[FB - Immeuble d'Hikaru et Irumi] Hit the road, Irumi ! | Hikaru

Kobe, samedi 20 octobre, immeuble d’Irumi & Hikaru

Une goutte de sueur perle le long de la nuque d’Irumi. Elle glisse sur son épaule, dévale la courbe de son dos, et s’échoue sur la ceinture de son jean. Elle soupire, respire, râle. Ses muscles se bandent et se relâchent. Ils s'abandonnent à l’effort. Irumi explore les limites de son corps.

Putain !

Idée à la con, un déménagement toute seule. Parce qu’elle n’a fait qu’embêter Gareth lors de son arrivée de Kobe (et avant), pour la paperasse, les bons quartiers, les mauvais, et quelle est la meilleure banque ? Elle n’a pas osé lui demander de s’occuper de ses cartons. Irumi est fière d’elle et de ses performances à la salle. Si elle est capable de soulever son poids à la presse à cuisse, et un peu moins de la moitié au développé-couché, elle pourra bien récupérer ses affaires.

Surtout qu’elle n’a pas tout ramené de son appartement à Tokyo ! Son matelas, son frigidaire, et sa machine à laver sont neufs, elle les a achetés (et heureusement, parce qu’ils sont arrivés avant le reste des cartons) ; seulement ses livres, ses vêtements d’été, un sommier, une étagère billy, et un petit bureau. Rien de bien lourd.

Enfin, rien de bien lourd lors du premier aller-retour. Et puis ça va au second. C’est pas si terrible au troisième… Mais au dixième ! Presque un marathon. Surtout qu’avant cet exercice, il a fallu se taper plusieurs heures de conduite, entre Tokyo et Kobe. Heureusement que Ken, son compagnon du moment, a bien voulu l’aider à remplir le camion. Son amour a néanmoins des limites. Il a refusé de venir jusqu'à Tokyo pour tout vider… Il ne pouvait pas être plus clair. Merci, Ken, tout le monde a compris que le projet Kobe ne te fait pas plaisir.

M’enfin bon. C’est le onzième aller-retour, et Irumi ne tient plus sur ses jambes. Ses pauses sont de plus en plus longues et il reste le pire : les grandes planches (difficiles à attraper seule), et les cartons de gros livres.

Raaaaah ! J’aurai dû les vendre ces conneries.

Ce sont pourtant de beaux souvenirs.

   

Des gamins. Deux petits gamins. Et voilà qu’Irumi a dit un gros mot. Elle se mord la joue pour représailles. D’habitude, elle fait le maximum pour ne pas abîmer ces petits êtres fragiles. Les parents font tout pour bien les former et bam… Voilà qu’une dame mal lunée et énervée insulte le monde devant leurs petits yeux innocents. Bah c’est pas malin Irumi. Pas du tout intelligent. Elle cherche du regard le parent pour s’excuser quand elle tombe sur…

…Mais il est pas trop jeune pour être daron, lui ?

Et quand il l’aborde, elle se plie immédiatement en deux, s’attendant à se prendre une bonne rouste bien méritée :

Veuillez m’excuser, monsieur, je ne souhaitais pas user d’un mauvais vocabulaire devant vos… Enfants ? Cousins ? Frères ? Petits que vous gardez en tant que baby-sitter ? ...Devant les enfants.

Elle se redresse ensuite, très gênée et le regard fuyant, avant de comprendre que sa phrase n’était pas un sermon, mais plutôt une proposition d’aide, alors, elle se penche de nouveau pour s’excuser.

Vous êtes un voisin !

C’est encore pire, pense-t-elle. Maintenant à chaque fois que les petits vont la croiser, ils vont la voir comme une vilaine sorcière aux lèvres noires d’insultes. C’n'est pas possible.

C’est gentil ! Je…

Par fierté, Irumi aimerait dire non, mais en réalité elle ne le peut pas vraiment. Il lui reste encore trop de cartons, et le temps tourne, il faudrait qu’elle rende le camion qu’elle a loué avant que ce ne soit trop tard et toute seule elle ne va pas pouvoir faire grand chose.

