Dans la demeure d'Hippocrate

Dans la demeure d'Hippocrate

17 Novembre 2018

Il y avait rarement quelque chose de réjouissant à participer à des examens médicaux, quand bien même ceux-ci étaient habituels. L’ambiance dans les pôles santé était toujours aussi vivante que celle d’un cimetière. Rien de bien étonnant : les gens qui s’y rendaient y allaient bien peu pour de bonne nouvelle… Celui de Kobe ne faisait pas exception. Si Félix prenait garde à prendre régulièrement des rendez-vous pour s’assurer de l’état de sa jambe, il redoutait toujours de s’y rendre. Orf. Pas qu’il s’attendait à recevoir une mauvaise nouvelle, loin de là, si sa jambe se mettait à faire des siennes, il serait le premier à le savoir. Mais il entendait toujours la même chose et ce depuis des années. C’était fatiguant, une perte de temps et d’argent. Mais nécessaire. Un peu comme votre rendez-vous chez le dentiste tous les six mois lorsque vous prenez déjà soin de votre santé buccodentaire, c’est super relou, mais il faut bien le faire !

L'homme s'était installé dans le coin de la salle d'attente, un peu à l'écart mais suffisamment bien placé pour observer l'entré de la salle. Il avait sorti un livre qu'il tenait de manière... original ? Tantôt à l'envers, tantôt à l'endroit, des fois sur le côté. ... De quoi paraitre bien étrange pour quiconque lui accorderait un coup d'oeil en soit. Il arrivait au bibliothécaire de relever de temps à autre le nez de sa lecture lorsqu'une nouvelle personne pénétrait dans le lieu. Si la grande majorité de ces personnes étaient de parfaits inconnus, il fut surpris en apercevant une tête blonde familière. Monsieur Kristianov ? Mmh. Venait-il voir un médecin en raison de ses problème de sommeil ? Ce n'était pas plus mal ! Si ça pouvait lui éviter de s'endormir pendant ses cours, ou pire, dans la bibliothèque.

Félix lui adressa un signe de tête en guise de salutation.

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Dans la demeure d'Hippocrate

17 Novembre 2018

C’était bien lui,le jeune dormeur que la gravité faisait chuter. Et il semblait aussi ravi d'être là que le bibliothécaire. A moins que ce ne soit le fait de se retrouver à côté de lui par dépit à cause du manque de place ? Mmh. Voilà qui serait vexant. Félix préféra balayé cette possibilité de son esprit. Il se reconcentra sur sa lecture jusqu'à entendre la remarque de Yulian. Il leva les yeux pour les poser sur son jeune interlocuteur.

- La surprise est réciproque, Monsieur Kristianov. J’espère que ce qui vous amène n’est rien de trop grave.

C'était tout ce que Félix pouvait souhaiter au russe en tout cas. Si la curiosité du bibliothécaire le poussait à en savoir plus, son côté coincé savait quand il fallait la faire taire. Les gens qui venaient ici n'avaient pas forcement envie de partager leur état de santé, c'était quelque chose qu'il fallait savoir respecter. Si Monsieur Kristianov souhaitait en parler, il le ferait. Sinon, ce n'était pas à lui de creuser. Aussi, pour se concentrer sur autre chose, l'homme s'attarda sur la question du jeune homme.

Il en serait presque vexé si, effectivement, sa manière de tenir son livre ne tenait pas du ridicule. Mais là, en l'état, il ne pouvait pas reprocher sa remarque à Yulian.

- Je ne fais pas semblant. Seriez-vous, par hasard, familier avec le terme de littérature ergodique ?

C’était une question rhétorique plus qu’autre chose. Évidemment que Félix s’attendait à ce que Yulian lui réponde non. Mais, eh, qui sait ? Il y avait toujours moyen d’être agréablement surpris.

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17 Novembre 2018

Le jeune homme sembla hésiter un instant avant de répondre. Et lorsqu'il le fit se fut... Vague ? C'est dingue, on se serait presque cru à la plage. Ah. Vague, plage... Tout ça ? ... Ahem. Bref. Félix haussa un sourcil et baissa ses lunettes, regardant légèrement au dessus de ses verres.

- C'est à vous que je le demande.

Après tout, il était le plus à même de connaitre son état, non ? Mais du peu qu'il en disait, il ne s'agissait que d'un examen de routine. Ce qui pouvait explique son air enjoué. En tout cas, il ne s'agissait pas d'une urgence dramatique, c'était déjà ça. Comme on aurait pu s'y attendre, l'étudiant retourna sa question au bibliothécaire. Celui-ci ne prit pas vraiment le temps de la réflexion. Il répondit presque par automatisme.

- Un suivi régulier. Pour ma jambe. Histoire de vérifier que son état n'évolue pas de manière négative. Une perte de temps si vous voulez mon avis. Mais je ne suis pas médecin.

Même si cela lui déplaisait, il avait prit l'habitude de programmer ces rendez-vous. Et si Félix était bien quelque chose, c'était une créature d'habitude.

