Le lundi 3 juillet 2017

La ligne droite avant les examens. J'ai commencé mes révisions actives depuis un moment déjà. Il me faut d'excellents résultats cette fois encore. Pour faire fermer la bouche de l'autre, mais aussi pour espérer pouvoir choisir ma voie pour l’université, même si je n’y crois pas trop.

Mais là, on est après les clubs et juste avant le repas. Je n’ai pas envie de m’enfermer tout de suite pour réviser. J’ai envie de prendre l’air et de me vider l’esprit. Alors, je me balade un peu dehors. Je vais vers la plage. Je profite du soleil. J'ai pris des trucs à grignoter au Konbini dans mon sac à dos pour me faire un pique-nique, même si je loupe le repas c'est pas grave du coup. Enfin, je ne vais sûrement pas y rester aussi longtemps. Je préviens Seito par message, au cas où il me chercherait.

Je ne décolère pas de ce qui s'est passé la semaine dernière. J'ai boudé et esquivé Pablo toute la semaine, mais du coup je ne sais pas s’il a eu envie de me contacter. Tant pis. Je suis encore trop énervée pour ce qu'il a dit vis à vis de Seito. Le fait qu’il parle si légèrement des deux coups qu’il lui a donnés, et qu’il envisage de recommencer. Même sous la pression, ou en colère, c’est inacceptable !

Je ne comprends même pas pourquoi Seito veut tant devenir son ami, dans ses conditions. Mais bon, ça ne me regarde pas vraiment. Il fait bien ce qu’il veut. Par contre, s’il recommence, je ne resterais pas sans rien faire. Ça c’est sûr.

J'arrive enfin à la plage, espérant que mon humeur s'adoucisse à la vue des vagues. Je suis de mauvaise humeur depuis une semaine, même si j'essaye de me contenir avec ceux qui n'y peuvent rien. Je crois que je n’aime pas les conflits. Avec Sojiro, ce n’était pas vraiment pareil. On n’a jamais été amis, donc se détester c’était simple.

Mais voilà, arrivée à la plage je vois Pablo qui semble s'amuser avec des galets sur la plage. Je le vois de dos, mais je l'ai reconnu aussitôt. Mon cœur se serre. J'en ai marre d'être en colère, mais en même temps dès que je pense à ce qu'il a dit... Mes poings se serrent à nouveau.

- Joder, j'suis bon à rien aujourd'hui.

Ne fait pas l’enfant Mitsuki. J’entends la voix de ma mère dans ma tête et je soupire. Je me mets un peu en retrait, derrière lui. Il a les pieds dans l’eau et fait des ricochets, ou du moins essaye, dans la mer. C’est pas seulement dans les lacs qu’on peut faire ça ? Je ne dis rien des sujets qui me rongent. J’imagine que… Je dois lui laisser au moins la chance de s’expliquer ? Aussi, je me contente de demander :

- T'essaye de faire des ricochets dans la mer ?

Il lance un autre caillou, mais son mouvement semble plus raide. Il se retourne et nos regards se croisent. Il soupire ensuite, levant les yeux au ciel et jette sa petite poignée de cailloux restante.

- Ouais, mais rien de glorieux. J'te laisse profiter de la plage tranquille ou... T'aurais 5 min ?

Bon… Bah c’est le moment on dirait ? Sauf que je suis toujours en colère et sur la défensive. Même si je n’aime pas ça, je lance malgré moi :

- Ca dépend pourquoi. Tu veux me dire que tu veux encore taper Seito ?

Oui c’est gratuit, et je ne suis pas vraiment fière de moi, mais bon. Il semble contrarié. Son expression faciale semble contrariée.

- Non, pas cette fois. Mais si t'es pas d'humeur, on parlera plus tard.

Quoi ? Moi ? Pas d’humeur ?! Il fait quelques pas vers moi, ou vers je ne sais quoi mais s’arrête à ma hauteur.

– C’est toi qui voit.

Ouais, bon. Il le mérite mais je ressens quand même du regret en moi. Je peux écouter au moins ce qu'il a à dire, j’imagine ? Le voir ronger son frein et garder son calme me conforte dans cette idée.

- Non, c'est bon vas-y. Dis-moi.

Pablo se tourne alors vers moi et nos regards se croisent à nouveau.

- Même si j'étais en train de péter les plombs l'autre jour, ça aurait pas du se retourner contre Seito, ni Montoro, ni contre toi.

Il a l’air sincère. Il prend un temps de pause et reprend :

- Vous vouliez m'aider, et même si j'voulais être seul j'avais pas à vous parler comme ça. Ni être aussi méchant et menaçant. J'comptais pas le frapper, si jamais, c'était juste... Une menace très débile pour essayer de te faire partir. J'ai été con.

Ah bah ça pour le coup, oui il a été con. Au moins, il le reconnait.

- Tant mieux si tu t’en rends compte !

J’hausse les épaules. On m’a toujours dit que j’étais « trop gentille », que je « pardonnais trop vite » et trop facilement. Bizarrement, j’ai l’impression que cette Mitsuki là est en train de disparaitre. Et je compte bien ne pas me faire avoir. Moi, je m’en fou de ses excuses vis-à-vis de moi. Je lui avais dis qu’il pouvait mal me parler, et il n’a même pas été trop loin avec moi. Avec Seito par contre …

- T’as pas intérêt à frapper Seito une autre fois par contre. Je ne te le pardonnerais pas.

Et là, sa réponse n’est pas celle que j’attendais.

