[Terminé] [U-11] Le plus dur, c'est d'être enfermé dans le présent [Ft. Maya Wayne]

Chaud. Il fait chaud dans cette pièce. Orange. Rouge. Gris. C'est aveuglant, puis sinistre. L'odeur est abominable, agresse tes narines bien fragiles. Tu tousses, encore et encore, tout en essayant d'évoluer dans cet enfer. Tu veux hurler mais aucun son ne parvient à franchir tes lèvres. Tu étouffes. C'est pénible, vraiment pénible.

Un pas. Deux pas. Trois pas.

Tu l'aperçois enfin ; ton grand-père. Sans perdre davantage de temps, tu cours le rejoindre, tentes se soulever son corps fragile. Tu lui demande de tenir bon, lui cries que tu vas le sortir de là, que jamais tu ne l'abandonneras ici.

C'est dur.

Mais vous parvenez à vous éloigner des flammes. Tes jambes lâches alors que vous avez rejoint le mot opposé à la porte qui vous sépare encore du feu. Tu viens placer un torchon humide au-dessous pour empêcher la fumée de vous atteindre trop rapidement. Tu ne sais comment il est arrivé là, mais peu importe ; tu n'as plus la force de réfléchir.

Respiration rapide. Tu as chaud. Tu te sens agoniser, mais pas autant que l'homme face à toi qui vient glisser sa main sur ta joue. "Tout va bien, Elizabeth. Je me sens bien là où je suis. Ne t'inquiètes pas." C'est ce qu'il te dit, fébrile.

Secousse. Respiration rapide, difficile. Tu ne vois pas bien. Il fait noir. Tout est flou. Tout est mouillé. Tu transpires. Tu pleures. Ton coeur bat beaucoup trop vite. C'est douloureux.

▬ Maya !

Tu ne sais pas pour quelle raison tu prononces son nom. Tu en as besoin. Tu as besoin de t'accrocher à quelque chose, à quelqu'un, pour vérifier que c'est bel et bien finit.

Enfin  sa silhouette se dessine. C'est dingue : tu n'as jamais été aussi contente de la voir. Pas que ce ne soit pas le cas en temps normal, mais là c'est différent. Tu avais besoin qu'elle te réponde, tu as besoin de la voir, de... Tes larmes continuent de couler alors que tu tentes encore de maitriser ta respiration. Tu laisses le silence planer un instant, le temps nécessaire pour que tu parviennes à aligner deux mots sans étouffer.

▬ Je pense que c'est le cas.

Soupire. Tu saisis l'eau qu'elle te tend, non sans la remerciee, bois deux ou trois gorgées avant de frotter tes yeux encore humides. Tu sens que ton lit l'est aussi, tout comme ta peau bien brûlante.

▬ Je suis désolée si je t'ai réveillée.

T'excuser, c'est la moindre des choses, même si tu n'y es pour rien.

▬ J'ai... J'ai rêvé de mon grand-père et... C'était si réaliste.

Ça te rassure un peu, de savoir qu'elle ne dormait pas, même si tu n'aimes pas entendre ce genre de chose en temps  normal. Le sommeil, c'est primordial pour la santé et si tu n'étais pas dans un tel état, tu aurais cherché une solution. Au pire, peut-être que la cuisinière acceptera de te prêter une poêle ! Mais là tout de suite, tu tentes juste de te calmer, t'expliquer afin de ne pas laisser ta colocataire dans le flou.

Tout va bien. Une phrase que te rappelle simplement que tu n'es pas coincée au milieu des flammes. Un doux mensonge qui se veut rassurant. Tu ne peux que t'y fier, même si dans d'autres circonstances, tu te serais pas restée aussi passive.

Ses bras autour de ton corps te sont d'un bien meilleur réconfort. Tu te laisses bercer, viens même poser ta main sur son bras pour le lui rendre son étreinte... en partie du moins. C'est surtout toi qui profites de ta colocataire. .

