elle dit ça, elle sait bien que Seito le prend à coeur parce qu’il aime la littérature. Lou, devant quelqu’un qui n’aurait jamais goûté un gâteau, elle se serait certainement emportée, et pas qu’un peu. Alors, à sa proposition, elle se calme un peu, et d’une voix toujours basse, mais tout de même détendue, elle répond :

« Oui, d’accord, je veux bien qu’on essaie. Mais je te promets pas de réussir à le lire jusqu’en entier, ça te dérange pas ? »

Elle ne veut pas être une déception pour Seito.

Lou se sent comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Elle, qui fait tant de bruit, a bien du mal à garder le silence. Mais dans la bibliothèque, il n’y a pas un bruit. Elle se doit de rester calme. Elle se mord l’intérieur de la joue, histoire de se calmer, histoire de ne pas parler trop fort. C’est vrai qu’elle ne vient ici que pour trouver la paix, quand elle est crevée. A la limite, pour travailler un peu, aussi. Mais jamais pour regarder des livres.

Elle suit Seito, dans les rayons, qu’elle détaille des yeux. Il y a tellement, tellement de bouquins. Tellement qu’il faudrait avoir 9 vies, comme les chats, afin de lire tout ce qui se trouve dans les étagères de la bibliothèque universitaire. Elle se demande comment font les bibliothécaires, pour pouvoir tout connaître. Est-ce qu’ils ont développé des méthodes de lecture ultra rapide ? Non. Sûrement qu’ils ne connaissent pas tout. Ce serait surhumain.

Lou regarde les étudiants sur les tables. La plupart semblent travailler, mais quelques-uns lisent, silencieusement. Elle n’avait jamais vraiment fait attention à ceux-là. « Eh bien…. » Lou hausse les épaules. Elle lit surtout des mangas et des BDs, les romans c’est surtout pour la classe. « Quand j’étais petite, plus. Dans les magasins, en suivant mon frère, lui c’est un vrai lecteur, moi pas trop. »

Elle regarde les rayonnages. Elle fait attention aux labels, qui indiquent les différents genres. Si le genre “roman” ne l’attire pas vraiment : c’est trop large ! Elle est davantage intriguée par le mot “policier”. « Et du policier, je peux en prendre un ? » Lou a la sensation que ça pourrait lui plaire. Ces derniers temps, elle adore les films d’horreurs et d’enquête. Elle se passionne pour leurs tensions. Contrairement aux histoires “tranche de vie”, elle a la sensation d’être happée. Dans le policier, il y a une réponse à la fin, et pour avoir cette réponse, il faut aller jusqu’au bout.

Mais elle ne sait pas si le policier, c’est de la vraie lecture. Elle a l’impression que c’est quelque chose de trop satisfaisant, trop plaisant. Lou pense que la lecture, c’est quelque chose qui doit forcément être un peu difficile, souvent scolaire. Comment s’amuser, un bouquin à la main ?

“Excellent” ! Il est “excellent” son choix ! Lou n’en revient pas. Et ça se voit. Un grand sourire la trahit. En fait, c’est tout ce dont elle a besoin, un peu d’encouragements. La lycéenne est assez complexée vis à vis de son rapport à l’art. Elle a l’impression d’être tellement en retard, qu’elle n’aura jamais assez de temps pour le rattraper. Pourtant, elle aimerait bien comprendre le plaisir de la lecture. Rien que pour pouvoir discuter avec son frère, en fait.

Alors, elle suit du regard le mouvement de Seito à travers les étales. Il semble comprendre le langage des bibliothèques. Elle ne comprend pas vraiment comment il s’y retrouve. Il y a tellement de livres, et tellement de lettres. Alors, elle se laisse volontiers porter. Et finalement, elle comprend. Ce n’est qu’une histoire d’auteurs, et de noms. Rien de plus simple. Tellement simple que même elle pourrait s’y retrouver…

…Si jamais elle connaissait les noms.

« Oh ! Sherlock ! » Celui-ci, elle le connaît. « Ca aussi, c’est un film ! » Les adaptations pleuvent. Elle se sent un peu honteuse, de ne connaître les histoires que par le biais de la télévision. Pourtant, parce qu’elle est familière avec Sherlock Holmes, elle a un peu moins peur de lire le livre. Beaucoup plus simple que Genj-truc de Naga-machin Sei-bidule. A peine Seito prononce les mots qu’elle les oublie. Les livres historiques, très peu pour elle, elle n’arrive pas du tout à s’y projeter.

Seito continue d’avancer. Il y a beaucoup de livres, beaucoup trop ! Lou aurait pu prendre le premier, sans vraiment se poser de question. C’était facile, le premier. Maintenant, elle doit choisir. Surtout que le dernier lui donne envie, vraiment envie. « Cette fois, j’connais pas. » Elle n’a jamais vu le film. C’est qu’il n’est certainement jamais passé le dimanche à seize heures pendant que mamie faisait la sieste.

Mais c’est le mot “flippant” qui lui plaît. Dernièrement, Lou a envie de vivre des émotions fortes. Et comme si le stress des examens ne lui suffisait pas, elle s’entiche d’histoires d’horreur. A défaut d’amour, il faut bien que son cœur batte pour quelque chose.