Je veux bien, merci. Mais ne vous abîmez pas. On peut tout décharger dans le hall, je les remonterai avec l’ascenseur ! Juste le bureau…

C’est le seul meuble qui n’est pas démonté, et qui ne rentre pas dans l’ascenseur. Pas qu’il soit grand, plutôt qu’il soit profond.

   

Rassurée, Irumi ne feint pas de sourire. Bien sûr qu’un jeune père-frère-cousin-whatever de son âge n’a pas pu retenir tout son vocabulaire. Les injures, ce n’est pas ce qu’il manque dans la langue de Molière. Sus à l’Académie ! À nous de choisir nos propres règles. Un “merde” n’est plus une insulte, mais une interjection, une exclamation ! Un “merde”, ça ponctue. Un “merde”, c’est rien de bien mal.

De là à inviter tous les mômes du coin à crier “merde” à tout va, il n’y a qu’un pas ! Qu’Irumi ne franchira pas… L’immeuble est en partenariat avec l’Université, pas question de se faire des ennemis.

Les professeurs peuvent être de très mauvaise constitution.

Au troisième.

Ni trop haut, ni trop bas. Assez pour récupérer la chaleur des voisins du dessous, suffisamment pour ne pas faire trop d’exercice en cas de panne d’ascenseur. Irumi n’aurait pas pu mieux rêver. Ce n’était pas son choix, juste un hasard. Mais un heureux hasard !

Et merci beaucoup, vraiment, ça m’sauve.

Elle rejoint Hikaru dans le camion, hoche la tête pour valider sa proposition, et attrape l’autre côté du meuble. À la une, à la deux, à la trois, les deux gaillards s’élancent en dehors de l’engin direction la porte, puis, direction l’escalier. Une première petite pause avant de gravir l’everest, façon Inoxtag :

Prêt ?

Un sourire, et dès qu’il valide, elle soulève le bureau. Ses heures de muscu n’ont servi à rien. Le bureau est trop léger pour pouvoir se la péter. Léger, mais trop encombrant pour être monté toute seule. Sans trop de difficulté, ils montent le premier meuble à l’appartement. Clés dans le verrou, porte ouverte :

C’est complètement le bordel avec l’emménagement, on peut le poser n’importe où, je me débrouillerais… J’espère que vous n’êtes pas mon voisin du dessous, ça risque de grincer pendant deux, trois jours !

   

Les manches d’Irumi ne cessent de glisser le long de ses bras. Putain de manches ! Alors, il n’y a plus qu’une chose à faire, retirer le pull, ne garder que le T-shirt ! Elle le retire d’une traite alors qu’ils sont encore à l’appartement pour le lancer dans le bordel ambiant. Elle n’est plus à ça prêt, elle prendra le temps de le ranger…

…Lorsqu’elle prendra le temps de ranger tout le reste !

Au dernier étage ! C’est le meilleur endroit. Vous prenez tout le chauffage des autres, et en cas d’incendie, la porte du toit est super proche. Je suis presque jalouse, on ne m’a proposé que celui-ci, le troisième. Pratique pour le déménagement, mais ça n’a ni le confort du dernier, ni le confort du premier !

Elle rigole doucement en se dirigeant vers le coin cuisine de son appartement. Elle en sort une grande bouteille d’eau fraîche, et deux verres qu’elle pose sur le bureau.

Je peux vous proposer à boire, avant qu’on ne continue avec les autres meubles !

Sans attendre la réponse d’Hikaru, Irumi remplit les deux verres d’eau fraîche, ferme la bouteille, et la repose sur le bureau. Encore quelque chose qu’elle rangera “avec le reste, quand elle y pensera”. C'est-à-dire quand les cochons auront des dents. De très longues dents.

Elle fait un grand “aaaah” de satisfaction lorsqu’elle a terminé son verre, avant de faire sa curieuse :

Pourquoi avez-vous déménagé ici ? J’aurai voulu vous demander comment était le quartier, mais vous semblez être aussi nouveau que moi.