▬ Nous étions dans une maison en feu. J'essayais de nous sortir d'affaires. Puis une fois à l'abris, il semblait mal mais...il m'a touché le visage et m'a dit que... Tout allait bien là où il était... De ne pas m'inquiéter. Et ça c'était... trop réaliste pour que je le supporte.

Tes larmes refusent de s'arrêter alors que tu lui expliques ton cauchemar. Peux-tu vraiment appeler ça ainsi ? C'est juste beaucoup trop fou.

▬ C'est vraiment comme si... il m'avait parlé. Je... je ne sais pas expliquer. Je.. je n'y crois pas.

Rien ne va brûler ici. Tu te répètes cette phrase en boucle dans ton esprit. C'est normal. C'est normal d'être encore sous le choc... Mais à ce point ? Tu n'en sais rien. Tu ne t'es jamais retrouvée dans une telle position et tu ignores si quelqu'un a un jour vécu la même chose que ce qu'il vient de t'arriver.

Tu inspires, expires, tentes de te calmer comme tu peux. Le contact de Maya t'y aide. Peu à peu, tes larmes cessent de couler et tu parviens enfin à respirer convenablement.

▬ Sûrement...

Tu t'éloignes légèrement afin de sécher tes larmes, et ne voulant pas abuser de l'affection de ta colocataire.

▬ Oui... Je suis désolée.... De t'imposer ça alors que... Toi-même tu n'es pas très bien en ce moment...

Tu marques une pause, poses ton regard encore humide sur elle.

▬ J'ai tort ?

Tu ne sais pas ce qui te frustre le plus suite à la réponse de ta colocataire. Enfin si, mais tu as du mal à mettre le doigt sur l'origine du problème. Éviter les sujets sensibles, dédramatiser une situation... D'ordinaire, c'est facile à faire et à accepter pour toi. Mais là, ce n'est pas le cas. Tu n'arrives pas tenir le coup, alors qu'on arrive encore à te dire que tu es forte... Est-ce parce que tu n'y crois plus ? Parce que tu ne parviens pas à répondre comme elle que tu te vexes autant ? Que tout à coup, ce légendaire "rien de grave" te donne juste envie de la secouer, de t'énerver ? Ça t'agace, cette réponse. Pourtant, tu parviens à prendre sur toi et à ne pas grimacer, même si tes sourcils se froncent brièvement alors que tu la regardes dans les yeux.

▬ Si tu le dis.

Tu pousses un petit soupire, passes ta main dans tes cheveux afin de les dégager de ton visage encore humide.

▬ Est-ce que... C'est déjà arrivé ? Que tu me vois agitée de la sorte ?

Tu fermes les yeux un instant, respires, avant de boire une nouvelle gorgée d'eau.

Ça te rassure un peu, de savoir que tu es plus calme d'ordinaire, que tu ne t'agites pas durant ton sommeil comme tu l'as fait ce soir. Un poids en moins sur tes épaules bien frêles en cette nuit bien désagréable. Quoi que... la présence de ta colocataire t'offre tout de même un certain réconfort, tu dois bien l'avouer. Certes, ce n'est pas assez pour calmer les battements de ton cœur, pour dénouer ton estomac, pour dissoudre cette boule que tu as dans la gorge... Mais tu te sens déjà un peu mieux malgré cette petite colère qui t'anime.

Un instant de silence.
Un sourire. Léger. Doux.

▬ Merci, Maya... J'ai de la chance de t'avoir comme coloc... enfin, seulement ce soir !

Ok tu tentes d'alléger un peu l'atmosphère, de la rassurer avec une touche d'humour qui aurait sans doute été plus efficace si tu avais été en meilleur état. Tu t'en rends compte. Mais c'est l'intention qui compte, pas vrai ?
Soupire.

▬ On ferait mieux d'essayer de dormir encore un peu... Je pense que ça va aller.

C'est juste une question de temps.

▬ À moins que tu ne me crois pas ; tu veux dormir avec moi pour veiller sur moi ? dis-tu en plaisantant.