« Et c’est pas trop difficile à lire ? »

Dans le sens, c’est pas trop gros ? Lou espère être prise dans le livre, et d’oublier le numéro des pages, mais si c’est un pavé, elle risque de vite se décourager.

En termes de vocabulaire, oui. En termes de longueur, surtout. En termes de tout, en fait. Ce qui est facile pour Seito, c’est peut-être une montagne pour Lou. Mais la jeune fille ne veut pas se laisser décourager. Elle préfère prendre le taureau par les cornes et y aller à fond. C’est comme ça qu’elle vit, de toute manière. Impulsive, elle se jette toujours à bras le corps dans de nouvelles passions. Parfois, c’est du sport, parfois, c’est de l’exploration urbaine, parfois, c’est de la cuisine.

C’est bien la première fois qu’il s’agit des livres.

Elle se rapproche du fameux Shutter Island, et le regarde. Il est bien rangé, entre deux autres gros bouquins. C’est tellement sage, une bibliothèque. Lou a l’impression qu’en retirant ce livre, elle pourrait dérégler quelque chose de parfaitement organisé. Mais le regard de Seito insiste. C’est d’accord, de prendre des livres à la bibliothèque. Alors, elle se saisit finalement de Shutter Island.

Le trou sur l’étagère se comble rapidement. Les livres se penchent doucement. C’est drôle, même en retirant un livre, tout reste organisé. Elle le serre contre elle, comme un joyaux. Et si c’était le premier pas vers son grand frère ? Elle ne peut pas s’empêcher de penser à lui, même dans ce genre de moment. Elle aimerait vraiment pouvoir se rapprocher de Mathéo.

« Pour le moment, je vais me contenter de celui-là. » “Pour le moment”, seulement. Qui sait, il y aura peut-être une prochaine fois ! « Et maintenant ? Comment on fait ? »

Lou, avec le livre dans les bras, regarde Seito, avec des yeux de poisson. Attraper le livre, c’est encore le plus simple. Mais elle se doute qu’elle ne peut pas partir avec sans prévenir personne.

Toujours le livre contre son cœur, Lou suit Seito dans les rangées de bouquins, et ce, jusqu’au bureau de la bibliothécaire. Oh, qu’elle fait peur, cette femme ! Elle a l’air austère, pincée, dure. Le genre qui pourrait te taper sur les doigts avec un bâton. Lou ne l’aime pas beaucoup, cette Matsumoto. Et il ne lui viendrait jamais à l’idée de l'appeler “Matsumoto-san”. Elle aurait trop peur qu’elle lui tire les oreilles et lui rappelle combien il est important de respecter ses aînés. C’est une membre du personnel, pas une copine ! Oh, non, définitivement, Lou n’est pas à l’aise devant cette dame.  

C’est la faute au silence, ça. Lou voit les bibliothécaires comme des reines du calme, qui peuvent en un claquement de doigt supprimer tout bruit. Et Lou, elle aime le bruit.

Alors, quand Seito présente Lou, elle ne se contente que d’une petite courbette polie, avant de se rapprocher avec le livre. Elle écoute bien, cette histoire de carton. Et elle regarde les noms des précédents lecteurs, mais ils lui sont tous inconnus. Elle aurait aimé savoir qui ils étaient, s’ils étaient de grands lecteurs, et puis, s’ils ont aimé. Mais il n’y a rien que des noms. Les noms, ça ne dit pas grand chose.

« Je crois que j’ai compris. »

C’est beaucoup d'informations, mais c’est simple aussi. Carte, prénom, livre. Trois semaines, par contre, ça semble bien plus difficile à retenir. C’est que Lou n’est jamais à cheval sur les horaires. Une fois le livre récupéré, elle salue de nouveau la bibliothécaire pour la remercier, poliment, et sort son téléphone. Elle note, sur son calendrier, “livre à rendre”. Elle se met même un petit rappel. Pourtant, même avec ce genre de stratagèmes, Lou sait qu’elle risque d’oublier.

« Je compte sur toi, alors. Avec les examens, je pense que les trois semaines elles vont filer… fioooooou. » Elle mime le passage d’un avion. « Vitesse grand V. » Un sourire. « Mais merci beaucoup, pour l’aide. »

Et la lecture de Shutter Island, elle est secondaire. D’abord, il faut qu’elle termine de réviser le chapitre de poésie ! Ensuite, il y a les maths. Et puis, y’a aussi l’histoire. Finalement, un peu de bio. La chimie ? Secondaire, elle a eu de bonnes notes le précédent semestre ! Oh la la, mais elle se sent en retard. Toute cette histoire de livre l’a déconcentrée, et il ne reste plus que quelques heures avant de dormir. Il faut qu’elle retourne dans la chambre, et qu’elle reprenne ses révisions.

Alors, une fois arrivés dans leur chambre, Lou remercie une nouvelle fois Seito de sa gentillesse, avant de le quitter, et d'attraper ses livres de cours. Tant pis pour le brossage de dents ! Elle le saute pour ce soir. C’est pas pour une fois ! Elle a encore des révisions.

#terminé