Epreuve 2 - The Otherlands & Sword Art Online

La fin d'après-midi était d’une douceur sans précédent pour la saison. Le temps a probablement décidé de se montrer clément avec toi, pour ta toute dernière représentation. Te voilà qui descends de la petite voiture qui a gravi la montagne.
Cahotant sur le vieux chemin de pierre, te berçant avec la douceur d’une mère.
C’est une tristesse qui te serre le cœur, mais pourtant jamais tu ne pleures.
Tes larmes tu les réserves pour les dernières secondes, celles où on l’on croit que s’effondre le monde. Mais aujourd’hui, tu es guerrière, conquérante, reine du soir. Il finira par arriver, mais un peu plus tard.

Devant toi le temple se dresse, fier et majestueux, il t’invite à entrer pour te rapprocher un peu des cieux. Sens-tu le courant d’air frais qui se glisse jusqu’à tes os ? Celui qui t’inquiète et enferme parfois tes mots.

Les escaliers à gravir te narguent dans ton beau kimono de soie, mais malgré tout t’invitent, car ce soir tu y es chez toi. Il te faut encore monter, encore faire quelques pas, avancer sans t’arrêter pour ne pas te figer là.  ~

Temple très ancien, Un beau kimono de soie, Soir d’automne

De velours sont mes pas, d'or est mon silence, enflammé dans l'ombre s'affaiblissent mes soupirs. Mon cœur s'embrase à la lueur des bougies, au rythme de l'encens virevoltant dans la nuit, aux affres douloureuses de mes souvenirs chéris tandis qu'en discrétion nous gagnons notre logis. De la poudre de riz aux pigments écarlates, mon reflet miroite le moindre souvenir.

Là, sous ma peau, engourdie de fierté, s'embrasera la scène sous mes talents appréciés. Gardienne d'antan, de modestes bonheurs, nos efforts se tiennent pour vos yeux, pour l'honneur. Nul décor ne saurait contenir l'émotion d'une voix portée vers l'avenir.

Je me présente à vos âmes insatiables de savoir. Par mes gestes, par mes chants je possède le pouvoir de sublimer tout art. Sur mes lèvres un sourire esquissé s'estompe au fond de moi, ravalant l'émotion sous le tissu de soie. J'offrirais ma passion à vos curiosités, mon regard une dernière fois sur mes complices posé.

Il est temps maintenant de souffler, de laisser aux coulisses mes regrets. Me voilà, observant saluant la jeunesse, d'or se fait-elle à préserver notre adresse. Fascinés, enchantés, seront-ils aussi charmés pour que vive à jamais dans les consciences la ferveur de nos œuvres ?

Les murmures se taisent enfin, mon souffle de glace, la scène me revient

C’est l’admiration que tu vois dans leurs yeux innocents, ceux qui l’ombre d’un instant sont redevenus des enfants. Ils t’ont vue passer devant eux sans un bruit, glissant sur le sol comme la rivière dans son lit. Un sourire, un signe de tête et te voilà déjà disparue, tu as encore à te préparer pour te montrer à leur vue.

Dans la loge aux encens, le silence se fait et bientôt on entend plus que les jeunes femmes s’affairer. Elles sont là pour t’aider, te préparer, t’habiller, te pomponner, chacune d'elles te regarde et envie ta beauté. Aucune d’entre elles ne sait ni ne voit, car ton visage lui aussi, est la perfection de la soie.

L’air qui entre dans tes poumons est chargé d’histoire et de sens, cette soirée spéciale te gonfle le cœur d’espoir en semence. Si de l’extérieur rien ne semble t’émouvoir ou te déranger, nul ne connaît, sous la surface ce qui se met à bouillonner. La peur t’étreint, la tristesse te rend muette, l’excitation fleurit en ton ventre, la joie agite ta luette. Un chant, une douceur, du miel, une saveur. Ta voix se pose, cristalline et délicate, dans les oreilles moroses des femmes que tu épates.

De l’encens qui embaume l’air, des yeux pleins d’amour, Une voix pleine de douceur

Le shamisen résonne, réchauffant la pièce de son timbre feutré, façonne le décor millénaire sur fond de nos emportés. Elles ne seront que fantômes à la suite de cette veillée, évadées dans l'aurore, quelque part égarées dans ma mémoire. J'ai pris goût à la grâce de maîtrises perpétuées, formé ma succession à la virtuosité pour que ne s'éteignent en aucun temps nos habiletés.

Ce départ creuse une absence à laquelle je ne peux céder, acculée de tendresses et soutien fort gré, je ne puis décevoir leurs attentes bien placées. En dépit d'allégresse c'est la peur qui me blesse, paralyse à mes cordes, emprisonne ma voix sous l'émotion dansante, contre faiblesse je ne ploie. Il n'est point d'impureté à parfaire que ce triste minois derrière la porcelaine domptant le moindre émoi.