– Tant qu'il ne me cherche plus de noises, ça devrait plus arriver.

Heureusement, après un soupire, il continue :

– Mais je ferai en sorte d'éviter. J'ai pas envie de... de bousiller ce qu'on a pour un excès de colère.

Ce qu’on a ? Je n’avais pas l'impression que notre amitié était si précieuse à ses yeux, mais bon. J'ai dû me tromper. Je préférerais qu’il ne touche plus Seito par amitié, compassion ou juste de façon « normale », mais bon. Si l’objectif peut être assuré de cette façon, tant mieux.

- Ok. Y a d'autres moyens d'envoyer bouler les gens qui nous embêtent, tu sais ?

– Alors va falloir m'apprendre, parce que gueuler et être violent ça a pas l'air de marcher...Ni dire "laisse-moi tranquille" d'ailleurs.

Non mais là… Il fait exprès de me provoquer, ou quoi ?! Calme-toi Mitsuki. Il a présenté ses excuses, essaye de comprendre son point de vue.

- Peut être que c'est justement ça le problème. Gueuler et être violent. On a pas vraiment envie de laisser un ami "gueuler et être violent". On a pas envie de le laisser "tranquille".

Je me maitrise comme je peux.

– Alors faut dire quoi, pour qu'on te laisse gérer sa colère solo ?

Cette fois j’hausse les épaules. J’ai envie de lui dire qu’il ne faut pas montrer sa colère si on ne veut pas que les autres nous viennent en aide. Mais bon, qui suis-je pour lui dire quoi faire ? Personne.

- Je sais pas, moi je vais courir sans parler aux autres et sans gueuler. Ou je vais nager.

Ca m’évite de taper des scandales à l’école, au moins.

- La prochaine fois je partirai au lieu de vous faire détaler, ça semble moins idiot...

Je lève les yeux au ciel et soupire, prête à le disputer à nouveau, du style : ''Ou sinon, tu ne peux pas accepter que les gens puissent t'aider ?!''. Mais il m'empêche de parler en me prenant le poignet. Je ressens des picotements mais je n'y fais pas attention. Il me fixe dans les yeux et je reste muette.

- J'suis sincère quand j'te dit ne rien vouloir bousiller. Je tiens à toi, alors j'ferai gaffe. J'te promet.

Je ressens une nouvelle fois sa sincérité. Et même si ce n’est pas pour les bonnes raisons, au moins il ne touchera plus mon ami. Enfin, mon petit ami !

- D'accord, je te crois.

Pablo continue de me regarder dans les yeux et je soutiens son regard. Ses yeux verts. Est-ce que j’aurais pu ne jamais lui parler à cause de cette histoire ? Je ne sais pas. Je ne sais pas si je suis totalement calmée non plus, j’imagine que ça viendra naturellement. Je n’ai pas de boutons « on / off ». Par contre, je suis résolue à ne plus le ghoster.

Ses doigts sont toujours autour de mon poignet, mais le moment semble être en suspens et je ne me vois pas me dégager la première. Soudain, pour je ne sais quelle raison, Pablo m’attire contre lui pour m’enlacer.

- Merci Kitty.

Si je n’étais pas aussi surprise, ce surnom me ferait sans doute sourire à nouveau. Ce n’est pas notre premier câlin, mais Pablo n’en a jamais fait sans me demander avant, en réclamant comme un gros chat. Pour le coup, je n’ose pas trop lui rendre son étreinte. Il faut dire que… Je sors avec Seito. Je crois que je n’apprécierais pas de voir Seito câliner une autre fille, donc l’inverse est surement vrai ?

Mais Pablo ne semble pas avoir retrouvé son sourire ni sa forme. Il est tactile, comme moi. Il a peut-être besoin de réconfort ? Alors, sans l’étreindre, je lui tapote tout de même gentiment le dos. Mon autre main reste le long de mon corps.  

- Y a pas de quoi !

Je suis un peu gauche, je ne me vois pas quoi dire d’autre. Pourquoi il me remercie d’ailleurs ? Il se décolle et se racle la gorge. Il se frotte la nuque et regarde plus loin. Je suis la direction de son regard, vers ses affaires.

- Excuse-moi, y'a Mori j'aurai pas dû. Même si y'avait pas d'intention chelou hein mais voilà. Écoute, je vais y aller, merci en tout cas de m'avoir écouté.

Pendant ce temps-là, moi je me gratte la joue. Mon tic nerveux, comme d’hab.

- Euh pas de soucis, et oui ok ! Rentre bien ...

Et je lui adresse un sourire, pour lui montrer que je ne suis plus fâchée. Il me sourit en retour, puis entreprend de mettre ses chaussures. Je le regarde sans le voir, repensant à tout ça.

Est-ce que j’ai été une mauvaise amie pour Pablo sur ce coup-là ? mais en même temps, je ne pouvais pas être une bonne amie pour Seito ET pour Pablo en même temps. Pablo me fait finalement signe.

- On se croise plus tard !

Ca ne m’aurait pas gêné qu’il reste, mais bon. Je lui réponds par un signe de la main et un sourire. Je le regarde partir quelques secondes, puis je me laisse tomber sur le sable et ouvert un paquet de bœuf séché. J’ai au moins besoin de ça pour me remettre de notre échange. Je prends direct mon téléphone pour écrire un message à Seito aussi. Je n’ai pas envie d’attendre de rentrer pour lui en parler, et puis si les autres sont dans la chambre, ce serait délicat.