La discussion finit par dériver sur le sujet de la littérature. Comme s'y attendait le bibliothécaire, Monsieur Kristianov était bien ignorant de ce style de littérature. Fort bien. L'avantage du manque de connaissance par rapport à la bêtise, c'est que ça se corrige. ... Même si les remarques du jeune homme déclenchèrent un léger froncement de sourcil mécontent. Qu'était-ce donc que ces à priori enfin ?!

- Je vous l'accorde, le nom est complexe. La chose qu'il désigne beaucoup moins.

Félix fit une légère pause, cherchant la manière la plus simple d'expliquer le concept à son jeune interlocuteur.

- La littérature ergodique est une forme de littérature qui demande au lecteur un effort et une réflexion plus poussé que juste lire et tourner des pages. Les "livres dont vous êtes le Héros" appartiennent à cette catégorie par exemple. Des fois cela prend donc la forme d'un jeu, et des fois, cela ressemble à ceci.

Il tourna son livre en direction de Yulian, lui laissant entrevoir un texte en anglais partant dans tout les sens. À l'endroit, parfois à l'envers ou bancal, sans parler de certaine phrase inversé. Bref. Cela ressemblait plus à un imbroglio de mot qu'à un véritable texte et encore moins à une histoire que l'on pouvait suivre !

- La Maison des Feuilles est un classique dans le genre.

Ajouta-t-il rapidement en refermant son ouvrage, laissant le titre qu'il venait d'annoncer visible sur la couverture. En dépit de l'aspect pour le moins "repoussant" que pouvait prendre certaine pages de l'ouvrage, le défi que sa lecture représentait était amusante aux yeux du bibliothécaire. ... Ouais, après Félix a un sens de l'amusement très pesonnel et surtout très chelou, faut pas chercher.

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HRP : Exemple de la page montré par Félix

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17 Novembre 2018

Son grand-père ? Aouch.

- Oh je vous en prie, je ne suis quand même pas si vieux.

Félix savait bien qu'il ne faisait pas jeune et fringuant, la canne, les mèches blanches et son caractère n'aidaient clairement pas, mais de là à être comparé à un grand-père ?! Enfin. Il pouvait se consoler en se convaincant que les anciens possédaient une certaine expérience de la vie ainsi qu'une bonne dose de sagesse. Tout ça, tout ça. Il remis ses lunettes correctement en place.

Dans un premier temps, l'homme ignora la question concernant sa jambe. C'est que c'était quand même très personnel comme question garçon ! Et son coup d'oeil curieux n'était pas passé inaperçu non plus. A la place, Félix rebondit sur la remarque de l'étudiant concernant la possibilité de conseiller ce livre pour ses cours.

- Je m'y perd, des fois, mais on finis toujours par trouver une solution. Il faut voir ça comme une enquête, une énigme à résoudre, cela rend la chose bien plus agréable. Et réjouissez-vous, je n'ai pas vérifié s'il en existait une édition japonaise, impossible donc de le proposer à votre professeur. ... Quoi que. Avec un peu de recherche, je suis certains de pouvoir trouver quelque chose dans la même veine à lui présenter... Parfaitement par hasard. Bien entendu.

Tiens, serait-ce un sourire chafouin qui apparaissait très légèrement sur les lèvres du bibliothécaire ? Ouais. Ouais, c'était bien ça. Bon baaaaaah... Bon courage Yulian hein ! Quelques secondes s'écoulèrent en silence, laissant penser qu'il n'en dirait pas davantage. Ce ne fut pas le cas.

- J'ai eu un accident. Une mauvaise chute lorsque j'étais jeune.

Le ton ton était plat, ne laissant transparaitre aucune émotion, à part peut-être une simple résignation. Félix fit une pause, son regard vagabondant jusqu'à sa canne. C'est qu'on en faisait des bêtises lorsqu'on était jeune. Enfin. C'est comme ça qu'on apprend paraissait-il. Et il ne se considérait pas à plaindre. Orf, et puis quitte à raconter cette partie de sa vie, autant donner aussi la raison ridicule qui avait conduit à ce fameux accident.

- ... Je suis tombé d'un arbre en voulant aider un chat à descendre. Comme ma croissance n'était pas finie la cicatrisation ne s'est pas déroulé comme elle l'aurait dû. C'est une partie plus sensible qu'il n'y parait, le genoux.

En tout cas, cette histoire lui avait bien apprit une chose, les chats étaient des sales bêtes. Ça se débrouillait très bien sans personne mais ça voulait quand même se faire passer pour des petites victimes qui avaient besoin d'être secouru, tout ça pour se sauver eux-même dès qu'on avait commencé à déployer tout les efforts possibles ! L'homme coula un regard à son jeune interlocuteur.

- Puisque nous en sommes aux confidences, puis-je savoir ce qui nous vaut votre mine dépitée ?

Chacun son tour.

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