Que le sentier fut épineux en dépit du succès, mon périple glorifié d'élégance et de célérité au prix de patience et de maintes difficultés. Je me revois malhabile sur mes getas, trembler de voix comme d'équilibre, honteuse de mes lacunes. Acharnée par nature à me vêtir d'excellence, de maiko à geisha, mon nom se mua.

La peur est une amie posée sur mon épaule, veillant à la prudence qu'il est bon d'écouter. À force d'assurance, il est aisé de fauter, ce que je ne puis soumettre à mon audience.

La naissance d'une geisha, sa peur voilée, un passé adoré

Ange fidèle sur ton épaule, la peur se fait plus légère un instant, comme une vieille amie qui te caresse la joue et te parle du bon vieux temps. Aujourd’hui son poids te paraît moins lourd qu’autrefois, car l’expérience et l’entraînement font aussi contrepoids. Pour ce soir bien sûr, mais pour mille représentations avant, tu te souviens, des pas, des mots de tes gestes fendant le vent. Ton éventail et sa danse acérée, la force dans la pointe de tes pieds, la pression de ta main sur l’anse de la théière, la chaleur du thé, tout ça te fait penser à hier. Si seulement cela pouvait aussi être ton demain, mais tu le sais, ça ne le sera pas, il est temps pour toi de céder la main.

La gloire n’a d’éternel que le rêve qu’elle nous fait caresser. Il s’incruste dans la peau, te brûle jusqu’à te consumer, le rêve te transporte jusqu’au soleil et si tu n’y prends pas garde, tu t’y brûles les ailes. Mais déjà les souvenirs t’assaillent et te plongent une fois dans la mélancolie, le voile d’une vie passée couvre tes yeux et pourtant tes lèvres sourient. Ton corps connaît les pas, mais il faut encore qu’il se réchauffe, que tu bouges. Il te faut prendre les voiles, avancer, reculer, sauter, danser, à la lueur des bougies, jusqu’à l’heure de la nuit.

Les voiles posés non loin t’appellent, chantent de leurs couleurs chatoyantes et brillent de mille feux. Le tissu, sa douceur et les broderies d’or, la soie de ton kimono, et tes mouvements gracieux. C’est un tout fait de magie qui, toujours, émerveille, un rêve éveillé qui hante jusqu’au lever du soleil.


Souvenir ancien aux doux parfums, tissus brodés d’or, calme serein

Douce, douce nuit m'accorde-tu cette danse ? Toi et moi réunies pour une courte romance à la lueur des bougies. Étreignons le destin qui par son fil d'or fait de toi mon chemin sans le couper encore. Nulle flamme ne s'étiole sous les étoffes légères, nul obstacle ne se dresse par-delà tes œillères, toi le témoin de mes erreurs passées, de mes peurs, de mes joies, entre tes bras et mes progrès.

Dans ton obscurité tu as soigné ma venue, saisissant les convives d'une séance attendue. Fascinés par l'emblème de ma peau de Sélène, je suis dans leurs iris l'égérie souveraine d'un temps et de valeurs qu'ils admirent et retiennent.

Chantons et dansons pour la dernière fois, amusons-les de nos plus beaux éclats, guéris de leur promesse, mes blessures à venir, réconforte-moi de caresses sans daigner me haïr.

La lumière se rapproche à chacun de mes pas, de nos discrètes rondes il n'y aura que trépas. De ce nous, mon sauveur il n'y a plus que moi. Dans mon souffle épuisé, la douleur s'accroît. Je veux encore danser.

Je sais que tu pardonnes, adoucissant ma peine, accueillis sous tes astres, mes espoirs étincellent. Sauras-tu briller quelquefois sous mon toit ? Pour que perdure mon amour sous ton manteau de choix ? Mes visites fortuites te feront-elles plaisir ? Lorsque de ta présence je voudrais m'enquérir ? Je saigne de ne sentir sous ma peau délicate, ta main contre la mienne qui s'échappe. Je suis seule parmi tous, éblouie par le monde

Douce nuit vagabonde, amour éternel, séparation cruelle

Le regard des spectateurs que tu croises et dont l’émotion se lit, de leurs bouches jusqu’aux yeux d’étoiles emplis. Entre les notes de musique, le silence envahit l’espace de la scène et tes cils d’un bout à l’autre papillonnent et la font tienne. Ton royaume se fait de voiles, d’émotions et de cœur, avec ces pas et mouvements que tu connais de la première heure. Le sentiment d’une vie entière qui défile sous le nez, tu sens le souffle retenu de toute cette assemblée.

