Tout commence et se termine par un hors-jeu

Celui qui disait que le premier pas était toujours le plus difficile ne s’était certainement jamais retrouvé dans la même situation que moi. J’avais dès mon retour le projet de commencer le basket ici à l’université. Si demander les premières informations au coach de l’équipe avait été une tâche simple comme bonjour, l’idée de devoir finaliser mon inscription auprès du capitaine de l’équipe me tétanisait. Bon dieu, pourquoi a-t-il fallu que cette personne soit la seule à qui j’ai un mal inimaginable à parler en ce moment ?

A l’époque, j’aurais sauté de joie à l’idée d’avoir une excuse pour passer du temps avec le guitariste. J’aurais même fait la fête rien qu’à l’idée d’avoir à nouveau l’occasion de le voir et de lui parler tous les jours mais… Depuis mon stage et mon retour précipité, c’était comme si tout s'était brisé entre nous.

J’en étais le principal responsable bien sûr. Je n’avais pas donné tant de nouvelles que ça pendant mes voyages et le peu que je transmettait n’avais rien de bien personnel. J’affichais des trucs sur mon twitter, etc, … Mais rien qui ne déviait vraiment de mon boulot. Les camaraderies, les discussions privées, tout ça… Ça avait été silence radio pendant des semaines. Certes, j’avais de nombreuses fois hésité à contacter Keito mais à chaque fois que je me retrouvais devant mon portable, rien ne venait. Aurais-je dû au moins lui envoyer des nouvelles banales pour garder le lien ? C’est vrai que j’avais continué la guitare depuis mon départ mais si je l’avais contacté pour lui montrer mes avancements, l’aurait-il bien pris ? Je n’en savais rien. Et à ne pas savoir, je n’avais rien fait. Oh oui, j’ai des vidéos sur mon téléphone qui lui étaient destinées mais n’ayant pas été envoyées, c’était comme si elles n’avaient jamais existé.

Quand était-il maintenant ? J’étais revenu depuis quelques jours, j’avais appris que je ne partagerais plus la même chambre que le guitariste et je n’avais pas réussi à lui parler lors de nos cours communs. C’était le blanc. Le vide intersidéral. J’ignorais s’il y avait réellement un malaise entre nous mais ce que je sais, c’est que je n’aimais pas la situation actuelle. Ne pas lui parler, ne pas savoir ou on en est alors que pendant un léger instant, je nous croyais proche… Enfin, il faut que j’arrive à me dire que c’est surement du passé maintenant.

C’est des doutes pleins la tête et un formulaire bien chiffonné en mains que je me décide enfin à aller m’inscrire au club. A cette heure de l’après-midi, ils devaient être en train de s'entraîner sur le terrain. Peut-être que j’arriverais à interpeler Keito quand ils ne seront pas trop occupés.

C’est le pas lent que je rejoins le terrain de basket. Sans surprise, le capitaine que je cherchais tant était là sur le terrain, avec les autres du club. Devrais-je l'interpeller ou bien…

Sans trop savoir, je lui fit un léger signe de main en espérant qu’il me remarque.

L’espace d’un instant, j’avoue avoir hésité à faire demi-tour, fuir d’ici et ne jamais revenir. C’était tentant. Très tentant même mais me cacher n’avait aucune chance de mener à quoi que ce soit. Je ne pouvais pas éviter Keito toute ma vie et je n’en avais pas plus envie pour ainsi dire. Que j'abandonne l’idée de commencer le basket ou non, je me connaissais assez pour savoir qu’un jour ou l’autre, je foncerais droit face à Keito pour tenter de changer les choses entre nous. Autant que cela se passe le plus tôt possible, même si m’expliquer allait être compliqué.

Il ne faut pas longtemps pour que le capitaine de l’équipe me remarque. S’il semble surpris au premier abord, Keito se renferme bien vite derrière son masque d'indifférence. Je ne m’attendais pas vraiment à ce qu’il soit heureux de me voir mais, et ça me fait mal de le dire, ça ne sentait pas bon pour la suite. Les choses étaient-elles déjà bien finies entre nous ? Ou… Pouvais-je encore espérer quelque chose ?

Sans dire un mot, il arrive à ma hauteur et tend la main pour récupérer ma fiche d’inscription. Il savait pourquoi j’étais là apparement. Gareth avait sans doute dû le prévenir de ma venue.

« Bonsoir. Le coach m'avait prévenu qu'un nouveau allait venir mais j'étais loin de me douter que ce serait toi. »

Dur de dire si ce détail l’ennuyait ou non mais au moins, il était sincère. Il faut dire qu’à part le Kyudo (et l’athlétisme pendant un temps), je ne m’étais jamais montré très intéressé à l’idée de faire un autre sport. J’aurais pu me lancer dans la natation fût un temps, quand j’étais dans ma période “grand changement” mais j’avais fini par me calmer il y a peu.

« Euh ouais désolé de ne pas t’avoir prévenu avant de m’inscrire. »

J’étais mal à l’aise en disant ça. Je ne savais pas trop quoi lui dire et c’était la première chose que j’avais en tête : m’excuser de tout ce que je pouvais me reprocher. Pourtant, dans les faits, je n’avais rien fait de mal. N’importe quel autre nouveau s’y serait pris de la même manière.

« J’avais vaguement parlé de continuer le basket quand j’étais aux États-Unis mais comme c’était sur facebook tu n’as pas dû voir ça. »

En parler c’était beaucoup dire. Oui j’avais posté une ou deux photos du seul vrai match que j’avais fait là-bas mais sans clairement parler de mes intentions de repratiquer un jour. Puis, comme je le disais, je savais pertinemment que Keito n’avait pas le moindre intérêt pour tout ce qui touchait de près ou de loin à un ordinateur.

« Enfin désolé. Je n’ai pas trop eu le temps depuis mon retour. » Tentais-je de me rattraper.

Cette excuse était tellement bidon. Certes j’avais eu des choses à gérer mais les occasions de le voir et de lui parler ne manquaient pas. Je savais où était sa chambre, je connaissais son numéro et de toute façon, même occupé, j’avais toujours réussi à me mettre dans ses pattes. Alors pas le temps… J’aurais pu en trouver si la peur n’avait pas été si grande.