Chaque équilibre semble précaire, chaque voile a sa beauté éphémère. Ta dernière représentation à tout jamais sera figée, non seulement dans les esprits, mais dans les cœurs de tes administrés. Tu n’es plus femme, toi Akiya, Geisha de cet état. Alors que le bleu du ciel se teint couleur d’encre, sous la lumière des bougies et dans le feu de tes voiles. Tu te montres implacable, magnifique et grande, déesse de feu et d’automne sous les étoiles.

Sens-tu cette délicate goutte d’eau qui roule le long de ta joue ? Celle envoyée par les cieux comme un présent que tu ne désavoues. Ton émotion est tienne, mienne, leur, alors que tu sens la tristesse se mêler au bonheur. À présent que tu exploses, écartant les bras tel un oiseau déployant ses ailes, plus personne n’ose bouger de peur de te voir t’envoler. Un souffle de vent agite encore un instant les quelques mèches échappées de ta coiffure qui danse devant tes yeux. Seule la lune tente de te voler la vedette en une pâle apparition que tu éclipses sans même faire le moindre son.

Geisha qui danse et illumine la scène, Feu d’automne

Mon ciel à présent se fond dans leurs iris, où quelques douces étoiles resplendissent. Dans leurs sourires, mes passions, l'instruction de cet art, leurs souffles discrets qui s'éteignent dans le noir. À l'orée des raisons, point la curiosité que chacun garde en soi pour ne guère m'abîmer. Petit brin d'allumette, je me suis consumée, laissant mes émotions à présent s'écouler. Sous la manche de soie, je m'égare un instant, brisant d'une révérence mon retrait imminent.

Je ne puis effacer le masque opalescent sans y verser la nacre en me remémorant sur la bobine invisible tous mes souvenirs passants, toutes les épreuves endurées, tous ces parfaits moments. À la lisière d'ébène se traçant sous mes yeux deux lignes marquant la peine de mes derniers adieux. Mes paupières s'abaissent, j'inspire calmement. Savourant les caresses offertes chaleureusement. Compliments et promesses sont au rendez-vous pour n'oublier mes gens et nous revoir surtout.

Femme sans prétention de modestes qualités, j'apparais enfin aux regards étonnés. Débordant d'énergie, comblant de tout mon cœur, vos interventions raviront mon humeur. Ne soyez pas timides, il n'y a pas le temps, exprimez-vous, limpide, vivez donc le présent !

Vous voilà confidents de mes aspirations sans en comprendre la cause, avez-vous des questions ?

Une femme reconnaissante, un public charmé, son bonheur à la clé

Ton aventure se termine ici et il semblerait que la mienne aussi.
Depuis ta plus tendre enfance, j’ai toujours tenté d’être ta meilleure amie et quand je l’ai pu, j’ai guidé ta vie. Personne ne me voit vraiment, posée sur ton épaule, veillant sur toi. Toujours à tes côtés, je suis ta peur, ta conscience, ta joie. Alors que ton triomphe résonne et rebondit sur moi, je sens qu’une page de notre vie se tourne et que tu la laisses derrière toi.

Si les effusions sont toujours discrètes dans ce milieu, parmi nos adeptes, certains s’autorisent à applaudir très délicatement, du bout des doigts tout en souriant. Doucement, la pression retombe, ton aura mystique va doucement s’estomper pour ne laisser qu’une trainée délicate sur tes épaules, tel un manteau de soie.

Voilà ma douce, notre représentation est à présent terminée, il ne nous reste qu’une dernière chose à faire, un dernier salut, un dernier spectacle que tu souhaites offrir, dans toute ta discrétion, dans toute ta générosité. Tu es reine du soir, c’était le dernier.


Une fin de soirée, nuit d’automne prolongée, cadeau à offrir

Tu me tiens compagnie depuis la nuit des temps, toi ma si douce amie m'écoutant sagement. Contant mes rires, mes pleurs, ma vie et ses couleurs, de ta réserve docile, sois-en encore l'auteur.

Ta plume pour m'épauler,  je pourrais m'envoler, parcourant les nuages sous le ciel étoilé. Noircissant de ton encre les pages immaculées, quelques nouveaux chapitres, notre réalité. Étourdie, je reprends. On confesse honteusement, une demande futile quelque peu malhabile. Sur mes lèvres qui s'étirent, il n'y a nulle angoisse à sceller par les mots la jeunesse et l'audace.

Le rideau est tombé, je peux le leur confier, à la lueur du soir, il y a un espoir. Mes mains sur ma ceinture, d'une voix assurée, il est de bon augure d'avoir tout arrêté. Je ne pourrais vêtir le précieux kimono dans les mois à venir, mon ventre sera beau. Les plus avisés auront vu à mon doigt la subtilité d'un anneau de foi. Il est de ces tournants que l'on n’attendait pas, merci infiniment pour cette vie de Geisha.

Nouvelle plume, nouveau cœur battant, très bientôt maman